L’ère du vrai changement

La dernière séquence ayant été bouclée avec l’installation de l’Attorney General Gavin Glover et l’intronisation d’un nouveau président de la République et de son adjoint, le travail, immense, peut commencer. Les dernières nominations sont de nature rassurante puisque le Premier ministre a fait le choix de personnalités qui sont connues et respectées dans leur domaine de compétence.

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Aucune nomination ne peut faire l’unanimité, mais celles qui ont été faites ces derniers jours ont au moins le mérite de ne choquer personne par leur caractère outrageusement partisan. On est loin de ce qui se pratiquait sous l’ancien régime.

Que les attentes soient grandes n’a rien de surprenant. Le changement, c’est maintenant, s’impatientent certains, ceux qui ont opté pour le dégagisme et le renvoi d’un régime qui les suffoquait. Il y a aussi ceux qui encensaient « nou premie minis » jour et nuit. Mais après un deuxième conseil des ministres et un mois après les élections, il ne faut pas s’attendre à un Big Bang.

Il faut apprécier ce qui a déjà été accompli. Ce n’est peut-être pas grand-chose, mais il y a des mesures qui vont immédiatement changer la vie des gens. On pense là à ce qui a été fait en urgence pour maîtriser le foyer toxique de Mare Chicose, un brasier irrespirable pour les habitants avoisinants laissé par l’ancien gouvernement.

Il y a aussi l’éducation, un autre vaste chantier qui va démarrer sur de nouvelles bases en janvier. Le ministre Mahend Gungapersad s’est vite mis au travail pour assainir un secteur gangrené depuis des années. Les parents savent au moins à quoi s’en tenir en attendant les assises de l’Éducation en avril prochain.

L’ancien recteur du Rabindranath Tagore Institute avait réussi son pari pédagogique de ne pas pousser ses « enfants » rien que dans la filière de l’académique, mais il les a aussi encouragés à participer dans des activités périscolaires comme le théâtre, la musique et le sport.

Réformer l’éducation, Mahend Gungapersad s’y emploie avec sa décision de réintroduire les trois « credits » pour accéder au HSC et de mettre fin à cet « extended programme » qui a été une machine à broyer. Ce sont deux mesures qui affectent avant tout les défavorisés et qui les excluaient du système les exposant à tous les fléaux sociaux. L’interdiction du portable dans les classes va également dans le sens d’un assainissement de l’enseignement et d’un début de retour de la discipline dans les écoles.

Le traitement du dossier des drains en cette période cyclonique et des grandes pluies d’été ne peut qu’être encouragé. Les nouveaux élus, alertés par leurs mandants durant leur exercice de porte-à-porte de campagne, ont pu identifier les zones à risque. Aussitôt installés, ils ont organisé des visites des lieux concernés et les travaux ont pu être réalisés là où c’était le plus urgent.

Que ces mesures aient été salutaires n’ont apparemment pas le même effet que les roupies sonnantes et trébuchantes du 14e mois et de la baisse des prix du carburant. Au jeu des surenchères, la dernière campagne électorale avait atteint des sommets jamais enregistrés.

Le conseil privé ayant donné une espèce de blanc-seing à Pravind Jugnauth, ce dernier, ne pouvant ignorer son impopularité autant que celle de son gouvernement, a profité pour faire une annonce quotidienne de distribution d’argent à gauche et à droite durant la dernière campagne électorale.

Maintenant que le conseiller légal en chef du gouvernement a pris ses fonctions, il serait judicieux de travailler à une révision de la Representation of The People Act, même si l’on sait que les urgences se chevauchent à son calendrier de travail. Mais encadrer les annonces extravagantes juste pour s’acheter des voix alors même que le budget national annuel vient d’être proposé à la nation est une aberration qui doit enfin cesser.

C’est comme ça que l’on récolte des casse-têtes du 14e mois et de la baisse des carburants, une mesure qui, elle, est réclamée depuis des années et qui se justifie par sa baisse constante sur le marché mondial. C’est tellement facile de faire de grandes annonces démagogiques à la veille des élections en se disant que cela rapporterait quelques voix supplémentaires et, que, le cas échéant, tant pis puisque ce sera aux successeurs de dégoupiller la bombe à retardement.

C’est cette irresponsabilité qu’il s’agit de freiner en faisant voter une Fiscal Responsibility Act qui nous prémunira des largesses électoralistes et des rapports de l’audit, qui sont, chaque année, toujours plus scandaleux, les ressources de l’État et l’argent des contribuables allant souvent dans les poches des puissants et de leurs copains. Plus jamais ça !

En attendant le rapport sur l’état de l’économie qui, sans aucun doute, ne fera que confirmer les analyses alarmistes de quelques économistes indépendants respectés depuis un bon bout de temps déjà, il s’agira de savoir comment concrétiser les mesures annoncées et surtout comment les financer.

Par les taxes, par la dette en attendant les sous de la « location » des Chagos ou par un recours aux institutions financières internationales ? Le dilemme est cornélien mais, ce qui est certain, c’est qu’il faudra s’attendre à un régime bien plus modeste après que les deux mesures hautement symboliques que sont le 14e mois et la baisse des carburants auront été honorées.

Si l’heure sera à la modestie, les bons signaux devront aussi être envoyés d’en haut. On ne va pas se focaliser maladivement sur le poste de vice-président, le chef juge appelé à le remplacer pouvant être sollicité ensuite pour arbitrer un litige impliquant le chef de l’État.

Mais revoir le train de vie des élus et des chefs des organismes parapublics est indispensable. Ne pas prendre le 14e mois ou fixer son paiement à ceux qui touchent un plafond de salaires raisonnable, ne pas recruter des pléthores de conseillers, ne pas caser des proches et ne pas se disputer les plus grosses cylindrées, ce ne serait pas si mal pour entamer l’ère du vrai changement.

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