- Lovania Pertab : «Abus sur enfants : nâayez pas peur ! Rapportez les gestes indécents, même si le prédateur est votre parent ! »
La Journée des droits humains est observée chaque 10 décembre. La plateforme militante Fam Ape Zwenn (FAZ) â Women Meet a réuni à cette occasion ses membres et le public à lâInstitut Cardinal Jean Margéot (ICJM), à Rose-Hill, mercredi dernier. Les membres fondatrices ont passé en revue les activités et ont abordé la marche à suivre sur les multiples aspects de la vie de tous les jours, qui sont ponctués dâinjustices et de manquements. « Avec le changement de gouvernement â qui, nous lâavons appris, a adopté un bon nombre de nos recommandations contenues dans notre plaidoyer dans son programme électoral â, nous avons espoir que les choses changeront », estime Joceline Minerve, membre fondatrice de FAZ.
Dany Perrier, ancienne députée MMM, clôturant de la rencontre, a mis en exergue tous les maux qui affligent notre société, la rendent malade, impactent les Mauriciennes et incidemment, les familles. « Drogues, violences, problèmes dans les domaines de lâéducation, du logement, des situations auxquelles sont également confrontées les femmes de Rodrigues et dâAgalega, tout cela représente un vaste chantier ! Nous en parlons, certes, depuis que FAZ a commencé ses opérations, en 2022. Entre-temps, comme Joceline et les autres membres lâont fait remonter, nous sommes sur le terrain, un peu partout dans lâîle, auprès des Mauriciennes. Notre travail pour amener du changement est loin dâêtre terminé ! » indique-t-elle.
Joceline Minerve ajoute quâ«il sâavère désormais très important que FAZ décentralise ses opérations et activités. Au fur et à mesure de notre présence aux quatre coins du pays, dans les différents secteurs où les femmes sont les plus impactées, nous nous rendons compte quâil serait très pratique dâavoir des cellules justement dans ces régions. Ce sera un meilleur moyen dâêtre auprès des Mauriciennes et de les aider. »
Le directeur de lâICJM, le Dr Jonathan Ravat, était invité à échanger avec lâassistance. Il sâest attardé sur lâimportance du respect et de la connaissance des Droits Humains, soulignant : « Il nây a pas que la partie qui concerne la loi dans les Droits Humains. Il y a cet élément qui remonte à loin, très loin dans lâHistoire de lâhumanité. » Lâanthropologue a expliqué comment dans les textes sacrés hindous, 4 000 ans avant Jesus Christ, il y est mentionné un élément caractérisant hommes et femmes. « Enn zafer extraordiner dan leker dimounn kiânn germe ek kontinie grandi. Malgré les injustices, les souffrances, les violences, les inégalités, ce petit quelque chose poursuit son petit bonhomme de chemin. Et câest ce que nous appelons lâhumanité », dit-il encore.
Le Dr Ravat a souligné que « malheureusement, la discrimination qui existe entre les hommes et les femmes cause beaucoup de tort ! Il ajoute que : « pa kapav pa selebre Zourne Drwa Imin ! Tout ce qui existe autour de nous concerne nos droits : la pauvreté, lâéducation, le logement, les terres, les discriminations⦠à lâICJM, nous réfléchissons, constamment, à comment améliorer nos prestations auprès des uns et des autres, avec le but avoué de respecter chacun. »
Comme dans la plupart des exercices de FAZ, tour à tour, ses membres sont intervenues pour évoquer maux, injustices, manquements et attentes. Lovania Pertab, autre membre fondatrice de FAZ, a marqué lâassistance quand elle est intervenue sur la question dâactualité, des sévices et abus sur des enfants. « Les gestes inappropriés sur des enfants, quand nous en sommes témoins, nous nâavons pas le droit de rester tranquilles ! » Elle a lancé un vibrant appel pour que « chaque personne qui voit quâun acte indécent, un comportement déplacé est commis sur un enfant doit absolument venir de lâavant et dénoncer ce prédateur ! Et cela, quâil sâagisse dâun parent à nous, un proche, un ami. Il ne faut pas du tout rester silencieux et ignorer. »
Le fléau des drogues au sein des familles, lâaccompagnement de ces dernières, évoqué par Pouba Essoo qui intervient auprès de lâOng Lakaz A tandis que Marlène Ladine, première directrice de lâunique centre destiné aux femmes victimes des substances (drogues et alcools), a parlé d’innombrables difficultés rencontrées par ces victimes, marquées à jamais; la spoliation des terres, dénoncée par Danielle Tancrel, pour citer ces quelques thèmes.
Le droit au logement, la situation dans les îles dâAgaléga étaient aussi au menu. Priscilla Bholanauth-Moothien, de lâOng Kat Tilapat, a, pour sa part, fait le récit de cas dâune jeune femme, mère de deux enfants, qui a à sa charge sa mère ayant subi une amputation. « Son conjoint croupit en prison. Li ti travay dan enn laferm zako : un des business les plus lucratifs de ce pays, et qui finance les élections ! Lâhomme était affecté à une tâche spécifique : il devait faire une injection dans le coeur de certains des singes qui, selon les patrons de cette entreprise, nâétaient pas bons pour lâexportation; car malades. Cet homme sâest acquitté de son travail pendant un mois, et il nâen pouvait plus ! Enn zour, linn ouver laport bann cages ek linn fer tou zako sorti⦠Certains de cette entreprise lâont alors surveillé et auraient fait porter de fausses charges pour le faire arrêter par la police. Il a déclaré quâil avait été battu et forcé de faire des aveux. Il a été condamné à quatre ans de prison. Voilà où lâécologie et les Droits Humains se rencontrentâ¦Â », dénonce-t-elle.
Les membres de FAZ ont expliqué quâelles poursuivent nos activités. « Et nous invitons ceux et celles qui veulent venir nous donner un coup de main à sâenregistrer auprès de notre formation. »
Christiane et Sangeeta : mères courage
Christiane Vigoureux habite Pont-Praslin. Sangeeta Jhurree et elle étaient présentes dans la salle de lâICJM ce mercredi. Ces deux femmes, aux cheveux grisonnants, font partie dâun groupe pas comme les autres. « Nou al okip bann malad abandone dan lopital. Nous faisons leurs toilettes, leur donnons leur bain, prenons soin dâeux. Zot pa gagn okenn vizit sa bann dimounn-la. Leurs proches et parents ne viennent jamais demander de leurs nouvelles⦠Câest très triste », témoignent-elles.
Chritisiane Vigoureux explique quâils ont commencé très jeunes. « Nous étions 28. Nous avons quasiment tous vieilli ensemble; il nây a pas de distinction de religion ni autre entre nous. Toutes les composantes de la société mauricienne sont présentes au sein de notre groupe. Et nous avons un deuxième petit groupe de six personnes, parmi un médecin, un prêtre et nous. Nous avons même été jusqu’à recueillir certains de ces malades chez nous. Ena ti ena bann scar. Ena zot ple inn fer bebe. Pitie pou gete sa. Mais le plus dur, câest de réaliser que ce sont des êtres humains qui ont été rejetés. Nombre de ces patients âinn res kot nou ziska zot morâ », racontent-elles.
Christiane et Sangeeta avouent quâelles ne sont pas « delika ». Ajoutant : «Nou tay zong, begner fer pansman, twalet⦠Mais nous ne sommes plus très jeunes et nous nâavons plus autant de force quâavant. » Elles lancent un appel « pour que dâautres Mauriciens viennent nous épauler et perpétuer le travail déjà bien entamé ».