Itinera Electronica
Du texte à l'hypertexte

Ovide, Les Amours, Livre II

Elégie 14

  Elégie 14

[2,14] ÉLÉGIE XIV.
A quoi sert-il aux belles de n'avoir point à se mêler flans les combats, et à se couvrir du bouclier ? Sans aller à la guerre, elles se blessent de leurs propres traits, et arment contre leurs jours leurs aveugles mains.
Celle qui ta première essaya de repousser de ses flancs le tendre fruit qu'ils portaient, méritait de périr victime de ses propres armes. Quoi ! de peur que tes flancs ne soient sillonnés de quelques rides, il faut ravager le triste champ où tu livras le combat ! Si, aux premiers âges du monde, les mères avaient eu la même coutume, le genre humain se serait éteint par leur faute, et il eût fallu un autre Deucalion qui semât de nouveau, dans l’univers dépeuplé, ces pierres fécondes d'où sortirent nos aïeux.
Qui eût détruit l’empire de Priam, si le sein de Thétis, divinité des mers, n'eût pas porté son fruit jusqu'au jour fixé par la nature ? Si Ilia eût étouffé les jumeaux dont elle était grosse, c'en était fait du fondateur de la ville souveraine ; si Vénus eût fait mourir Énée dans son sein, la terre était privée des Césars. Toi-même, qui devais naître si belle, tu aurais péri, si ta mère avait accompli ce que tu viens de tenter. Et moi, dont la destinée plus heureuse est de mourir d'amour, je n'aurais jamais existé ; si ma mère m’eût étouffé dans son sein.
Pourquoi dépouiller ta vigne féconde du raisin qui grossit ? Pourquoi, d'une main cruelle, arracher le fruit encore vert ? Parvenu à sa maturité, il tombera de lui-même ; une fois né, laisse-le croître : la vie est un prix assez beau pour un peu de patience.
Pourquoi déchirer vos entrailles avec un fer homicide ? Pourquoi donner le poison mortel à l'enfant qui n'est pas encore ? On ne pardonne pas à la marâtre de Colchos d'avoir répandu le sang de ses enfants, et l'on plaint le sort d'Ithys égorgé par sa mère. Toutes deux furent des mères cruelles ; mais, guidées par un triste motif, elles se vengeaient d'un époux par le meurtre de leurs communs enfants. Vous, dites-moi quel Térée, quel Jason vous pousse à porter dans vos flancs une main sacrilège ?
Jamais on ne vit une telle cruauté chez les tigresses des antres de l'Arménie ; jamais la lionne n'osa faire avorter ses lionceaux. Il était réservé à de tendres beautés de le faire, mais non impunément : en étouffant son enfant dans son sein, souvent la mère périt elle-même. Elle périt, on l'emporte toute-échevelée sur son lit, et chacun s'écrie en la voyant : "Sa mort est juste."
Mais que ces paroles se perdent clans le vide des airs, et que mes présages soient sans effet, dieux cléments ! Que la première faute de Corinne reste impunie, et vous aurez assez fait pour moi ; elle expiera la seconde.
[2,14] XIV
Quid iuuat inmunes belli cessare puellas,
nec fera peltatas agmina uelle sequi,
si sine Marte suis patiuntur uulnera telis,
et caecas armant in sua fata manus?
5 Quae prima instituit teneros conuellere fetus,
militia fuerat digna perire sua.
scilicet, ut careat rugarum crimine uenter,
sternetur pugnae tristis harena tuae?
si mos antiquis placuisset matribus idem,
10 gens hominum uitio deperitura fuit,
quique iterum iaceret generis primordia nostri
in uacuo lapides orbe, parandus erat.
quis Priami fregisset opes, si numen aquarum
iusta recusasset pondera ferre Thetis?
15 Ilia si tumido geminos in uentre necasset,
casurus dominae conditor Urbis erat;
si Venus Aenean grauida temerasset in aluo,
Caesaribus tellus orba futura fuit.
tu quoque, cum posses nasci formosa, perisses,
20 temptasset, quod tu, si tua mater opus;
ipse ego, cum fuerim melius periturus amando,
uidissem nullos matre negante dies.
Quid plenam fraudas uitem crescentibus uuis,
pomaque crudeli uellis acerba manu?
25 sponte fluant matura sua -- sine crescere nata;
est pretium paruae non leue uita morae.
uestra quid effoditis subiectis uiscera telis,
et nondum natis dira uenena datis?
Colchida respersam puerorum sanguine culpant
30 aque sua caesum matre queruntur Ityn;
utraque saeua parens, sed tristibus utraque causis
iactura socii sanguinis ulta uirum.
dicite, quis Tereus, quis uos inritet Iason
figere sollicita corpora uestra manu?
35 hoc neque in Armeniis tigres fecere latebris,
perdere nec fetus ausa leaena suos.
at tenerae faciunt, sed non inpune, puellae;
saepe, suos utero quae necat, ipsa perit.
ipsa perit, ferturque rogo resoluta capillos,
40 et clamant 'merito!' qui modo cumque uident.
Ista sed aetherias uanescant dicta per auras,
et sint ominibus pondera nulla meis!
di faciles, peccasse semel concedite tuto,
et satis est; poenam culpa secunda ferat!


Recherches | Texte | Lecture | Liste du vocabulaire | Index inverse | Menu | Philippe REMACLE - Textes latins |

 
UCL | FLTR | Itinera Electronica | Bibliotheca Classica Selecta (BCS) |
Analyse, design et réalisation informatiques : B. Maroutaeff - J. Schumacher
Dernière mise à jour : 18/03/2003