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Du texte à l'hypertexte

Silius Italicus, Les Guerres Puniques, livre XII

Vers 300-399

  Vers 300-399

[12,300] pendant que la tempête grondait, et cette jeunesse qui s'est dérobée, dans la retraite, au devoir de la guerre; on note d'infamie ceux qui, par amour de la vie, ont eu recours à la ruse pour manquer au serment fait à l'ennemi, et la nation est lavée de ce forfait. On punit également ceux qui ont eu la coupable pensée d'abandonner le sol de la patrie; projet qui déshonore à jamais Métellus. Tels étaient alors les grands coeurs des Romains. Les femmes elles-mêmes ne négligent rien pour égaler l'ardeur des hommes et revendiquer leur part de gloire. On les voit en foule apporter des aigrettes, des bracelets, des colliers, antiques ornements qu'elles sacrifient [12,300] dum bellum tonat, et sese furata iuuentus
dat poenas latebrae. tum, qui dulcedine uitae
inuenere dolos iurataque foedera Poeno
corrupere, notant et purgant crimine gentem.
punitur patriam meditati linquere terram
305 consilium infelix scelerataque culpa Metelli.
talia corda uirum. sed enim nec femina cessat
mente aequare uiros et laudis poscere partem.
omnis, prae sese portans capitisque manusque
antiquum decus ac derepta monilia collo,
[12,310] pour les frais de la guerre. Les hommes ne rougissent pas de leur céder en dévouement sublime : ils se réjouissent au contraire qu'une occasion s'offre à elles de s'illustrer à jamais. L'auguste assemblée du sénat ne tarde pas à imiter cet exemple. Chacun à l'envi apporte à un trésor commun ses richesses particulières; on s'empresse de dépouiller les pénates, on ne veut rien garder, même pour des temps plus heureux. Le peuple des derniers rangs prend part à ces sacrifices. C'est ainsi que Rome, usant des forces de tout son corps et de chacun de ses membres , levait une seconde fois aux cieux son visage languissant. [12,310] certatim matrona ruit belloque ministrant.
haud tanta cessisse uiros in tempore tali
laudis sorte piget, factoque in saecula ituro
laetantur tribuisse locum. tum celsa senatus
subsequitur turba. in medium certamine magno
315 priuatae cumulantur opes. nudare penatis
ac nihil arcanos uitae melioris ad usus
seposuisse iuuat. coit et sine nomine uulgus.
corpore sic toto ac membris Roma omnibus usa,
exanguis rursus tollebat ad aethera uultus.
[12,320] La réponse que les députés rapportent de Delphes permet un doux espoir à cette ville infortunée. L'oracle, disent-ils, leur a été favorable ; entrés dans le temple, une voix sacrée a tonné au fond de l'antre, et les mugissements de la prétresse ont annoncé que le dieu s'emparait d'elle : "Descendants de Vénus , s'est-elle écriée, bannissez la crainte de votre coeur; vos malheurs sont finis, vous avez épuisé toutes les mauvaises chances de la guerre, les destins ne vous réservent que de légères fatigues, et des terreurs sans suite funeste. Mais faites aux dieux des prières et des offrandes; que le sang des victimes fume sur les autels, et gardez-vous de céder dans les revers. Mars vous accompagnera; [12,320] Addunt spem miseris dulcem Parnasia Cirrha
portantes responsa uiri. nam laeta ferebant
exaudisse adytis, sacra cum uoce tonaret
antrum et mugiret Phoebo iam intrata sacerdos:
'Soluite, gens Veneris, grauioris corde timores:
325 aduersa et quicquid duri sub Marte manebat
exhaustum est uobis. restant leuiora laborum
et sine pernicie terror. dis uota precesque
ferte modo et tepidos aris libate cruores,
neu date terga malis. aderit Gradiuus, et ipse
