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Mars, un monde froid et sec
Gelée blanche, glace et permafrost (I) Parmi les dizaines de missions spatiales parties explorer la planète Rouge, Mars Global Surveyor (MGS) est sans conteste la plus importante de toutes par sa longévité et la quantité de données qu'elle continue de récolter. Après avoir parcouru environ 750 millions de kilomètres en l'espace de 300 jours à une vitesse moyenne de 28.9 km/s, MGS atteignit l'orbite de Mars le 11 septembre 1997. Depuis cette date la sonde Orbiter n'a jamais cessé de transmettre des données aux scientifiques grâce au réseau du DSN. Au cours de sa mission cartographique, bouclant une orbite autour de Mars toutes les 118 minutes à 378 km d'altitude, l'Orbiter révéla d'importants changements saisonniers tant à l'échelle globale que locale. Pendant que les robots de surface Sojourner, Spirit et Opportunity cherchaient de l'eau, MGS permettait aux planétologues de découvrir de quelle manière Mars changeait de visage à mesure que le sable transformait son paysage en été et se couvrait de givre en hiver. Le phénomène subissant de loin le plus de changements est l'apparition du givre. Sur Mars, les températures hivernales nocturnes peuvent descendre jusque -140°C aux pôles. En temps ordinaire, en hiver ou au petit matin, la température frise avec les -125°C. Dans ces conditions, tous les endroits abrités du vent, le fond des canyons et les parois supérieures des cratères se couvrent de givre. Cette gelée blanche présente une chimie complexe faite de glace de dioxyde de carbone (glace carbonique) et de traces d'eau glacée. C'est en fait essentiellement de la "neige sèche" comme celle que l'on retrouve dans nos extincteurs. Par les températures glaciales régnant sur Mars, le gaz carbonique présent dans l'atmosphère devient solide, précipite sur le sol et se sublime partiellement en raison de la faible pression de l'air (6 mb). Ce processus dépend de la température et évolue en fonction des saisons. Un phénomène frappant se manifeste lors de la "débacle" du printemps dans la région de Sisyphi Cavi présentée ci-dessous. C'est une plaine partiellement effondrée d'une bonne centaine de kilomètres de largeur découverte par la sonde Viking Orbiter et qui se situe sur les contreforts du pôle Sud par 0° de longitude et 71°S. En hiver, certaines pentes sont recouvertes de glace carbonique sur plus d'un kilomètre de largeur.
Au début du printemps, en même temps que la calotte polaire se sublime sous la chaleur du Soleil et commence à rétrécir, on aperçoit les premières échancrures sombres dans les pentes. En plein milieu de l'été tout le givre a disparu, révélant d'immenses coulées (gullies) sombres tandis que le sable plus ancien, exposé aux rayons UV du Soleil depuis 10 ou 20 ans prend une teinte claire. Ces traces de givre hivernal alternant avec des zones sombres sont familières des géologues et des personnes qui passent leurs vacances de Pâques à la montagne. En effet, ce que nous observons sur Mars sous forme de pyramides alternativement claires et sombres ressemble très fort à ce qu'on découvre par exemple sur les pentes des Alpes ou sur les reliefs Antarctique au printemps. Sous la chaleur du Soleil, les reliefs sont cisellés ci et là d'immenses traînées sombres et blanches comme le montre très bien la photographie présentée à droite prise par John Webb de l'université australienne La Trobe. L'eau s'écoule au milieu des zones sombres. Le gel saisonnier peut également accentuer les motifs polygonaux que l'on observe près du pôle Sud. A certaines occasions ces motifs ressemblent au plan d'une ville ou aux artères éclairées d'une ville vue de nuit d'altitude. Les deux images présentées ci-dessous au centre et à droite montrent deux régions australes vers 80°S. Sur Terre de tels motifs polygonaux suggèrent la présence de glace sous la surface. On ignore si la même chose se produit sur Mars. Ce qui est par contre certain c'est que le givre saisonnier accentue l'apparence des polygones du fait que la glace subsiste plus longtemps dans les fissures que dans les plaines adjacentes. Les scientifiques pensent, sans que cela ne soit encore prouvé que ces structures polygonales se forment au cours d'un processus de congélation-dégel de l'eau sur une épaisseur de quelques mètres sous la surface de Mars.
Depuis des siècles les astronomes savent que Mars possède des calottes polaires mais jusqu'au milieu du XXe siècle les tentatives d'analyse chimique suggérèrent que la calotte du pôle Nord était composée d'eau glacée, tandis que celle du pôle Sud semblait constituer de glace carbonique Les dernières missions spatiales ont nuancé ces relevés, suggérant que la calotte polaire Sud, persistant toute l'année, pouvait être constituée d'un mélange de glace carbonique et d'eau glacée. Selon certaines analyses basées sur des observations radar, il existerait même de l'eau liquide sous la calotte polaire australe et même à quelques distances de là, mais cela impliquerait une source de chaleur et donc une activité magmatique récente comme le suggère un article publié sur le site de l'AGU en 2019 et un autre artice publié dans la revue "Science" en 2019. La surface de Mars est constituée d'un permafrost, de l'eau glacée mélangée à la terre martienne qui, en se solidifiant aux basses températures martiennes devient aussi dur que la pierre. C'est l'une des raisons pour laquelle l'eau glacée n'avait pas été détectée jusqu'à présent par les nombreuses missions antérieures, car la "terre" avec laquelle elle est mélangée ne réfléchit pas beaucoup la lumière et apparaît donc sombre, contrairement aux régions couvertes de glaces qui peuvent réfléchir jusqu'à 85% de la lumière incidente.
Selon les données récemment acquises par la mission Mars Express, les géologues ont divisé la région du pôle Sud en trois parties : - La première est constituée par la calotte polaire elle-même, faite à 85% de glace carbonique et de 15% d'eau glacée - La deuxième partie comprend les escarpements et les pentes raides couverts presque entièrement d'eau glacée qui glisse des pôles vers les plaines avoisinantes - La troisième partie, plus inattendue, comprend les vastes champs de permafrost qui s'étendent jusqu'à des dizaines de kilomètres des escarpements. Pour les scientifiques la saison martienne hivernale est la plus intéressante car dans les régions polaires des deux hémisphères le gaz carbonique présent dans l'atmosphère précipite et recouvre les pôles, décuplant leur dimension et emprisonnant l'eau glacée. Par leur altitude et leurs formes distinctes assez facilement identifiables, les champs de dunes sont également très intéressants à observer car les jeux de lumière font ressortir les zones brillantes couvertes de givre comme en témoignent les trois photographies présentées ci-dessous.
Deuxième partie
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