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La spectroscopie Le spectre-éclair du Soleil Pendant les éclipses solaires totales, quelques secondes avant et après la totalité (2e et 3e contacts), nous pouvons observer une lumière rose qui se découpe entre les aspérités du relief lunaire et qui finit par tracer un fin croissant rose sur la partie émergeante du Soleil. Lorsque nous observons ce liseré au moyen d'un spectroscope on voit aussitôt des raies d'émission brillantes et des chaînes de points qui s'allument telles des flashes dans la chromosphère, d'où le phénomène tire son nom. On a identifié plus de 3500 raies dans le spectre-éclair. C'est ici que les plus fortes raies du spectre solaire se forment : c'est la couche renversante, un processus d'excitation et d'ionisation qui se déroule en permanence sur le Soleil, et qui est particulièrement visible durant les éclipses solaires.
Description du spectre-éclair L'image brute d'un spectre-éclair révèle plusieurs composantes : - Un spectre de raies incurvées ou une chaîne de points en émission. Il s'agit du spectre de la chromosphère - Un fond continu émis par l'anneau de diamant de la photosphère et par la couronne - Un contour diffus émis par la couronne - Des raies en absorption épousant le profil solaire dans la partie infrarouge. Ces raies sont celles de l'eau et de la molécule d'oxygène présents dans l'atmosphère terrestre.
Pourquoi ces raies et ces grains arrondis sont-ils en émission ? Lorsqu'on observe la chromosphère se profiler autour du "Soleil noir", l'analyse spectrale révèle des raies identiques à celles de la photosphère, dit spectre de Fraunhofer, mais elles apparaissent cette fois en émission. Dans son livre Le Soleil publié en 1883, Charles A.Young, professeur d'astronomie à l'Université de Princeton nous expliquait la raison de ce phénomène : "A la surface supérieure de la photosphère, les gaz raréfiés sont foncés en comparaison des gouttelettes et des cristaux qui composent les nuages photosphériques [...car ] ici la pression et la température sont abaissées." Pourquoi les raies d'émission apparaissent dans le spectre-éclair de la chromosphère plutôt que dans le spectre d'absorption de la photosphère ? La raison vient du fait que la chromosphère est portée à haute température - jusqu'à 30000 K dans les couches élevées - et présente une faible densité. Des atomes neutres tel ceux de l'hélium He I ne peuvent émettre un rayonnement lumineux que lorsqu'ils sont excités et portés à une température supérieure à 10000 K, des conditions qu'on ne rencontre pas sur Terre. C'est la raison pour laquelle les astronomes ont tout d'abord appelé ces raies inhabituelles les "raies interdites" et les ont symbolisées par des crochets [ ]. Les raies de l'hélium ionisé apparaissent ainsi à des températures supérieures à 20000 K. Ce phénomène permet de conclure que la température doit croître rapidement à partir du sommet de la photosphère et dans toute la chromosphère jusqu'à la couronne. Etde fait au niveau de la couronne la température dépasse 1 million de degrés comme nous allons le découvrir.
