En janvier 2017, l’introduction du Nine-Year Schooling dans le système éducatif avait ouvert la porte à de nouvelles perspectives pour l’enfant mauricien. Et surtout pour les parents, aussi stressés, si ce n’est plus, que les enfants prenant part à des examens, notamment en fin de cycle primaire. La Rat’s Race du Certificate of Primary Education (CPE) pour des places de choix dans le secondaire avait été éliminée.
L’introduction du Primary School Assessment Certificate (PSAC) s’était
imposée comme la formule magique, susceptible de permettre à l’enfant de
connaître un épanouissement personnel et académique intrinsèque. Mais
l’enfant, qui avait entamé son parcours scolaire de neuf ans en ce même janvier 2017, donc qui est à sa septième année du cycle proposé, aura-t-il tort s’il arrive à la conclusion que cette réforme ne se résume qu’en somme à une opération de Moving goal posts ?
L’heure du choix imposé à la fin du cycle primaire avec le CPE comme couperet a été repoussée de trois ans sous forme de National Certificate of Education (NCE) pour l’admission dans des académies. Une image ronflante même si ces académies ne sont autres que ces mêmes collèges d’État, jadis lorgnés par les meilleurs du défunt CPE. Leonard Cohen reprendrait ce thème, qui lui est si cher, à savoir New Skin for the Old Ceremony.
En tout cas, la réalité des conséquences du drame dans le secteur de l’éducation, avec ses cohortes d’élèves, entassés dans un Extended Programme sans issue, n’a jamais été si bien cataloguée de manière systématique que par le précédent évêque de Port-Louis, le cardinal Maurice E. Piat. Ce dernier ne s’était pas seulement contenté de dénoncer les méfaits de ces dérives. Le diocèse de Port-Louis,
partenaire sans égal dans le domaine de l’éducation, a conçu un projet avec
l’objectif d’une conversion de l’échec scolaire en une réussite technique.
Néanmoins, le stigmate de l’Extended Programme est un héritage lourd à
assumer par ces frêles épaules face au poids du préjudice du regard méprisant des autres camarades dans la cour de récréation. L’une des premières missions du nouvel évêque, Mgr Jean-Michaël Durhône, a été de se mettre à l’écoute du mal-être de ces élèves parqués dans ces classes marginalisées de l‘Extended Programme.
Le nouveau ministre de l’Éducation, Mahend Gungapersad, dans sa sagesse de pédagogue, conscient de ce handicap insurmontable, a cru nécessaire d’enterrer cette filière académique sans issue. Une sage décision avec l’élimination de la ligne séparant ceux se rendant dans des classes d‘Extended Programme et les autres, ce symbole d’une discrimination perfide dès l’entrée en secondaire.
En prévision des consultations, qui démarrent aujourd’hui à l’Éducation House et qui mèneront aux Assises de l’Éducation d’avril de l’année prochaine, tous les partenaires ayant à cœur l’épanouissement de l’enfant mauricien, y compris le ministre lui-même, savent que le chemin à parcourir s’annonce ardu et jonché d’obstacles.
Oui. Car c’est vrai, d’autant plus dans un domaine comme l’éducation,
la tentation de se faire draper de l’arrogance Mo Konn Tou est incontournable.
Au-delà de la diversité et de la différence dans les opinions et des approches
surgissant lors des échanges et des délibérations, l’exercice doit d’abord et avant tout rétablir l’estime de soi et la confiance réciproque entre les stakeholders. Un exercice facile à dire.
Depuis son installation à la tête du ministère de l’Éducation, Mahend
Gungapersad a mis le doigt sur la plaie des conséquences d’une absence de
dialogue. Mais force est de constater que sa palette d’interlocuteurs laisse voir un point vulnérable.
Un élément essentiel du puzzle de l’éducation manque à l’appel à côté des
syndicats des enseignants du public et du privé, de la Fédération des Managers et autres intérêts. Il est vrai que la fin de l’année est synonyme de
préoccupations pour des examens ou de vacances scolaires.
La voix des élèves, qui fait cruellement défaut en ce début de débats sur
l’éducation, mérite d’être entendue. Les élèves de la République, où qu’ils se
trouvent, même à Rodrigues et à Agalega, constituent le Prime Target de tout projet éducatif. Les ignorer équivaudrait à prendre un mauvais départ. Le ministre de l’Éducation, aussi rempli de bonnes intentions, ne peut se permettre ce luxe.
Un hasard de l’Histoire fait que la tenue des Assises de l’Éducation en
avril 2025 interviendra à la veille des 50 ans de Mai 75, des étudiants,
événement qui a bousculé l’establishment politique post-indépendance,
n’hésitant pas à oser introduire l’éducation gratuite au secondaire avec les
élections du 21 décembre 1976…