Le long des rails, j'ai marché. Parcourant plusieurs kilomètres, j'ai découvert à chaque pas le même paysage. Les rails se perdaient au loin entourés de noisetiers à n'en plus finir. Ce n'était pas la période de la cueillette. Dommage, j'en aurai empli des sacs et des sacs pour l'hiver venu. Les bois sous rail étaient pourtant en chêne solide et résistant, mais le temps les a affaibli et a pourri la plupart de ces traverses. Certains s'effritaient sous mes pas lorsque l'envie me prenait de sauter de bois en bois, comme lorsque j'étais petite. Puis, lassée de sautiller, je prenais appui sur le rail et je marchais en équilibre durant quelques instants, appréciant cette sensation de perdre à n'importe quel moment cet équilibre précaire. 

Il faisait beau. Le printemps était là ; les oiseaux gazouillant se répondant d'arbres en arbres. Ce soleil qui nous avait fait tant attendre me réchauffait le visage et je me tournais vers lui profitant de sa chaleur. Il réchauffait mon coeur. Il réchauffait mon âme. J'avais appris à mes dépens qu'il ne faut pas donner son coeur et qu'il vaut mieux le garder pour soi. C'était une belle journée. C'était un dimanche ensoleillé. Je n'étais pas la seule à longer les rails. Des couples et des familles avec enfants se croisaient dans un sens comme dans l'autre.

Mais je décidais presque malgré moi de rejoindre la falaise et bifurquant brusquement, je m'engouffrais dans la forêt profonde, me motivant pour appréhender la montée qui dans mon souvenir était très rude. Et elle le fut. Sous un soleil de plomb, j'attaquais avec entrain ce dénivelé qui me donnerait une vue magnifique sur la vallée et sur les rails. Arrivée en haut, je me posais quelques instants pour apprécier le paysage qui s'offrait à ma vue. Au loin, j'apercevais la voie ferrée et malgré les années ces rails brillaient encore. Plus aucun train n'y circule aujourd'hui. La voie a été abandonnée il y a longtemps déjà. 

Je laissait alors mes pensées vagabondées quelques instants, profitant de cette chaleur nouvelle pour rêver un peu.

Avez-vous déjà entendu le bruit des trains lorsqu'ils arrivent et repartent en gare ? C'est un doux ronronnement qui le soir vous berce et le matin vous réveille doucement. 

Avez-vous déjà passé des heures dans les trains ? Il se met en marche lentement oscillant, tel un berceau d'acier. Dès les premières minutes, la chaleur envahit votre corps petit à petit. Le tressaillement du train, le paysage qui défile, les villages qu'on traverse nous emprisonnent dans un brouillard et nous fait sombrer dans un sommeil éphémère.

Mais il est temps que je reparte pour retrouver mon quotidien, une fois de plus, jusqu'à la prochain rêverie ou la prochaine envie.