|
[6] VI. Quelle est donc dans cette ville immense,
quelle est la maison qui soit, autant que la
mienne, exempte et libre de toute consécration?
Les vôtres, pères conscrits, celles des autres
citoyens le sont, pour la plus grande partie; la
mienne est la seule dans Rome qui ait été déclarée
telle par tous les jugements. Je vous atteste
ici, Lentulus, et vous, Philippe. D'après
la réponse des aruspices, le sénat a ordonné que
vous lui feriez votre rapport sur les lieux consacrés
et religieux. Ma maison peut-elle être l'objet
de ce rapport, quand elle est la seule dans Rome
que tous les tribunaux, comme je l'ai dit, ont
relevée de toute interdiction religieuse? Premièrement,
dans ces temps de trouble et de désordre,
mon ennemi lui-même, parmi tant d'autres
infamies qu'avait tracées pour lui la main impure
de Sext. Clodius, n'a point hasardé un seul mot
relatif à la consécration. En second lieu, le peuple
romain, en qui réside le pouvoir suprême, a
ordonné dans une assemblée par centuries, à l'unanimité
de tous les âges et de tous les ordres, que cette même
maison serait réintégrée dans tous ses droits.
Ensuite vous avez décidé, pères conscrits, que
cette affaire serait renvoyée devant le collége des
pontifes, non qu'il restât aucune incertitude;
mais vous vouliez fermer la bouche à ce furieux,
s'il s'obstinait à demeurer au sein d'une ville
qu'il brûlait d'anéantir. Dans nos doutes, je dirai
même dans nos craintes les plus superstitieuses,
il suffit d'une réponse, d'un mot de Servilius et
de Lucullus, pour tranquilliser les consciences
les plus timorées. Quand il s'agit des sacrifices
publics, des grands jeux, du culte des dieux pénates
et de Vesta, de ce sacrifice même qui
s'offre pour le salut du peuple romain, et qui,
depuis que Rome existe, n'a jamais été souillé
que par le crime de ce vertueux protecteur de la
religion, la décision de trois pontifes a toujours
été pour le peuple romain, pour le sénat, pour
les immortels eux-mêmes, une autorité assez
imposante, assez auguste, assez religieuse. Mais
ici, quelle foule de suffrages réunis en ma faveur !
P. Lentulus, consul et pontife; P. Servilius,
M. Lucullus, Q. Métellus, M. Glabrion,
M. Messalla, L. Lentulus, prêtre de Mars; P.
Galba, Q. Scipion, C. Fannius, M. Lépidus, L.
Claudius, roi des sacrifices; M. Scaurus, M.
Crassus, C. Curion, Sext. César, prêtre de Romulus;
Q. Cornelius, P. Albinovanus, Q. Térentins,
petits pontifes, après que ma cause a été
instruite et plaidée dans deux tribunaux, sous
les yeux d'une multitude de citoyens distingués
par leur rang et leurs lumières, ont tous, d'une
voix unanime, prononcé que ma maison n'était
frappée d'aucune interdiction religieuse.
| [6] VI. Sed quae tandem est in hac urbe tanta domus ab ista suspicione religionis tam
uacua atque pura? Quamquam uestrae domus, patres conscripti, ceterorumque ciuium
multo maxima ex parte sunt liberae religione, tamen una mea domus iudiciis
omnibus liberata in hac urbe sola est. Te enim appello, Lentule, et te,
Philippe. Ex hoc haruspicum responso decreuit senatus ut de locis sacris
religiosis ad hunc ordinem referretis. Potestisne referre de mea domo, quae, ut
dixi, sola in hac urbe omni religione omnibus iudiciis liberata est? Quam primum
inimicus ipse in illa tempestate ac nocte rei publicae, cum cetera scelera stilo
illo impuro Sex- Clodi ore tincto conscripsisset, ne una quidem attigit littera
religionis; deinde eandem domum populus Romanus, cuius est summa potestas omnium
rerum, comitiis centuriatis omnium aetatum ordinumque suffragiis eodem iure esse
iussit quo fuisset; postea uos, patres conscripti, non quo dubia res esset, sed
ut huic furiae, si diutius in hac urbe quam delere cuperet maneret, uox
interdiceretur, decreuistis ut de mearum aedium religione ad pontificum
conlegium referretur. (12) Quae tanta religio est qua non in nostris
dubitationibus atque in maximis superstitionibus unius P- Seruili aut M- Luculli
responso ac uerbo liberemur? De sacris publicis, de ludis maximis, de deorum
penatium Vestaeque matris caerimoniis, de illo ipso sacrificio quod fit pro
salute populi Romani, quod post Romam conditam huius unius casti tutoris
religionum scelere uiolatum est, quod tres pontifices statuissent, id semper
populo Romano, semper senatui, semper ipsis dis immortalibus satis sanctum,
satis augustum, satis religiosum esse uisum est. At uero meam domum P- Lentulus,
consul et pontifex, P- Seruilius, M- Lucullus, Q- Metellus, M- Glabrio, M-
Messalla, L- Lentulus, flamen Martialis, P- Galba, Q- Metellus Scipio, C-
Fannius, M- Lepidus, L- Claudius rex sacrorum, M- Scaurus, M- Crassus, C- Curio,
Sex- Caesar flamen Quirinalis, Q- Cornelius, P- Albinouanus, Q- Terentius,
pontifices minores, causa cognita, duobus locis dicta, maxima frequentia
amplissimorum ac sapientissimorum ciuium adstante, omni religione una mente
omnes liberauerunt.
