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je trouve que ce poeme est très beau
Par Anonyme, le 05.02.2025
elle coure vite ça se voit sur la photo hihi
magnifiq ue avec ces beaux paysages
pleins de câlins venus et
Par Anonyme, le 04.02.2025
coucou vénus
ho lala que tu es jolie et tu t en donnes à coeur joie calinous
Par Anonyme, le 04.02.2025
ccou brigitte
encore une année de plus et des beaux souvenirs toujours avec des loulous
je t envoie pleins
Par Anonyme, le 04.02.2025
oui c est vrai je me souviens de tous les animaux de ma famille....
b onne soiree de mardi
bisous http://les
Par lescockersdemaryse, le 04.02.2025
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Date de création : 13.06.2011
Dernière mise à jour :
06.02.2025
11536 articles
Sandrine Collette, née en 1970 à Paris, est une romancière française.
Sandrine Collette passe un bac littéraire puis un master en philosophie et un doctorat en science politique.
Elle devient chargée de cours à l'université de Nanterre, travaille à mi-temps comme consultante dans un bureau de conseil en ressources humaines et restaure des maisons en Champagne puis dans le Morvan.
Elle décide de composer une fiction et sur les conseils d’une amie, elle adresse son manuscrit aux éditions Denoël, décidées à relancer, après de longues années de silence, la collection « Sueurs froides », qui publia Boileau-Narcejac et Sébastien Japrisot.
Il s’agit Des nœuds d'acier, publié en 2013 et qui obtiendra le grand prix de littérature policière ainsi que le Prix littéraire des lycéens et apprentis de Bourgogne.
Le roman raconte l'histoire d'un prisonnier libéré qui se retrouve piégé et enfermé par deux frères pour devenir leur esclave.
Elle se consacre alors à l'écriture et s'installe à La Comelle, village du Morvan d'où elle est originaire et dont elle devient conseillère municipale.
En 2014, Sandrine Collette publie son second roman : Un vent de cendres (chez Denoël).
Le roman commence par un tragique accident de voiture et se poursuit, des années plus tard, pendant les vendanges en Champagne.
Le roman revisite le conte La Belle et la Bête.
Pour la revue Lire, « les réussites successives Des nœuds d'acier et d'Un vent de cendres n'étaient donc pas un coup du hasard : Sandrine Collette est bel et bien devenue l'un des grands noms du thriller français.
Thèmes et références
Sandrine Collette aime la campagne profonde, la forêt, la montagne, les vignes. Tout naturellement, elle aime situer ses intrigues dans un univers rural, même si son petit polar "Une brume si légère", est exceptionnellement urbain.
La romancière part toujours d’une image qui lui permettra de dérouler le fil de sa fiction.
Ses références vont de Luis Sepulveda à Marguerite Duras ou Paulo Coelho.
Ses œuvres :
— Des nœuds d'acier - 2013
— Un vent de cendres - 2015
— Six fourmis blanches - 2015
— Il reste la poussière - 2016
— Les Larmes noires sur la terre - 2017
— Juste après la vague - 2018
— Animal - 2019
— Et toujours les forêts - 2020 ROMAN
"— " Livres lus et dans ma rubrique "Mes lectures"
Ces orages-là – 2021
L'histoire :
Extraits :
Les vieilles l’avaient dit, elles qui voyaient tout : une vie qui commençait comme ça, ça ne pouvait rien donner de bon.
Les vieilles ignoraient alors à quel point elles avaient raison, et ce que cette petite existence qui s’était mise à pousser là où on n’en voulait pas connaîtrait de malheur et de désastre. Bien au-delà d’elle-même : ce serait le monde qui chavirerait. Mais cela, personne ne le savait encore.
À cet instant, c’était impossible à deviner.
À cet instant, ce n’était que rumeurs de vieilles femmes, et seuls le lendemain et le surlendemain leur importaient, et le qu’en-dira-t-on, parce que le village bruissait, palpitait, causait sans relâche.
Elles, parce qu’elles avaient senti le vent mauvais, elles avaient décidé de fermer leurs oreilles, fermer leur bouche enfin, comme si cela pouvait suffire.
Ce n’étaient, au fond, que de très petits soucis, qui ne méritaient pas qu’on en fasse de longs bavardages.
D’ailleurs, au moment où le grand chaos, le vrai, arriverait, les vieilles ne s’y trouveraient sans doute plus pour en parler.
