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Les plus vieilles étoiles de la Galaxie

Le noyau de l'amas globulaire M15. L'image couvre un champ de 9"x9". Document STScI.

Une histoire d'atomes crochus

Sans être anthropocentrique, les étoiles et les être humains ont des atomes crochus, non seulement dans leur ascendance cosmique commune évidente - comme l'expliqua Carl Sagan dans la série TV "Cosmos" (1980) et dans son livre éponyme (1981 pour la VF), "nous sommes faits de poussières d'étoiles" - mais nos styles de vie respectifs sont comparables jusqu'à un certain point. En effet, comme les humains, les étoiles peuvent vivre assez longtemps, même très longtemps, tout dépendant en fait de leur masse initiale sur la Séquence principale et de leur composition chimique qui vont conditionner leur évolution, en particulier la stabilité du régime des réactions nucléaires qui se déroulent dans leur noyau. Selon son embonpoint (masse) et son énergie (rayonnement), une étoile peut vivre entre quelques centaines de millions d'années (supergéante, Population III, etc) et plus de dix milliards d'années pour les plus petites, les plus économes (naines).

A la fin de leur vie, comme les hommes, beaucoup d'étoiles s'écartent des lieux fréquentés par la jeunesse et se rassemblent dans des seniories et autres clubs fermés que sont les amas globulaires, le noyau ainsi que les bras extérieurs des galaxies où elles finissent par s'éteindre à petit feu à l'abri des regards indiscrets.

Enfin, si nous ramenons l'évolution stellaire à l'échelle humaine, il existe également quelques étoiles "centenaires". Elles vivent parcimonieusement avec leur maigres ressources mais vivent bien et durant... plus de 13 milliards d'années ! Elles sont presque aussi vieilles que l'Univers (~13.8 milliards d'années). On comprendra dans ces conditions que pouvoir étudier de telles étoiles est un privilège pour les astronomes qui peut les conduire tout droit sur la voie de l'explication ultime de l'évolution stellaire. Malheureusement, nous allons constater que ces étoiles très âgées sont également très rares et se comptent encore aujourd'hui sur les doigts d'une main.

Comment détermine-t-on l'âge d'une étoile ?

Selon l'astrophysicienne Anna Frebel du MIT qui depuis 2007 se consacre à rechercher les étoiles les plus anciennes (voir plus bas), "étonnement, il est très difficile de déterminer l'âge d'une étoile bien qu'on puisse généralement déduire que les étoiles chimiquement primitives sont très vieilles." De telles étoiles ont dû se former avant toutes les générations d'étoiles qui ont enrichi notre Galaxie.

Les astronomes peuvent uniquement calculer l'âge des très vieilles étoiles contenant d'énormes quantités de certains éléments lourds présents dans leur photosphère. Selon Frebel, "Il faut pouvoir y mesurer très précisément l'abondance de matériaux radioactifs, comme l'uranium et le thorium, un peu à la manière des archéologues qui utilisent la teneur en carbone-14 pour donner un âge à des objets anciens." Toutefois, précise Frebel, "très peu d'étoiles présentent des éléments radioactifs. Je m'intéresse à un sous-groupe très rare d'étoiles de ce type. Je cherche une aiguille dans une botte de foin, vraiment."

La découverte d'uranium dans une étoile est très intéressante car cet élément sert effectivement de "chronomètre" astronomique. Avec une demi-vie ou période de 4.5 milliards d'années, il constitue une "horloge" plus précise que le thorium dont la demi-vie de 14 milliards d'années est actuellement plus longue que l'âge de l'univers.

Mais, me demanderez-vous, sachant qu'au bout de 4.5 milliards d'années il reste 50% de la quantité d'uranium initial (loi de décroissance), comment savoir dans un échantillon quelconque quelle était la quantité totale d'uranium au départ ? Il suffit d'appliquer cette loi de décroissance dans laquelle la période t1/2 = (ln 2)/λ, avec λ = 0.1552 x 10-9 désintégrations par atome et par an. Grâce à cette règle on peut donc facilement remonter le temps.

Mais les astronomes ont également besoin d'autres radioéléments que l'uranium ou le thorium pour dater l'âge d'une étoile. Chaque élément radioactif découvert doit être rattaché à un autre élément de l'étoile afin de calculer leur proportion. Heureusement, ainsi que nous allons le découvrir, les étoiles très anciennes contiennent de nombreux autres éléments que l'on peut utiliser comme "chronomètre".

Première découverte

Au cours des études spectrométriques des étoiles du ciel austral entamées dans les années 1990, notamment dans le cadre du projet Hamburg/ESO Survey, les astronomes ont répertorié plus de 8000 étoiles intéressantes pour divers travaux d'études dont 1777 étoiles brillantes, pauvres en éléments lourds dont le spectre était partiellement saturé.

L'étoile HE 0107-5240 (Mv. 15.86) photographiée grâce au VLT.

En étudiant ces étoiles, les astrophysiciens espéraient identifier quelques-unes parmi les étoiles de la première, deuxième voire troisième génération formée juste après le Big Bang. Leur "bonne étoile" fut confirmée quelques années plus tard.

