|
La détection d'un signal artificiel
Principes (I) Observées en lumière visible, plus les étoiles sont éloignées, plus l'éclat des planètes qui les entourent s'estompe. Dans ces conditions, pour détecter d'éventuelles exoplanètes il faut compter soit sur les perturbations orbitales que subissent les étoiles qui signeraient indirectement la présence d'un corps massif à peu de distance soit sur le transit d'une exoplanète devant son étoile hôte. Mais cela ne suffit pas pour détecter un signal extraterrestre. Il existe heureusement une signature radio propre aux planètes qui traduit leur activité sur certaines fréquences (présence des ceintures de Van Allen, gaz atmosphériques, etc). Mais rien ne permet de certifier que la vie existe sur ces astres. Au cours des quelques veilles SETI qui subsistent encore, comment être sûr que le signal détecté soit bien artificiel[1] ? Pour le radioastronome français François Biraud[2], “similaire à un problème d'anticryptographie, le signal doit pouvoir être différencié des autres bruits de l'espace en le rendant évident, artificiel, sans noyer son contenu”. Les programmes SETI recherchent d’office trois signatures : un signal continu, des bips continus à certaines fréquences, des bips qui changent de fréquences. Mais on peut aussi détecter le nombre p ou tout un message. Mieux encore, nos invités peuvent fabriquer un signal à bande étroite.
Dans l'espace tous les objets émettent avec une
largeur de bande minimale due à la diffusion interstellaire. Elle est
d'environ 0.1 hertz vers 1420 MHz pour un trajet d'environ 100 parsecs. Il
n'existe pas de spectre inférieur à environ 500 hertz. Si nous
localisons un signal qui émet dans une bande beaucoup plus étroite que
cette valeur, ce serait la preuve d'une origine artificielle. D’un autre côté, une bande passante étroite ne permet pas de véhiculer beaucoup d’information, de “sons” différents; elle se justifie par contre par l’intensité du signal pouvant être émis. C'est le phénomène bien connu des télégraphistes qui peuvent envoyer dans une bande passante aussi étroite que 300 Hz des messages en Morse aux antipodes quel que soit les conditions de trafic ou le temps alors que la parole serait inaudible[3]. Si nous désirons un jour transmettre une encyclopédie audio-visuelle à notre correspondant, nous devrons inventer des mécanismes plus sophistiqués et émettre dans une large bande de fréquences, de quelques mégahertz. Seules les très hautes fréquences (quelques GHz) permettent de telles prouesses. Il reste à distinguer cet éventuel signal extraterrestre du bruit de fond engendré par les composants électroniques, mais également par les objets du ciel, les interférences provoquées par les objets que nous utilisons et les parasites naturels en tout genre. Le raisonnement qu'il faut tenir pour déterminer les fréquences favorables se base sur les zones peu brouillées par les émissions des particules. La fréquence ne peut pas être trop haute à cause du fond cosmique à 2.7 K et du bruit quantique et elle ne peut pas être trop basse non plus à cause du rayonnement galactique non thermique provoqué par l'émission synchrotron des électrons relativistes. En
tenant compte des propriétés d'absorption et de dispersion du
rayonnement électromagnétique dans l'espace, l'intersection de ces différentes
courbes indique que la gamme de fréquences favorable au programme SETI
est comprise grosso modo entre 1 et 10 GHz. Dans ce spectre, le milieu
interstellaire ne présente aucune absorption, sauf éventuellement sur
des raies moléculaires. Sur certains canaux H et OH se trouvent dans le
creux de cette fenêtre, formant
le "point d'eau". Mais cette bande de fréquences contient au
moins 20 milliards de canaux... Mais il existe aussi une fenêtre
hertzienne cosmique entre 101-120 GHz et 197-220 GHz mais où le bruit
quantique s'accentue.
Bien que la raie à 21 cm de l'hydrogène baigne tout l'univers et reste un canal prédestiné d'écoute, il n'en reste pas moins vrai que le choix de la fréquence pose un problème : la simple exploitation des bandes radios à raison d'une minute d'écoute par canal de un hertz exigerait cents siècles ! Le spectre électromagnétique s'étend aussi dans le rayonnement infrarouge, X, gamma. Mais il se peut aussi que ces civilisations extraterrestres connaissent les mêmes problèmes que nous sur Terre en ce qui concerne l'absorption atmosphérique des longueurs d'ondes du spectre. Selon Carl Sagan l'évolution impliquant une certaine convergence des découvertes, nos éventuels contacts devraient appartenir à une civilisation au moins aussi technologiquement avancée que la nôtre, et probablement même en maîtriser quelques subtilités. Carl Sagan insiste sur le fait qu'"ils savent que nous le savons. Ils savent que nous savons qu'ils le savent, etc." Cette intelligence facilitera les relations. La compréhension de l'autre permet de déduire des événements. Ils peuvent donc en déduire qu'il existe des fréquences prédestinées d'émissions et d'écoutes. Dans ce cas il est fort probable que l'émission de la raie de l'hydrogène à 21 cm soit choisie par tous comme la fréquence universelle. Cette fréquence est également peu parasitée par le bruit de fond cosmique. L'hydrogène est l'élément le plus abondant de l'univers, raison de plus pour le choisir. Mais il y a aussi celle de la vapeur d'eau (13.5 mm) dont la molécule conditionne la vie sur Terre et la molécule hydroxyle OH (18 cm) qui dessine toute la Voie Lactée et qui fut de toute évidence l'une des briques qui façonna la vie sur Terre. La raie spectrale du formaldéhyde (H2CO) est également une fréquence remarquable. Il existe cependant d'autres façons de définir des fréquences SETI, par exemple à partir d'une fréquence basée sur le rythme de pulsation des pulsars. Ces étoiles neutrons émettent avec la régularité d'une horloge atomique des ondes radio parfaitement stables à travers la Galaxie depuis des millions d'années. Mais si ces civilisations existent depuis fort longtemps, peut-être utilisent-elles des notions physiques dont nous ignorons jusqu'à la formulation.
S'il est raisonnable de penser que le signal proviendra d'une distance comprise entre 10 et 10000 a.l, nous avons vu qu’il est difficile d'avoir des crédits pour une recherche qui s'étalera sur plusieurs générations. La seule entreprise de cette envergure que nous n'ayons jamais mise sur pied fut la construction de la célèbre muraille de Chine qui fut achevée au bout de 12 siècles... Faute de pouvoir patienter, notre seule chance fut ce puissant détecteur MegaSETI, le premier scanner à l'échelle planétaire dont nous disposions. Aujourd’hui BETA, PHOENIX et SERENDIP V sont nos seuls espoirs. Ainsi
que le dit Steve Nadis[4],
il est important que survive quelques programmes SETI, tout spécialement
ceux utilisant différentes stratégies de recherche. “SETI
est insuffisamment subsidié dans le monde entier, reconnaît Horowitz,
mais la détection d’un seul signal d’origine extraterrestre, et
artificiel, serait la plus grande découverte dans l’histoire de la race
humaine”. Robert Dixon partage son sentiment : “C’est
l’une des plus importantes questions à laquelle les humains on tenté
de répondre, et nous avons à peine gratté la surface. Mais nous savions
depuis le commencement qu’il s’agirait d’un problème difficile à résoudre”. Prochain chapitre
|