Mais en attendant, elle, elle était là.
Elle s’était accrochée au fond des entrailles de Marie.
Comme on dit des bêtes à la campagne, vaches ou brebis ou juments, elle avait pris. Par hasard peut-être, par malchance sûrement, enfin voilà, à présent, il faudrait faire avec.
Marie ne savait même pas d’où elle venait.
Cette petite existence maudite.
*
Marie tenant son gros ventre entre ses mains, les cheveux collés par la sueur malgré la fraîcheur de la nuit.
Marie qui n’y pensait plus, à ce qui avait grandi à l’intérieur de ses tripes, tant les Forêts l’épouvantaient à cet instant. Parce que les vieilles ne l’avaient pas ratée : elles l’avaient relâchée au milieu des ténèbres, au milieu des arbres, à l’exact mi-chemin entre le jour d’avant et celui d’après.
Elles l’avaient relâchée, elles avaient ouvert la porte de la maison décrépie noyée dans les bois noirs, elles l’avaient poussée sur le seuil. Dehors, on ne voyait rien. Une nuit d’encre. Une nuit d’ogre. Elles avaient dit : Va!
Cette porte ouverte, pour la première fois depuis six mois.
Marie avait regardé les vieilles, Alice et Augustine – comme on regarde des folles. Les grands-mères de Jérémie et de Marc. Races de chiens, de dingues, tous.
Marie, elle, ne comprenait plus. Elle avait peur.
Et puis son ventre, tout rond tout lourd.
Elle avait secoué la tête en suppliant.
Aller où?
Mais qu’en avaient-elles à faire, les vieilles ?
Six mois enfermée dans une chambre aux volets clos, et Marie retrouvait la liberté en pleine nuit, avec ses dix ou quinze kilos de l’enfant à venir – Marie qui avait reculé à l’intérieur de la pièce.
Alors les grands-mères l’avaient chassée à coups de balai, jusqu’à ce qu’elles puissent refermer la porte sur elle.
Jusqu’à ce que Marie s’éloigne, parce qu’elle le savait : cette porte ne s’ouvrirait plus que pour du malheur.
Il n’y avait pas de lune cette nuit-là.
Même la route minuscule qu’elle suivait hébétée, Marie la distinguait à peine. Parfois elle se prenait les pieds dans une herbe ou dans une ronce, elle tombait à genoux. Elle se relevait en pleurant, une main griffée par les orties, l’autre sur le macadam encore tiède.
Elle les passait sous son ventre et se hissait à nouveau debout, à nouveau tremblante.
À nouveau aveugle.
Aucune voiture ne passerait avant des heures.
Juste les arbres, avec leurs branches immenses déjetées tels des bras disloqués, et le vent qui faisait des sons étranges, des chuintements, des murmures, des menaces.
Juste les silhouettes étouffantes des châtaigniers et des hêtres au-dessus d’elle, refermées en une voûte infranchissable, leurs racines comme des pièges, leurs oiseaux et leurs insectes réveillés par les sanglots de Marie qui la frôlaient en s’enfuyant dans des bruits mécontents.
Juste les Forêts.
*
Les Forêts n’avaient jamais aimé Marie.
Elles ne la guideraient pas.
Elles ne l’aideraient pas.
*
Marie non plus ne les aimait pas. Elle, c’était la ville, les lumières, une fête permanente. Quand elle avait rencontré Jérémie, elle l’avait arraché à ce territoire envoûtant et mouillé qu’elle détestait. Elle avait fait semblant d’ignorer l’emprise des Forêts sur ceux qui y étaient nés. C’étaient des histoires de bonnes femmes, pensait-elle. Cela ne valait rien face à sa volonté à elle, ses promesses, ses cheveux ondulant dans le vent.
Les Forêts : un pays d’hommes et de vieilles femmes.
Qu’il n’y ait pas de place pour elle – elle s’en moquait. Elle partirait.
Mais pas seule.
Voilà, elle avait emmené Jérémie.
Elle l’avait séparé de sa terre et de ses amis, de sa grand-mère Alice, de son histoire. Rien à foutre.
Et dur comme fer, elle croyait s’être débarrassée de ce pays. Elle croyait que le sort se commande, que la terre trempée n’attache pas forcément sous les chaussures. Elle avait fait jurer à Jérémie de ne pas y remettre les pieds – il avait juré.