[12,330] Apollon détournera les dangers trop pressants. Ce dieu, secourable aux Troyens, rendait, vous le savez, leurs travaux moins pénibles. Mais avant tout n'oubliez pas de faire fumer les parfums sur cent autels consacrés à Jupiter; que cent victimes tombent pour lui sous le couteau. C'est lui dont la force refoulera en Libye ce terrible orage, cette tempête qu'apporta la guerre. Vous le verrez agiter son égide, et combattre pour vous dansle monde épouvanté." Dès que les députés ont rapporté ces oracles sortis des antres du Parnasse, et que la réponse du dieu est connue de tous, on monte en foule au Capitole ; [12,330] Delius auertet propiora pericula uates
Troianos notus semper minuisse labores.
sed uero, sed enim ante omnis altaria fument
centum festa Ioui: centum cadat hostia cultris.
ille trucem belli nubem saeuasque procellas
335 in Libyam uiolentus aget: spectabitis ipsi
aegida turbato quatientem in proelia mundo.'
atque ea Parnasi postquam clamata sub antris
adlatum, uulgique deus peruenit ad auris,
in Capitolinas certatim scanditur arces,
[12,340] chacun se prosterne devant Jupiter, et le sang coule en son honneur au milieu de son temple. Les chants de joie s'élèvent, et l'on demande à ce dieu que les oracles s'accomplissent. Cependant, le vieux Torquatus reprenait ses armes, pour aller, à la tête d'une armée romaine, porter la terreur en Sardaigne. Hampsagoras, tout fier de son origine qu'il rapporte aux Troyens, venait d'y appeler les Carthaginois pour soutenir la guerre qu'il avait recommencée. Il avait un fins nommé Hostus, noble jeune homme et digne d'un meilleur père. Hampsagoras, fatigué de la paix, et se reposant d'ailleurs sur la vigueur de son fils, essayait, selon les moeurs barbares, de réchauffer sous les armes sa mâle mais impuissante vieillesse. [12,340] sternunturque Ioui et delubrum sanguine honorant;
tum paeana canunt responsaque fida precantur.
Interea adsuetis senior Torquatus in armis
Sardoas patrio quatiebat milite terras.
namque ortum Iliaca iactans ab origine nomen
345 in bella Hampsagoras Tyrios renouata uocarat.
proles pulchra uiro nec tali digna parente
Hostus erat, cuius fretus fulgente iuuenta
ipse asper paci crudos sine uiribus annos
barbarici studio ritus refouebat in armis.
[12,350] Hostus voit les drapeaux romains s'avancer en toute hâte, et leur armée qui s'approche impatiente de combattre ; il leur échappe par les détours d'un bois dont les passages secrets lui sont connus, abrége sa fuite en suivant des sentiers dont il est sûr, et va se cacher dans une vallée couverte de broussailles et d'ombrages touffus. L'île de Sardaigne, environnée d'une mer en courroux, s'avance au milieu des eaux qui en resserrent les plages dans une grande étendue, et lui donnent la forme du pied de l'homme. C'est de là que les Grecs l'avaient nommée lchnusa. Le Libyen Sardus, fier du sang d'Hercule, son père, [12,350] isque ubi Torquatum raptim properata ferentem
signa uidet pugnaeque auidas accedere dextras,
fraude loci nota latebrosa per auia saltus
euolat et prouisa fugae compendia captans
uirgulta tegitur ualle ac frondentibus umbris.
355 Insula fluctisono circumuallata profundo
fastigatur aquis compressaque gurgite terras
enormis cohibet nudae sub imagine plantae:
inde Ichnusa prius Grais memorata colonis.
mox Libyci Sardus generoso sanguine fidens
[12,360] lui fit quitter ce premier nom pour lui donner le sien. Une foule de Troyens, après la ruine de Pergame, dispersés sur différentes mers, abordèrent dans cette île, et furent contraints de s'y fixer. Sa gloire s'accrut encore de l'arrivée d'Iolaüs, lequel y fut suivi des Thespiades que transportait la flotte de son père. On dit aussi qu'après qu'Actéon fut déchiré pour expier le regard jeté sur Diane qui se baignait dans une fontaine, Aristée, son père, épouvanté de cette punition inouïe, s'abandonna aux caprices des flots, et entra dans une anse de la Sardaigne. On ajoute que Cyrène, sa mère, lui avait indiqué ces bords inconnus. [12,360] Herculis ex sese mutauit nomina terrae.