En effet, en octobre 2002, l'astrophysicien allemand Norbert Christlieb et son équipe découvrirent HE 0107-5240, une étoile d'une magnitude apparente de 15.86 située à 36000 années-lumière dans la constellation du Phénix (près d'Eridan). 

Analysée au spectrographe, cette étoile ne contenait virtuellement que de l'hydrogène et de l'hélium; sa métallicité (proportion d'éléments plus lourds que l'hélium, cf. la vie des étoiles) [Fe/H] = -5.4 ±0.2, elle ne dépasse pas 1/250000e de la quantité mesurée dans l'atmosphère du Soleil. On en déduisit qu'elle était âgée de plus 13 milliards d'années. Cette découverte créa l'évènement dans la petite communauté des astronomes, peu habitée à cotoyer des étoiles aussi "pures" et aussi vieilles.

En mars 2005, l'équipe de l'astrophysicienne américaine Anna Frebel alors à l'Observatoire McDonald de l'Université du Texas à Austin découvrit HE 1327-2326, une étoile d'une magnitude apparente de 13.5 située à 5000 années-lumière dans la constellation de l'Hydre. Il s'agit d'une sous-géante ou d'une naine de la Séquence principale tout aussi pauvre en éléments lourds avec une métallicité [Fe/H] = -5.45. Son âge fut estimé à 12 milliards d'années.

Depuis, comme nous allons le constater, en complément de sa fonction de professeur d'astrophysique au MIT, depuis cette époque et avec l'aide de ses étudiants, Anna Frebel a débusqué d'autres étoiles anciennes, avec ce petit plus très utile pour les chercheurs, qu'elles se situent dans la Voie Lactée et sont facilement accessibles.

Passons en revue ces quelques étoiles tès âgées en commençant par les plus anciennes.

HD 140283, Mathusalem : ~13.66 milliards d'années

Mathusalem, HD 140283, est une étoile qui brille à la magnitude apparente de 7.22 dans la constellation de la Balance, précisément aux coordonnées équatoriales A.D.: 15h 43m 3.10s, Déc.: -10° 56' 00.6". Elle se situe entre les constellations du Scorpion et de la Vierge.

Les astronomes connaissent cette étoile depuis plus de cent ans du fait qu'il s'agit d'une étoile errante se déplaçant assez rapidement sur le fond étoilé. En effet, l'étoile se déplace à environ 360 km/s soit 1.3 million de km/h, parcourant l'équivalent de la pleine Lune (30' d'arc) en 1500 ans. Sa vitesse radiale (la vitesse à laquelle elle se déplace par rapport au Soleil) est de 169 km/s.

Selon les scientifiques, Mathusalem se dirige vers le halo galactique en suivant une grande boucle autour de la Galaxie. Cette orbite particulière est typique d'une étoile capturée. Elle est probablement née dans une galaxie naine qui fusionna avec la Voie Lactée il y a plus de 12 milliards d'années.

Les premières estimations donnèrent à Mathusalem un âge de 16 milliards d'années mais à l'époque (avant les missions de COBE, WMAP et Planck), en fonction des paramètres cosmologiques, les astronomes donnaient à l'univers observable un âge qui pouvait atteindre 18 ou 20 milliards d'années.

Les nouvelles données recueillies par la mission Planck en 2015 et de nouvelles mesures astrométriques ont permis de revoir et d'affiner ce grand âge incompatible avec l'âge de l'univers estimé à 13.799 ±0.038 milliards d'années.

Entre-temps, dans un article publié dans les "Astrophysical Journal Letters" en 2013, Howard E. Bond du STScI et ses collègues annoncèrent la découverte de "HD 140283, une étoile du voisinage solaire qui se forma peu de temps après le Big Bang".

Localisation de l'étoile Mathusalem, HD 140283, dans la constellation de la Balance (entre le Scorpion et la Vierge). Documents T.Lombry et DSS/STScI/AURA, Palomar/Caltech, UKSTU/AAO.

Grâce aux moyens interférométriques du Télescope Spatial Hubble (les "Fine Guidance Sensors" ou FGS), les auteurs ont réussi à mesurer précisément la parallaxe de Mathusalem : 17.15 ±0.14 mas (à titre de comparaison, la parallaxe de Proxima du Centaure est de 772 mas). A partir de cette valeur et de ses paramètres physico-chimiques comme sa magnitude apparente, sa brillance, son taux de fusion, sa composition et sa structure interne, ils ont pu déterminer sa distance à 190.1 ±1.5 années-lumière et calculer son âge : 14.46 ±0.8 milliards d'années. A l'époque, HD 140283 détenait le record d'ancienneté.

Bien évidemment, l'incertitude de 800 millions d'années est essentielle car cela rend son âge compatible avec l'âge de l'univers. Si on considère la valeur limite inférieure, Mathusalem serait âgée d'au moins 13.66 milliards d'années et se serait donc formée à peine 140000 ans après le Big Bang, ce qui est excessivement précoce.

C'est le rapport d'abondance [O/H] = -1.67 relativement élevé (négatif) et accessoirement le rapport [Fe/H] = -2.40 qui ont permis de revoir son âge à la baisse. Mathusalem est extrêmement déficiente en métaux, avec une abondance 250 fois inférieure à celle du Soleil.

