animaux art enfant center sourire livre image centerblog course prix sur bonne base roman merci vie moi france place amour monde couples soi voyage chez homme enfants belle mode article femme amis photos travail mort société histoire fille création dieu femmes divers nature cadre message carte machine vaisselle you pouvoir poème
Rubriques
>> Toutes les rubriques <<
· FABLES DE MONSIEUR JEAN DE LA FONTAINE (133)
· Poèmes que j'aime (160)
· BEAUX PARTAGES (562)
· BEAUX TEXTES (273)
· DICTIONNAIRE DES PROVERBES (325)
· MES LECTURES (342)
· HOMMAGE A MAMAN (03/10/1928-03/09/2011) (11)
· PETITS REPORTAGES DES ANIMAUX (590)
· HUMOUR (207)
· CITATIONS ET PHOTOS DE NATURE (445)
je trouve que ce poeme est très beau
Par Anonyme, le 05.02.2025
elle coure vite ça se voit sur la photo hihi
magnifiq ue avec ces beaux paysages
pleins de câlins venus et
Par Anonyme, le 04.02.2025
coucou vénus
ho lala que tu es jolie et tu t en donnes à coeur joie calinous
Par Anonyme, le 04.02.2025
ccou brigitte
encore une année de plus et des beaux souvenirs toujours avec des loulous
je t envoie pleins
Par Anonyme, le 04.02.2025
oui c est vrai je me souviens de tous les animaux de ma famille....
b onne soiree de mardi
bisous http://les
Par lescockersdemaryse, le 04.02.2025
· HOMMAGE A MAMAN (03/10/1928 - 03/09/2011) 7 Crématorium
· Le lion et le rat Jean de La Fontaine 12
· Le coq et la perle Jean De La Fontaine
· "L'enfant et le Maître d'école" Jean de La Fontaine
· "Le chat et le renard" Jean de La Fontaine
· Le temps qui passe par des artistes
· "Le rat et l'éléphant" Jean de La Fontaine
· "Le cochon, la chèvre, et le mouton" Jean de La Fontaine
· "Je vivrai par delà la mort" Khalil Gibran
· "Un songe" de René François Sully Prudhomme
· La rentrée des classes en humour
· "Le voilier" William Blake?
· Hommage aux aides soignantes
· "La colombe et la fourmi" Jean De La Fontaine
· Le corbeau et le renard Jean de La Fontaine
Date de création : 13.06.2011
Dernière mise à jour :
06.02.2025
11536 articles
Mona Chollet, née à Genève en 1973, est journaliste et essayiste suisse.
Après une licence en lettres à Genève, elle étudie le journalisme à l’École supérieure de journalisme de Lille.
Elle est ensuite pigiste pour "Charlie Hebdo", mais son contrat est interrompu en 2000.
Désormais journaliste et cheffe d'édition au "Monde diplomatique", elle anime également le site de critique culturelle Périphéries, en partenariat avec Thomas Lemahieu.
Elle anime également pour 19 épisodes une chronique sur Arte radio, "L'esprit d'escalier" (2004-2005), qui aborde des sujets de société, notamment le féminisme et les médias.
Son travail porte sur la condition féminine, le féminisme, les médias et l'imaginaire contemporain (rapport à la réalité, imaginaires sociaux et politiques).
Des essais qui sont des travaux et des prises de position sur divers sujets d'actualités.
Elle vit à Paris, dans le 11e arrondissement, depuis la fin de ses études de journalisme à Lille.
Le thème :
Tremblez, les sorcières reviennent ! disait un slogan féministe des années 1970. Image repoussoir, représentation misogyne héritée des procès et des bûchers des grandes chasses de la Renaissance, la sorcière peut pourtant, affirme Mona Chollet, servir pour les femmes d'aujourd'hui de figure d'une puissance positive, affranchie de toutes les dominations.
Qu'elles vendent des grimoires sur Etsy, postent des photos de leur autel orné de cristaux sur Instagram ou se rassemblent pour jeter des sorts à Donald Trump, les sorcières sont partout.
Davantage encore que leurs aînées des années 1970, les féministes actuelles semblent hantées par cette figure.
La sorcière est à la fois la victime absolue, celle pour qui on réclame justice, et la rebelle obstinée, insaisissable.
Mais qui étaient au juste celles qui, dans l'Europe de la Renaissance, ont été accusées de sorcellerie ?
Quels types de femme ces siècles de terreur ont-ils censurés, éliminés, réprimés ?
Ce livre en explore trois et examine ce qu'il en reste aujourd'hui, dans nos préjugés et nos représentations : la femme indépendante – ; puisque les veuves et les célibataires furent particulièrement visées ; la femme sans enfant –; puisque l'époque des chasses a marqué la fin de la tolérance pour celles qui prétendaient contrôler leur fécondité ; et la femme âgée – devenue, et restée depuis, un objet d'horreur.
Enfin, il sera aussi question de la vision du monde que la traque des sorcières a servi à promouvoir, du rapport guerrier qui s'est développé alors tant à l'égard des femmes que de la nature : une double malédiction qui reste à lever.
Extraits :
"Depuis, où que je le rencontre, le mot "sorcière" aimante mon attention, comme s'il annonçait toujours une force qui pouvait être mienne. Quelque chose autour de lui grouille d'énergie. Il renvoie à un savoir au ras du sol, à une force vitale, à une expérience accumulée que le savoir officiel méprise ou réprime. J'aime aussi l'idée d'un art que l'on perfectionne sans relâche tout au long de sa vie, auquel on se consacre et qui protège de tout, ou presque, ne serait-ce que par la passion que l'on y met. La sorcière incarne la femme affranchie de toutes les dominations, de toutes les limitations ; elle est un idéal vers lequel tendre, elle montre la voie."
"En anéantissant parfois des familles entières, en faisant régner la terreur, en réprimant sans pitié certains comportements et certaines pratiques désormais considérées comme intolérables, les chasses aux sorcières ont contribué à façonner le monde qui est le nôtre. Si elles n'avaient pas eu lieu, nous vivrions probablement dans des sociétés très différentes. Elles nous en disent beaucoup sur les choix qui ont été faits, sur les voies qui ont été privilégiées et celles qui ont été condamnées. Pourtant, nous nous refusons à les regarder en face."
