Soit une exposition, au Musée d’Histoire de Marseille, consacrée au Mai 68 dans la Cité Phocéenne. Bien construite pour renforcer un des courants dominants de ce cinquantenaire qui est de faire vivre cette histoire hors du seul Quartier Latin. Soit dans ce cadre un documentaire sur ces semaines censé être projeté tout du long de l’exposition. En donnant la parole à quelques uns de ses acteurs. Avec une supervision scientifique par l’historien Robert Mencherini. Normal, si tant est que tout ce qui touche à cette période puisse l’être ? C’est sans compter sur l’incroyable petitesse d’une Mairie aux abois, cernée qu’elle est désormais par les enquêtes de police.
C’est que dans ce documentaire apparaît un syndicaliste, Pierre Godard, à l’époque jeune lycéen. Et qui, évidemment parle de ces années exclusivement, en aucun cas de l’actualité. Mais on l’a vu par ailleurs c’est vrai plus d’une fois dénoncer les pratiques clientélistes. C’en est trop ! Sans même avoir visionné le film, les représentants de la Mairie interdisent sa projection lors de l’inauguration de l’exposition, et c’est le cas depuis lors. Et ils ont même le mépris assez poussé en ce qui concerne la chose et la vérité historiques pour demander de remonter le film…sans Pierre Godard. On avait fini par ne plus compter qu’avec les censures de fait, les pressions des directeurs de publication, avec les documentaires complaisants pour les puissants, avec les autocensures. Mais voilà qu’Anastasie, la dame censure directe, se réveille avec ses longs couteaux… Ou comment passer, en pleine commémoration, de « interdit d’interdire » à autorisation de le faire, ridiculement si besoin.
Une fois revenu de la surprise devant de telles remontées de bile aigrie, une fois qu’on s’est dit que décidemment pour certains rien ne change, on constate que finalement l’affaire dépasse la bouillabaisse marseillaise. Que rien n’est jamais acquis, sur ce terrain de l’expression libre comme sur tellement d’autres. Et que le danger est là, appelant dénonciation et résistance.
Ci-dessous le communiqué des intervenants dans le documentaire : Jean-Claude Apparacio (à l’époque responsable de la CFDT), Pierre Amendola (à l’époque responsable de la CGT), Samy Johsua (une des figures étudiantes du Mai Marseillais) et donc Pierre Godard (à l’époque lycéen, puis figure du syndicalisme de lutte chez les territoriaux de la Ville de Marseille)
Samy Johsua
Communiqué des intervenants dans le documentaire
En ces jours de commémoration du mouvement de Mai 68 et de ses fiers mots d’ordre, constater que la censure perdure laisse un goût amer.
Les faits : Le musée d’Histoire de Marseille a eu l’heureuse idée de réaliser une exposition sur les évènements de ces années là, à Marseille. Celle-ci comporte la projection permanente d’un documentaire dans lequel interviennent des acteurs de ces années là.
Doit-on dire « intervenaient » ? Lors de l’inauguration de l’exposition, le 2 Mai dernier, les autorités municipales provoquent la stupeur en interdisant la projection du documentaire. Ceci sans même avoir pris la peine de le visionner .
La raison évoquée explicitement ? Parmi les quatre témoins (P.Amendola, JC.Aparicio, S.Johsua, P.Godard ) le seul nom de ce dernier provoque la fureur.
Aujourd’hui retraité Pierre Godard qui fut un syndicaliste opposé avec constance à certaines politiques municipales apparaît comme un chiffon rouge.
Qu’importe si tout naturellement le documentaire ne fait aucune allusion à ces questions là, son témoignage doit être interdit, effacé, comme à la grande époque de l’ORTF si vivement mise en cause en 68. Une censure caractérisée, inacceptable Les quatre signataires, tous censurés, expriment leur solidarité avec les concepteurs de l’évènement et demandent que cesse au plus vite cette censure.
Ils appellent à la solidarité toutes celles et ceux pour qui Mai 68 devait marquer la rupture définitive avec ce genre de pratiques inacceptables !
Jean-Claude Apparacio, Pierre Amendola, Samy Johsua, Pierre Godard