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Les technologies du futur
Que nous réserve l'armée américaine ? (IX) Avec un budget de plusieurs dizaines de milliards de dollars alloué chaque année au Ministère de la Défense américain (DoD), sans compter un budget équivalent accordé aux universités, il est évident que les laboratoires de recherche de l'armée américaine (le DARPA et autre LANL) et les contractants travaillant à leur service sont aux avant-postes de la recherche appliquée et des innovations les plus spectaculaires. Les avions et navires furtifs Chacun sait que la "grande muette" a toujours travaillé sur de nombreux projets top secrets en collaboration avec l'industrie; rappelez-vous par exemple les projets Manhattan (bombe atomique, 1945), l'UNIVAC (1951), Orion (vaisseau interstellaire, 1958), les avions furtifs testés dans la Zone 51 (depuis 1955), ARPANET (1969), les drones utilisés durant la guerre du Viêt-Nam (1959-1975), le réseau GPS (le premier satellite fut lancé en 1978), le projet de "bouclier spatial" (Strategic Defense Initiative, ~1980), le programme d'espionnage Echelon, les robots autonomes, les exosquelettes ou encore l'ordinateur quantique. Qu'il s'agisse d'un dispositif d'aide à la décision, d'une arme tactique ou d'un projet stratégique global, étant donné que par nature personne n'a jamais entendu parlé de ces projets avant leur déploiement, leur découverte fortuite ou leur annonce publique est souvent surprenante et déroutante. A chaque fois on se dit que ces projets ou ces appareils sont en avance sur leur temps ! Et de fait, il faut souvent une dizaine d'années voire une génération pour que les autres pays s'équipent en moyens similaires, quand ils en ont les moyens. Parfois, comme ce fut le cas avec le programme Aurora d'avion furtif (SR-91, 1987), le Gouvernement n'était même pas au courant de l'existence de ce programme développé sur des fonds cachés ! Mais quand bien même le programme est rendu public par le Sénat, c'est à peine si le projet de loi éclaire les spécialistes. En effet, il faut souvent attendre la phase d'essai en vol et donc l'annonce publique officielle pour que l'armée dévoile son invention. A ce jour, il n'existe toujours pas de documentation officielle en libre accès sur le programme SR-91 et tout ce qu'on trouve sur les réseaux sociaux est officieux ou il s'agit de reportages très généraux qui manquent visiblement d'informations fiables. Autrement dit, le MoD peut garder des informations secrètes tout le temps qu'il faut et parfois pendant plus de 50 ans pour la "raison d'État" et ce ne sont pas quelques enquêteurs zélés qui y changeront quelque chose. C'est plutôt le FBI ou Interpol qui va intimider ces derniers et les sommer d'aller voir ailleurs au risque de passer un peu de temps en prison (cf. les affaires autour de la Zone 51, Snowden et Wikileaks) ! A voir : Le F-35 Lightning II, U.S. Military Technology Selon le DARPA, vers 2030, les bombardiers et chasseurs de nouvelle génération seront équipés d'intelligence artificielle comme en est déjà équipé le F-35 de Lockheed Martin qui, en 2020, était l'avion le plus sophistiqué. Outre sa puissance de frappe et ses performances de vol, il est équipé d'intelligence artificielle et de systèmes experts. Le pilote dispose d'un casque dont la visière affiche des données déjà triées et préanalysées, lui proposant un résumé tactique de la situation et une éventuelle solution de tir. Bref, rien ne peut lui échapper et étant furtif il échappe aussi à ses ennemis. Les drone tactiques En 2007, le public américain découvrit incrédule l'existence de robots-insectes dans le ciel de Washington, une technologie qui vient compléter les drones et autres robots déjà utilisés par beaucoup d'armées. L'USAF a toujours travaillé avec l'industrie pour mettre au point des systèmes avancés. En avril 2017, elle signa un contrat avec Google pour développer un système de pilotage automatique contrôlés