"À vrai dire, c'est précisément parce que les chasses aux sorcières nous parlent de notre monde que nous avons d'excellentes raisons de ne pas les regarder en face. S'y risquer, c'est se confronter au visage le plus désespérant de l'humanité. Elles illustrent d'abord l'entêtement des sociétés à désigner régulièrement un bouc émissaire à leurs malheurs, et à s'enfermer dans une spirale d'irrationalité, inaccessibles à toute argumentation sensée, jusqu'à ce que l'accumulation des discours de haine et une hostilité devenue obsessionnelle justifient le passage à la violence physique, perçue comme une légitime défense du corps social. »
" Elles se retrouvaient aux mains d'institutions entièrement masculines : interrogateurs, prêtres ou pasteurs, tortionnaires, gardiens, juges, bourreaux. On imagine leur panique et et leur détresse, d'autant plus qu'elles affrontaient en général cette épreuve dans la solitude totale. Les hommes de leur famille prenaient rarement leur défense, quand ils ne se joignaient pas aux accusateurs."
"Certaines accusées étaient à la fois des magiciennes et des guérisseuses ; un mélange déconcertant à nos yeux, mais qui allait de soi à l'époque. Elles jetaient ou levaient des sorts, fournissaient des philtres et des potions, mais elle soignaient aussi les malades et les blessés, ou aidaient les femmes à accoucher. Elles représentaient le seul recours vers lequel le peuple pouvait se tourner et avaient toujours été des membres respectés de la communauté, jusqu'à ce qu'on assimile leurs activités à des agissements diaboliques."
"Plus largement, cependant, toute tête féminine qui dépassait pouvait susciter des vocations de chasseur de sorcières. Répondre à un voisin, parler haut, avoir un fort caractère ou une sexualité un peu trop libre, être une gêneuse d’une quelconque manière suffisait à vous mettre en danger. Dans une logique familière aux femmes de toutes les époques, chaque comportement et son contraire pouvaient se retourner contre vous."
"Des siècles de haine et d'obscurantisme semblent avoir culminé dans ce déchainement de violence, né d'une peur devant la place grandissante que les femmes occupaient alors dans l'espace social."
"Mais toutes les femmes, même celles qui n'ont jamais été accusées, ont subi les effets de la chasse aux sorcières.
La mise en scène publique des supplices, puissant instrument de terreur et de discipline collective, leur intimait de se montrer discrètes, dociles, soumises, de ne pas faire de vagues. En outre, elles ont dû acquérir d'une manière ou d'une autre la conviction qu'elles incarnaient le mal ; elles ont dû se persuader de leur culpabilité et de leur noirceur fondamentales."
"C'est l'Eglise catholique qui a inventé Satan et qui a ensuite accusé les sorcières d'être satanistes. Nous avons mordu à l'hameçon patriarcal sur ce sujet, et sur tant d'autres. Nous étions complétement stupides."
"Aujourd'hui, l'indépendance des femmes, même quand elle est possible juridiquement et matériellement, continue de susciter un scepticisme général. Leur lien avec un homme et des enfants, vécu sur un mode du don de soi, reste considéré comme le cœur de leur identité. La façon dont les filles sont élevées et socialisées leur apprend à redouter la solitude et laisse leurs facultés d'autonomie largement en friche. Derrière la figure fameuse de la "célibataire à chat", laissée– pour– compte censée être un objet de pitié et de dérision, on distingue l'ombre de la redoutable sorcière d'autrefois, flanquée de son «familier» diabolique."
"Les accusations ont longtemps épargné les classes supérieures et, quand elles ont fini par les atteindre à leur tour, les procès se sont rapidement éteints."
"La sorcière est l' «antimère». Beaucoup d'accusées étaient des guérisseuses qui jouaient le rôle de sage-femme, mais qui aidaient aussi les femmes désireuses d'empêcher ou d'interrompre une grossesse."
"Les chasses aux sorcières ont aussi inscrit profondément dans les consciences une image très négative de la vieille femme. Certes, on a brûlé de toutes jeunes «sorcières», et même des enfants de sept ou huit ans, filles et garçons; mais les plus âgées, jugées à la fois répugnantes par leur aspect et particulièrement dangereuses du fait de leur expérience, ont été les «victimes favorites des chasses». « Au lieu de recevoir les soins et la tendresse dus aux femmes âgées, celles-ci ont été si souvent accusées de sorcellerie que, pendant des années, il fut inhabituel que l'une d'elles, dans le Nord de l'Europe, meure dans son lit», écrivait Matilda Joslyn Gage."
"Bouche désormais inutile à nourrir, la femme ménopausée, au comportement et à la parole plus libres qu'auparavant, est devenue un fléau dont il fallait se débarrasser."
"On peut présumer que si, aujourd'hui, les femmes sont réputées se flétrir avec le temps alors que les hommes se bonifient, si l'âge les pénalise sur le plan amoureux et conjugal, si la course à la jeunesse prend pour elles un tour aussi désespéré, c'est largement en raison de ces représentations qui continuent de hanter notre imaginaire, des sorcières de Goya à celles de Walt Disney. La vieillesse des femmes reste, d'une manière ou d'une autre, laide, honteuse, menaçante, diabolique."
"La médecine moderne, en particulier, s'est construite sur ce modèle et en lien direct avec les chasses aux sorcières, qui ont permis aux médecins officiels de l'époque d'éliminer la concurrence des guérisseuses – en général bien plus compétentes qu'eux. Elle a hérité d'un rapport structurellement agressif au patient, et plus encore à la patiente, comme en témoignent les maltraitances et les violences de plus en plus souvent dénoncées depuis quelques années, en particulier grâce aux réseaux sociaux."
"J’ai écrit ailleurs, en ne plaisantant qu’à moitié, que je me proposais de fonder le courant « poule mouillée » du féminisme. Je suis une aimable bourgeoise bien élevée et cela m’embarrasse toujours de me faire remarquer. Je sors du rang uniquement quand je ne peux pas faire autrement, lorsque mes convictions et mes aspirations m’y obligent. J’écris des livres comme celui-ci pour me donner du courage. Dès lors, je mesure l'importance galvanisante des modèles identificatoires. Il y a quelques années, un magazine avait dressé le portrait de quelques femmes de tous âges qui ne teignaient pas leurs cheveux blancs ; un choix en apparence anodin, mais qui fait immédiatement ressurgir le spectre de la sorcière. "
"Plus récemment, la journaliste de mode, Sophie Fontanel a consacré un livre à sa propre décision de ne plus se teindre les cheveux, et elle l'a intitulé Une apparition." L'apparition est à la fois celle de ce soi éclatant que la teinture dissimulait et celle de l'impressionnante femme aux cheveux blancs dont la vision, à une terrasse de café, l'a décidé à franchir le pas."