Avec une magnitude absolue de +3.377 et une température effective de 5777 ±55 K, placée dans le diagramme de Herzsprung-Russel, elle se situe un peu plus haut et à droite du Soleil, parmi les étoiles sous-géantes de classe spectrale G2. Mathusalem présente un rayon de 1.4 R, une luminosité de 3.83 L et une vitesse de rotation ≤ 3.9 km/s. Cette étoile est un membre typique de la Population II contrairement au Soleil qui appartient à la Population I.

J1808–5104 B Ara : 13.53 milliards d'années

L'étoile nommée 2MASS J18082002–5104378 B fut découverte en 2003 à quelque 1940 années-lumière dans la constellation de l'Autel (Ara). Une étude publiée en 2018 sur le site de l'Université Johns Hopkins révèla que cette étoile de magnitude 11.9 (V) est âgée de ~13.53 milliards d'années. A ce titre, elle détient le record; c'est la doyenne des étoiles. En fait, elle fait partie d'un système binaire dont elle constitue le compagnon (d'où le B suivant son nom) dont on a longtemps cru qu'il s'agissait d'une étoile à neutrons ou d'un trou noir stellaire.

Localisation de J1808-5104 B. Document John O'Mahony adapté par l'auteur.

Selon un article publié dans la revue "Astronomy & Astrophysics" en 2015 par l'équipe de Jorge Meléndez de l'Université de São Paulo, cette étoile est ultra pauvre en métaux (dite UMP) avec un rapport Fe/H = -4.1 dex soit 1/10000e de la teneur en métaux du Soleil; elle contient autant d'éléments lourds que la planète Mercure. Par comparaison, notre Soleil présente une teneur en métaux équivalente à 14 fois la masse de Jupiter !

Cette étoile est inhabituelle car, contrairement aux autres étoiles UMP, elle fait partie du disque mince de la Voie Lactée (la partie de la Galaxie dans laquelle réside également le Soleil). Du fait que cette étoile est très âgée, les chercheurs estiment que notre région galactique serait au moins 3 milliards d'années plus ancienne que prévu.

Selon Kevin Schlaufman, principal auteur de cette étude publiée dans l''Astrophysical Journal", il existe peut être une étoile de ce type sur 10 millions soit entre 50 et 100 dans toute la Voie Lactée. Sa découverte peut donc nous apporter des renseignements précieux sur les premières générations d'étoiles.

Comme on le voit sur la vidéo ci-dessous, l'étoile J1808-5104 B orbite autour de la Galaxie sur une orbite circulaire qui, tout comme l’orbite du Soleil, ne s’éloigne pas beaucoup du plan de la Galaxie. Mais la plupart des étoiles UMP ont une orbite qui les propulse à travers la Galaxie et loin de son plan.

La très faible métallicité de cette étoile dont elle détient le record indique qu'il pourrait s'agir d'une génération très particulière qui n'a pas beaucoup subit l'effet du recyclage de ses éléments peu après le Big Bang.

A voir : Orbit of Newly Found 13.5 Billion-Year-Old Star

A ce jour, les astronomes ont identifié environ 30 étoiles très âgées ultra pauvres en métaux ayant une masse voisine de celle du Soleil. Mais  J1808-5104 B est une étoile naine vraiment très petite dont la masse atteint seulement 0.07 M soit 14% de celle du Soleil.

Selon Schlaufman, "si notre inférence est correcte, des étoiles de faible masse dont la composition est exclusivement issue du Big Bang peuvent exister", ce qui renforce l'espoir des chercheurs de trouver une étoile doyenne de première génération.

J0815+4729 : 13.5 milliards d'années

En 2018, dans une étude publiée dans les "Astrophysical Journal Letters", une équipe d'astronomes espagnols dirigée par David S. Aguado de l'IAC annonça la découverte dans la Voie Lactée d'une autre étoile pauvre en métaux et très ancienne. Appelée J0815+4729, c'est une étoile chimiquement primitive qui se situe dans la constellation du Lynx à 7500 années-lumière dans le halo de la Voie Lactée. Elle s'est probablement formée 300 millions d'années après le Big Bang, il y a 13.5 milliards d'années. C'est un membre de plus dans la petite famille des étoiles les plus âgées.

Illustration artistique. Document T.Lombry

L'étoile J0815+4729 présente une masse de 0.7 M, c'est une étoile naine, et présente une température effective de 6215 K. Elle fut initialement identifiée dans les données du sondage Sloan Digital Sky Survey (SDSS) qui comprend notamment des spectres de plus de trois millions d'objets célestes. J0815+4729 fut spécialement sélectionnée car elle manque de métaux.

Les chercheurs ont analysé ses propriétés physiques et chimiques par spectroscopie grâce au spectrographe ISIS installé sur le télescope William Herschel et le spectrographe OSIRIS installé sur le Gran Telescopio Canarias (GTC), tous deux installés à La Palma, en Espagne.

Sur base des analyses spectroscopiques, Aguado et son équipe ont déterminé que J0815+4729 a environ un million de fois moins de calcium et de fer que le Soleil, une indication précieuse car seules les premières générations d'étoiles ont des métallicités aussi faibles. En effet, les étoiles formées ultérieurement ont bénéficié du matériel créé par les générations précédentes d'étoiles qui produisirent beaucoup de métaux au cours de leur phase terminale.