| [7] VII. J'ose assurer que, depuis l'établissement
des lois sur le culte, dont l'origine remonte à
celle de Rome, jamais le collége des pontifes ne
s'est assemblé en aussi grand nombre pour prononcer
même sur la vie des prêtresses de Vesta,
quoique dans une telle circonstance il soit important
que beaucoup de personnes assistent à
l'instruction du procès; car les pontifes deviennent
juges, et leur décision forme un arrêt souverain.
Un seul pontife instruit peut suffire pour
régler une expiation : ce qui ne serait ni humain
ni équitable dans un jugement capital. Or, vous
trouverez que les pontifes ont prononcé sur ma
maison en plus grand nombre qu'ils ne le firent
jamais dans les causes des Vestales. Le lendemain,
les consuls P. Lentulus et Q. Métellus mirent
l'affaire en délibération dans le sénat. Tous
les pontifes qui appartenaient à cet ordre étaient
présents. Lentulus, consul désigné, opina le premier.
Et après que les autres, à qui les honneurs
du peuple romain donnent la préséance, se furent
étendus fort au long sur le jugement du collège,
et que tons ensemble eurent assisté à la transcription
du décret, le sénat prononça que ma maison
était affranchie de toute consécration par le jugement
des pontifes. Comment cette maison, la
seule de toutes les propriétés privées que les chefs
de la religion aient déclaré eux-mêmes n'être
pas consacrée, peut-elle être précisément ce lieu
sacré dont parlent les aruspices?
Au reste, faites le rapport ordonné par le sénatus-consulte.
Ou vous serez chargés de cet examen,
vous qui avez opiné les premiers sur ma maison,
vous qui l'avez affranchie de tout service religieux;
ou l'affaire sera jugée par le sénat, qui a
déjà prononcé à l'unanimité des voix, si l'on
excepte celle de ce grand maître des cérémonies
religieuses; ou enfin, et sans doute c'est le parti
qu'on prendra, elle sera renvoyée devant les pontifes,
à l'autorité, à la probité, à la prudence
desquels nos ancêtres ont confié tout ce qui concerne
la religion et les sacrifices, tant publics
que privés. Peuvent-ils juger autrement qu'ils
n'ont fait? Pères conscrits, la possession de beaucoup
de maisons, et peut-être de toutes celles qui
sont dans Rome, est appuyée sur les droits les
plus légitimes. Cependant, soit qu'on les possède
à titre d'héritage, ou d'une longue et paisible
jouissance, à titre d'achat ou d'engagement, j'ose
dire que nul propriétaire n'a un droit plus incontestable
que le mien : si, d'un autre côté, on
examine le droit public, toutes les lois divines et
humaines me garantissent ma maison de la manière
la plus certaine. Dans ce moment, le sénat
la fait bâtir aux frais de l'État; une foule de sénatus-consultes
la protègent et la défendent contre les efforts criminels
de ce gladiateur.