Les atomes de la chromosphère, beaucoup plus ionisés que ceux de la photosphère sont en fait difficilement excitables. Pour expliquer la raie verte du [Fe XIV] à 5303 Å il a fallu que celui-ci soit ionisé 13 fois tandis que la raie jaune à 5694 Å est celle du [Ca XV] ionisé 14 fois. Observé dans ces raies, le plasma constituant la couronne solaire est respectivement porté à 2 millions et 3.5 millions de degrés mais le milieu est extrêmement raréfié. Il est intéressant de noter que dans le spectre de la chromosphère les raies de l'hélium sont très fortes bien que cet élément soit ionisé et difficilement excitable, alors que dans le spectre de la photosphère ces raies sont pratiquement invisibles. Dans le spectre-éclair on découvre ainsi que les raies de l'hydrogène, de l'hélium, du calcium et du fer sont très fortes alors que dans le spectre de Fraunhofer ces raies sont relativement moins intenses, leur signature étant souvent celle d'éléments neutres. Les raies du fer et du calcium ionisés n'apparaissent pas dans le spectre de la photosphère alors que dans le spectre-éclair la raie du fer est beaucoup plus intense que celle du calcium, pratiquement aussi brillante que les raies de l'hydrogène. Dans la partie rouge, outre la raie intense de l'Hα à 6563 Å, on observe également une raie émise par le [Fe X] à 6374 Å présent dans la couronne interne. Ici la température atteint 1 million de degrés. Enfin, à 7065 Å on peut observer la raie de l'hélium chromosphérique. Occasionnellement lorsqu'une protubérance se détache sur le limbe celle-ci pourra être analysée. Elles se manifestent en général par les raies de l'Hα à 6563 Å et, si la résolution spectrale est suffisante, celle du doublet Na I à 5890 et 5896 Å dans la partie jaune-verte du spectre. Photographie et traitement des images Ainsi que nous en parlerons à propos de la spectrohéliographie, cette technique est connue depuis 1890. Dans le cas du spectre-éclair, l'usage d'une fente de collimation n'offre aucun avantage car le phénomène se manifeste déjà sous la forme d'un croissant : chaque raie d'émission apparaît sous la forme d'un arc coloré, représentant un moment particulier de l'éclipse. Bien sûr les grains de Bailly ou les protubérances apparaîtront sous leur propre forme, arrondis ou formant des taches isolées sur le disque ou à l'écart du limbe. La photographie du spectre-éclair ne demande aucun appareillage sophistiqué et suit à peu de chose près la méthode du prisme ou du réseau objectif. Il faut seulement veiller à ce que tout le spectre ou tout au moins la partie comprise entre 4000-7000 Å soit enregistrée sur le capteur photosensible. Cela dépend de la longueur focale de votre objectif (cf. les spectroscopes et les techniques de photographie).
Il faut également effectuer plusieurs expositions différentes afin que tout le spectre de couleurs s'imprime correctement sur le capteur photosensible. Une pose trop longue délavera les détails et fera ressortir la partie jaune du spectre. Mieux vaut dans ce cas choisir une exposition plus courte, d'ordinaire comprise entre 1/15 et 1 s. Avec une caméra CCD de type KAF-1602E dont la sensibilité est accrue dans le bleu les temps d'intégration sont similaires. En général et quel que soit le temps d'exposition le spectre-éclair présente un fort continuum, c'est-à-dire un fond arc-en-ciel uniforme. Il provient de la lumière de la photosphère diffusée par les électrons libres de la couronne. Pour discerner les raies il faut donc éliminer ce voile lumineux qui envahi toute l'image. Sur ordinateur une des solutions consiste à utiliser un filtre médian à large bande, 30 pixels par exemple, que l'on applique uniquement le long de l'axe horizontal. On obtient ainsi un gradient du continuum exempt de raies qu'il suffit d'appliquer sur l'image brute pour soustraire le continuum. L'image finale ne contiendra que le spectre d'émission de la chromosphère et de la couronne.
Etude de la chromosphère Les raies de la chromosphère sont des éléments pour lesquels cette atmosphère est opaque, tandis qu'elle est transparente au continuum visible. On peut en déduire que les pics centraux des raies de la photosphère (le spectre de Fraunhofer) traduisent le rayonnement de la chromosphère. Ce phénomène est à la base d'une étude particulièrement importante, celle de la chromosphère dans les raies très profondes de l'hydrogène, du fer et du calcium-potassium. Etant donné que la chromosphère absorbe ces rayonnements, toutes les structures que l'on observera dans ces raies appartiendront à la chromosphère et non plus à la photosphère.
Ce phénomène permet d'étudier la surface solaire en analysant la lumière à travers ces raies d'émission, en particulier dans une fraction d'angströms (0.5 à 50 Å) dans la raie de l'hydrogène alpha de la série de Balmer, dans la partie rouge-rubis du spectre. Pour plus d'informations Les spectroscopes (sur ce site) Techniques de photographie (sur ce site) L'étude du Soleil en lumière de l'hydrogène alpha (sur ce site) L’interface photosphère solaire/chromosphère et couronne: apport des éclipses et des images EUV (PDF, thèse), Cyrille Bazin, 2014 Physics of the Solar Corona (PDF), Markus J. Ashwanden, LPL/U.Az.
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