Bien que J0815+4729 soit extrêmement pauvre en calcium et en fer, les chercheurs ont été surpris de constater que l'étoile avait une abondance relativement importante de carbone, soit près de 15% de plus que le Soleil. Mais ce n'est pas paradoxal. En effet, des recherches antérieures suggèrent que les étoiles de faible masse, extrêmement pauvres en métaux, développent probablement une surabondance de carbone en l'accrétant à partir de la première génération de supernovae à faible métallicité qui ont une vie excessivement courte.

Du fait que J0815+4729 est déficitaire en métaux tout en étant riche en carbone, les chercheurs ont un argument supplémentaire pour affirmer que l'étoile s'est formée il y a très longtemps, juste après la Voie Lactée, il y a 13.5 milliards d'années. Rappelons que ces étoiles se seraient formées juste après les premières supernovae, dont les progéniteurs furent les premières étoiles massives de Population III nées environ 300 millions d'années après le Big Bang.

Bien que les chercheurs avaient déjà montré en 2016 que J0815+4729 est probablement l'une des étoiles primitives les plus pauvres en fer, la prochaine étape sera d'obtenir des spectres à haute résolution afin de déterminer avec précision l'abondance des autres éléments chimiques. Cela permettra de fixer de nouvelles contraintes fondamentales sur les premiers stades de l'univers, la formation des premières étoiles et les propriétés des premières supernovae.

A voir : Cosmic Origin of the Chemical Elements, Anna Frebel/MIT

J0023+0307 : une étoile primitive riche en lithium

L'équipe de David S. Aguado de l'Institut d'Astrophysique des Canaries (IAC) et de l'Université de Cambridge rapporta en 2019 dans les "Astrophysical Journal Letters" la découverte d'une étoile de la Voie Lactée pratiquement dépourvue de fer avec un rapport [Fe/H] < -6.1, c'est-à-dire présentant moins d'un millième de la métallicité solaire. Elle est relativement riche en magnésium et silicium, riche en carbone [C/Fe] ≤ +2.0 et très riche en lithium (A(Li) = 2.02 ±0.08), proche du niveau du fameux Plateau du Lithium (ou Spite Plateau) typique des vieilles étoiles de Population II du halo galactique.

Cataloguée J0023+0307, c'est une étoile naine jaune de ~6160 K qui est toujours sur la Séquence principale, la phase où les étoiles passent la plus grande partie de leur vie. L'étoile se situe dans la constellation des Poissons, à la lisière de la constellation de la Baleine, à 2.6 kpc soit ~8500 années-lumière du centre de la Voie Lactée.

A gauche, le doublet Li du spectre de l'étoile J0023+0307 analysé en haute résolution (0.035 Å/pixel) avec les modèles de meilleur ajustement (A(Li) = 2.02, σ = 0.05 pour un rapport S/N~130. Deux autres spectres synthétiques sont donnés à titre comparatif. A droite, abondance du lithium en fonction de la métallicité [Fe/H] de J0023+0307 par rapport à d'autres étoiles naines. Les cercles bleus reliés par une ligne continue indiquent les binaires spectroscopiques analysées en 2008 et 2012. La référence du Plateau du Lithium (également appelé Spite Plateau) correspond au niveau de A(Li) = 2.20 dex. La ligne bleue pointillée représente la valeur du lithium primordial (A(Li) ~ 2.7) mesurée par WMAP en 2003. Documents D.S. Aguado et al. (2019) adaptés par l'auteur.

Selon Jonay González Hernández de l'IAC et coauteur de cet article, "le contenu en lithium de cette étoile primitive est similaire à celui d'autres étoiles pauvres en métaux dans le halo de notre Galaxie et ils définissent, en gros, une valeur constante, indépendante de la valeur du contenu en métal de l'étoile."

Le lithium synthétisé au cours du Big Bang est un métal très fragile qui peut facilement être détruit dans les étoiles au cours de réactions nucléaires à des températures d'au moins 2.5 millions de degrés. Etant donné que le coeur de ce type d'étoiles pauvres en métaux n'atteint jamais cette température, le lithium y reste pratiquement toute leur vie.

Selon Carlos Allende de l'IAC et également coauteur de cet article, "J0023+0307 présente une teneur constante en lithium et une très faible métallicité. Nous en déduisons que le lithium doit s'être formé encore plus tôt dans l'évolution de l'univers". Cette composition implique que cette étoile s'est formée au cours des premiers 300 millions d'années de l'Univers, juste après les premières supernovae de notre Galaxie. Elle est donc contemporaine de J0815+4729 décrite précédemment âgée de 13.5 milliards d'années.

S'il fallait encore le démontrer, cette découverte renforce une fois de plus les indices en faveur de la théorie du Big Bang.