| [7] VII. (13) Nego umquam post sacra constituta, quorum eadem est
antiquitas quae ipsius urbis, ulla de re, ne de capite quidem uirginum
Vestalium, tam frequens conlegium iudicasse. Quamquam ad facinoris
disquisitionem interest adesse quam plurimos (ita est enim interpretatio illa
pontificum, ut eidem potestatem habeant iudicum), religionis explanatio uel ab
uno pontifice perito recte fieri potest (quod idem in iudicio capitis durum
atque iniquum est), tamen sic reperietis, frequentiores pontifices de mea domo
quam umquam de caerimoniis uirginum iudicasse. Postero die frequentissimus
senatus te consule designato, Lentule, sententiae principe, P- Lentulo et Q-
Metello consulibus referentibus statuit, cum omnes pontifices qui erant huius
ordinis adessent, cumque alii qui honoribus populi Romani antecedebant multa de
conlegi iudicio uerba fecissent, omnesque idem scribendo adessent, domum meam
iudicio pontificum religione liberatam uideri. (14) De hoc igitur loco sacro
potissimum uidentur haruspices dicere, qui locus solus ex priuatis locis omnibus
hoc praecipue iuris habet, ut ab ipsis qui sacris praesunt sacer non esse
iudicatus sit? Verum referte, quod ex senatus consulto facere debetis. Aut uobis
cognitio dabitur, qui primi de hac domo sententiam dixistis et eam religione
omni liberastis, aut senatus ipse iudicabit, qui uno illo solo antistite
sacrorum dissentiente frequentissimus antea iudicauit, aut, - id quod certe
fiet, - ad pontifices reicietur, quorum auctoritati fidei prudentiae maiores
nostri sacra religionesque et priuatas et publicas commendarunt. Quid ergo ii
possunt aliud iudicare ac iudicauerunt? Multae sunt domus in hac urbe, patres
conscripti, atque haud scio an paene cunctae iure optimo, sed tamen iure
priuato, iure hereditario, iure auctoritatis, iure mancipi, iure nexi: nego esse
ullam domum aliam priuato eodem quo quae optima lege, publico uero omni
praecipuo et humano et diuino iure munitam; (15) quae primum aedificatur ex
auctoritate senatus pecunia publica, deinde contra uim nefariam huius
gladiatoris tot senati consultis munita atque saepta est.
| [8] VIII. Les mêmes magistrats, à qui l'on remet
la république entière dans les plus grands périls,
ont été chargés, l'année dernière, de veiller à ce
qu'aucune violence ne me troublât pendant que
je la ferais rebâtir; et lorsque Clodius est venu,
armé de pierres, de flambeaux et d'épées pour
détruire mes travaux, le sénat a prononcé que les
agresseurs étaient coupables de violence publique.
Et sur votre rapport, ô vous les plus intrépides
et les plus vertueux consuls qui furent jamais,
le même sénat a décidé que toute attaque contre
ma maison serait censée un attentat contre la
république.
Non, il n'est point d'édifice public, point de
monument, point de temple qui ait été l'objet
d'autant de sénatus-consultes. C'est la seule maison,
depuis la fondation de Rome, que le sénat ait
jugé devoir être bâtie aux dépens de l'État,
réhabilitée par les pontifes, garantie par les magistrats,
vengée par les tribunaux. Une maison sur
le sommet de Vélie fut donnée par la république
à Valérius pour prix de ses grands services : la
république m'en a rétabli une sur le mont Palatin.
On donna un emplacement à Valérius : on
m'a donné une maison toute construite. Sa possession
n'était garantie que par les droits d'une propriété
personnelle : la mienne a été mise sous la
sauvegarde de tous les magistrats. Si je m'étais
procuré moi-même ces avantages, si je les tenais
d'autres que de vous, je ne les vanterais pas ici;
je craindrais de paraître me glorifier moi-même.
Mais, puisque je les ai reçus de vous, puisqu'ils
sont calomniés par le destructeur de cette maison
que vos propres mains ont relevée pour moi et
mes enfants, ce n'est pas de mes propres faits que
je parle, mais des vôtres; et je ne crains pas que
cet éloge de vos bienfaits paraisse dicté par l'orgueil
plutôt que par la reconnaissance.
