Questions à… Sydney Pierre (Junior Minister du Tourisme) : « Pour que Maurice redevienne un No problem in Mauritius ! »

Présent à la 7e édition de Like a Local du Groupe Attitude au Ravenala, Sydney Pierre, Junior minister du Tourisme, estime que si Maurice veut gagner la bataille contre la concurrence, ce ne sera pas avec la plage et le soleil, mais avec son hospitalité. Son souhait : redonner sens à cette anecdote véridique selon laquelle, autrefois, des t-shirts arborant le slogan “I’ve been to Mauritius, no problem in Mauritius” étaient offerts aux clients qui quittaient le pays. Un de ses dossiers prioritaires sera aussi de redonner de l’emploi aux Mauriciens dans les hôtels afin que, quand le client vienne à Maurice, il soit servi « like a local », avec un sourire authentique et légendaire. Pour cela, il mise sur la formation, mais aussi pour ramener de la main-d’œuvre locale et, surtout, pour revoir cet alignement par rapport aux chambres disponibles dans les hôtels, les places dans les avions et le coût du billet.

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Like a Local, événement annuel du Groupe Attitude, attire les tour-opérateurs et les agences, en plus de connaître un succès basé sur cette authenticité de vivre comme un Mauricien pour les touristes en vacances. Que pensez-vous de ce concept ?

Je dois remercier et féliciter le Groupe Attitude pour cet événement. Like a Local nous permet de nous exprimer comme un local, et l’un de nos objectifs, au ministère du Tourisme, avec Richard Duval, est de redonner à Maurice la place de No 1 sur le podium en termes de destination. D’autant que Maurice est connue pour son hospitalité légendaire. On doit donc commencer par attaquer le dossier branding. Et le nom qui m’est venu provient d’une anecdote, laquelle cadre avec le concept Like a local. À savoir cette époque où des t-shirts étaient offerts aux clients qui quittaient Maurice, et sur lesquels étaient écrit : « I’ve been to Mauritius, no problem in Mauritius ». Mon souhait est de faire Maurice redevenir ce « No problem in Mauritius ».

Pourquoi ce « No problem in Mauritius » vous tient-il autant à cœur ?

À l’époque, quand on débutait dans l’hôtellerie, l’anglais n’était pas bien exprimé par le personnel. Il était plus facile de dire à un client No problem que d’entrer dans les détails. Cette histoire est véridique. Maurice a été connue pour cela. Ainsi, même si un client demandait un produit qu’il n’y avait pas, au lieu de chercher une solution, le No problem in Mauritius était la formule toute trouvée.

Avec le concept Like a Local que le groupe Attitude a mis en place, il vient démontrer aux tour-opérateurs, aux agents de voyages et aux réceptifs présents comment est la vie à Maurice. Attitude a ramené cela dans son cadre hôtelier afin que le tour-opérateur découvre ce que le groupe veut démontrer à son client tous les jours, et qui repose sur l’authenticité mauricienne.

Ce que nous avons à vendre, et qui nous démarquera de la concurrence, ce qui fait que nous avons toujours été le No 1 dans la région, ce n’est pas nos plages, mais la gentillesse et l’hospitalité mauriciennes. C’est cela notre point fort. Un de nos dossiers prioritaires sera ainsi de ramener de l’emploi aux Mauriciens dans les hôtels afin que, quand le visiteur arrive, il soit servi Like a Local avec un sourire authentique et légendaire. Si nous voulons gagner cette bataille contre la concurrence, ce ne sera donc pas avec nos plages et le soleil, mais avec notre hospitalité.

Fer letour lemond, okenn destinasion pa pou kapav bat Moris. Les autorités agiront comme facilitateurs. Il y aura ainsi des formations. Mais tout le monde devra mettre la main à la pâte, de même que les hôtels et la société civile, qui doivent comprendre que, pour gagner cette bataille, il faut ramener de la main-d’œuvre locale dans nos hôtels, surtout les Frontliners.

Pouvons-nous mesurer la performance de Maurice uniquement qu’en termes d’arrivées, selon vous ?

Le ministère a des statisticiens, car il faut mesurer en termes de chiffres tout ce que nous faisons. Mais nous avons envie de ramener des acteurs et, surtout, des journalistes quand nous survolons le dossier tourisme afin de comprendre notre démarche. Nous ne pouvons mesurer la performance de Maurice uniquement en termes d’arrivées touristiques, ni même en revenus par touriste. Nous ne pouvons pas nous calquer sur les dépenses du touriste, ni le mettre dans les rangs d’une certaine catégorie d’hôtel, car si nous le jugions par catégorie d’hôtel, il pourrait aussi ramener plus de revenus. Ce qui signifierait que nous ne nous inquiétons pas des petites et moyennes entreprises. Nous, ce n’est pas l’industrie hôtelière que nous voulons développer, mais l’industrie touristique, incluant donc les hôtels, mais aussi les petites et moyennes entités.

