7.10.11
Nous nous sommes retrouvés dans la cour de l'immense cimetière Khovansky, à la périphérie de Moscou, ce jeudi, pour un dernier adieu à Vassili Alexanian. Nous - un peu plus d'une centaine de personnes, alors que je pensais que nous serions des milliers. Nous - la famille et les amis du défunt, ses anciens collègues, les journalistes qui ont suivi son procès, quelques défenseurs des droits de l'homme, et des anonymes sans statut particulier, venus simplement témoigner de leur peine et de leur solidarité. Jounaliste, avocat, blogueur, ami de la famille... les frontières, depuis le temps, sont devenues floues - le père de Mikhail Khodorkovski vient me demander si je n'ai pas trop froid (il souffle un vent glacial en ce triste automne moscovite)... Le père de Vassili Alexanian fait preuve d'une dignité et d'une gentillesse bouleversante. Nous nous connaissons tous, de nom ou de vue, pour s'être croisés dans un couloir de tribunal, une conférence de presse ou une manif. Depuis près de 10 ans que dure cette affaire absurde et cruelle, nous en sommes venus à former une sorte de grande famille aux liens distants, qui se retrouve lors des grands évènements "familiaux". Nous vieillissons ensemble, nous ici, en liberté, eux là-bas, de l'autre côté des barbelés, dans les cages à barreaux d'acier, dans les prisons de haute-sécurité... Mais il ne vieillira plus, celui que nous accompagnons aujourd'hui dans son dernier voyage, que nous laisserons dernière nous en quittant cette salle, celui qui était le plus jeune, le plus doué, le plus ardent de cette équipe brillante et solidaire, celui qui a poussé la loyauté jusqu'à la mort, qui a refusé de se sauver en accusant des innocents, tout en sachant qu'ils seraient condamnés tout de même, avec ou sans son témoignage. Je redoutais une cérémonie civile avec des discours, mais c'est une cérémonie religieuse, très simple, suivant le rite arménien. Un jeune prêtre lit la prière des morts et rappelle combien la vie humaine est pauvre et fragile sans la Foi. Vassili était croyant, passionnément. C'était ce qui lui donnait sa force. Comme c'est l'usage dans l'Eglise orthodoxe, le cercueil est exposé, ouvert, au milieu de la salle, et je ne suis pas près d'oublier le beau visage pale et sévère, figé dans la mort. Reposez en paix, Vassili...Protège-moi, Seigneur, du vent glacé de la mort qui me tourmente. Que l'Esprit tout-puissant de Ta paix me recouvre. Gloire à Toi pour les siècles des siècles. Amen. Grégoire de Narek, poète arménien du Xe siècle. Libellés : Aleksanian
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Cet extrait est poignant ! "Mais il ne vieillira plus, celui que nous accompagnons aujourd'hui dans son dernier voyage, que nous laisserons dernière nous en quittant cette salle, celui qui était le plus jeune, le plus doué, le plus ardent de cette équipe brillante et solidaire, celui qui a poussé la loyauté jusqu'à la mort, qui a refusé de se sauver en accusant des innocents, tout en sachant qu'ils seraient condamnés tout de même, avec ou sans son témoignage."
# publié par
:
11:08 PM
Vassili aurait eu 40 ans le 15 décembre, dans une semaine. ... Je n'arrive pas à accepter l'idée que nous avons été impuissants à le sauver.
# publié par
L'Observatrice :
12:05 AM
Et l'on voyait également sa bonté dans ses yeux. Songeons désormais à Khodorkovsky.
# publié par
carole laura :
9:34 AM
Derniers développements
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L'arrestation du PDG de la compagnie pétrolière russe
YUKOS Mikhail Khodorkovsky marque un tournant important dans l'histoire
de la Russie contemporaine. Incarcéré le 25 octobre 2003,
il a été condamné à l'issue d'un
procès inquisitorial à huit ans de camp de travail.
M. Khodorkovsky durant son procès
Son directeur financier, Platon Lebedev, a reçu la même peine.
La dureté de ce traitement, disproportionnée par rapport aux faits qui leur sont
reprochés, laisse supposer des motifs politiques dans l'affaire
YUKOS : Mikhail Khodorkovsky est en effet connu pour ses convictions
libérales et pour le soutien financier qu'il a apporté
aux partis d'opposition lors des dernières élections. Parallèlement, la
compagnie YUKOS dont il était également le principal
actionnaire a été soumise à des redressements
fiscaux successifs toujours plus exorbitants, qui ont servi de
prétexte à confiscation de la plupart des actifs de
la société. Pour tenter de pallier un
certain déficit d'information en langue française, je me
propose de donner - dans la mesure de mon temps disponible - une
couverture au jour le jour de ce qui est perçu en Russie comme
"le procès du siècle".
L'Observatrice
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