Et puis.
Il était revenu un jour, pour un congé, pour une fin de semaine. Pour toujours enfin. Les Forêts l’avaient rappelé comme on siffle un clébard. Il avait accouru la langue pendante et les yeux ravis.
Peut-être était-ce cela que Marie ne lui avait jamais pardonné.
C’était sûr, même.
Ces Forêts maudites.
*
Marie continuait à marcher sous les arbres ; elle se retournait parfois, comme si les vieilles l’avaient suivie pour la reprendre, la peur la faisait frissonner.
Elle entendait son souffle rauquer dans sa gorge et dans sa tête.
Tout plutôt que le bruissement des bois obscurs.
Mal au ventre.
Elle avait cogné sa peau tendue.
Arrête hein.
Elle haïssait cette protubérance qui faisait partie d’elle et qu’elle avait essayé d’arracher en vain, cette excroissance qui ne s’en irait qu’avec l’accouchement, à cause d’Alice et d’Augustine, les grands-mères de ces petits-fils minables, qui l’avaient séquestrée pendant six mois.
Vous n’allez pas faire ça ? Putain, vous n’allez pas faire ça ?
Six mois.
Pendant les premiers temps de son enfermement, Marie avait pris d’assaut les murs de la chambre, le ventre en avant pour le cogner plus fort, pour que l’enfant passe. Elle l’imaginait comme une sorte d’écureuil perché sur ses organes, qu’un choc un peu plus vif ou un peu de travers finirait bien par faire tomber. Mais le petit – puisqu’il s’avérerait être un petit – s’était accroché tel le vent à une branche fragile ; au bout de quelques semaines, Marie s’était rendue à l’évidence, elle avait compté les jours terribles, il naîtrait, elle n’avait plus d’espoir.
Emprisonnée, Marie, cloîtrée dans une chambre obscure, pour tout ce qu’elle avait abîmé, brisé, anéanti en allant promener ses fesses ailleurs. Pour lui apprendre, pour lui gâcher la vie qu’elle avait gâchée à Jérémie et à Marc – disaient-elles.
Jérémie et Marc, c’était comme les doigts de la main, avant.
Avant Marie.
Celle qui avait fait parler le village entier – une vingtaine de culs-terreux collés à son histoire, à son scandale.
Celle par qui le malheur.
*
Au début, elle était amoureuse de Jérémie bien sûr.
Elle ne voyait que lui. Elle l’avait épousé. Trop vite. Une année avait passé, et deux, et encore une troisième. C’était long. Elle avait tellement envie de s’amuser.
S’amuser ? Même pas.
Le vrai mot, c’était : vivre.
Jérémie, c’était comme un petit chien. Il était toujours là. Marie s’était lassée.
L’été, rompant la promesse qu’il avait faite, ils se retrouvaient aux Forêts tous les deux. Puis très vite, histoire de chasser l’ennui, tous les trois : avec Marc, l’ami d’enfance de Jérémie.
Chez les grands-mères des garçons – les vieilles salopes, rectifia Marie en silence.
D’accord, quand Jérémie était retourné travailler à la fin des vacances, elle avait couché avec Marc. Cela avait duré deux ou trois mois. C’était une belle arrière-saison. Jérémie venait le week-end, disait que Marie avait besoin de repos, besoin de s’égayer.
Voilà, c’était une distraction.
Alors, est-ce que c’était si mal – est-ce que cela valait les hurlements, les coups, les déchirements qui avaient suivi ; la bagarre qui avait laissé Jérémie et Marc pantelants, sanguinolents, brouillés à vie.
Jérémie avait claqué la portière de la voiture, il était reparti comme un fou. Il avait abandonné Marie chez la vieille Alice. Elle ne s’inquiétait pas. Elle savait qu’il reviendrait le lendemain – et pas fier. Elle attendait ses excuses. Elle préparait aussi l’explication, car il y en aurait forcément une. Cela lui avait pris une partie de la nuit, et elle n’aurait jamais l’occasion de s’en servir, car Jérémie n’était pas revenu.
Il s’était tué sur la route ce soir-là. Un mauvais virage, là où se tiennent ces immenses platanes qui ne pardonnent pas. Un coup de malchance.
Sa faute à elle – c’est ce qu’avait crié Alice derrière la porte de sa chambre."
