Alors que le Request for Proposal en vue de la création de Côte dâOr City a été lancé, le CEO de Landscope Mauritius, Gérard Sanspeur, explique que cette nouvelle ville a lâambition dâêtre rigoureusement planifiée.
Gérard Sanspeur, la création de Côte dâOr City figure sur la liste des grands projets dâinfrastructure du gouvernement et a été annoncée par le PM. En quoi ce projet diffère-t-il de Highlands City ou de Heritage City ?
Le projet Côte DâOr City nâest pas comparable avec celui dâHeritage City. En revanche, le projet de ville désigné comme Highlands City était destiné au même site que la future Côte dâOr City. On sâest simplement aperçu, en cours de conception, que le cÅur de ville, au pied du Bagatelle Dam et à proximité du centre sportif, était plus proche de Côte dâOr que de Highlands, même si les terres sont celles de cette ancienne sucrerie. Au fil des années, des consultants successifs ont été recrutés, des rapports et des Master Plans soumis. Câest un projet qui sâétend sur quelque 2 000 arpents â la superficie accumulée de Quatre-Bornes et Rose-Hill â et sa conception prend du temps. Avec le recul, lorsquâon consulte ces rapports, on est mieux à même aujourdâhui dâévaluer la légèreté de certaines propositions dites stratégiques. Si cela avait été mis en Åuvre, le risque aurait été que lâon se retrouve, de lâautre côté de lâautoroute, avec un désastre semblable à celui de la Cybercité dâÃbène.
Quelle est la particularité de Côte dâOr City ?
Il faut tout dâabord souligner que Côte dâOr City a lâambition dâêtre une ville rigoureusement planifiée, la première fois depuis Mahé de La Bourdonnais en 1715. De surcroît, cet exercice de planification bénéficiera du savoir-faire et des modèles méthodologiques de lâurbanisme contemporain, notamment la consultation de la population, des ONG, des professionnels du bâtiment et de lâimmobilier. Des workshops et une concertation très large ont été proposés, y compris à travers les réseaux sociaux. Dâailleurs je viens de mettre, sur ma page Facebook, le Master Plan final et je suis heureux de constater quâil nây a pas eu de contestation.
Notre survie à tous dépend de notre capacité à anticiper la réalité de demain. Nous ne pouvons continuer à vivre comme nous le faisions auparavant. Les paramètres ont changé et, pour pouvoir sâadapter dans la durée, il faut prendre le pari de lâaudace. Voici quinze ans, peu de Mauriciens comprenaient le concept de développement durable. Aujourdâhui, nos écoles primaires et secondaires semblent tracer la voie à suivre. Le Mauricien comprend désormais intuitivement que son équilibre est lié à sa qualité de vie. Il répugne à augmenter son stress en passant du temps dans les transports. Il comprend à quel point la pollution urbaine est mauvaise pour sa santé. Il souhaite pouvoir marcher en toute sécurité dans un environnement verdoyant. Côte dâOr City vise donc à réparer les torts immenses faits à lâenvironnement à travers des aménagements de proximité, au sein dâune agglomération dense et compacte.
En quoi va consister cette ville ?
Comme on peut le lire dans le Master Plan rendu public en ligne, Côte dâOr City sera développée dans la ligne des pratiques dâurbanisme les plus reconnues, autour de plusieurs centres dont les sites sont aisément accessibles à pied. Lâidéal est de pouvoir promettre à lâhabitant dâun quartier que ses diverses obligations ne le conduiront jamais à plus de dix minutes à pied de chez lui ou de son travail. Pour ce qui est de lâharmonie, un cahier des charges dâaménagement urbain (Form-Based Code) a été élaboré afin de contrôler le développement de la ville, en lien avec les objectifs du schéma directeur/Master Plan.
Nous avons consacré beaucoup de temps aux choix du meilleur site. Nous avions plusieurs options. Nous avons décidé de commencer non loin des 2 000 lots consacrés aux résidences dont la construction a déjà commencé. On veut tout simplement doter la région dâun cÅur de ville dâune superficie de 150 arpents avec des espaces publics aménagés. De lâautre côté de lâautoroute, la Cybercité dâÃbène, quant à elle, va procurer à Landscope son premier projet dâassainissement urbain. Il y a une complémentarité intéressante à rechercher entre Ãbène Cybercity et Côte dâOr City. Les emplois en croissance dâÃbène financeront assez naturellement les logements demain disponibles à Côte dâOr City.
Le problème de fuite du réservoir ne se pose donc pas ?
Le terrain choisi se trouve en amont du réservoir de Bagatelle, upstream, le site est sur le terrain le plus élevé de la région.
Câest donc un projet viable ?