par l'intelligence artificielle et pour traiter les images transmises par les drones (projet Maven du MoD). Elle avait annoncé que ses bombardiers et chasseurs de nouvelle génération seront équipés d'IA dès 2020 (mais actuellement ce projet est toujours au stade expérimental) et d'ici 2040 tout son arsenal (avions et véhicules) en sera équipé et pourra même être contrôlé à distance (ce qu'elle fait déjà avec ses drones dont certains on la taille d'un petitr avion). A voir : Directed Energy: The Time for Laser Weapon Systems has Come, LM, 2020 US Navy's Drone Killing Laser - Tesla Laser Weapon System (LaWS), 2013 THOR (Tactical High-power Operational Responder) Destroys Swarms of Enemy Drones
Les armes laser et micro-ondes En 2008, le Sénat américain demanda aux industries américaines de s'intéresser d'un peu plus près au canon laser tactique (ATL). La même année, le projet ATL de Boeing était quasi opérationnel. En 2014, la Navy déploya son laser portable LaWS de 30 kW sur le porte-hélicoptère et démineur USS Ponce en mission dans le Golfe Persique. Northrop Grumman et Raytheon développent également des prototypes d'armes laser pour l'armée américaine. En 2017, le constructeur Lockheed Martin annonça qu'il avait investi 26.3 millions de dollars en collaboration avec le laboratoire de recherche de l'USAF (AFRL) du DARPA pour fabriquer une arme laser de haute puissance ou HEL destinée aux avions de chasse. Le contrat fait partie du programme SHiELD (Self-protect High Energy Laser Demonstrator) de l'USAF. L'arme pourrait abattre des missiles air-air. En 2021, le projet d'arme laser est toujours au stade expérimental et accuse deux ans de retard.
De son côté, depuis 2007 l'US Army dont le 704e Test Group de Kirtland AFB teste une arme micro-onde de haute puissance ou HPM. Considérée comme une "arme soft", elle peut brûler un drone en vol à environ 500 mètres mais ne le fait pas exploser. La gravité fait le reste. L'US Army a équipé ses camions HELMTT d'un laser de 50 kW en 2018 et envisage d'équiper ses blindés d'un laser de 100 kW en 2022. Comme illustré à gauche, en 2014 la Navy a testé un système d'armes laser (LaWS) à bord du navire USS Ponce (AFSB(I)-15) lors d'une démonstration opérationnelle dans le golfe Persique. La puissance de l'arme peut atteindre 30 kW. Son rôle est d'abattre les drones. Plus puissant encore, la plate-forme Tactical Ultrashort Pulsed Laser (UPSL) est différente des systèmes laser classiques, car elle émet des impulsions courtes de faible énergie, à l'inverse des lasers actuels qui émettent des faisceaux continus. Le nouveau système peut développer une puissance de 1 TW pendant 200 femtosecondes soit un quadrillionième de seconde. L'UPSL sera capable de vaporiser un drone. De plus, il sera également capable de perturber les systèmes électroniques à proximité en générant une impulsion électromagnétique fonctionnelle (EMP). Selon les rapports, les États-Unis envisagent de tester un prototype d'ici 2022. Il est clair que ce type d'arme attire de plus en plus d'attention et pas seulement de l'armée américaine mais des autres nations en proie à des conflits armés dont la Chine, la Russie et Israël. Les roquettes et bombes thermobariques A côté des armes légales, n'oublions pas que les Etats-Unis (comme la Russie) utilisent des armes interdites par la Convention de Genève, pour ne citer que la bombe ou la roquette thermobarique (voici la TOS-1 soviétique), l'étape ultime avant l'arme nucléaire. Les Américains l'ont vraisemblablement utilisée en Afghanistan contre Daech en 2017 (cf. Twitter) tandis que la Russie l'a utilisée lors de la guerre contre l'Ukraine en 2022, notamment pour bombarder des cibles civiles, ce qui est non seulement un crime de guerre mais un crime contre l'humanité (cf. CIP). Le champ de force Dans un rapport publié en 2021, l'AFRL annonça que la technologie du champ de force est sur le point de faire son entrée dans le XXe siècle. Ce rapport