*
Marie, elle ne pensait qu'à une chose : partir de là.
Elle se savait enceinte depuis peu. Il fallait qu'elle avorte.
Marc ne répondait à aucun de ses appels. Plus tard, elle apprendrait qu’il avait quitté les Forêts à la nouvelle de la mort de Jérémie. Parti où ? Même sa grand-mère l’ignorait. Il avait seulement dit que ce serait pour toujours.
Marie s’en moquait pas mal. Elle ne s’était pas demandé de qui était la petite saloperie qui lui poussait d’un coup dans le ventre.
Ça ne comptait pas.
Elle voulait juste s’en débarrasser.
Oui bien.
S’il n’y avait pas eu les grands-mères pour l’en empêcher.
Pour crier, derrière la porte verrouillée, qu’elle le porterait jusqu’au bout, son môme, et que toute sa vie, il serait là pour lui rappeler.
*
"Marie se traînait dans la nuit sans pouvoir s’arrêter de pleurer. Elle finissait par ne plus avoir peur des Forêts, elle n’avait plus la force.
C’était la fin de l’été, il faisait tiède.
D’autres fois, cela l’aurait amusée de marcher en pleine obscurité en tenant la main à Jérémie – ou à Marc, n’importe lequel, pour la différence qu’il y avait. Ils auraient ouvert leurs mains à la brise, ils auraient écouté la chouette qui hululait même si Marie s’en foutait, ils auraient fait la course dans le noir. Ils auraient inventé des noms aux silhouettes des arbres géants, des noms rien qu’à eux, pour un monde rien qu’à eux.
Tout cela avait volé en éclats.
Elle s’enfuyait des Forêts, son ventre était douloureux, elle ne devait plus le frapper. Il fallait seulement marcher encore et encore. Trouver une voiture qui l’emmènerait à la ville. Après, elle ne savait pas. Après, c’était trop loin. Avec trop de questions.
Parce que ça serait quoi, la vie d’après – ça serait quoi d’être une mère, murmurait une petite voix à l’intérieur, mais ça non, ah non surtout pas, là-dessus les vieilles n’auraient pas gagné, elle le jurait.
Elle n’allait pas l’aimer, ce mioche, elle le dégagerait quelque part et elle irait conquérir son paradis à elle, son existence de rêve, elle la méritait, elle l’avait payée d’avance. Un môme, au fond, cela pouvait s’effacer comme un trait de craie sur un tableau.
Il suffisait d’un bon chiffon.
"Pourquoi elle ne l’avait pas abandonné à la naissance, elle ne se l’expliquerait jamais. Elle passerait sa vie à regretter de ne pas l’avoir fait.
Quelque chose l’avait retenue.
Peut-être l’immense solitude.
Peut-être le refus qu’ailleurs, l’enfant puisse être aimé, avoir une belle existence. Et elle – elle ne voulait pas qu’il soit heureux.
De fait, chaque fois qu’il essaierait de l’être, Marie s’appliquerait à détruire l’univers qu’il s’était inventé.
*
Elle n’avait pas de famille. Elle avait quelques amies : après son accouchement, elle leur laissa le petit, l’une après l’autre. Le temps de souffler. Le temps de travailler. Le temps d’une bonne engueulade, et elle revenait le chercher parce que ce n’était pas normal – oublier un enfant pendant des semaines, parfois des mois, disparue, injoignable, Marie, convaincue que d’autres finiraient par élever son gosse avec leurs propres gamins.
Le petit était ballotté de maison en maison, avait les yeux grands ouverts, regardait tout. Il ne faisait jamais de bruit, il ne pleurait pas, il n’essayait pas de gazouiller. De loin en loin, il reconnaissait la voix de Marie quand elle arrivait après de longues absences, quand elle se disputait avec ses amies, cela se terminait toujours par des larmes, après, elle l’installait dans la voiture et claquait la portière en criant – Fait chier.
Pour quelques jours ou quelques semaines, il retrouvait le minuscule appartement mal éclairé où vivait sa mère. Elle le laissait seul, il fallait bien qu’elle gagne sa vie. Il pouvait pleurer pendant des heures : personne ne venait jamais, personne ne répondait à ses plaintes. Il contemplait le tapis, hagard. Du doigt, il suivait les dessins, les couleurs. Son regard vacillait. Les demi-journées étaient trop longues. Il finissait par s’endormir.