Beaucoup de projets échouent en raison de coûts dâinfrastructures énormes. Nous avons fait le choix de partager ces coûts avec le privé. Lors dâun voyage dâétudes à La Réunion, fin 2016, nous avons eu lâoccasion de visiter deux villes écocitoyennes, Beau Séjour et Ravine Blanche. Ces deux projets sont jusquâici des succès, que ce soit au niveau économique ou environnemental. Favorisant la mixité, ces villes sont aussi viables socialement. Les faits à lâétranger comme à Maurice ont démontré que lâétalement périurbain est créateur dâinégalités et de ségrégation, ce qui est susceptible de gripper lâéconomie. Personne ne sera gagnant si nous persistons à construire des communautés fermées, sources de frustrations pour une très grande majorité de nos concitoyens.
Que comprenez-vous par mixité ?
La mixité est la clé de tout projet urbain dynamique. Ce sont les mixed use neighbourhoods, la mixité des quartiers, mixité des fonctions, mixed income neighbourhoods, mixité socio-économique, etc.
La Réunion semble vous avoir beaucoup inspiréâ¦
La Réunion est le seul territoire de lâUnion européenne (UE) qui partage avec Maurice des données climatiques, des incertitudes cycloniques, les deux îles ayant aussi des biodiversités assez semblables, etc. Cette réalité insulaire au sud-ouest de lâocéan Indien doit satisfaire, à La Réunion, les exigences normatives et réglementaires de lâUE. Cela devrait être pour nous à la fois un laboratoire et un modèle. Landscope envisage dâailleurs, je vous lâannonce, de signer à brève échéance un contrat de consultance avec une société réunionnaise, Verso Consultants. Lâappel dâoffres et le financement ont été facilités par lâAgence française de développement. Cette dernière nous avait aussi mis en rapport, fin 2016, avec plusieurs sociétés, principalement publiques, de La Réunion. Cela avait permis deux jours dâéchanges, à Maurice, entre aménageurs et urbanistes de La Réunion et employés de Landscope.
Quel est le rôle de Landscope dans ce projet ?
La fusion des six compagnies dâÃtat qui a abouti à la constitution de Landscope nous a effectivement permis dâaffiner notre stratégie de développement. Nous essayons de tirer des leçons du désastre quâest la concentration de tours à  Ãbène, cela pour mieux rationaliser lâaménagement de lâespace à Côte dâOr City. On sâest demandé si lâÃtat devait agir comme promoteur. Tenant en compte les expériences précédentes, nous avons décidé que Landscope resterait avant tout un facilitateur, ayant surtout pour spécificité dâouvrir la porte non seulement aux gros promoteurs mais aussi à des âpetitsâ entrepreneurs avisés et dotés dâune vision novatrice. Côte dâOr City pourrait effectivement être pionnière sur la voie dâune réelle démocratisation de lâéconomie.
Landscope sera donc un Master Developer. Câest-à -dire que nous préparons le schéma directeur et encouragerons les petits, moyens et grands à participer. Notre stratégie consistera à laisser au privé le rôle dâinvestir dans les infrastructures. On sait exactement combien elles coûtent. Nous aurons un Cost Sharing Mechanism. Nous connaissons la valeur du terrain mais nous ne comptons pas entrer en compétition avec le secteur privé.
La compagnie Landscope est-elle prête à relever ce défi ?
Honnêtement, non, pas encore. On ne change pas en un an des habitudes ancrées depuis trois décennies, à plus forte raison quand la compagnie se retrouve également pionnière dans cette recherche dâun business model durable et plus inclusif.
La fusion a aussi consisté à prendre un gérant de portefeuille immobilier (SPDC) et un gérant de lots fonciers (SLDC), à y adjoindre un centre de conférence (SVICC) et un syndic de tours de bureaux (BPML), en espérant quâil en ressorte un aménageur dâespace, à lâoccasion bâtisseur de villes. Soyons raisonnables : il y a toute une panoplie de compétences et dâexpertises qui nous manquent encore, sans parler de la nécessité de restructurer Landscope pour mieux répondre à ses missions redéfinies.
Quelle sera la place de lâenvironnement dans cette nouvelle ville ?
Ce sera une ville verte. Il y aura non seulement des arbres en bordure de routes mais il y aura également des espaces publics conviviaux. Tout cela a été pensé. Par ailleurs, un des objectifs du projet est de rapprocher lâhabitat du travail, soit réduire lâempreinte carbone des déplacements quotidiens. Il existe déjà , par ailleurs, un plan de développement pour les premiers 150 arpents. Nous ne sommes pas dans le modèle qui encouragerait quelquâun à acquérir deux arpents de terrain quâil clôturerait avant dây construire sa tour au centre. Les promoteurs pourront acquérir 200 à 300 toises avec des instructions. La distance qui doit être laissée par rapport au passage ainsi que la hauteur sont codifiées.
Quand débuteront les travaux ?
Tout est prêt. Nous avons lancé les requests for proposals. Une fois cet exercice terminé, en mars, les constructions commenceront très vite.