Au surplus, quand même, après tant de travaux
soutenus pour le salut commun, le sentiment
d'une juste indignation m'emporterait quelquefois
jusqu'à me glorifier moi-même, en réfutant
les calomnies des méchants, qui pourrait s'en
offenser? J'entendis hier les murmures d'un certain
homme, qui, m'a-t-on dit, ne pouvait me pardonner
de ce qu'au moment où cet infâme parricide
me demandait à quel pays j'appartenais, je
répondis, avec votre approbation, avec l'approbation
des chevaliers romains, que j'appartenais
à un pays qui n'avait pu se passer de moi. Il m'a
semblé l'entendre gémir. Que fallait-il donc répondre?
j'en fais juge cet homme même, qui ne
peut me pardonner. Que j'étais citoyen romain?
La réponse eût été ingénieuse et piquante. Fallait-il
me taire? c'eût été me trahir moi-même. Un
homme qui a soulevé l'envie en faisant de grandes
choses, peut-il, sans se donner quelques
louanges, répondre avec assez de force aux outrages
de la haine? Mais lui, lorsqu'on l'attaque,
il répond ce qu'il peut; il est même charmé que
ses amis lui suggèrent ce qu'il doit dire.
| [8] VIII. Primum negotium isdem magistratibus est datum anno superiore, ut curarent ut sine
ui aedificare mihi liceret, quibus in maximis periculis uniuersa res publica commendari
solet; deinde, cum ille saxis et ignibus et ferro uastitatem meis sedibus intulisset,
decreuit senatus eos qui id fecissent lege de ui, quae est in eos qui uniuersam
rem publicam oppugnassent, teneri. Vobis uero referentibus, o post hominum
memoriam fortissimi atque optimi consules! decreuit idem senatus frequentissimus
qui meam domum uiolasset contra rem publicam esse facturum. (16) Nego ullo de
opere publico, de monumento, de templo tot senatus exstare consulta quot de mea
domo, quam senatus unam post hanc urbem constitutam ex aerario aedificandam, a
pontificibus liberandam, a magistratibus defendendam, a iudicibus puniendam
putarit. P- Valerio pro maximis in rem publicam beneficiis data domus est in
Velia publice, at mihi in Palatio restituta; illi locus, at mihi etiam parietes
atque tectum; illi quam ipse priuato iure tueretur, mihi quam publice
magistratus omnes defenderent. Quae quidem ego si aut per me aut ab aliis
haberem, non praedicarem apud uos, ne nimis gloriari uiderer; sed cum sint mihi
data a uobis, cum ea attemptentur eius lingua cuius ante manu euersa uos mihi et
liberis meis manibus uestris reddidistis, non ego de meis sed de uestris factis
loquor, nec uereor ne haec mea uestrorum beneficiorum praedicatio non grata
potius quam adrogans uideatur. (17) Quamquam si me tantis laboribus pro communi
salute perfunctum ecferret aliquando ad gloriam in refutandis maledictis hominum
improborum animi quidam dolor, quis non ignosceret? Vidi enim hesterno die
quendam murmurantem, quem aiebant negare ferri me posse, quia, cum ab hoc eodem
impurissimo parricida rogarer cuius essem ciuitatis, respondi me, probantibus et
uobis et equitibus Romanis, eius esse quae carere me non potuisset. Ille, ut
opinor, ingemuit. Quid igitur responderem? quaero ex eo ipso qui ferre me non
potest. Me ciuem esse Romanum? litterate respondissem. An tacuissem? desertum
negotium. Potest quisquam uir in rebus magnis cum inuidia uersatus satis
grauiter inimici contumeliis sine sua laude respondere? At ipse non modo
respondet quidquid potest, cum est lacessitus, sed etiam gaudet se ab amicis
quid respondeat admoneri.
| [9] IX. Puisque ma cause ne laisse plus de difficultés,
voyons donc ce que disent les aruspices.
Je l'avoue, la grandeur du prodige, le ton effrayant
de la réponse, cette unanimité constante
des aruspices, ont fait sur moi la plus forte impression.
Ces objets ne me sont pas entièrement étrangers.
Si, parmi tant de personnes livrées comme
moi aux affaires, je parais peut-être donner aux
lettres plus de temps que les autres, ne croyez
pas cependant que je fasse mon seul amusement
ou ma seule occupation de ces études, qui nous
éloignent et nous détournent de la religion. Et
d'abord je regarde nos ancêtres comme nos guides
et nos maîtres dans tout ce qui concerne le culte
des dieux. Telle est l'idée que je me suis formée
de leur sagesse, que, selon moi, c'est avoir déjà
fait de grands progrès dans la science que d'être
en état, je ne dirai pas d'atteindre à de si hautes
connaissances, mais d'en comprendre toute l'étendue.