Quand Marie rentrait, il agitait les mains vers elle en entendant s’ouvrir la porte – elle ne le regardait pas.
*
Corentin eut deux ans, puis trois.
Qu’est-ce que je vais faire de toi.
Dans l’entrebâillement de la porte, au fond de la voiture, il se tenait coi. Il savait que c’était à cause de lui, tout ça. C’était son lot, le malheur. Sa mère le disait en se penchant sur lui.
J’ai jamais eu que la poisse avec toi.
Que ce soit Marie le problème, personne n’était là pour le lui expliquer. Son humeur instable, ses désirs impossibles. Elle, si jolie que les hommes s’y laissaient prendre ; et puis il y avait les colères, les caprices, les exigences. Lorsqu’ils rencontraient Corentin, cela faisait longtemps qu’ils cherchaient une issue à cette relation impossible. Et peut-être même, l’enfant aurait manqué les faire renoncer à la dérobade, tant il était touchant dans son petit pantalon bleu, s’attachant à marcher à leur rythme, à les suivre sans un bruit, à être content de tout et d’un rien.
Mais Marie.
Ses extravagances finissaient par avoir raison d’eux.
Qui voudrait d’une femme avec un gamin, criait-elle après, en le montrant du doigt.
Corentin restait muet près d’elle, ses grands yeux effarés et saturés d’un amour impossible.
Attendre que cela passe.
Tant que sa mère était là, quelque chose existait.
Et elle, qui rêvait de pouvoir l’abandonner quelque part. Oui de toutes ses forces, elle désirait le faire disparaître. Parfois son esprit chancelait, elle cherchait une issue, une baguette magique, cela la réveillait certaines nuits, elle posait la baguette sur la tête de l’enfant et il se dissipait dans l’air, il n’en restait rien, qu’un peu de fumée et un formidable, immense sentiment de liberté.
Prise d'un espoir insensé, Marie allait voir dans le recoin où elle le faisait dormir entre deux gardes hasardeuses. Il était toujours là.
Toujours là, putain.
*
Un jour, cela fit presque cinq ans.
Un jour, cela fit dix-huit mois que Marie s’était débarrassée de lui en le plaçant chez Olive, moyennant une petite pension en espèces. Pour améliorer son ordinaire, à Olive, parce qu’élever trois gosses toute seule, elle l’avait dit à Marie qui n’écoutait pas, c’était difficile. Elle avait beau trimer, faire des ménages, de la cuisine, du repassage ; elle avait beau – les allocations, ça ne cherchait pas loin. Alors, un billet en plus serait le bienvenu.
Quand il venait.
Marie, ça lui arrachait la gueule de payer pour le mioche. Elle se pointait tous les trois mois, Olive gueulait. Si elle croyait que son fils mangeait un mois sur trois ?
Marie jetait l’argent sur la table, le ton baissait d’un cran, c’était reparti pour un tour.
Reparti tout court : Marie ne venait plus, jusqu’à ce que les appels frénétiques d’Olive l’obligent, parce que les prétendus courriers contenant le prix de la pension n’étaient jamais arrivés."
"Dix-huit mois chez Olive.
Dix-huit mois avec Jojo, Anaïs et Manon.
La vie prenait des repères.
La vie faisait répit.
Et quand Corentin se leva en même temps que les autres, un matin de juillet, il ignorait – ils ignoraient tous – que ce serait le dernier jour ensemble."
"Corentin n'écoutait pas? Il ressemblait à ces jeunes agneaux que l'on sépare de leur mère et qui, pendant des jours bêlent à se casser la voix dans la bergerie où on les a enfermés, effrayés et perdus, se heurtant aux murs pour les ébouler en vain, se taisant enfin, quand ils sont épuisés.
Lui, il pleurait parce que sa mère était revenue.
Pendant longtemps pourtant, il en avait rêvé.
Les rêves, c’est rien que des mensonges.
*
"Il faisait beau ce jour-là et c'était injuste.
Il y avait trop de chagrin.
À nouveau quelque chose d'inconnu s'ouvrait, sans joie et sans impatience. Un bouleversement minuscule. Un enfant qui pleurait en silence dans une voiture rouge: cela ne changerait rien au monde.
Les arbres avaient commencé à perdre des morceaux d'écorce."