"Dans un documentaire qui lui était consacré, l'auteur de la bande dessinée Alan Moore (V comme Vendetta)disait : « Je crois que la magie est de l'art, et que l'art est littéralement de la magie. L'art, comme la magie consiste à manipuler les symboles, les mots ou les images pour produire des changements dans la conscience. En fait, jeter un sort, c'est simplement dire, manipuler les mots, pour changer la conscience des gens, et c'est pourquoi je crois qu'un artiste ou un écrivain est ce qu'il y a de plus proche, dans le monde contemporain, d'un chaman.»
"Certaines personnes ont un seul partenaire au cours de leur vie, mais ce n'est pas le cas de la plupart d'entre nous. Et chacun de nos amours est essentiel et unique."
"En 2017, un tribunal du Michigan a effectué une recherche en paternité pour un enfant de huit ans né d'un viol ; sans consulter personne, il a accordé l'autorité parentale conjointe et le droit de visite au violeur, dont il a aussi ajouté le nom sur le certificat de naissance et à qui il a communiqué l'adresse de sa victime.
La jeune femme a commenté : « Je touchais des bons alimentaires et le paiement de l'assurance maladie pour mon fils. Je suppose qu'ils cherchaient un moyen de faire des économies.»
Une femme doit avoir un maître, quitte à ce qu'il s'agisse de l'homme qui l'a enlevée et séquestrée alors qu'elle avait douze ans."
"Rien, dans la façon dont la plupart des filles sont éduquées, ne les encourage à croire en leur propre force, en leurs propres ressources, à cultiver et à valoriser l'autonomie. Elles sont poussées non seulement à considérer le couple et la famille comme les éléments essentiels de leur accomplissement personnel, mais aussi à se concevoir comme fragiles et démunies, et à rechercher la sécurité affective à tout prix, de sorte que leur admiration pour les figures d'aventurières intrépides restera purement théorique et sans effet sur leur propre vie."
"Les garçons sont incités à envisager leur trajectoire future de la façon la plus aventureuse possible. Conquérir le monde tout seul représente le destin le plus romantique qu'ils puissent imaginer, en espérant qu'une femme ne viendra pas tout gâcher en leur mettant le fil à la patte. Mais, pour une femme, la perspective de tracer son chemin dans le monde est dépeinte comme triste et pathétique aussi longtemps qu'il n'y a pas un type dans le tableau. Et c'est une tâche si énorme que de réinventer le monde en dehors de ces conventions étroites!"
"Cela ne signifie pas qu’un homme ne peut pas souffrir de manque affectif ou de solitude ; mais, au moins, il n’est pas environné de représentations culturelles qui aggravent – ou qui créent– la misère de sa situation. Au contraire : la culture lui offre des appuis. Même le geek renfermé et mal dans sa peau a pris sa revanche, devenant le Prométhée du monde contemporain, auréolé d’argent et de succès. Comme le dit un journaliste, « dans la culture masculine il n’y a pas de princesse charmante, pas de mariage merveilleux avec des costumes magnifiques. ». A contrario, les femmes apprennent à rêver de « romance » – davantage que d’ « amour », selon la distinction établie par Gloria Steinem : « Plus une culture est patriarcale et polarisée en termes de genre, plus elle valorise la romance », écrit-elle."
"Dans ce contexte, la femme indépendante suscite un scepticisme général. La sociologue Érika Flahault montre comment ce scepticisme s’est exprimé en France dès l’apparition, au début du XXe siècle, de femmes sans conjoint qui vivaient seules – alors qu’auparavant elles étaient « prises en charge par leur parenté, leur clan ou leur communauté dans presque tous les cas ». Elle exhume ces mots du journaliste Maurice de Waleffe, en 1927 : « Un homme n’est jamais seul, à moins d’échouer comme Robinson Crusoë sur une île déserte : quand il se fait gardien de phare, berger ou anachorète, c’est qu’il le veut bien et que son humeur l’y pousse. Admirons-le, car la grandeur d’une âme se mesure à la richesse de sa vie intérieure, et il faut être diablement riche pour se suffire à soi-même. Mais vous ne verrez jamais de femme choisir cette grandeur-là. Plus tendres parce que plus faibles, elles ont plus besoin que nous de société. » Et, en 1967, dans un livre très lu, le médecin André Soubiran s’interrogeait : « Il faudrait savoir si la psychologie féminine s’accommode aussi bien qu’on pense de la liberté et de la non domination de l’homme. »
"Il ne faut pas sous-estimer le besoin que nous avons de représentations – partagées par la majorité ou issues d'une contre-culture – qui, même sans que nous en soyons clairement conscients, nous soutiennent, donnent sens, élan, écho et profondeur à nos choix de vie. Nous avons besoin de calques sous le tracé de notre existence, pour l'animer, la soutenir et la valider, pour y entremêler l'existence des autres et y manifester leur présence, leur approbation."
"Érika Flahault, dans son enquête sociologique de 2009 sur la « solitude résidentielle des femmes » en France, distingue les femmes « en manque » – celles qui subissent leur situation et qui en souffrent –, les femmes « en marche » – celles qui apprennent à l’apprécier – et les « apostates du conjugal » : celles qui ont délibérément organisé leur vie, leurs amours et leurs amitiés en dehors du cadre du couple. Les premières, remarque-t-elle, indépendamment de leur trajectoire personnelle, mais aussi de leur classe sociale – l’une est une ancienne agricultrice, une autre une grande bourgeoise –, se retrouvent complètement démunies dès qu’elles n’ont pas, ou plus, la possibilité d’incarner la bonne épouse ou la bonne mère : elles partagent « une même socialisation fortement marquée par la division sexuelle des rôles et un attachement profond à ces rôles traditionnels, qu’elles aient eu ou non l’occasion de les assumer ». À l’opposé, les « apostates du conjugal » ont toujours cultivé une distance critique, voire une défiance totale à l’égard de ces rôles. Ce sont aussi des femmes créatives, qui lisent beaucoup et qui ont une vie intérieure intense : « Elles existent hors du regard de l’homme et hors du regard de l’autre car leur solitude est peuplée d’œuvres et d’individus, de vivants et de morts, de proches et d’inconnus dont la fréquentation – en chair et en os ou en pensée à travers des œuvres – constitue la base de leur construction identitaire. » Elles se conçoivent comme des individus, et non comme des représentantes d’archétypes féminins. Loin de l’isolement misérable que les préjugés associent au fait de vivre seule, cet affinement inlassable de leur identité produit un double effet : il leur permet d’apprivoiser et même de savourer cette solitude à laquelle la plupart des gens, mariés ou pas, sont confrontés, au moins par périodes, au cours de leur vie, mais aussi de nouer des relations particulièrement intenses, car émanant du cœur de leur personnalité plutôt que de rôles sociaux convenus. En ce sens, la connaissance de soi n’est pas un « égoïsme », un repli sur soi, mais une voie royale vers les autres. Contrairement à ce que veut nous faire croire une propagande insistante, la féminité traditionnelle n’est pas une planche de salut : chercher à l’incarner, adhérer à ses valeurs, loin d’assurer notre immunité, nous affaiblit et nous appauvrit.