Ils ont pensé que les rites sacrés et l'ordre
des cérémonies religieuses regardent les pontifes,
que l'explication des heureux présages appartient
aux augures, que le dépôt des anciennes
prédictions d'Apollon est renfermé dans les livres
sibyllins, et les explications des prodiges, dans la
doctrine des Étrusques : doctrine admirable, qui,
de nos jours, a prédit d'une manière si précise
les funestes commencements de la guerre Sociale,
ces fureurs de Sylla et de Cinna, presque fatales
à la république, et dans les derniers temps enfin,
cette conjuration formée pour embraser Rome et
renverser l'empire.
Mes études m'ont appris, de plus, que des
hommes justement renommés pour leur science et
leur sagesse ont, laissé un grand nombre d'ouvrages
sur la puissance des dieux. Dans ces livres,
qui semblent écrits sous l'inspiration divine, on
croit apercevoir que nos ancêtres ont été les
maîtres plutôt que les disciples de ceux qui les
ont composés. En effet, pour peu qu'on élève
ses regards vers le ciel, est-il un mortel assez
stupide pour ne pas sentir qu'il existe des dieux,
et pour attribuer au hasard ces ouvrages dont
l'ordre et l'enchaînement sont le désespoir de la
sagesse humaine? et peut-on admettre l'existence
des dieux sans reconnaître en même temps que
c'est à leur protection suprême que notre empire
immense a dû son origine, ses accroissements et
sa conservation? Nous avons beau nous flatter,
pères conscrits, nous ne l'avons emporté ni sur
les Espagnols par le nombre , ni sur les Gaulois
par la force, ni sur les Carthaginois par la ruse,
ni sur les Grecs par les arts, ni sur les Latins
eux-mêmes et les Italiens par ce sens exquis, fruit
du climat sous lequel nous vivons. Mais la piété,
mais la religion, mais surtout cette sagesse qui
nous a fait reconnaître que tout est réglé et gouverné
par la puissance des dieux immortels :
voilà, pères conscrits, ce qui nous distingue des
autres nations; c'est à ce titre: que nous l'avons
emporté sur tous les peuples de l'univers.
| [9] IX. (18) Sed quoniam mea causa expedita est, uideamus nunc quid haruspices dicant.
Ego enim fateor me et magnitudine ostenti et grauitate responsi et una atque
constanti haruspicum uoce uehementer esse commotum; neque is sum qui, si cui
forte uideor plus quam ceteri qui aeque atque ego sunt occupati uersari in
studio litterarum, his delecter aut utar omnino litteris quae nostros animos
deterrent atque auocant a religione. Ego uero primum habeo auctores ac magistros
religionum colendarum maiores nostros, quorum mihi tanta fuisse sapientia
uidetur ut satis superque prudentes sint qui illorum prudentiam non dicam
adsequi, sed quanta fuerit perspicere possint; qui statas sollemnisque
caerimonias pontificatu, rerum bene gerundarum auctoritates augurio, fatorum
ueteres praedictiones Apollinis uatum libris, portentorum expiationes Etruscorum
disciplina contineri putauerunt; quae quidem tanta est ut nostra memoria primum
Italici belli funesta illa principia, post Sullani Cinnanique temporis extremum
paene discrimen, tum hanc recentem urbis inflammandae delendique imperi
coniurationem non obscure nobis paulo ante praedixerint. (19) Deinde, si quid
habui oti, etiam cognoui multa homines doctos sapientisque et dixisse et scripta
de deorum immortalium numine reliquisse; quae quamquam diuinitus perscripta
uideo, tamen eius modi sunt ut ea maiores nostri docuisse illos, non ab illis
didicisse uideantur. Etenim quis est tam uaecors qui aut, cum suspexit in
caelum, deos esse non sentiat, et ea quae tanta mente fiunt ut uix quisquam arte
ulla ordinem rerum ac necessitudinem persequi possit casu fieri putet, aut, cum
deos esse intellexerit, non intellegat eorum numine hoc tantum imperium esse
natum et auctum et retentum? Quam uolumus licet, patres conscripti, ipsi nos
amemus, tamen nec numero Hispanos nec robore Gallos nec calliditate Poenos nec
artibus Graecos nec denique hoc ipso huius gentis ac terrae domestico natiuoque
sensu Italos ipsos ac Latinos, sed pietate ac religione atque hac una sapientia,
quod deorum numine omnia regi gubernarique perspeximus, omnis gentis nationesque
superauimus.