Dans chaque interview, je rappelle qu’en sortant du Covid, les hôtels, et surtout les grands groupes hôteliers, ont pu sortir la tête hors de l’eau, mais pas les petites et moyennes entreprises, qui souffrent encore. La responsabilité du ministère du Tourisme est de faire en sorte que le soleil brille également sur les petites et les moyennes entreprises.

Peut-être que cela affectera les revenus, mais ce n’est pas cela que nous devons mesurer : nous devons pouvoir mesurer la performance, voire la réussite, d’une industrie à travers chaque évaluation d’entreprises. Si nous pouvons ramener des modèles et des outils, nous travaillerons dessus pour que, dans chaque segment de l’industrie, la performance soit reconnue. Mais nous ne pouvons que mesurer seulement en termes d’arrivées. Pour moi, l’objectif réel, ce ne sont pas les chiffres.

Dans le passé, il y a eu beaucoup de débats autour des arrivées chiffrées de touristes, pour faire 1,3 million ou 1,4 million d’arrivées. Ce que je veux, c’est savoir ce que ces chiffres représentent par rapport à chaque entreprise, chaque business. C’est de mesurer pour chaque hôtel, en considérant les chiffres de l’an dernier et les chiffres avant le Covid, le revenu par chambre disponible. Je mesure par segment, par hôtel, en demandant un Survey pour chaque entreprise, et ce, afin de comprendre comment arrive la réussite. Parce que les chiffres d’arrivées touristiques ne démontrent rien.

Nous devons aussi nous occuper de tous ceux à qui le ministère a donné un permis d’opération. La vision de Richard Duval, couplée à la mienne, est de nous assurer que chaque client qui vienne à Maurice soit en sécurité. Ce qui est primordial. Idem pour les avions. La base doit être là pour que, de l’aéroport à son arrivée, et jusqu’à son départ – ce que nous appelons le Customer Journey, le client soit à l’aise.

Idem pour notre environnement, qui doit rester propre. Chaque entreprise qui a une licence au niveau de la Tourism Authority doit ainsi s’assurer qu’elle peut délivrer une plateforme propre. Dans tous nos lieux touristiques et autres infrastructures, on doit s’assurer que ceux ayant un permis opèrent selon les normes et les standards du ministère du Tourisme.

Nous devons revoir notre seuil de tolérance en termes de qualité. C’est le minimum que nous demanderons aux opérateurs. L’image de la destination doit être rehaussée. Tout cela doit être accompagné d’incentives, tout en revoyant le mode de recrutement et de rémunération.

Faudra-t-il aussi revoir le prix des billets d’avion ?

Je ne peux répondre sur les prix des billets destination par destination et marché par marché rapidement. Il faudra pour cela un temps d’évaluation. Mais à ce jour, effectivement, sur un pays à 11 heures de marchés émetteurs comme la France, l’Angleterre ou l’Allemagne, nous sommes désavantagés par rapport aux concurrents qui ont moins d’heures que nous. Il y a aussi des taxes qui impactent le prix des billets d’avion. Pour moi, il devrait y avoir un alignement par rapport aux chambres disponibles dans les hôtels, avec des places disponibles dans les avions et les prix des billets.

Si les billets d’avion sont chers et que les hôtels sont remplis, je n’ai aucun problème. Si par contre les chambres d’hôtels sont vides et que le billet d’avion est cher, c’est là le vrai débat. Y a-t-il un alignement ? Nous avons aussi le segment Visit Friends and Relatives (VFR), avec un tarif spécial en juillet-août, basse saison pour les hôteliers. C’est la période où tout le monde vient en vacances, et les Mauriciens prennent aussi place sur les avions, ce qui crée une sorte d’embouteillage… Quand il y a beaucoup de demandes, le prix aérien monte. De fait, cet alignement chambres d’hôtels/prix d’avion/disponibilité doit être mis en place. Il faut une table ronde avec les opérateurs pour connaître le nombre de places dans les chambres d’hôtels ainsi que les billets d’avions disponibles.

Il y a aussi des choses à revoir à l’aéroport, à l’immigration… C’est mon quatrième jour en fonction (au moment de l’interview, NdlR), et du nombre de dossiers sur lesquels nous nous sommes déjà penchés, un des prioritaires est le Festival Kreol, qui se fera vers la mi-décembre. Nous avons en effet la perception que quand nous parlons créole, c’est lié à une communauté, alors que la créolité s’adresse à tous ceux qui vivent dans une île. Et nous voulons vivre ce mauricianisme comme plateforme, avec un message fort.