"Un toit d’ardoise abîmé sur les rives, une pierre triste avec des portes basses, comme si on ne voulait pas laisser entrer les gens. La maison d’Augustine était laide. À l’intérieur, à partir de quatre heures, il fallait rester près des fenêtres pour lire ou raccommoder un ouvrage. Le carrelage au sol était fendu à plusieurs endroits, des carreaux blancs et noirs mouchetés, que l’on pouvait regarder pendant des heures en cherchant des dessins, et sur lesquels les insectes morts se devinaient à peine.
Deux fauteuils d’un vert sans âge, une table basse jonchée de journaux.
Le vieux chat allongé sur les journaux. C’est ce que Corentin vit en premier."
"Chaque soir, le petit pleurait dans son lit, étouffant ses larmes dans ses draps pour qu’Augustine ne l’entende pas, il n’avait pas envie qu’elle l’entende, il ne voulait pas qu’elle le console.
Marie reviendrait le chercher. Elle ne pouvait pas le laisser là, avec cette vieille femme de soixante-seize ans qui ne riait jamais.
L’affaire de quelques jours.
Quelques semaines.
Le temps passait à une lenteur terrifiante.
Corentin ne reverrait jamais Marie."
"Il ne connaissait pas les Forêts.
Un territoire à part, colossal, charnu d’arbres centenaires, de chemins qui s’effaçaient chaque saison sous la force de la nature.
Un territoire maléfique, disaient certains qui ne savaient plus pourquoi, mais c’était un réflexe, chaque fois qu’un malheur s’abattait par ici, les vieilles et les vieux se tordaient les mains en hochant la tête : Ce sont les Forêts.
Rien de bon ne levait jamais dans ces terres maigres, tout crevait, il faisait trop chaud, ou trop mouillé, le sol était bourré de ces insectes qui bouffent les plants par la racine, il n’y avait que de la caillasse, le bétail était creux aux flancs, il n’y avait rien à faire.
Rien de bon non plus dans le cœur des hommes qui s’était asséché depuis des générations."
"Elle ne demandait pas d'argent pour qu'il reste là.
C'était une sorte d'émerveillement pour lui. Il n'y avait qu'elle.
Elle ne le grondait pas.
Il n'était pas grondable. Il intégrait ses manies, ses exigences, il se modelait sur elle. Pour aller au jardin, pour ramasser des branches mortes qui allumeraient le feu, il marchait dans ses traces. Il imitait ses gestes. Jusqu'au ton de sa voix, qu'il essayait à érailler. Il ne s'opposa qu'une fois à elle, lorsqu'il trouva un petit chat sur le chemin et qu'il ramena à la maison. Elle n'en voulait pas. Corentin le fit dormir dans son lit, et ils n'en parlèrent plus.
Sur les choses importantes – c'est elle qui disait cela, les choses importantes – elle ne lui cédait rien. Ni au jardin, ni au village, ni surtout à l'école.
Toujours droit et toujours premier. Il n'y a pas d'autre vois.
C'est ainsi qu'il se mit à grandir."
"À l’automne, Corentin revint moins souvent. La tête lui tournait toujours de tant de choses nouvelles et brillantes, il avait l’impression qu’il n’arriverait pas à tout voir ni à tout faire, la vie n’y suffirait pas, il brûlait. Petit papillon qui s’émerveillait, ébloui, ailes ouvertes.
Augustine l’attendait un peu plus longtemps. Il n’y avait pas d’amertume. Elle savait que le moment viendrait où il annoncerait sa visite, elle patientait, même si le temps comptait double pour elle, à son âge, tout pouvait s’arrêter si vite. Elle regardait la télévision en pensant que Corentin était là quelque part, dans cet étrange univers auquel il s’était si bien accoutumé.
Il était là-bas et un jour, il serait là, sa présence joyeuse, éblouissante, virevoltante.
Il écrivait pour se faire pardonner ses absences.
Au téléphone, Augustine entendait mal.
Tu sais, la mer. Je n’ai pas oublié.
Elle disait : On verra."
"Quand il était là, elle prenait ces instants de fête sans un soupir, sans condition. Elle ne demandait pas quand il reviendrait. Elle n'avait pas de prière au fond des yeux.
Tout était normal.
Ainsi vont les enfants : ils s'en vont."
"Corentin avait trop chaud, il avait trop sec. La ville l'étanchait.