HE 1523-0901 : 13.2 milliards d'années

Dans un article publié dans les "Astrophysical Journal Letters" en 2007, Anna Frebel alors à l'Université Nationale d'Australie (ANU) et son équipe annoncèrent la découverte de l'étoile HE 1523-0901. En fait, ils ne l'ont pas réellement découverte car elle était déjà répertoriée depuis longtemps dans les catalogues stellaires dont le HE (Hamburg-ESO Survey), mais c'est la première fois qu'elle fut analysée en détail et son âge estimé avec précision.

Sur base du calcul des abondances des différents élements chimiques, les auteurs ont conclu que cette étoile est âgée de 13.2 milliards d'années, elle est donc presque aussi vieille que l'Univers ! Frebel et ses collègues détiennent leur record. A l'époque HE 1523-0901 était la deuxième plus vieille étoile de la Galaxie !

L'étoile HE 1523-091 photographiée depuis la Grèce par A.Ayiomamitis le 13 mai 2007 au foyer d'une lunette AP de 160 mm f/7.5 EDF. Image CCD LRGB exposée 30 min.

Localisation et paramètres

HE 1523-0901 est une étoile jaune-orangée qui se situe à 7500 années-lumière dans la constellation de la Balance (A.D.=15h26m01.2s, Décl. -09°11'38", époque J2000). Elle brille à la magnitude 11.1. C'est une étoile géante rouge de classe spectrale G.

Rappelons de suite que cette classe spectrale n'est significative que pour des étoiles présentant des métallicités solaires, car la classification spectrale est basée sur des paramètres qui se modifient lorsque la métallicité diminue (voir plus bas). Malgré tout, nous considérons que cette étoile est de classe G. Sa température effective est de 4650 K pour une masse oscillant entre 0.7 et 0.8 M. Plus froide, plus légère mais plus volumineuse que le Soleil, elle n'en est pas moins une géante dans tous les sens du terme.

Pour les amateurs que cela intéresse, la constellation de la Balance culmine en plein sud le 1 mai vers minuit, l'étoile se situant au sud de la Vierge, 9° sous l'équateur céleste. Une photographie de cette étoile est présentée à droite.

HE 1523-0901 est un véritable "fossile stellaire". Par "fossile" il ne faut pas entendre une étoile mourante ou même morte mais simplement une très vieille étoile toujours active. Selon l'ESO, "cette étoile a clairement dû se former très tôt dans l'existence de notre Galaxie qui, elle-même, a dû se former très peu de temps après le Big Bang."

Procédure de recherche

Comment HE 1523-0901 fut-elle choisie parmi les quelque 400 milliards d'étoiles que compte la Voie Lactée ? Frebel avoue que c'était une "découverte fortuite bien informée", une hypothèse de travail fondée comme elle la qualifie : "an informed serendipity" (cf. l'objectif de la science). Frebel recherchait un échantillon de vieilles étoiles à étudier pour sa thèse de PhD à l'époque où elle était étudiante à l'ANU, et reconnut immédiatement les implications du spectre extraordinaire de cette étoile après l'avoir analysé avec le VLT : "Quand vous essayez de découvrir quelque chose, vous ne savez jamais ce que vous allez découvrir. Vous espérez trouver des objets intéressants. En fonction de ce que vous trouvez, vous vous orientez dans cette direction."

Le premier recensement stellaire avait donc indiqué que HE 1523-0901 était une étoile intrinsèquement peu lumineuse et peu massive. Pour un astrophysicien, ces seules caractéristiques indiquaient déjà qu'elle pouvait vivre très longtemps. En découvrant qu'elle contenait des radioéléments, elle représentait un très bon candidat à étudier avec les plus grands télescopes.

Les astronomes ont donc équipé le VLT avec des spectroscopes optique et UV (UVES) pour analyser la lumière de cette étoile. Pour déterminer son âge ils avaient besoin d'identifier dans le spectre de l'étoile les raies d'absorptions de métaux - c'est-à-dire de tous les éléments plus lourds que l'hydrogène et l'hélium - afin de calculer leur abondance relative et en déduire la durée d'existence de l'étoile. Mais bien que l'étoile soit relativement brillante au télescope, il est difficile d'enregistrer les raies spectrales en haute résolution car elles demeurent sombres et très fines. Le temps d'intégration total des prises de vues UV qui furent réparties sur plusieurs sessions a duré 7.5 heures.

Analyses chimiques

Après analyse du profil spectral, en étudiant l'état d'excitation et l'abondance des différents éléments métalliques, Frebel et son équipe ont découvert plusieurs particularités qui allaient confirmer leur intuition.

A gauche, profil spectral de l'étoile HE 1523-0901 autour de la raie d'absorption de l'Uranium (U II). La ligne bleue pointillée correspond au processus r solaire de l'abondance U en absence de décroissance de U. A droite, au-dessus, abondances des éléments à capture de neutrons dans l'étoile HE 1523-0901 comparées à celles du processus r solaire mis à l'échelle (Burris et al., 2000). En dessous, les valeurs résiduelles de la différence des abondances des éléments Z > 56 pour HE 1523-0901 et pour le processus r solaire; ils sont très similaires. Documents A.Frebel et al. (2007).