Depuis le Covid, les jeunes hésitent à se lancer dans l’hôtellerie. Quel est votre avis ?

La question de l’emploi est mon cheval de bataille. Moi, j’ai grandi dans le tourisme, ce qui m’a permis d’être ce que je suis aujourd’hui, car j’ai commencé au bas de l’échelle. Nous avons eu une réunion avec le commissaire du Tourisme de Rodrigues et nous invitons les Rodriguais à nous rejoindre dans cette bataille. Nous sommes sortis de la crise du Covid il y a trois ans, mais à ce jour, nous n’avons toujours pas vraiment de bonnes initiatives pour amener un vrai modèle de formation pour les jeunes. Nous ne pouvons pas demander à quelqu’un de faire le serveur dans un hôtel en ayant un HSC ou un degré. Beaucoup de directeurs d’hôtels n’ont même pas un SC, mais ils ont commencé au bas de l’échelle et ont grandi.

Beaucoup de jeunes tombent dans les fléaux sociaux, et nous pouvons pouvoir leur donner des sources de motivation. Je me lance comme défi d’emmener ces jeunes à se former, et dans deux ans, on récoltera les fruits de ce travail. Mais c’est aussi le travail de l’académie d’hôtels. Si un jeune choisit d’évoluer à Maurice, alors nous aurons gagné cette bataille pour qu’il reste dans le circuit local.

Les hôtels doivent remettre leur école d’académie et les jeunes doivent venir nous rencontrer. Et si on veut que Maurice redevienne No 1 en termes de destination touristique, il n’y a qu’un seul élément pour y arriver : le sourire des Mauriciens. Nous pouvons former, mais amener cette hospitalité légendaire des Mauriciens est tout aussi important. C’est ainsi que nous pourrons ramener de l’emploi aux jeunes et aux Mauriciens en général.

Pas mal de plaisanciers font également face à de nombreux problèmes. Y a-t-il un plan d’accompagnement à leur intention ?

Définitivement. La démocratisation de l’économie et de cette industrie est au centre de tout ce qu’on a dit et de ce qu’on fera. Il est important d’encadrer ces personnes; c’est notre responsabilité en tant qu’autorité de les former. Un permis d’opération n’est pas suffisant. Dès le premier jour de ma mission, j’ai fait un Survey pour m’assurer du bien-fondé de toutes les licences d’opérations délivrées et des chiffres d’affaires pour les petites et moyennes entreprises… Il n’y a pas que les plaisanciers, mais aussi beaucoup de petits restaurants et autres. Nous en sommes à faciliter les accès pour revoir la cause de ces licences bloquées. Tout est sous radar. L’objectif est que quand un visiteur vient à Maurice, il se sente en sécurité, car on sait où il va. Les petites et moyennes entreprises et les plaisanciers sont au cœur de nos préoccupations. Il est important que chacun sache qu’il a un rôle à jouer, et ce, de la même manière qu’on les encadrera au niveau du marketing et de l’accompagnement. Il est crucial qu’ils sachent aussi qu’il y a des attentes en termes de sécurité et des normes environnementales à respecter.

En tant que professionnel de l’hôtellerie, quel est votre plus grand rêve en cette fin d’année ?

D’abord, que nous passons une saison festive extraordinaire, où le Mauricien se retrouve dans un encadrement correct, et que nous soyons motivés à servir nos clients, qui ont rêvé de venir à Maurice pour la première fois et qui ont vu nos brochures d’hôtels. Et que le Mauricien aussi bénéficie de suffisamment d’encadrement pour qu’il se sente motivé afin de délivrer ce « grand sourire » légendaire. Que nous ayons ce sens de l’accueil et que l’on assure la sécurité, que ce soit à l’hôtel, mais aussi lorsque le client sort de l’hôtel et part à la rencontre de la population.

Le ministère du Tourisme, à travers Richard Duval et moi-même, s’engage dans cette mission afin que les hôteliers puissent retrouver l’envie de voir les touristes visiter l’île, ainsi que pour que le Mauricien accueille ses clients les bras ouverts. Voyager, c’est aller à la rencontre d’un peuple; c’est cela ma devise. Moi, après 35 ans passés dans l’hôtellerie, j’ai la même passion, le même dévouement et le même engagement, et je suis heureux de me retrouver au ministère du Tourisme pour pouvoir pousser mon engagement encore plus loin.

(Propos recueillis par Corinne Maunick)

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