La pitié réservée aux femmes célibataires pourrait bien dissimuler une tentative de conjurer la menace qu’elles représentent."
"Quand les femmes ont l'audace de prétendre à l'indépendance, une machine de guerre se met en place pour les y faire renoncer par le chantage, l'intimidation ou la menace."
"La queue des hommes devient molle lorsqu'ils se retrouvent face à une femme puissante, alors comment réagissent-ils ? Ils la brûlent, la torturent, la traitent de sorcière. Jusqu'à ce que toutes les femmes aient peur : peur d'elles-mêmes, peur des hommes.
"Les démonologues de la Renaissance ne pouvaient même pas concevoir une autonomie totale des femmes : à leurs yeux, la liberté de celles qu'ils accusaient de sorcellerie s'expliquait par une autre subordination ; elles étaient forcément sous la coupe du Diable, c'est-à-dire encore soumises à une autorité masculine.
" L'autonomie, contrairement à ce que veut nous faire croire aujourd'hui le chantage de la « revanche », ne signifie pas l'absence de liens, mais la possibilité de nouer des liens qui respectent notre intégrité, notre libre arbitre, qui favorisent notre épanouissement au lieu de l'entraver, et cela quel que soit notre mode de vie, seule ou en couple, avec ou sans enfants. "
" Aujourd'hui, en France, non seulement nombre de travailleuses sont à temps partiel (un tiers des femmes conte 8% des hommes) et n'ont donc pas d'indépendance financière – c'est-à-dire pas d'indépendance tout court –, mais elles sont cantonnées dans des professions liées à l'éducation, au soin des enfants et des personnes âgées, ou dans des fonctions d'assistance"
« Près de la moitié des femmes ( 47%) se concentre toujours dans une dizaine de métiers : infirmières (87.7% de femmes), aide à domicile ou assistante maternelle (97.7%), agent d'entretien, secrétaire ou enseignante."
"Or, au Moyen-Âge, les Européennes avaient accès comme les hommes à de nombreux métiers, souligne Silvia Fédéreci : « Dans les villes médiévales, les femmes travaillaient comme forgeronnes, bouchères, boulangères, chandelières, chapelières, brasseuses, cardeuses de laine et détaillantes." En Angleterre « soixante-douze des quatre-vingt-cinq corporations comptaient des femmes dans leurs rangs » et, dans certaines d'entre elles, elles étaient dominantes. C'est donc une reconquête, et non une conquête, qui a débuté au XXème siècle. Une reconquête très loin d'être achevée : les femmes restent des intruses dans le monde du travail. La psychologue Marie Pezé voit un lien direct entre les postes de subordination qu'elles occupent et le harcèlement, les agressions sexuelles qu'elles subissent."
"Même quand elles disposent des moyens d'embrasser une profession prestigieuse ou un métier créatif, un obstacle psychologique, ou le manque d'encouragements de l'entourage, peut les retenir de se lancer. Elles préféreront alors vivre leur vocation par procuration, en jouant les conseillères, les "petites mains" ou les faire-valoir pour un homme admiré, ami, employeur ou compagnon, toujours sur le modèle médecin/infirmière. C'est l'inhibition que vise à faire sauter ce slogan féministe vu sur un tee-shirt : "Sois le médecin que tes parents voulaient que tu épouses" (Be the doctor your parents always wanted you to marry).
"Une « vraie femme », c'est un cimetière de désirs, de rêves manqués, d'illusions", écrivaient Les Chimères. Il serait temps que les femmes – souvent si peu sûres d'elles, de leurs capacités, de la pertinence de ce qu'elles ont à apporter, de leur droit à une vie pour elles-mêmes – apprennent à se défendre face à la culpabilisation et à l'intimidation, qu'elles prennent au sérieux leurs aspirations et qu'elles les préservent avec une inflexibilité totale face aux figures d'autorité masculines qui tentent de détourner leur énergie à leur profit. « Choisissez-vous toujours vous-même, conseille Amina Sow, une travailleuse numérique rencontrée par Rebecca Traister. Si vous vous donnez la priorité, vous pourrez emprunter des chemins incroyables. Bien sûr, les gens vous traiteront d'égoïste. Mais non. Vous avez des capacités. Vous avez des rêves.»"
"Bien sûr, rien n'interdit à une femme d'avoir des enfants et de se réaliser en même temps dans d'autres domaines. Au contraire, vous y êtes même vivement encouragée : en posant la cerise de l'accomplissement personnel sur le gâteau de la maternité, vous flatterez notre bonne conscience et notre narcissisme collectif. Nous n'aimons pas nous avouer que nous voyons les femmes avant tout comme des reproductrices. ( « Bonne chance pour votre vrai projet ! » lançait une universitaire québécoise à une autre enceinte.) Mais alors, vous avez intérêt à avoir beaucoup d'énergie, un bon sens de l'organisation et une grande capacité de résistance à la fatigue ; vous avez intérêt à ne pas trop aimer dormir ou paresser, à ne pas détester les horaires, à savoir faire plusieurs choses à la fois. "
"Il y a quelques années, l’écrivaine Nathacha Appanah avait interviewé sur leur travail, pour une émission de radio, trois consœurs et deux confrères parisiens. Les hommes, raconte-t-elle, lui avaient donné rendez-vous l’un sur le parvis du Sacré-Cœur, l’autre dans un café à Belleville. Les femmes l’avaient reçue chez elles : « Pendant que nous parlions de leurs livres, de la naissance de ceux-ci, des rituels, de la discipline, l’une d’entre elles a terminé une vaisselle, m’a fait un thé, une autre a rangé des jouets qui traînaient dans le salon tout en surveillant l’heure de la sortie de l’école. Cette dernière m’avait confié qu’elle se réveillait tous les jours à cinq heures du matin pour pouvoir écrire. » À l’époque, Nathacha Appanah n’avait pas d’enfant et jouissait d’une totale liberté. Quand elle est devenue mère, elle a expérimenté à son tour ce « morcellement du temps », la « gymnastique mentale entre gérer l’annulation subite de la baby-sitter et le nœud qui bloque un roman à la page vingt-deux ».