annonce notamment le déployement dans un proche avenir d'une technologie capable de développer un champ de force afin de dévier les attaques de missiles. Le rapport de l'AFRL précise : "En d'autres termes, nous avons atteint le "point de basculement" des futures armes avancées". Selon l'AFRL,"le concept d'une arme [à énergie dirigée] créant un champ de force localisé pourrait être à l'horizon". En fait, le champ de force que l'AFRL imagine ressemble moins aux boucliers de la série "Star Trek" qu'à la plate-forme laser orbitale du film d'animation "Akira" (Katsuhiro Ōtomo, 1988). Selon le rapport de l'AFRL, le champ de force est semblable à un parapluie généré par plusieurs armes à énergie dirigée différentes. Au début, ils seront montés sur des véhicules, mais le but est de les placer dans l'espace, d'où ils tireront un laser pour abattre des missiles dans un rayon de défense spécifique. Le rapporet précise : "D'ici 2060, une flotte ou une constellation suffisamment importante de systèmes [d'armes à énergie dirigée] à haute altitude pourrait fournir un parapluie de défense antimissile, dans le cadre d'un système de défense en couches, si de tels concepts s'avèrent abordables et nécessaires". Selon Jeremy Murray-Krezan, scientifique en chef adjoint de l'AFRL pour l'énergie dirigée, "D'ici 2060, nous pouvons prédire que les systèmes [d'énergie dirigée] deviendront plus efficaces, et cette idée d'un c hamp de force comprend également des méthodes pour détruire d'autres menaces". Des soldats télépathes Enfin, de son côté l'US Army évalue les moyens de transformer ses soldats en télépathes. En collaboration avec le College Medical d’Albany de l'Université d'Etat de New York notamment, les chercheurs développent un casque fonctionnant comme une interface portable entre la pensée et la machine. Aussi improbable que cela paraisse, la "télépathie synthétique" ainsi que se nomme cette science est sur le point d’arriver sur le champ de bataille ! En effet, selon Gerwin Schalk, en 2025 les Forces Spéciales pourront capturer leurs ennemis en communiquant et coordonnant leur opération sans faire le moindre signe et en silence. Un peloton d'infanterie pourrait par télépathie appeler un hélicoptère pour secourir des blessés au milieu d'un échange de tirs nourris, là où les ordres verbaux seraient impossibles à transmettre dans le vacarme des explosions. A lire : L'US Army va transformer ses soldats en télépathes (sur le blog, 2012)
Selon le DARPA, vers 2035 les troupes seront épaulées par des robots, et en 2040 tous les vaisseaux de guerre seront équipés d'intelligence artificielle et pourront être pilotés à distance. Si vous alliez l'informatique à la cybernétique, la médecine aux neurosciences, à la technologie laser, au GPS, à la nanotechnologie et aux métamatériaux, essayer d'imaginer quels genres de projets le DARPA, les universités et les industriels peuvent mettre au point. Cela va des missions aériennes comprenant une escadrille de drones et d'un avion de chasse de type F-35, aux soldats télépathes rampants ou volants en passant par des robots assurant la logistique ou bâtisseurs et toute une série de domaines touchant l'armement, la surveillance, l'imagerie, l'identification y compris des individus (des terroristes notamment) ou l'IA peut très facilement épauler en accélérant l'expertise humaine, jusqu'aux inventions domestiques les plus diverses qui peuvent en découler comprenant des nouvelles matières ou des accessoires de haute technologie plus performants intégrant parfois des capteurs intelligents à même le revêtement ou le tissu, certains s'adaptant individuellement à chaque porteur ou conducteur. Ce que nous en savons concrètement et décrit dans ces pages et d'autres articles (cape d'invisibilité, exosquelette, arme magnétique, etc) ne sont que des projets aboutis et le sommet de l'iceberg. Ils nous annoncent un futur très différent de celui qu'ont connu nos grands-parents. Si l'armée