Ces derniers mois j’ai passé beaucoup (beaucoup) de temps à me documenter et à réfléchir et à faire des calculs pour déterminer quoi faire en vue de limiter la casse concernant ma retraite.
Et comme je suis en train d’avoir le même genre de conversation à répétition sur ce sujet avec plein de personnes de mon entourage, voici les points principaux. Un article de la série “je me suis pris la tête pour que vous n’en ayez pas besoin” (enfin un peu quand même, c’est vos sous, c’est vous qui devez décider quoi en faire, et ce qui est bon pour moi ne sera pas forcément bon pour vous).
La retraite: c’est facile de garder la tête dans le sable, c’est facile de croire au mythes auxquels on a été biberonnées (genre: avec le premier et le deuxième pilier on va pouvoir maintenir notre niveau de vie; si t’as cotisé à l’AVS sans sauter d’années t’auras une rente complète; un troisième pilier assurance c’est un bon plan – non à tout ça) et se dire que de toute façon on a le temps.
Mais le temps c’est de l’argent, littéralement, car d’une part:
- si je mets 100.-/mois de côté et que je commence 10 ans plus tôt, eh bien c’est 12’000.- de plus dans mon capital à la fin
- les fameux intérêts composés sur lesquels beaucoup de nous ont souffert en maths à l’école, mais qui sont la pierre angulaire de cette histoire: si je mets 10’000.- quelque part à 3% d’intérêt, au bout de 10 ans je n’ai pas juste 13’000.- (ce qui en soi serait déjà pas mal) mais plutôt 13’440 (et à 5%? 16’300 plutôt que 15’000… et 3-5% c’est une perspective réaliste aujourd’hui)
Tu m’as déjà perdu·e 😰
Oui je sais, c’est ça le souci. Les finances c’est des maths. Et sortis de l’école, à moins qu’on aime ça (et à ce moment-là on part faire physique ou HEC) on laisse tout ça derrière nous joyeusement, confiant que les équations, les statistiques, les intérêts composés, les probabilités et même les bases d’algèbre n’ont aucun intérêt pour nous dans la vraie vie.
C’est faux.
Les maths, c’est ce qui va peut-être te permettre de ne pas finir au social à ta retraite, de pouvoir garder ton appart, de pouvoir te permettre de continuer à voyager de temps en temps, de ne pa te serrer la ceinture encore plus que maintenant à la fin de chaque mois. Si tu as des enfants, les maths c’est aussi peut-être ce qui te permettra de laisser à tes enfants/la personne avec qui tu partages ta vie une somme qui aidera vraiment et pas juste quelques dizaines de milliers de francs au cas où tu disparaissais.
Donc l’argent, c’est des maths, mais c’est des maths qui ne sont pas si horriblement compliquées que ça si on a un peu de patience et un tableau excel sous la main (ou Google Sheets). Il faut “juste” prendre un peu de courage, une tisane relaxante, et ne pas se dévaloriser. Ou solliciter l’aide d’une personne de confiance de son entourage qui n’a pas peur des chiffres.
Tu fais un premier pas en lisant cet article. Laisse mijoter. Relis-le dans deux semaines ou deux mois. Fais déjà un premier pas pour changer quelque chose si tu te rends compte que tu avais la tête dans le sable. Il y a un peu urgence, car chaque mois ou année que tu perds à te déterminer, c’est une perte de chance pour ton avenir. Je dis pas ça pour te mettre trop de pression, mais parce que quand on a 40 ans, on se dit, bah c’est encore loin, j’ai pas besoin de voir ça tout de suite, et tout d’un coup on a 50 ans, et là ça se rapproche, et puis le lendemain on a 60 et zut, si je m’étais bougé·e il y a 20 ans ça aurait quand même vachement changé la donne.
Mais même à 60 ans il y a des choses à faire.
Steph, elle en est où?
Alors, moi j’ai 50 ans. J’en suis pas au point zéro, mais ça fait des années que je sais que ma prévoyance retraite ne me prépare pas des vieux jours dans le confort. J’ai passé 10 ans aux études, j’ai été indépendante pendant plus d’une décennie, je n’ai quasi jamais bossé à 100%, j’ai passé plusieurs fois par la case chômage. Je mets le “maximum” sur mon 3e pilier depuis des années (sauf celles où j’ai loupé le coche) mais je n’ai quasi pas de deuxième pilier. J’ai des économies personnelles investies, sur les conseils du “banquier familial”, mais j’ai toujours laissé ça dormir bien passivement sans trop me sentir capable de comprendre ce qu’il fallait faire.
Il était temps que ça change, et sans rentrer dans les détails de ce qui m’a fait me bouger les fesses, je suis en train de me les bouger. Et je vais partager avec vous les choses que j’ai découvertes et comprises, dans l’espoir que ça vous aide aussi à faire un bout de chemin. Pas à pas.