« J’ai passé des mois à rechercher cet ancien moi, qui était plus concentré, plus efficace », avoue-t-elle. Lorsque, discutant avec un écrivain qui a trois enfants et qui voyage beaucoup, elle lui demande comment il fait, il lui répond qu’il a « beaucoup de chance ». Elle commente : « “Beaucoup de chance”, c’est, je crois, une façon moderne de dire “J’ai une épouse formidable”. » Et elle fait les comptes : « Flannery O’Connor, Virginia Woolf, Katherine Mansfield, Simone de Beauvoir : pas d’enfants. Toni Morrison : deux enfants, a publié son premier roman à trente-neuf ans. Penelope Fitzgerald : trois enfants, a publié son premier roman à soixante ans. Saul Bellow : plusieurs enfants, plusieurs romans. John Updike : plusieurs enfants, plusieurs romans. »
"Certaines, cependant, qu'elles vivent avec les hommes ou pas, qu'elles se sentent ou non requises par une vocation, trouvent un autre moyen d'échapper à l'engourdissement dans le rôle de la servante dévouée : ne pas élever d'enfants ; se donner naissance à soi-même, plutôt que transmettre la vie ; inventer une identité féminine qui fasse l'économie de la maternité."
"De nos jours, rien n'est plus mensonger que cette étiquette "pro-vie" dont s'affublent les militants anti-avortement : un grand nombre d'entre eux sont aussi favorables à la peine de mort ou, aux États-Unis, à la libre circulation des armes ( plus de quinze mille morts en 2017) , et on ne les voit pas militer avec autant d'ardeur contre les guerres, ni contre la pollution , dont on estime qu'elle a été responsable d'une mort sur six survenues dans le monde en 2015. La vie ne les passionne que lorsqu'il s'agit de pourrir celle des femmes."
"Elle déplorait que faire des enfants serve à « transférer à la génération suivante » la question du sens de la vie. « Nous vivons dans une société de fourmis, où travailler et pouponner modèle l’horizon ultime de la condition humaine. Une société pour laquelle la vie se limite à gagner son pain et à se reproduire est une société sans avenir car sans rêves."
"La réticence à faire des enfants peut être une manière de tenir la société responsable de ses manquements et de ses échecs, de refuser de passer l'éponge, de décréter qu'il n'y aura pas d'arrangement, ce qui explique sans doute le malaise suscité chez les autres. Mais ce « non » est l'envers d'un « oui » : il découle de l'idée que l'aventure humaine aurait pu tellement mieux tourner, d'une révolte contre ce que nous faisons de la vie et du monde. Et du sentiment de pouvoir mieux échapper à la résignation, aux pesanteurs et aux pièges du sort commun à travers une existence dépourvue d'enfants. Ce choix offre une sorte de poche d'oxygène, de corne d'abondance. Il autorise l' excès, la démesure : une orgie de temps à soi et de liberté, que l'on peut explorer, dans lesquels on peut se rouler à en perdre le souffle, sans craindre d'en abuser, mais avec l'intuition que les choses intéressantes commencent là où d'ordinaire on juge raisonnable de les arrêter. Dans ma logique, ne pas transmettre la vie permet d'en jouir pleinement."
"En outre, compte tenu de la propagande omniprésente en faveur de la famille, on peut présumer qu'un grand nombre de parents ont cédé à une pression sociale plutôt qu'à un élan propre. "Je pense sincèrement qu'aujourd'hui le désir d'enfant est à 90% social et à 10% subjectif et spontané", dit Sandra, l'une des personnes volontairement sans enfant interrogées par Charlotte Debest."
"Ayant eu une enfance malheureuse, on pourra aspirer soit à la réparer symboliquement soit à arrêter les frais. D'un tempérament joyeux et optimiste, on pourra vouloir rester sans descendance ; dépressif, on pourra en souhaiter une. Impossible de prédire sur quelle case s'arrêtera la grande roue des affects à cet égard."
"Avec sept milliards et demi d'êtres humains, tout danger d'extinction de l'espèce paraît écarté – ou du moins tout danger d'extinction faute de naissances."
"Qui plus est, nous vivons une époque caractérisée par la perte de la foi dans un avenir meilleur ( voire dans un avenir tout court ), sur une planète surpeuplée, intoxiquée de pollutions diverses, où l'exploitation fait rage, dans un Occident où le fascisme menace."
"Ne pas avoir d’enfants, c’est savoir qu’à votre mort vous ne laisserez pas derrière vous quelqu’un que vous aurez mis au monde, que vous aurez en partie façonné et à qui vous aurez légué une atmosphère familiale, le bagage énorme – parfois écrasant – d’histoires, de destins, de douleurs et de trésors accumulés par les générations précédentes et dont vous aviez vous même hérité. Pour autant, cela ne signifie pas ne rien transmettre. Le même manque d’imagination nous empêche de voir que la transmission – outre que les enfants ne s’en chargent pas toujours, ou pas forcément d’une façon qui vous satisfait – emprunte de nombreux chemins : chaque existence humaine bouscule une infinité de quilles et laisse une empreinte profonde, qu’il n’est pas toujours en notre pouvoir de cartographier. Vous pouvez espérer être pleuré-e par votre compagnon ou votre compagne, par vos frères et sœurs, par vos amis, mais ce n'est pas tout à fait la même chose. C'est peut-être là la seule chose difficile à accepter dans cette situation."