| [10] X. Ainsi, pour ne pas m'étendre davantage
sur un fait qui ne laisse aucun doute, prêtez
l'oreille, et donnez la plus sérieuse attention aux
paroles des aruspices : COMME UN BRUIT S'EST
FAIT ENTENDRE AVEC FRACAS DANS LE LATIUM.
Je ne parle plus des aruspices, ni de ces leçons
qu'on dit avoir été données à l'Étrurie par les
immortels eux-mêmes. Ici chacun de nous ne
peut-il pas être aruspice? UN BRUIT SOUTERRAIN,
UN HORRIBLE CLIQUETIS D'ARMES, ONT ÉTÉ ENTENDUS
DANS UN CHAMP VOISIN, AUX PORTES
DE ROME. Parmi ces géants que les poètes nous
représentent armés contre les maîtres du ciel,
en serait-il un seul assez impie pour ne pas avouer
que, par ce mouvement si nouveau, si effrayant,
les dieux annoncent et présagent au peuple romain
quelque grand événement? C'est à ce sujet
qu'il est écrit que des expiations sont dues à
Jupiter, à Saturne, à Neptune, à Tellus, et aux
divinités célestes.
Je vois à quels dieux outragés on doit des
expiations; mais je cherche quels délits ont été
commis par les hommes. LES JEUX ONT ÉTÉ CÉLÉBRÉS
AVEC NÉGLIGENCE, ET PROFANES. Quels
jeux ? Lentulus, c'est à vous que je m'adresse;
les brancards, les chars, les hymnes, les jeux,
les libations, les banquets sacrés sont confiés à
votre sacerdoce : pontifes, c'est à vous que les
ministres des banquets dénoncent toutes les omissions,
toutes les fautes qui ont pu être commises;
c'est d'après votre jugement qu'on en recommence
la célébration. Et bien ! dites-nous quels jeux ont
été célébrés avec négligence; dites-nous quelle
est ou l'énormité ou la nature du crime qui les
a souillés. Vous répondrez pour vous, pour vos
collègues, pour le collége des pontifes, que rien
n'a été omis par négligence, que rien n'a été
souillé par le crime, que toutes les formalités,
que toutes les cérémonies prescrites ont été observées
avec une exactitude scrupuleuse.
| [10] X. (20) Qua re, ne plura de re minime loquar dubia, adhibete animos, et mentis
uestras, non solum auris, ad haruspicum uocem admouete: Quod in agro Latiniensi
auditus est strepitus cum fremitu. Mitto haruspices, mitto illam ueterem ab
ipsis dis immortalibus, ut hominum fama est, Etruriae traditam disciplinam: nos
nonne haruspices esse possumus? Exauditus in agro propinquo et suburbano est
strepitus quidam reconditus et horribilis fremitus armorum. Quis est ex
gigantibus illis, quos poetae ferunt bellum dis immortalibus intulisse, tam
impius qui hoc tam nouo tantoque motu non magnum aliquid deos populo Romano
praemonstrare et praecinere fateatur? De ea re scriptum est: Postiliones esse
Ioui, Saturno, Neptuno, Telluri, dis caelestibus. (21) Audio quibus dis uiolatis
expiatio debeatur, sed hominum quae ob delicta quaero. Ludos minus diligenter
factos pollutosque. Quos ludos? Te appello, Lentule, - tui sacerdoti sunt tensae,
curricula, praecentio, ludi, libationes epulaeque ludorum, - uosque, pontifices,
ad quos epulones Iouis Optimi Maximi, si quid est praetermissum aut commissum,
adferunt, quorum de sententia illa eadem renouata atque instaurata celebrantur.
Qui sunt ludi minus diligenter facti, quando aut quo scelere polluti?
Respondebis et pro te et pro conlegis tuis, etiam pro pontificum conlegio, nihil
cuiusquam aut neglegentia contemptum aut scelere esse pollutum: omnia sollemnia
ac iusta ludorum omnibus rebus obseruatis summa cum caerimonia esse seruata.
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