Ce que je fais/ne fais pas
- Je mets le max chaque année sur mon 3e pilier, que j’ai chez VZ et Finpension (utilise le code recommandation du Poor Swiss si tu ouvres un compte, je n’en ai pas à moi) avec profil d’investissement “risque maximal” (maximum d’actions)
- je sépare mes 3e piliers pour avoir 50k max sur chacun à l’âge de la retraite et pouvoir les sortir de façon échelonnée pour éviter une taxation trop grande
- je ne rachète pas mon 2e pilier, j’ai fait les calculs et même en tenant compte du gain d’impôts, en 10 ans je suis gagnante si j’investis cet argent de mon côté dans des ETF; stratégie à réévaluer 5 ans avant ma retraite
- j’ai sorti mon troisième pilier assurance et transféré le capital chez Finpension, j’ai fait les calculs et même avec l’argent “perdu” en sortant maintenant après 20 ans de primes, je vais dans le pire des cas me retrouver avec le même capital à la retraite qu’en restant avec le 3e pilier lié jusqu’au bout (et vraisemblablement je vais me retrouver avec un plus grand capital)
- je ne prévois a priori pas de prendre mon 2e pilier sous forme de rente – le taux de conversion dans 15 ans, qui sait ce que ce sera? En plus ce n’est pas indexé au coût de la vie, donc mon projet est de sortir le capital et de l’investir
- je rebalance mon portfolio d’investissements (chez Swissquote, code 9ny5z2, et Interactive Brokers) pour investir principalement dans des ETFs (comme VT, explication ici) suivant des index mondiaux (FTSE/MCSI, voir explication) sans essayer de “jouer la bourse”
- je verse et investis (3e pilier et investissements) mensuellement quand c’est possible
- j’ai fait une estimation de ma rente AVS probable et vu que c’était moins la cata que ce que je craignais (ouf!)
- je suis en train de me mettre à utiliser YNAB pour avoir de la visibilité sur mon budget
- j’utilise Wise pour tous mes paiements en devises étrangères (en ligne et hors ligne) – à mon sens mieux que Revolut
- j’ai remplacé mes cartes de crédit qui me coûtaient de l’argent chaque année par les cartes à cashback de chez Swisscards (code FC4FXGE8P), et je les utilise autant que possible pour mes achats en CHF (attention à toujours payer sa facture direct, ne pas retirer d’argent, ne pas faire d’achats dans d’autres devises!)
Ressources
J’ai beaucoup lu et apprécié deux blogs suisses orientés finances et fort pédagogiques :
Je les lis généralement en anglais, mais si j’ai bien compris tous deux sont francophones et leurs articles sont traduits. Marc vit en Suisse romande et Baptiste en Suisse allemande. N’hésitez pas à utiliser la fonction de recherche sur leurs blogs respectifs pour trouver ce qu’ils ont écrit sur tel ou tel sujet.
Le site ch.ch est aussi une excellente ressource “officielle” sur toutes sortes de questions, y compris financières. Le contenu est synthétique et bien écrit, et il y a toujours les liens vers les pages officielles pertinentes. C’est un super portail.
Le site de VZ (là où j’ai mon 3e pilier) a aussi de très bonnes infos et ils proposent un premier entretien gratuit avec un·e conseiller·e. Avant d’être une banque leur domaine d’expertise est la prévoyance retraite.
Le résumé
Histoire de ne pas rallonger le roman, je vais faire un résumé. Il y a des points qui vous intéressent particulièrement? Dites-moi et je ferai un article de détail.
- Il ne suffit pas de cotiser 44 ans sans “trou” pour avoir une rente AVS maximale, il faut aussi que le salaire moyen sur ces années de cotisation soit… 88’200.- – c’est facile de demander un extrait de compte AVS à une des caisses auprès de laquelle on a cotisé. On peut ensuite faire un calcul “dos de la serviette” pour ajouter un estimation de ce qu’on va gagner durant les années qui nous restent avant la retraite, diviser par le nombre d’années de cotisation et regarder quelle rente approximative ça donnerait dans la table des rentes (page 20 si on a cotisé sur 44 ans)
- Le deuxième pilier est intéressant pour ce que l’employeur y met et pour le gain d’impôts mais c’est un investissement avec un très mauvais rendement (0 ou 1% ces temps) – le rachat est donc rarement intéressant sauf peu avant la retraite ou (si j’ai bien compris) en cas de haut salaire.
- La rente du deuxième pilier n’est pas indexée au coût de la vie et à l’inflation. On a peu d’inflation en Suisse, mais il y en a quand même, et elle augmente. 100.- il y a 20 ans (en 2005) ça correspond plutôt à 125.- aujourd’hui. C’est une perte de 20% en 20 ans. Si le taux d’inflation est 2 ou 3%, ça veut dire qu’un montant fixe vaut chaque année 2 ou 3% de moins… et les taux de conversion baissent et baisseront encore.