Cette étoile présente une faible métallicité avec un rapport [Fe/H] = -2.95, c'est-à-dire près de 900 fois inférieur à celui du Soleil. En revanche, les éléments créés au cours du processus r" ("r" pour rapide, il s'agit d'un processus de capture de neutrons par des nucléons radioactifs denses portés à haute température) sont surabondants avec un rapport [r/Fe] = 1.8. Quant aux éléments lourds (Z > 56 donc plus lourds que le fer) impliqués dans les processus r, leur abondance est similaire à celle trouvée dans le Soleil, les deux étoiles ayant presque la même classe spectrale.

Les astronomes ont identifié une raie de l'uranium (U) dans le spectre visible à 3859.57 A. Ils ont ensuite découvert du thorium (Th), élément radioactif (actinide) ainsi que des éléments "métalliques" du groupe des terres rares (lanthanides) et des platines très recherchés comme l'europium (Eu), l'osmium (Os) et l'iridium (Ir). Sachant que les éléments augmentent leur masse en capturant des neutrons (et des protons) au cours des réactions nucléaires et que les éléments radioactifs se transmutent au fil du temps jusqu'à devenir stable, c'est le calcul des rapports d'abondances entre U/Th, U/Ir, Th/Eu et Th/Os qui a permis de dater l'âge de l'étoile avec précision.

Frebel et son équipe précisent que "c'est la première fois que des astronomes purent utiliser trois chronomètres dans une même étoile : Th/r, U/r et U/Th et que c'est également la première "étoile à uranium" qu'on découvre." En fait, de l'uranium fut déjà découvert dans deux autres étoiles mais l'analyse de leurs raies ne permit pas d'en déduire leur âge.

Les Populations d'étoiles

Les résultats des mesures de métallicité et du processus r confirment que HE 1523-0901 serait une étoile appartenant à la "Vieille Population II", similaire aux étoiles qu'on trouve généralement dans le halo des galaxies et dans les amas globulaires. Mais comment cette étoile eut le temps de se former à peine 400000 ans avec le Big Bang ? D'où viennent ses éléments métalliques ? Et que deviennent les toutes premières étoiles, dites de "Population III" ?

Selon Frebel, "la Population III n'existe qu'en théorique actuellement"; nous n'avons pas encore découvert d'étoiles de cette famille. Et de rappeler, "HE 1523-0901 est une étoile de la 2e ou de la 3e génération. Toutes les premières étoiles (Population III) ont une durée de vie très courte (quelques centaines de millions d'années tout au plus) car elles sont très massives (~100 M)e ou de la 3e génération. Toutes les premières étoiles (Population III) ont une durée de vie très courte (quelques centaines de millions d'années tout au plus) car elles sont très massives (~100 M)."

En effet, très chaudes et très instables, ces étoiles de la toute première génération ont rapidement explosé, libérant leurs constituants dans l'espace, enrichissant ainsi le milieu interstellaire en éléments lourds (éléments plus lourds que l'hélium et en particulier de métaux). C'est ainsi que le Soleil contient 2% d'éléments lourds (métallicité [Fe/H] = 0.02). La photosphère solaire contient par exemple du fer alors qu'il ne l'a pas encore fabriqué et ne le produira pas avant la fin de sa vie, dans 5 milliards d'années. Seule explication, comme HE 1523-0901, le Soleil a accumulé ce fer au cours de sa formation, élément qui était déjà présent dans l'espace suite à l'explosion antérieure d'une étoile.

Frebel conclut sereinement, "il reste certainement beaucoup de questions sans réponse, mais nous travaillons dur pour essayer d'y répondre".

Je remercie Anna Frebel du MIT pour ses informations complémentaires.

HE 1310-0536, HE 2340-6036 et HE 2319-5228 : des étoiles SASS âgées de 12 à 13 milliards d'années

L'équipe d'Anna Frebel fit de nouveau la manchette des actualités du MIT après avoir annoncé dans les "MNRAS" en 2024 la découverte de trois nouvelles étoiles parmi les plus anciennes de l'univers qui, de plus, se trouvent dans notre Galaxie. 

L'équipe a repéré les étoiles HE 2319-5228, HE 2340-6036 et HE 1310-0536 dans le halo de la Voie Lactée dans l'hémisphère sud. Ces étoiles de Population II présentent une magnitude comprise entre +12.5 et +14.1 et ont une température effective inférieure à 4900 K. Leur faibles abondances chimiques suggère qu'elles se sont formées il y a 12 à 13 milliards d'années, c'est-à-dire en même temps que se formaient les premières galaxies.

Aujourd'hui, ces étoiles sont tout ce qui reste de leurs galaxies respectives. Elles orbitent en périphérie de la Voie Lactée où les auteurs soupçonnent qu'il pourrait y avoir d'autres survivantes aussi âgées. Selon Frebel, "Ces autres étoiles les plus anciennes devraient certainement être là, compte tenu de ce que nous savons sur la formation des galaxies. Elles  font partie de notre arbre généalogique cosmique. Et nous disposons désormais d’une nouvelle façon de les trouver."

Paramètres et compositions chimiques

L'analyse des spectres en haute résolution des étoiles candidates listées dans le tableau ci-dessous et quelques autres obtenus avec le spectrographe MIKE (Magellan Inamori Kyocera Echell) du télescope Magellan-Clay de 6.5 m installé à Las Campanas au Chili a permis de préciser leurs paramètres stellaires (la température effective Teff, la gravité de surface log g, la microturbulence νmic, leur vitesse V (négative si le mouvement est rétrograde), leur distance D et leurs abondances chimiques, complétés par leur magnitude photométrique Mph (en bande g).

