Le début de chaque année est synonyme de rentrée des classes. Sauf pour le tertiaire où l’année académique est déjà bien engagée. Toutefois, en ce début de 2025, cette rentrée comporte une dimension plus élaborée, voire politique : la rupture, avec l’avènement du gouvernement de l’Alliance du Changement, issu des urnes du 10 novembre.
Évidemment, au cours de ces quarante-cinq premiers jours depuis la prestation de serment des ministres, le gouvernement a mis en avant des mesures, dont certaines touchent le monde de l’éducation. Avec son message à la nation du 1erᵉʳ janvier, le Premier ministre, Navin Ramgoolam, propose deux axes d’action gouvernementale : faire de 2025 une année d’espoir et de reconstruction.
Un vaste chantier où l’adhésion de tout un chacun est une condition sine qua non. La déclaration de politique générale, dont la lecture sera donnée With Full Regalia par le président de la République, Dharam Gokhool le 24 janvier à l’Assemblée nationale, déclinera les étapes et ingrédients susceptibles de susciter cet élan d’espoir et de reconstruction.
Toutefois, dans son message à la nation dans la soirée du 1erᵉʳ janvier, le chef du gouvernement a donné un avant-goût avec ce vibrant appel au sense of unity and patriotism de la population, en s’appuyant sur ce qui pourrait se présenter comme un triptyque, puisé de l’hymne national: “as one People, as one Nation, in peace, justice and liberty.”
Pour parachever cet espoir de Nation-Building – car c’est bien de cela qu’il est question à la veille du 60eᵉ anniversaire de l’accession de Maurice à l’indépendance – le message à la nation de 2025 singles out deux thèmes fédérateurs : l’éducation et la souveraineté territoriale. Certes, la mention du retour des trois Credits au School Certificate ne peut aspirer à se présenter comme un élément porteur de la philosophie intrinsèque de l’éducation.
Mais ce détail s’apparente davantage à la dimension de l’accès à l’éducation pour l’épanouissement de chaque individu. Est-ce une coïncidence que, dans une de ses homélies en ce début de 2025, année du jubilé – soit l’année où tout est remis à zéro – le pape François mette l’accent sur le fait que « l’éducation est un espoir pour tous, car elle ouvre les portes d’un avenir meilleur » ?
Beaucoup d’espoirs sont placés sur les retombées des prochaines Assises de l’éducation nationale, annoncées pour avril. Serait-il démesuré de dire que la rhétorique semble faire fi des stigmates laissés sur ceux qui portent le lourd fardeau des échecs, que ce soit à la fin des cycles primaire ou secondaire ? Le Foundation Programme in Literacy, Numeracy and Skills, proposé en remplacement de l’Extended Programme, est-il porteur d’espoir pour un avenir meilleur de cette jeunesse souvent – pour ne pas dire systématiquement – marginalisée dès le début du cycle secondaire ?
Les ambitions des Assises de l’éducation devront s’affirmer comme une rupture avec la course au taux de réussite académique, pour faire place à l’épanouissement de ces adultes de demain. Aucun tabou ne doit être écarté pour cet exercice de Thinking Out of the Box. La reconnaissance totale du Kreol Morisien dans le cursus scolaire ? La réappropriation de l’histoire de Maurice ? Ou encore une meilleure intégration de la création littéraire, dans sa globalité ? Autant d’éléments en mesure d’ouvrir les portes d’un avenir meilleur pour cette jeunesse confrontée à des fléaux toujours plus corruptibles, éloignant ainsi tout signe d’espoir.
Cette reconstruction envisagée, incluant la fin du processus de décolonisation, passe inévitablement par la consolidation de ce processus de Nation-Building. Effectivement, ce sera “As One People, as One Nation” que la République de Maurice pourra faire comprendre, une fois pour toutes, aux Nigel Farage de tous genres, abreuvés aux dollars d’Elon Musk – signes des ultimes remnants de l’ère coloniale – que les Chagos, dans leur intégralité (îles, cailloux de l’océan Indien, Blenheim Reef, sans oublier la vaste étendue maritime) appartiennent à Maurice de plein droit.
En septembre prochain, cela fera 60 ans que, lors de la conférence constitutionnelle de Lancaster House, les colons anglais, fidèles à leur ignominie abjecte de Divide and Rule, avaient exploité les nuances et différences politiques affichées par Maurice pour orchestrer un marchandage hideux sur l’indépendance de Maurice.
Aujourd’hui, grâce au scrutin du 10 novembre 2024 et à une majorité incontestable à l’Assemblée nationale, Maurice dispose des moyens légitimes pour se débarrasser des fardeaux de l’ère coloniale, en s’affirmant comme une Full-Fledged Republic. Cela inclut l’exercice de sa souveraineté sans partage sur son territoire et le rejet de ce cadeau empoisonné du 23 septembre 1965 sous la forme du Best Loser System. Mais l’antidote constitutionnel reste un authentique National-Building, où aucun Mauricien n’est laissé de côté.