- Mais sans rente, on s’en sort comment? Le principe de base est qu’on peut se permettre de vivre sur 4% de son capital (taux de retrait sûr). C’est mathématiquement un peu plus compliqué, mais c’est basé sur ce qu’on appelle la Trinity Study. Un capital investi présente plus de risques mais aussi une chance de suivre l’inflation et plus de flexibilité de mois en mois, alors qu’avec une rente fixe on est condamné à devoir tourner avec de moins en moins de revenu au fil des années. A garder en tête: l’économie va mieux avec un peu d’inflation (ni trop ni pas assez).
- Il faut absolument mettre chaque année le maximum dans son 3e pilier (7258.- en 2025), quitte à se serrer la ceinture (voire emprunter sur le court terme si on manque de liquidités au moment voulu). Et si on peut, un 3e pilier où les fonds sont placés (en adaptant le niveau de risque à sa situation personnelle) plutôt qu’un 3e pilier “banque” où l’argent dort et perd de la valeur (coucou l’inflation). On déduit directement ce qu’on met dans un 3e pilier de notre revenu imposable, donc c’est comme si ça rendait une partie de notre revenu “gratuite” (et même plus) pour autant qu’on l’utilise pour préparer notre retraite. Sur Lausanne, avec un revenu imposable autour de 60’000, mettre 7258.- sur son troisième pilier ne “coûte” finalement que 5640.- environ une fois qu’on a pris en compte la réduction d’impôt. Donc il y a juste besoin de “trouver” cette somme-là dans son budget, pas l’entier des 7258.-! Autrement dit, si tu arrives à trouver 5640 balles sur l’année pour ton troisième pilier, on t’en donne autour de 1600.
- Les 3e piliers liés à une assurance-vie sont toujours un plus mauvais plan que prendre une assurance-décès “risque pur” et mettre le montant alloué au 3e pilier dans un compte investi (avec un risque pur de quelques centaines de francs par an, on assure un capital qui peut, à vue de nez, être 5 à 10 fois plus important que ce qu’on aurait avec un 3e pilier lié où grosso modo 20% de ce qu’on verse part dans la prime). On peut déplacer son troisième pilier donc il est possible de sortir d’un troisième pilier assurance, et si on trépigne un peu par rapport au 3e pilier investi, démarrer avec un simple 3e pilier “banque” est facile, pas pris de tête, et toujours un bon plan. C’est bien d’avoir plusieurs troisième piliers pour échelonner les retraits (impôts).
- Pour beaucoup de gens, surtout si on a bossé à temps partiel ou été indépendant ou eu des petits salaires, la promesse “AVS+2e pilier+3e” = je garde mon niveau de vie est un mirage. Il faut donc faire tout son possible pour économiser+investir à côté, même si c’est des petites sommes.
- Investir fait peur, mais il y a aujourd’hui moyen d’investir dans “l’économie mondiale entière“ à travers des ETFs (qui sur le long terme, grimpe tranquillement) – ce sera toujours mieux que de laisser dormir de l’argent sur un compte en banque, où il perd de la valeur (les taux d’intérêt, quand il y en a, ne compensent pas l’inflation.)
- C’est pas forcément un bon plan de repayer son hypothèque. On a plus à la fin si on investit plutôt l’argent (les intérêts de l’hypothèque sont plus faibles que le rendement qu’on aura en investissant dans un ETF suivant un index mondial).
- Réduire les “pertes bêtes” de la vie quotidienne financière permet de dégager de l’argent qu’on peut investir pour sa retraite. On peut faire un budget dans excel ou bien avec une application comme YNAB, mais sous une forme ou une autre, ça vaut la peine de se faire un budget pour voir clair.
Tu as sûrement des questions. Les commentaires sont là pour ça.
Et si tu te dis, purée, mon banquier et mon assureur vont essayer de me vendre leur produits destinés à enrichir leur employeur (ou même eux-mêmes s’ils touchent une commission, ce qui est souvent le cas), je sais pas par où commencer, j’aimerais quelqu’un avec qui regarder mes chiffres et réfléchir… Ou qui me prenne par la main pour me donner le courage de sauter le pas et implémenter les décisions que j’ai prises… Je réfléchis à une formule genre “Demande à Steph” (oh le teasing) pour ce genre de chose qui va un peu au-delà des services qu’on rend sans arrière-pensée à nos amis et connaissances parce que voilà, les relations sont faites de ça, mais qui n’est quand même pas de l’ordre de “je suis un·e pro et je facture mes services”. Un truc sauce troc, wishlist, chapeau à la sortie. Ça mûrit encore, mais parlez-m’en si ça vous interpelle.
Vous avez eu des prises de conscience financières récentes, et fait des changements qui vous permettent d’économiser au quotidien, de gagner plus, ou de vous assurer un meilleur avenir? Les commentaires sont aussi là pour partager.
(Oui je bascule entre le “tu” – individuel/impersonnel – et le “vous” – collectif. Je sais. Ça ne m’empêche pas de dormir.)