"Pour autant, cela ne signifie pas ne rien transmettre. Le même manque d'imagination nous empêche de voir que la transmission – outre que les enfants ne s'en chargent pas toujours, ou pas forcément d'une façon qui vous satisfait – emprunte de nombreux chemins : chaque existence humaine bouscule une infinité de quilles et laisse une empreinte profonde, qu'il n'est pas toujours en notre pouvoir de cartographier. "
"Malgré la généralisation de la contraception, il est apparemment toujours impensable que l'on puisse aimer et désirer une personne sans vouloir un enfant avec elle. Les femmes qui annoncent ne pas vouloir devenir mères s'entendent ainsi répéter que c'est parce qu'elles n'ont pas encore "rencontré le bon". Il semble aussi subsister la conviction obscure que seul un rapport fécondant est un véritable rapport sexuel, peut-être parce qu'il offre la seule preuve possible de l'activité sexuelle."
"Fatiguées des regards entendus ou des commentaires qu'elles suscitent (« ça te va tellement bien », « tu ferais une mère formidable ») dès qu'elles s'attendrissent devant un enfant ou qu'elles le prennent dans leurs bras, certaines pourront préférer afficher un dédain radical, quitte à passer pour des monstres. Car oui, on peut aimer les enfants, et aimer passer des moments avec eux, sans pour autant en vouloir à soi : « Je cuisine aussi très bien, et je n'ai aucune envie d'ouvrir un restaurant !".
"L’écrivaine Elizabeth Gilbert estime qu’il existe trois catégorie de femmes: « Celles qui sont nées pour être mères, celles qui sont nées pour être tantes, et celles qui ne devraient en aucun cas être autorisées à s’approcher d’un enfant à moins de trois mètres. Et il est très important de comprendre à quelle catégorie on appartient, car les erreurs dans ce domaine engendrent chagrin et tragédie. »
"Bien avant de prendre clairement conscience de ce crève-cœur, j’ai vécu moi aussi immergée dans un monde où il n’y avait rien de plus réel, rien de plus digne d’intérêt que les livres et l’écriture. Peut-être nos parents nous communiquent-ils parfois des passions si violentes qu’elles ne laissent de la place pour rien d’autre – surtout quand eux-mêmes n’ont pas pu s’y adonner comme ils l’auraient voulu .Peut-être y a-t-il des besoins de réparation qui ne souffrent pas de demi-mesure ; qui exigent que l'on trace une clairière dans la forêt des générations et que l'on s'y établisse, en oubliant tout le reste."
" Il reste que, face aux femmes volontairement sans descendance, on brandit toujours cette menace : « Un jour, tu le regretteras ! » Cela traduit un raisonnement très étrange. Peut-on se forcer à faire quelque chose qu'on n'a aucune envie de faire uniquement pour prévenir un hypothétique regret situé dans un avenir lointain ? Cet argument ramène les personnes concernées précisément à la logique que nombre d'entre elles cherchent à fuir, cette logique de prévoyance à laquelle incite la présence d'un enfant et qui peut dévorer le présent dans l'espoir d'assurer l'avenir : prendre un crédit, se tuer au travail, se soucier du patrimoine qu'on lui léguera, de la façon dont on paiera ses études… "
« En clair, c’est parce que les femmes se sont fait dire toute leur vie qu’une femme n’est pas complète tant qu’elle n’a pas enfanté, qu’elles éprouvent un manque ou se sentent dévalorisées lorsqu’elles deviennent plus âgées. », résume Lucie Joubert, qui ajoute : « Changeons le message, et peut-être verra-t-on s’évanouir le spectre du regret. » Que la société valide la liberté des femmes d’être ce qu’elles veulent ; et puis quoi encore ? « Je n’ai pas envie qu’on me demande de me marier, de faire des gosses, de travailler, comme ci, comme ça. Je veux juste être quelqu’un », lance Linda, trente-sept ans."
"La société ne tolère qu’une seule réponse des mères à la question de la maternité : "J’adore ça", résume Orna Donath. Or le regret existe ; et comme tous les secrets, quand il n’est pas dit, il suppure, ou il éclate dans les moments de crise ou de conflit. Il paraît illusoire de croire que les enfants puissent ne pas le sentir, le deviner. »
"Un homme s’entend donner du « monsieur » de ses 18 ans à la fin de sa vie ; mais, pour une femme, il y a forcément ce moment où, en toute innocence, les personnes croisées dans sa vie quotidienne se liguent pour lui signifier qu’elle a cessé d’avoir l’air jeune. Je me rappelle avoir été contrariée et même offensée par les premiers « madame » Ils m'ont fait un choc. Il m'a fallu un certain temps pour me persuader que ce n'était pas une insulte et que remplaçant le « mademoiselle ». Il m’a fallu un certain temps pour me persuader que ce n’était pas une insulte et que ma valeur ne dépendait pas de ma jeunesse."
"On dit souvent que le vieillissement et la mort sont tabous dans notre société ; sauf que cest seulement le vieillissement des femmes qui est caché."
« Les hommes ne vieillissent pas mieux que les femmes ; ils ont seulement l’autorisation de vieillir.»
« En France, jusqu'en 2006, l'âge légal du mariage était de dix-huit ans pour les garçons, mais de quinze ans pour les filles. L'écart d'âge dans les couples actuels représente pour le sociologue Éric Macé la trace de l'époque « où la définition sociale des femmes se faisait par la conjugalité reproductive »; où l'homme, en vieillissant, « augmentait son pouvoir économique et social », tandis que la femme « perdait son capital corporel : sa beauté et sa fécondité ».
"Pour tenter de s'épargner le triste sort de la compagne délaissée et humiliée, et plus largement l'opprobre lié à l'âge, les femmes qui en ont les moyens s'acharnent en effet à maintenir leur apparence aussi inchangée que possible. Elles relèvent ce défi absurde : prétendre que le temps ne passe pas, et donc ressembler à ce que notre société considère comme la seule forme acceptable pour une femme de plus de trente ans : une jeune femme embaumée vivante. La plus grande ambition que l'on puisse nourrir est d'être « bien conservée ».
«Il ne s'agit pas de prétendre que tout est formidable dans le fait de vieillir ; mais il faudrait arrêter de considérer la vie comme une colline dont on se met à dévaler la pente en roue libre à partir de trente-cinq ans. »(Michelle Lee)
"Mais, tout compte fait, je me préfère avec mes mèches blanches. Je me trouve moins banale. Abstraction faite du regard des autres, parfois perplexe ou réprobateur, j’aime l’idée de laisser mes cheveux se métamorphoser lentement, développer leurs nuances et leurs reflets, avec la douceur et la luminosité que cela leur apporte. L’idée de recouvrir ce trait distinctif d’une teinture standardisée me déprime. J’aime cette impression de me laisser aller en toute confiance dans les bras du temps qui passe, au lieu de me cabrer, de me crisper."
