De tous les fléaux auxquels lâhumanité a été confrontée depuis lâavènement de lâère préindustrielle, bien malin celui qui en trouverait un seul dâorigine anthropique nâétant pas lié de près ou de loin à notre modèle dâéconomie. Adulé par les uns, décrié par les autres, et quâon le veuille ou non, ce système est pourtant le ciment de nos sociétés modernes, seul garant en lâétat de notre évolution culturelle, de nos niveaux de vie et de nos connaissances. Au point que la croissance aura été élevée, en quelques décennies seulement, quasiment au statut de religion, tant il semble impossible dâimaginer un monde fonctionnant sur la base dâautres critères sociétaux. Quand bien même cette croyance nous pousserait droit dans le mur.
Parce quâil faut bien trouver un responsable à cet état de fait, la croissance apparaît dâemblée la coupable idéale. Pour autant, si lâon veut rester honnête, il faut reconnaître que la croissance nâest que le résultat dâune structure institutionnelle et de régulation typique, un peu comme si elle était inscrite dans notre propre évolution. Certes, cela ne change fondamentalement pas le problème, mais cette perception a au moins le mérite de replacer les choses dans leur juste contexte : la croissance est indissociable de notre cheminement. En dâautres mots, elle était inévitable !
Toutefois, que la croissance soit le moteur fatal de notre civilisation signifie-t-il pour autant que notre système ne puisse ou ne doive changer ? Certainement pas ! Car même si lâon se doit de reconnaître que la croissance aura permis à lâhumanité dâaccomplir un nombre incalculable dâexploits, toutes disciplines confondues, lâon se doit tout autant dâadmettre quâelle est aujourdâhui condamnée, en ce sens quâelle représente une menace certaine pour la vie. « Un régime de croissance infinie est incompatible avec le caractère fini des ressources non renouvelables, ainsi qu’avec la rapidité de régénération de la biosphère et des ressources renouvelables. Un changement radical est une nécessité absolue pour éviter une catastrophe brutale », expliquait en 2006 Serge Latouche dans Le pari de la décroissance.
Ãa y est, le mot est lancé ! Face à une croissance de tous les dangers, la seule alternative viable, aiment à le penser certains, est donc son exact opposé, la décroissance. Une nouveauté ? En fait, pas vraiment. Ce concept politico-socio-économique aura même atteint une certaine notoriété en 1972 avec la publication du rapport Meadows sur les limites de la croissance. Ce qui est relativement nouveau, en revanche, câest quâune prise de conscience commence à émerger, et que celle-ci nous ramène à lâurgence de trouver une parade aux défis actuels, changement climatique en tête. Dâoù le fait que le mot, bien que sonnant tristement à lâoreille, se fasse désormais plus présent.
Reste maintenant la question de la faisabilité. Serions-nous prêts à nous engager dans cette voie ? Combien de temps cela prendrait ? Et, surtout, la décroissance est-elle réellement souhaitable ? Avant dây répondre, demandons-nous dâabord ce que ce concept implique concrètement. La réponse, en fait, est simple. Puisquâelle se veut contraire à la logique de la croissance, la décroissance impliquerait une réduction de notre production, et donc de la consommation, avec pour objectif dâalléger notre empreinte carbone. Le tout dans un esprit de justice sociale.
à savoir si nous pourrions adopter le principe, la réponse est théoriquement oui. Sauf que, dans la pratique, il se buterait très vite à de puissants lobbys, à la fois du monde industriel et de la sphère politique, mais aussi des citoyens, qui peineraient à accepter une idéologie limitant leur propre développement. Ce qui répond donc à la deuxième question, « le temps que cela prendrait », et que lâon peut penser bien trop long dans le sens de lâacceptabilité du principe à lâéchelle mondiale.
Reste la dernière question : la décroissance est-elle souhaitable ? Et là , il apparaît clairement que non ! Ou, pour être plus précis, disons quâelle lâaurait été si, il y a trois ou quatre décennies, nous avions choisi ce chemin. Il faut en effet comprendre que la décroissance implique une « transition », sous-entendant que le changement nâest pas radical et nécessite de franchir divers paliers. Or, tout cela prend du temps, et du temps, nous nâen avons plus. Certains diront bien sûr quâil nous reste la possibilité dâune rupture spontanée avec le système, mais imaginer que le monde accepte de descendre tout un escalier alors quâil hésite déjà à poser le pied sur la première marche supplante carrément le concept dâutopie.
- Publicité -
EN CONTINU â»