Les « mam board »

J’aimerais revenir sur une réponse du nouveau ministre de l’Énergie et des Utilités publiques dans le cadre de l’interview publiée, dimanche dernier, dans Week-End. Patrick Assirvaden était interrogé sur le CEB, dont la caisse est passée d’un surplus de plus de Rs 4 milliards à zéro sou en quatre ans et dont le fonds de pension a été défoncé. Pour étayer sa réponse sur la situation au CEB où la maladministration règne, le ministre a cité le cas du General Manager, démissionnaire depuis les élections. Cette personne a fait carrière au CEB et occupait jusqu’au début d’avril de cette année un poste de chef de département. Le 2 avril, le conseil d’administration du CEB le nomme General Manager, ce qui fait doubler son salaire. Deux jours après sa nomination, le tout nouveau General Manager demande sa mise à la retraite, acceptée par le conseil d’administration, et il part avec un lump sum et une pension calculée sur le salaire de General Manager, poste qu’il n’a occupé que deux jours ! Mais ce n’est pas tout : un jour après sa mise à la retraite, le conseil d’administration lui accorde un contrat de deux ans en tant que… General Manager du CEB. Attendez, ce n’est pas fini ! Le lendemain des élections, l’ex-General Manager à la retraite mais, réembauché sous contrat, soumet sa démission avec préavis d’un mois. Il envoie ensuite un certificat médical affirmant qu’il est dans l’incapacité de remplir ses fonctions — et donc de donner des explications sur la gestion du CEB jusqu’à la fin de son préavis ! Pour cet ex-GM du CEB, Maurice doit être, pour reprendre la formule de Xavier-Luc Duval, un véritable plaisir !

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Mais qui sont donc les membres du conseil d’administration, ceux qu’on surnomme les « mam board », qui ont pris ces décisions dignes d’une république bananière ? Non, ce ne sont pas des membres du Politburo, des agents ou des colleurs d’affiches récompensés pour leur loyauté au leader et au parti ! Non, ce sont de hauts officiers de l’État, la supposée élite de la fonction publique, représentant des ministères et des institutions qui ont pour responsabilité de gérer le secteur énergétique à Maurice ! Ce que vous venez de lire n’est pas, m’affirme-t-on, l’exception qui confirme la règle, mais LA règle très fréquemment utilisée dans les conseils d’administration des institutions et corps paraétatiques du gouvernement au cours des dix dernières années. Avant on disait que dans les conseils d’administration les fonctionnaires devaient ramener à l’ordre — aux règlements et à la loi — les nominés politiques suivant les directives de ceux qui les ont nommés. Aujourd’hui, certains membres des conseils d’administration font pire que les nominés politiques en ce qu’il s’agit du respect des consignes données. Mieux : non seulement ils font ce qu’on leur dit de faire, au mépris des règles, mais ils devancent les donneurs d’ordre. Ces « mam board », qui se comportent comme des agents politiques, agissent ainsi parce qu’ils n’ont aucune responsabilité à assumer et aucun compte à rendre puisque ce sont eux qui sont chargés de définir et d’appliquer les règles. Le pire qui puisse leur arriver, c’est d’être renvoyé d’un conseil d’administration pour aller siéger sur un autre ! Il faut également souligner qu’ils ne font pas ça par patriotisme, mais pour les jetons de présence — de plusieurs milliers de roupies — qui leur sont payés à chaque réunion, sans oublier que ceux qui savent se débrouiller pour siéger sur plusieurs conseils d’administration en même temps.

C’est cette impunité, doublé d’un laisser-faire des ministres, qui permet aux « mam board » de faire le contraire de leur mission : gérer un secteur en respectant les règles de la bonne gouvernance et dans l’intérêt du pays. Pour eux, c’est l’intérêt des politiciens au pouvoir qui doit primer, comme cela a été le cas à la MBC ces dernières années, pour ne citer qu’un exemple. Il était de notoriété que le DG limogé envoyait quotidiennement à l’épouse de l’ex-Premier ministre la liste des sujets prévus pour le JT et que c’est elle qui décidait de ce qui devait être diffusé ou censuré. Cette pratique, antidémocratique, violant la loi de la MBC, a été publiquement dénoncée sans que le conseil d’administration ne trouve à redire. Le pire c’est que ces « mam board », qui ont agi contre les intérêts du pays, ne seront pas inquiétés et qu’ils feront partie des nouveaux conseils d’administration. Les mêmes pratiques produisant les mêmes résultats, pas grand-chose ne changera au niveau des corps paraétatiques. À moins que le nouveau gouvernement ne décide de revoir en profondeur le système et les hommes qui le font fonctionner en faisant ce qu’il a promis dans son manifeste électoral et ses discours : une rupture avec les méthodes du passé. Mais, malheureusement, avec certaines nominations annoncées, je crains que rien, ou pas grand-chose, ne change puisque qu’au nom de je ne sais quelle logique politique, on parle de reprendre les mêmes pour continuer !

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