L'équipe a obtenu des abondances pour 17 éléments chimiques légers et lourds. Toutes les étoiles ont une métallicité [Fe/H] comprise entre -2.9 et -4.3, soit jusqu'à environ 1/20000 de la quantité de fer par rapport à la composition actuelle du Soleil. Ces étoiles contiennent également de très faibles quantités de strontium (Sr) et de baryum (Ba) par rapport au Soleil.

Les abondances de six étoiles concordent assez bien avec la composition du halo pour la plupart des éléments. Cependant, pour certains éléments (en particulier Al, Ca, Ti, Co et Ni), les trois étoiles affichent une faible teneur en Sr avec un rapport [Sr/H] < -4.5 et [Ba/H] < -4.0 et montrent une plus grande dispersion et des écarts par rapport à la moyenne du halo. De plus, deux des étoiles affichent des abondances en carbone bien inférieures à la moyenne avec [C/H] < -4.16 pour HE 2340-6036 et [C/H] < -3.66 pour HE 0104-5300, soit 15 à 45 fois inférieur aux autres étoiles analysées.

Étoile SASS

Teff

(K)

Log g

(cgs)

[Fe/H]

(dex)

[Sr/H]

(dex)

vmic

(km/s)

V

(km/s)

Mph g

(4770 Å)

D

(kpc)

HE 2319-5228

4836

2.09

-3.38 ±0.12

-5.18

1.70

-190.84

13.0

  5.3 ±0.4

HE 2340-6036

4689

1.93

-3.59 ±0.17

-5.00

1.91

-281.53

12.5

  5.6 ±0.4

HE 1310-0536

4668

0.57

-4.22 ±0.14

-5.86

1.84

-263.95

14.1

11.9 ±2.3

HE 2303-5756

6349

3.60

-2.93 ±0.10

-3.34

1.53

-430.29

13.1

  1.1 ±0.0

HE 2155-2043

4994

1.82

-3.40 ±0.17

-3.63

2.02

-467.79

13.0

  6.4 ±1.2

HE 0104-5300

4791

1.82

-3.48 ±0.15

-3.89

1.95

-303.15

14.1

  7.4 ±0.6

Document A.Frebel et al. (2024).

En termes d'abondances de capture de neutrons, les trois étoiles (HE 2319-5228, HE 2340-6036 et HE 1310-0536) sont très similaires aux étoiles des galaxies ultra-faibles ou UFD (Ultra Faint Galaxies) situées vers z ~10 qui sont considérées parmi les premières galaxies survivantes de l'univers primitif (cf. A. Frebel et al., 2010; T.M. Brown et al., 2012; J.D. Simon, 2019). Les trois autres étoiles étudiées (HE 2303-5756, HE 2155-2043 et HE 0104-5300) forment un ensemble distinct en terme d'abondance chimique, suivant la tendance générale des étoiles du halo galactique présentant une métallicité supérieure.

Il est intéressant de noter que cette séparation n'existe pas pour les abondances de Ba, les six étoiles analysées ayant un rapport [Ba/H] < ~4.0 et sont dans la moyenne du halo. Par conséquent, l'abondance de Sr est un signe révélateur pour savoir si une étoile est similaire à une étoile UFD et, par extension, ancienne.

Les étoiles à faible teneur en Sr possèdent des rapports [Sr/Ba] qui ne reflètent pas la tendance principale du halo, mais tombent plutôt dans le régime des étoiles UFD. Les auteurs ont donc identifé ces trois étoiles comme ayant des origines similaires aux étoiles pauvres en métaux observées dans les galaxies UFD. Ils ont donc appelé ces étoiles ainsi que d'autres affichant des rapports [Sr/H] aussi faibles, les étoiles "SASS" (Small Accreted Stellar System ou Petit Système Stellaire Accrété) car ils estiment que chaque étoile appartenait autrefois à sa propre galaxie naine primitive qui fut ensuite absorbée par la Voie Lactée.

Les auteurs ont cherché dans la littérature s'il existait des étoiles SASS potentielles affichant un rapport [Sr/H] < -4.5. Ils ont trouvé 61 autres étoiles de ce type dans le halo galactique. Une fraction significative des étoiles ayant une métallicité [Fe/H] < -3 présente ces très faibles abondances de capture de neutrons. Selon Frebel, ce fait conforte l'idée selon laquelle les étoiles les plus pauvres en métaux sont également les étoiles les plus anciennes de notre Galaxie (ou du moins les premières étoiles accrétées par la proto-Voie Lactée).

La population d'étoiles SASS est facilement identifiable par ses faibles abondances en Fe et Sr. Cette identification très facile à réaliser permettra à terme de mieux comprendre les premiers environnements de formations stellaires, les origines et l'histoire des UFD survivantes, ainsi que la première phase d'accrétion de la Voie Lactée.