La ville ensablée. La ville engluée, épaisse, opaque. Tout manquait d'air. Tout arrivait feutré et hurlant en même temps. Le bruit se heurtait au silence des grandes peurs.
Tout continuait cependant.
"Mais ça ne se voyait pas que la nature crevait, dans la ville. Ça ne faisait rien au macadam, rien aux réverbères. Ça ne changeait pas le chant des étudiants, ça ne changeait pas le bruit des klaxons. Ça n'atténuaient pas les rires ni les cris, le grincement des portes qui s'ouvraient et celles qui se fermaient, pas le ronronnement du métro, pas les sonneries des portables.
Ça ne modifiait pas la couleur du ciel – parce que personne ne le regardait. Il y avait trop de lumière devant. Des lueurs artificielles.
Qu'on éteigne, suppliait parfois Corentin en silence.
Le monde comme une ampoule.
Le monde comme une fête, et il était bientôt minuit."
"Sous la fête immense, une peur étrange leur dévorait les entrailles, atténuait leurs rires, leur écarquillait les yeux.
Peut-être était-ce la vie qui les effrayait, quand il faudrait la prendre à bras-le-corps puisque les études se terminaient, quand ils sentaient qu'une époque se finissait lentement, et ce n'était pas seulement une époque – une vie, un monde. Ils n'en voulaient pas tant que ça, de cette existence de grands adultes, là où tout devient irréversible, et tout devient sérieux.
Ils partiraient chacun de son côté, parce qu'il y aurait du travail, de l'argent, de la gloire, ils partiraient, ils s'émietteraient, ils se manqueraient à tout jamais."
"Qui y va.
Les coeurs battaient trop fort. Ils avaient moins soif soudain, la terreur les liquéfiait. Ils léchaient la suer sur leurs lèvres. Corentin se tenait les yeux baissés. Il n'était pas meilleur que les autres et ses mains tremblaient pareil. En haut, ils ignoraient ce qu’ils allaient trouver. Plusieurs fois, ils s’étaient dit qu’ils s’étaient trompés, qu’ils remonteraient et que tout serait comme avant. Ils auraient tout inventé, tout imaginé, tout déliré. Longtemps après, ils en riraient entre eux. Ils se le rappelleraient comme une expérience étrange."
"Dévasté.
Y avait-il un autre mot?
Corentin s'était assis à côté d'Albane, à coté des autres. Comme eux, il contemplait.
Mais contempler quoi ?
Tout ce qui était vif était devenu cendres.
Tout ce qui existait était détruit.
Tout n'était que silhouettes noires et atrophiées – et brulées – les immeubles, les arbres, les voitures.
Les hommes.
"Corentin les contemplait en silence. C’était étonnant de voir ces êtres supérieurs – n’était-ce pas ainsi qu’ils se percevaient tous, depuis des années – trouver des élans de bêtes, appeler dans des rauquements à peine humains, des plaintes, des rages étouffées, déjà certaines de leur inutilité ; c’était à la fois fascinant et glaçant d’entendre ces accents désespérés qu’ont seuls les enfants quand ils croient qu’on les abandonne, ces cris qu’on ne pousse que lorsque l’on est sûr d’être seul, tant ils signent une effarante fragilité. Corentin écoutait, réprimant les frissons sur sa peau, les serrements dans sa gorge."
"Et lui, avec sa grande gueule, qui avait dit à qui voulait l’entendre qu’il aimait la solitude, qu’il en avait besoin, qu’il en avait désir. Mais ça, c’était avant. Avant d’être seul pour de vrai. C’était très différent de l’idée qu’il en avait eue."
"Les morts, c'étaient les autres, et les autres, Corentin s'en foutait. Il s'obligeait. Il n'y avait pas de place pour la désolation, il fallait garder ses forces pour soi. L'omniprésence des morts les avait rendus banals. Ils étaient partout, trop nombreux, tous pareils. Les enjamber dans les magasins, dans les postes d'essence, était devenu ordinaire.
Non, le pire, c'était le reste.
Mais il ne restait rien, alors – le reste, c'étaient les absences.
Le vide d'hommes, d'animaux, de forêts, de bruit, de mouvement. Disparus, les grands arbres et la route immobile, les voitures, les ronflement des moteurs. Avalés, les hommes, les voix, les rires, les cris.