américaine ne nous prépare pas une armée de robots dirigée par un commandant virtuel, "l'unité carbone" a encore un bel avenir. Mais nous verrons qu'avec ou sans les militaires, si nous n'y prenons gare la société civile nous prépare également un monde qui risque de dériver et dans lequel l'humain, la démocratie et la protection de la vie privée s'étioleront au bénéfice de la communauté et d'un contrôle omniprésent des autorités. On y reviendra en détails dans les articles sur le Meilleur des Mondes ou les dérives de la société et les Avantages et inconvénients de l'intelligence artificielle. Conclusion Dans l'avenir une chose ne changera probablement pas dans le marché concurrentiel des technologies de pointe : comme aujourd'hui ou il y a 20 ans, le marché regorgera toujours de marques et de modèles à notre plus grande satisfaction. Les constructeurs exploiteront tous les créneaux commerciaux inexploités et toutes les technologies d'avant-garde. Certaines startups vont créer des produits révolutionnaires dont elles vendront des licences aux leaders du marché, des géants seront rachetés par d'autres sociétés encore plus vastes, bref la loi du marché et la société de consommation vont croître et embellir et continuer d'enrichir les grands capitalistes. Ce marché est aujourd'hui essentiellement entre les mains de sociétés américaines et asiatiques, l'Europe essayant tant bien que mal de conserver son image de leader dans les secteurs automobile, aéronautique, astronautique et dans certains marchés de niche comme le nucléaire ou les transports en communs parmi d'autres technologies. Cette revue nous a fait découvrir l'éventail des révolutions technologiques qui s'annoncent à l'horizon 2030 sans pour autant que ce soit une date fixe. "Le futur est toujours conditionnel" disait Jean Cocteau mais nous réservera sans nul doute bien des surprises. Et c'est tant mieux car il suscitera encore longtemps l'imagination des jeunes chercheurs pour les innovations technologiques. Ceci dit, il est évident que cette course effrenée vers le progrès et toujours plus d'individualisme, de technologie et de virtualité peut déplaire et déranger. Ceux qui aiment la nature et le contact humain par exemple jugeront ce progrès bien relatif et peu réconfortant. Mais que les autres sachent également se distancer de temps en temps de cette technologie de plus en plus envahissante. La vie peut très bien se passer d'informatique. Profitons-en tant qu'elle n'est pas encore inscrite sur logiciel ! Dans ce village global d'un futur pas si éloigné que cela, où nous communiquerons tous à la vitesse de la lumière à travers des interfaces homme-machine, sachons nous préserver quelques îlots de liberté et de bonheur. Entrez donc dans ce monde virtuel brillant de mille innovations, mais ne lui confiez jamais votre âme et gardez l'esprit critique. Ceci termine notre revue de quelques tendances technologiques. Nous aborderons d'autres tendances technologies (IA, ordinateur, tablette, robots, médecine sans fil, biocarburants, etc.) dans d'autres articles présentés dans le dossier consacré aux technologies. Pour plus d'informations Quelques livres (cf. détails dans ma bibliothèque) 50 innovations qui vont bouleverser notre vie d'ici 2050, E. de Riedmatten, Archipel/Guide, 2013 The Visioneers, Patrick McCray, Princeton University Press, 2012 La physique de l'impossible, Michio Kaku, Seuil, 2011 Jules Verne et les sciences. Cent ans après, Michel Clamen, Belin/Pour la Science, 2005 Visions : Comment la science va révolutionner le XXIeme siècle, Michio Kaku, Albin Michel, 1999 Futuredays: A Nineteenth-century Vision of the Year 2000, I.Asimov/illustr.de J.-M.Côté), Virgin Books, 1986 The next 50 years on the moon, E.Bergaust, G.P.Putman's Sons,1974 Le Vingtième siècle - La Vie Electrique, Albert Robida, 1892; BookSurge Publishing, 2001; FB Editions, 2015; Gutenberg (version en ligne)
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