Vive-la-gauche-indignée

Le RN ne veut plus la fin de l’Union Européenne, ses électeurs, même les plus convaincus  ont désormais trop peur de l’inconnu que serait une aventure analogue au Brexit. Les même vous expliquent que désormais avec le poids des partis populistes en Europe, la transformation de l’Union en un club totalement libéral où chacun ferait ce qu’il veut est un objectif atteignable de l’intérieur.

Imaginons donc qu’ils aient raison et que grâce à l’inconséquence délirante des électorats européens, une majorité d’extrême droite prenne le pouvoir en Europe et détricote les différents traités et  accords, budgétaire, monétaires, commerciaux et frontaliers. Les rapports de force entre pays s’en trouveront- ils modifiés ? Les positions géographiques des pays seront-elles modifiées ? L’avantage que confère à l’Allemagne son outil industriel disparaitra-t-il du jour au lendemain ?

Pas du tout, évidemment.

On peut donc penser qu’avec la nouvelle liberté offerte, chaque état tentera de pousser son avantage et qu’en peu de temps les échanges européens seront dominés par une sacrée cacophonie. La liberté acquise sur le refus de négocier des compromis contraignants conduira naturellement les  différents états à faire ce qu’ils veulent et les incitera non pas à la vertu mais à la guerre commerciale à outrance. L’éclatement de l’Europe aura- t- il comme corollaire la disparition du capitalisme financier européen, américain ou chinois ?

Evidemment pas et par conséquent les capitaux dans une Europe divisée s’en donneront à cœur joie sautant d’un pays à l’autre en fonction de leurs intérêts bien compris. Les pays européens tous rivaux devant les multinationales se livreront à un dumping fiscal et social sans aucune limite et ce que l’on observe dans l’Europe d’aujourd’hui sera multiplié par cent.

On n’aura plus de directive des travailleurs détachés mais qui empêchera certains états de doper leur industrie en ouvrant leurs usines à des immigrés à bas salaires ? Ceux- là deviendront de redoutables concurrents sur le marché international ! Quant aux entreprises dont le marché est mondial, elles quitteront le plus vite possible les pays les moins avantageux pour s’installer chez ceux qui leur offriront les meilleures conditions de production, impôts bas et salaires contenus. Ce sera la guerre du moins disant social qui flambera en Europe comme jamais. La France aura bien du mal à protéger son modèle social dans un tel environnement où plus aucune règle ne viendra limiter les partisans les plus extrémistes de l’économie libérale.

Enfin dans une Europe désunie, les pays qui jouent aujourd’hui les casse- pieds sur la scène européenne, comme la Pologne et la Hongrie se verront tout à coup bien seuls face aux ambitions territoriales et de domination de la Russie. L’exemple cuisant de l’Ukraine qui subit une guerre civile, une double partition indépendantiste et l’annexion de la Crimée, dues à la pression multiforme qu’exerce Moscou sur une partie de sa population devrait quand même donner à réfléchir à ces politiciens de l’Europe orientale qui font peu de cas de la protection que leur procure leur appartenance à l’Union. Si celle-ci s’affaiblit, ils seront les premiers à en subir des effets qu’ils sous estiment ou ne soupçonnent même pas aujourd’hui. Et ce n’est pas le bouclier américain qui les protégera. Pour s’en convaincre il suffit d’observer que dès maintenant, l’Amérique manifeste une forte tendance à la prudence extrême à l’égard de la Russie (La guerre en Syrie en témoigne) et une hostilité larvée aux européens.  Pour Washington les vrais problèmes à venir seront  de toutes manières en mer de Chine et en Asie.  

Il n’est pas exclu non plus qu’au sein d’une Europe divisés l’offensive des capitaux, américains, chinois, kataris, saoudiens soit beaucoup plus agressive avec toutes sortes d’extrapolations possibles de nature à nourrir la zizanie  entre Etats européens et peut être dans les pays eux-mêmes. Ce ne serait que l’aggravation de tendances déjà observables aujourd’hui.  

Face à ces réalités brutales on a du mal à comprendre pourquoi tant de citoyens européens songent à rompre l’union européenne sans aucun scrupule. Ils se trompent en imaginant que la fin de l’Europe serait aussi celle du capitalisme financier qui triomphe grâce à la mondialisation. Ils se trompent d’adversaire moyen le plus sûr de perdre la  bataille !

Et ils sont confortés dans l’erreur par les discours lancinants des extrêmes droite et gauche complaisamment relayés sans contre argumentaire par les médias. En permanence on dit à la télé que l’Europe est responsable de tout ce qui ne va pas. Comment ne pas imaginer alors que de sa suppression radicale naîtrait l’Eldorado. « Plus c’est gros, plus ça passe » est un dicton d’escroc qui convient bien à tous ces leaders dont la bonne figure jeune et soignée sert de masque sympathique pour entrainer les peuples dans la politique du pire avec un cynisme confondant !

Cela ne signifie pas qu’il faille se satisfaire de la situation actuelle où au travers des partis conservateurs, les patronats et avant tout le patronat allemand et les multinationales mondiales dominent les institutions européennes et les font fonctionner à leur profit. Il est indispensable de libérer le pouvoir européen de cette domination pour que les institutions européennes prennent en compte les intérêts des classes populaires.  

Seule une union des gauches social- démocrate à l’échelle du continent devenue électoralement majoritaire sur une base programmatique claire pourrait jouer ce rôle de partenaire intransigeant d’un système capitaliste dont la domination est pour le moment une réalité incontournable. L’absence, d’après les sondages, d’une telle perspective convient parfaitement au capitalisme financier dominant qui n’a rien à redouter des forces conservatrices et de LAREM. Mais qui n’a rien à redouter, non plus,  d’une victoire des extrémiste de droite ou de gauche,  qui par le désordre qu’ils créeraient, rendraient leurs activités encore plus faciles donc sans doute plus juteuses !