Dans les paysages calcinés, dans la route immobile.
Dans la solitude et le silence.
Il y avait de quoi perdre la raison mille fois.
Et cette étrange absence de couleurs.
Tout était gris. Corentin levait le nez et regardait le soleil qui ne se levait plus ; c'était une demi–nuit permanente – une aube perpétuelle. Une poussière de cendres obstruait le ciel."
"La disparition des couleurs, et le silence.
Le silence le laissait bouche ouverte, bras ouverts – épouvanté.
C’était comme s’il était devenu sourd, et il avait frotté ses oreilles à les rendre douloureuses pour leur redonner vie, pour entendre à nouveau.
Mais il n’était pas sourd.
Seulement, le bruit avait disparu. Il n’y avait rien à entendre."
"Il y eut un signe.
Un après midi que Corentin harassé marchait les yeux crochetés au sol – cela rétrécissait l'horizon, il ne voulait pas regarder trop loin, trop loin cela l'effrayait, il n'y arriverait pas – un après midi, il y eut une lumière au bout de ses chaussures. Et ce n'était pas une erreur, pas un mirage – mais un minuscule bout d'herbe qui avait émergé de la terre morte, et dont le vert faisait presque mal aux yeux tant la couleur avait disparu du monde. Il s'accroupit pour l'observer. Elle faisait peut-être deux centimètres. Il la toucha du bout du doigt, pour être sûr."
"Corentin s'était aperçu que le chiot n'était pas complètement aveugle. Il évitait les arbres, les panneaux, il devinait les masses. Il reniflait. Il écoutait. Il s'en sortait plutôt bien. Nul doute que s'il avait dû chasser pour trouver sa nourriture, ç'aurait été compliqué – parfois malgré son attention, il se cognait sur un objet qui traînait, sur une pierre, il trébuchait dans un trou. Il se relevait en s'ébrouant. Il repartait. Il ne cédait pas."
" Ne pas bouger. Ne pas se déplier.
Vivre comme un ver.
Ne plus jamais voir le jour.
Il pleuvait dehors.
Les hortensias avaient été en fleurs mais –
La nuit restait à l'intérieur
Un peu de vent passait.
Seul geste, seul mouvement de la terre.
Tout est mort en définitive, se dit-il."
Mon humble avis :
Si j'ai fait le choix de partager autant les extraits des premières pages, c'est pour montrer comment l'histoire d'un enfant peut nous rendre attachant un personnage de roman...
Et je l'ai aimé ce petit Corentin devenu un adulte survivant dans un monde détruit.
Et si j'ai arrêté les passages des premiers chapitres à la page 154 sur les 334 du livre, c'est pour mettre en valeur cette atmosphère angoissante, passionnante et captivante que l'on vit à chaque page et vous donner l'envie de vous plonger dans ces forêts...
Car on a tout simplement pas envie de lâcher cette histoire où même un petit chiot m'a ému aux larmes...
Roman de science – fiction qui enchaîne les questionnements sur la vie, sur la solitude, sur l 'instinct de survie, sur l'amour, sur l'espoir, sur notre monde, notre façon de vivre pour nous amener à réfléchir à notre devenir et à celui de l'humanité...
Une réflexion non politique, juste humaniste.
J'ai déjà été passionnée par des récits post-apocalyptique comme La Route de Cormac McCarthy et j'ai vécu les images impressionnantes de certains films comme "Le jour d'après" mais avec Sandrine Collette il n'y a pas de "déjà lu ou déjà vu"...
C'est juste un récit époustouflant où l'écriture superbe, poétique, sublime nous emporte dans un ailleurs que l'on souhaite non prophétique...
Mais avec l'angoisse au fond de moi que le pire de ce qui a pu être imaginé au cours des siècles, ne serait hélas, qu'une pâle réalité.
Car je n'ai pour ma part aucune illusion sur ce que peuvent être certains "humains"...
je suis émue aux larmes
pauvre Corentin,,
né sur un monde de misère
ce texte est très bien écrit j aime beaucoup
nous n aurons pas la suite ????
bonne nuit mon amie
je retourne dormir
bizzzzzzzzzzzzzz Christiane
http://douceuretdetente.centerblog.net
bon vendredi et bon w end
en esperant que le solei demeure
bises a lundi
http://lescockersdemaryse.centerblog.net
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