A gauche, les spectres en haute résolution enregistrés par le spectrographe MIKE du télescope Magellan de six étoiles âgées de 12 à 13 milliards d'années débusquées par l'équipe d'Anna Frebel. Les spectres sont centrés autour de la raie Sr à 4077 Å, de la bande G du carbone autour de 4300 Å et de la raie Ba à 4554 Å. Les trois spectres supérieurs (en vert, HE 2303-5756, HE 2155-2043, HE 0104-5300) sont ceux d'étoiles du halo galactique, tandis que les trois spectres inférieurs (en rouge, HE 2319-5228, HE 2340-6036, HE 1310-0536) sont ceux d'étoiles probablement originaires de galaxies naines UDF accrétées depuis longtemps par la Voie Lactée. Les spectres ont été décalés verticalement pour faciliter la lecture. Les mesures de vitesses indiquent que HE 2303-5756 (vert) et HE 2319-5228 (rouge) semblent évoluer dans des systèmes binaires. A droite, au-dessus, les rapports d'abondances [Sr/Ba] et [Ba/Fe] pour les étoiles échantillonnées comparées aux étoiles du halo de la Voie Lactée (points gris) et les étoiles UFD (carrés olives). La ligne diagonale sépare les étoiles du halo des étoiles UFD. Les étoiles UFD dans le coin inférieur droit semblent prolonger la tendance principale du halo des étoiles hautement améliorées par le processus r. En dessous, même graphique mais avec des étoiles supplémentaires du halo (diamants orange) qui ont été sélectionnées pour un rapport [Sr/H] < -4.5. Elles semblent chevaucher la région couverte par les étoiles UFD. Documents A.Frebel et al. (2024).

Les faibles signatures chimiques de ces étoiles sont similaires à celles que les astronomes avaient précédemment mesurées dans certaines étoiles des galaxies UDF. La question était de savoir si les nouvelles étoiles provenaient de galaxies similaires ? Et comment sont-elles arrivées dans la Voie Lactée ?

Intuitivement, les auteurs ont vérifié les paramètres orbitaux des étoiles étudiées et la manière dont elles se déplacent dans le ciel. Les trois étoiles se trouvent à différents endroits du halo de la Voie Lactée à environ 30000 années-lumière du Soleil.

Une analyse cinématique a montré que toutes les étoiles analysées affichaient des vitesses extrêmement élevées (entre 191 et 468 km/s). De plus, en retraçant le mouvement de chaque étoile autour du centre galactique à l'aide des observations du satellite astrométrique Gaia de l'ESA, les auteurs ont remarqué que les trois étoiles tournaient dans le "mauvais sens", le sens rétrograde (c'est-à-dire dans le sens des aiguilles d'une montre lorsqu'on regarde la Voie Lactée depuis le pôle nord galactique, autrement dit elles "tournent" vers la gauche), alors que la plupart des étoiles du disque principal de la Voie Lactée se déplacent à l'unisson dans le même sens dit prograde ou direct.

Ce mouvement rétrograde indique généralement que l'objet est étranger au système, qu'il provient d'un autre endroit et fut donc "accrété" par la Voie Lactée. Selon Frebel, "La seule façon d'avoir des étoiles dans le mauvais sens par rapport aux autres est de les lancer dans le mauvais sens."

Le fait que ces trois étoiles orbitent de manière complètement différente du reste du disque galactique et même du halo, combiné au fait qu'elles contiennent de faibles abondances chimiques, renforce l'idée qu'elles sont effectivement très anciennes et appartenaient autrefois à des systèmes plus anciens, des galaxies naines qui sont tombées dans la Voie Lactée selon des angles aléatoires et ont continué sur leurs trajectoires durant des milliards d'années.

Des nouvelles découvertes potentielles

L'équipe ayant découvert une caractéristique propre à ces anciennes étoiles, elle dispose désormais d'une recette relativement simple pour débusquer d'autres étoiles SASS : tout d'abord, rechercher des étoiles ayant de faibles abondances chimiques, puis suivre leurs schémas orbitaux à la recherche de signes de mouvement rétrograde. Sur les plus de 400 milliards d'étoiles que compte la Voie Lactée, l'équipe estime que cette méthode permettra de découvrir un petit nombre mais tout de même significatif d'étoiles parmi les plus anciennes de l'univers.

En découvrant des étoiles similaires, les auteurs espèrent les utiliser comme analogues des galaxies UFD. De telles galaxies sont encore intactes aujourd'hui, mais sont trop éloignées et trop faibles pour que les astronomes puissent les étudier en détail. Etant donné que les étoiles SASS ont peut-être appartenu autrefois à des galaxies naines tout aussi primitives, mais se trouvent dans la Voie lactée et sont donc beaucoup plus proches, elles pourraient constituer une clé accessible pour comprendre l'évolution des galaxies UFD.

Selon Frebel , "Nous pouvons désormais rechercher davantage d'analogues dans la Voie Lactée, beaucoup plus brillants, et étudier leur évolution chimique sans avoir à chasser ces étoiles extrêmement faibles."

Après son succès en 2023, Frebel prévoit de relancer son projet avec ses étudiants du cours 8.S30 (Observational Stellar Archaeology) à l'automne 2024 avec l'espoir de débusquer d'autres étoiles anciennes en 2025. Affaire à suivre.

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