« L'injonction faite aux femmes de paraître éternellement jeunes lui apparaît comme une manière subtile de les neutraliser : on les oblige à tricher, puis on prend prétexte de leurs tricheries pour dénoncer leur fausseté et mieux les disqualifier. Et, en effet, les actrices, si elles ne veulent pas s'attirer des commentaires haineux parce qu'elles ont vieilli, doivent prendre le risque de devenir des objets de risée si leur médecin esthétique ou leur chirurgien a la main un peu trop lourde. (Susan Sontag définit les actrices comme "des professionnelles payées très cher pour faire ce que l'on enseigne aux autres femmes à faire en amatrices". »
"Dans la façon dont les hommes sont élevés et socialisés, comme on l’a dit, « il n’y a pas de princesse charmante ». Au contraire : ils apprennent à se méfier de l’amour, à le voir comme un piège, comme une menace pour leur indépendance, et le couple, presque comme un mal nécessaire. Les femmes, elles, sont conditionnées à attendre l’amour qui les rendra heureuses, qui leur fera connaître les richesses et les plaisirs de l’intimité partagée, qui les révèlera à elles-mêmes. Elles se montreront donc prêtes à tous les sacrifices, jusqu’au masochisme, pour que « ça marche ». Quand l’une entre dans une relation en la voulant de tout son être tandis que l’autre s’y engage à reculons, tous les ingrédients d’un marché de dupe sont réunis. (Sylvie Brunel raconte que, à leur mariage, Eric Besson l’a humiliée publiquement en contestant haut et fort l’obligation de fidélité faite aux époux.) Même quand ils se prêteront à une relation et donneront l’illusion de s’y impliquer, les hommes qui auront intégré ce modèle resteront alors profondément seuls, au sens où ils ne souhaiteront pas particulièrement le partage auquel leurs compagnes aspirent. Ils l’assimileront à une corvée, une nuisance, une menace. Tout ce qu’ils voudront, c’est la paix. Les manuels de psychologie qui enseignent à la lectrice l’art de communiquer avec l’homme sans l’énerver, hantés par la figure de la « harceleuse », le disent bien."
"Voilà sans doute l’une des raisons pour lesquelles les cheveux blancs sont bien acceptés chez les hommes et mal vus chez les femmes : parce que l’expérience qu’ils dénotent est jugée séduisante et rassurante chez les premiers et menaçante chez les secondes."
"Chaque évènement, chaque rencontre résonne avec les évènements et les rencontres précédentes, en approfondit le sens. Les amitiés, les amours, les réflexions gagnent en amplitude, s'épanouissent, s'affinent, s'enrichissent. Le passage du temps procure la même impression que lors d'une marche en montagne, quand vous approchez du sommet et que vous commencez à pressentir le paysage que vous découvrirez de là-haut. Il n'y aura sans doute jamais de sommet, on mourra sans l'avoir atteint, mais la simple sensation de sa proximité est grisante."
"Dans la sphère privée, dans la rue, au travail, à l'Assemblée nationale..., ils peuvent faire connaître bruyamment aux femmes le plaisir ou le déplaisir que leur procure le spectacle de leur corps ou de leur tenue, leur reprocher leur poids ou leur âge, sans que jamais leur propre corps ou leur propre tenue, leur propre poids ou leur propre âge entrent en ligne de compte."
"À la fin de son article, en 1972, Susan Sontag écrivait : « Les femmes ont une autre option. Elles peuvent aspirer à être sages, et pas simplement gentilles ; à être compétentes, et pas simplement utiles ; à être fortes, et pas simplement gracieuses ; à avoir de l'ambition pour elle même, et pas simplement pour elles– même en relation avec des hommes et des enfants. Elles peuvent se laisser vieillir naturellement et sans honte, protestant ainsi activement, en leur désobéissant, contre les conventions nées du "deux poids, deux mesures" de la société par rapport à l'âge. Au lieu d'être des filles, des filles aussi longtemps que possible, qui deviennent des femmes d'âge moyen humiliées, puis des vielles femmes obscènes, elles peuvent devenir des femmes beaucoup plus tôt – et rester des adultes actives, en jouissant de la longue carrière érotique dont elles sont capables, bien plus longtemps. Les femmes devraient permettre à leur visage de raconter la vie qu'elles ont vécue. Les femmes devraient dire la vérité. »
Presque un demi – siècle plus tard, ce programme reste à la disposition de toutes celles qui voudraient s'en emparer."
"Il m'a fallu du temps pour comprendre que l'intelligence n'est pas une qualité absolue, mais qu'elle peut connaître des variations spectaculaires en fonction des contextes dans lesquels nous nous trouvons et des personnes que nous avons en face de nous. Les circonstances et les interlocuteurs ont le pouvoir de révéler ou d'aimanter des parties très diverses de nous-mêmes, de stimuler ou de paralyser nos capacités intellectuelles."
"Parfois je dis des âneries par ignorance, mais parfois aussi j'en dis parce que mon cerveau se fige, parce que mes neurones s'égaillent comme une volée d'étourneaux et que je perds mes moyens. Je suis prisonnière d'un cercle vicieux : je sens la condescendance ou le mépris de mon interlocuteur, alors je dis une énormité, confirmant ainsi ce jugement à la fois aux yeux des autres et aux miens."
"Comme l’armée, la médecine est un corps de métier où semblent régner une hostilité foncière envers les femmes et un culte des attitudes viriles – on y a horreur des comportements de « chochotte ». Mais ce qui ne peut guère surprendre dans une institution vouée à l’exercice de la violence étonne davantage dans une discipline où il s’agit de soigner.
De façon frappante, la médecine concentre aujourd’hui encore tous les aspects de la science née à l’époque des chasses aux sorcières : l’esprit de conquête agressif et la haine des femmes ; la croyance dans la toute-puissance de la science et de ceux qui l’exercent, mais aussi dans la séparation du corps et de l’esprit, et dans une rationalité froide, débarrassée de toute émotion."