adfluxere etiam et sedes posuere coactas
dispersi pelago post eruta Pergama Teucri.
nec paruum decus, aduecto cum classe paterna
agmine Thespiadum, terris, Iolae, dedisti.
365 fama est, cum laceris Actaeon flebile membris
supplicium lueret spectatae in fonte Dianae,
attonitum nouitate mali fugisse parentem
per freta Aristaeum et Sardoos isse recessus.
Cyrenen monstrasse ferunt noua litora matrem.
[12,370] La terre y est pure et ne produit ni serpents ni poisons; mais le climat en est triste, et l'air y est corrompu par les miasmes des marais. Du côté de l'Italie, les roches nues et brûlées qui la bordent présentent au loin une barrière battue par les flots; ses campagnes décolorées par les feux du Cancer y fument sous le hâle du vent du midi; les autres parties de l'île sont riches des faveurs de Cérès. La nature du sol permettait à Hostus d'éluder Torquatus par les sentiers impraticables des bois, et d'attendre ainsi que les Carthaginois joignissent leurs armes à celles des Ibériens. Leur flotte arrive enfin pour lui rendre le courage. [12,370] serpentum tellus pura ac uiduata uenenis,
sed tristis caelo et multa uitiata palude.
qua uidet Italiam, saxoso torrida dorso
exercet scopulis late freta pallidaque intus
arua coquit nimium, Cancro fumantibus Austris.
375 cetera propensae Cereris nutrita fauore.
Hoc habitu terrae nemorosa per inuia crebro
Torquatum eludens Hostus Sidonia pugnae
tela expectabat sociosque laboris Hiberos.
qui postquam appulsis animos auxere carinis,
[12,380] Il sort auss tôt de sa retraite : les deux armées sont en présence, hérissées de piques; les guerriers impatients brûlent d'en venir aux mains, et déjà les javelots lancés de loin ont franchi l'espace qui les sépare encore; mais bientôt on en vient à l'arme si souvent et si sûrement éprouvée, le glaive ; le carnage est affreux; on frappe pour tomber bientôt; c'est le tour de chacun de donner et de recevoir la mort. Non, je ne saurais redire ces meurtres innombrables et tant d'actions horribles ou héroïques, avec une grandeur digne d'un pareil sujet. Je ne puis égaler par mes vers l'ardeur des combattants. [12,380] haud mora: prorumpit latebris, aduersaque late
agmina inhorrescunt, longumque coire uidetur
et conferre gradum. media interualla patentis
corripiunt campi properatis eminus hastis,
donec ad expertos enses, fidissima tela,
385 peruentum. dira inde lues: caeduntque caduntque
alternique animas saeuo in mucrone relincunt.
Non equidem innumeras caedes totque horrida facta
sperarim tanto digne pro nomine rerum
pandere nec dictis bellantum aequare calorem.
[12,390] Muse, accorde cependant à mes efforts de faire passer à la postérité les exploits peu connus d'un guerrier, et de rendre à un poète les honneurs qui lui sont dus. Ennius, issu de la race royale de l'ancien Messapus , avait engagé le premier l'attaque. Décoré du grade de centurion, il portait dans sa main droite la vigne du Latium, insigne de sa dignité. L'antique Rudies, au pays grossier des Calabrois, lui avait donné le jour. Cette ville n'est plus connue que par le nom du grand homme qu'elle a produit. Tel on vit Orphée quitter sa lyre pour lancer les flèches de Thrace, lorsque Cyzique attaquait le vaisseau des Argonautes; tel Ennius, le premier dans la mêlée, [12,390] sed uos, Calliope, nostro donate labori
nota parum magni longo tradantur ut aeuo
facta uiri, et meritum uati sacremus honorem.
Ennius, antiqua Messapi ab origine regis,
miscebat primas acies, Latiaeque superbum
395 uitis adornabat dextram decus. hispida tellus
miserunt Calabri: Rudiae genuere uetustae,
nunc Rudiae solo memorabile nomen alumno.
is prima in pugna (uates ut Thracius olim,
infestam bello quateret cum Cyzicus Argo,


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Dernière mise à jour : 28-6-2004