"Une journaliste américaine estime que le succès actuel de l’industrie du bien-être – yoga, détox, smoothies et acupuncture – auprès des femmes aisées, souvent tourné en dérision, s’explique par la disqualification et la déshumanisation qu’elles expérimentent au sein du système médical dominant. Cette industrie, observe-t-elle, « se spécialise dans la création d’espaces accueillants à l’éclairage tamisé, où l’on se sent choyé et détendu, et où le corps féminin est la référence ». « Quoi que vous pensiez de la détox et de ceux qui la vendent, renchérit une de ses consœurs, il s’agit essentiellement de gens qui se soucient de vous, qui savent combien le bonheur et la santé sont des choses fragiles, et qui veulent que vous ayez une bonne vie. »
« Je hais les médecins. Les médecins sont debout et malades sont couchés. (...) Et les médecins debout paradent au pied des lits de pauvres qui sont couchés, et qui vont mourir et les médecins leur jettent à la gueule sans les voir des mots en gréco-latins que les pauvres couchés ne comprennent jamais, et les pauvres couchés n'osent pas demander pour ne pas déranger le médecin debout qui pue la science et qui cache sa propre peur de la mort en distribuant sans sourciller ses sentences définitives et ses antibiotiques approximatifs comme un pape au balcon dispersant la parole et le sirop de Dieu sur le monde à ses pieds. » Peu avant la mort de Pierre Desproges, d’un cancer, en 1988, j’avais éprouvé un flash de reconnaissance à la lecture de ce réquisitoire, prononcé dans le Tribunaldes flagrants délires."
"Accepter de considérer le patient comme une personne, comme un égal, c’est aussi s’exposer à éprouver de l’empathie, c’est-à-dire – horreur – de l’émotion. Or, conformément au mythe de l’homme de science froid et détaché, on apprend aussi aux aspirants médecins à nier leurs émotions. « Tout se passe comme si, pendant leurs stages hospitaliers, on attendait d’eux qu’ils ne s’engagent pas, qu’ils restent émotionnellement aussi distants que possible de leurs patients. Ce qui, bien entendu, est impossible », observe Winckler. Souvent, ils se « désensibilisent » au cours de leurs études, par repli défensif, parce qu’ils sont stressés, débordés, désemparés face à la souffrance dont ils sont témoins, et parce que la posture de supériorité qu’on leur inculque implique d’avoir l’air fort, et donc de rester impassibles. Certains patients ont même appris à se sentir rassurés par cette attitude ou, du moins, à présumer qu’elle n’empêche pas d’être un bon médecin. Une idée à laquelle Winckler se charge de faire un sort : « Il n’y a pas de médecin "froid, distant, mais compétent".»
"Celles et ceux qui, aujourd'hui, voient des inconvénients à vivre dans ce laboratoire se heurtent souvent à l'incompréhension et à la désapprobation de leurs contemporains. On leur reproche de remettre en question une société technicienne dont ils sont par ailleurs dépendants et dont ils apprécient le confort – même si cet argument perd de sa portée au fur et à mesure que la crise écologique a des effets toujours plus directs et flagrants. Cette logique rappelle les tentatives pour faire taire les patients qui critiquent le système médical, sous prétexte que leur santé et parfois leur vie en dépendent. Elle nous culpabilise et nous condamne à la soumission, à la résignation. Pouvons-nous être tenus pour responsables de la société dans laquelle nous avons vu le jour et par rapport à laquelle notre marge de manœuvre est inévitablement limitée ? En tirer argument pour nous interdire de la critiquer aboutit à nous lier les mains face à la catastrophe, à désarmer la pensée, et plus largement, à étouffer l'imagination, l'envie et la capacité de se rappeler que les choses ne sont pas condamnées à être ce qu'elles sont. "
Mon humble avis
«Un livre très fort, très puissant, qui nous rappelle qu'être une femme c'est porter une histoire dont il faut être fière....J'ai réalisé à la lecture de ce livre que tu faisais partie de ces femmes, militantes sans s'en rendre compte qui ont fait avancer notre cause à toutes.»
C'est accompagné d'une très jolie carte avec un merveilleux message dont j'ai recopié un extrait que ma petite fille Gaïna m'a offert ce livre pour mon anniversaire...
Un livre que je n'aurais pas connu sans elle et 229 pages captivantes, avec un travail de recherches, d'informations, de témoignages, d'histoires, de récits... phénoménal sur des sujets graves et importants et cela avec une très belle écriture.
Qu'y-a-t-il en vérité derrière la chasse aux sorcières ?
"La médecine telle que nous la connaissons s’est construite sur leur élimination physique : les chasses aux sorcières ont visé d’abord les guérisseuses, comme on l’a vu. S’appuyant sur l’expérience, celles-ci étaient bien plus compétentes que les médecins officiels, dont beaucoup étaient de piteux Diafoirus, mais qui profitèrent néanmoins de l’élimination de cette concurrence « déloyale » tout en s’appropriant nombre de leurs découvertes."
Quelle était vraiment la place de la femme dans la société au fil des siècles et aujourd'hui ?
" Tendance profondément enracinée dans notre société à rendre les femmes responsables de la violence qui leur est infligée."
" De toutes parts, on conjure les femmes de prendre garde au rapide déclin de leur fertilité, d’abandonner leurs ridicules plans sur la comète et de faire des enfants le plus tôt possible."
Tant de sujets graves et importants traités ! Et notamment celui du mariage
"Il lui semble que les célibataires ne rêvent que de mariage tandis que les épouses ne rêvent que d'évasion."
Celui de la maternité, du désir ou non d'enfant !
Celui poignant de la vieillesse de la femme et de sa décrépitude alors que l'homme reste séduisant avec ses cheveux blancs.
Un qui m'a touché particulièrement, celui de la femme enceinte, cette période de la grossesse où le corps ne nous appartient plus et où la pudeur n'est pas toujours respectée par le milieu médical.
Un essai passionnant, enrichissant, qui se lit comme un roman. Merci ma Gaïna...
En fait, le bonheur d'une femme, c'est son autonomie...
"Qui est ce Diable dont le spectre, à partir du XIVe siècle, s’est mis à grandir aux yeux des hommes de pouvoir européens derrière chaque guérisseuse, chaque magicienne, chaque femme un peu trop audacieuse ou remuante, jusqu’à faire d’elles une menace mortelle pour la société ? Et si le Diable, c’était l’autonomie ?"
J'ai eu une vie meilleure que celles de mes deux grands-mères, et si j'ai tenu à mon indépendance professionnelle, je n'ai pas eu du fait de mon époque et de mon éducation stricte et écrasante, cette liberté qu' aujourd'hui mes petites filles de 24 ans et 20 ans ont...
Ma Gaïna, sois fière de ce que tu fais, de ce que tu es.
Brigitisis