La situation à Gaza est catastrophique. Au moins 43000 personnes ont été tuées depuis octobre dernier, en conséquence de l’attaque de grande envergure d’Israël et de l’assassinat indiscriminé des civils. (Selon un article publié dans le Lancet, qui a estimé le nombre de morts attribués à la crise actuelle à partir de données rassemblées jusqu’en juin de cette année, le nombre total serait de plus de 180000, si on inclut les corps encore ensevelis sous les décombres et les morts indirectes.) 90% de la population a perdu son logement. La nourriture, l’eau, les combustibles et les fournitures médicales ont été coupés, et la famine est généralisée. Des hôpitaux, des écoles et des camps de réfugiés ont été la cible d’attaques sans relâche. Actuellement la situation est particulièrement sérieuse dans la partie nord de Gaza, où la population est assiégée, attaquée et déplacée de force, créant des scènes effroyables. En outre, le Parlement israélien a récemment voté une loi interdisant de fait les activités de l’Office de secours et de travaux des Nations Unies pour les réfugiés de Palestine dans le Proche-Orient (United Nations Relief and Works Agency for Palestinian Refugees, UNRWA), qui a soutenu la vie du peuple palestinien à Gaza et ailleurs, une décision scandaleuse revenant à dénier ouvertement le droit qu’a tout être humain à vivre.
Il y a une prise de conscience grandissante que cela constitue un cas incontestable de génocide. En réponse à une plainte déposée par l’Afrique du Sud et d’autres pays affirmant que la situation à Gaza est une violation de la Convention de génocide (1948), la Cour internationale de justice (CIJ) a annoncé des mesures provisionnelles (ordonnances) en janvier 2024, demandant que toutes les mesures soient prises pour la prévention d’un génocide. Le Conseil des droits de l’homme des Nations Unies a ensuite adopté, en avril dernier, une résolution appelant à un embargo des armes vers Israël.
Il a également été porté à l’attention du public mondial que Gaza et la Cisjordanie sont des territoires qui ont été occupés en 1967 et qui, malgré des résolutions successives des Nations Unies appelant au retrait d’Israël, sont restés sous occupation pendant les 57 dernières années. À la base de la crise actuelle, donc, se trouve la question de l’occupation. En parallèle avec la situation à Gaza, l’escalade de la violence contre les Palestiniens en Cisjordanie a été aussi un phénomène grave. En juillet 2024, la CIJ a donc émis un avis consultatif dénonçant l’occupation par Israël de Gaza, de la Cisjordanie et de Jérusalem-Est, et appelant la communauté internationale à mettre fin à cette occupation illégale. L’Assemblée générale des Nations Unies a adopté, en septembre, une résolution appelant à la fin de l’occupation dans un délai maximum d’un an. (Le Japon a voté en faveur de cette résolution.)
En dépit d’une critique internationale grandissante, cependant, Israël continue ses massacres et la destruction de Gaza.
En outre, il semble qu’Israël a même étendu récemment sa guerre dans la région, avec son ré-invasion du Liban (qui avait déjà été envahi et partiellement occupé par Israël), et ses provocations et attaques répétées visant l’Iran. Au Liban, les attaques indiscriminées d’Israël ont eu pour conséquences les morts de nombreux civils et des déplacements forcés, et une alarme a été lancée, s’inquiétant que le Liban ne devienne un « deuxième Gaza » (une expression utilisée par le Secrétaire général des Nations Unies). Comme dans le cas de Gaza, les opérations militaires d’Israël sont menées sous prétexte d’« auto-défense », mais ces guerres, qui sont décrites comme « un choc entre les barbares et la civilisation » (selon le discours du Premier ministre Netanyahou devant le Congrès des États-Unis), visent apparemment à créer « un ordre d’un nouveau Moyen-Orient », dans lequel la région entière serait placée sous l’influence d’Israël, armé de sa puissance militaire supérieure et du soutien des États-Unis. Si une telle politique expansionniste est autorisée à continuer sous le prétexte d’« auto-défense » et de « sécurité » , il n’y aura ni souveraineté, ni paix pour les États voisins d’Israël. L’attitude du gouvernement Netanyahou, avec la guerre et les assassinats de masse continuels défiant le droit international, nous rappelle le chemin suivi par le Japon dans les années 1930, chemin qui a finalement conduit à la Deuxième Guerre mondiale. Une telle attitude, qui ébranle les fondements d’un ordre mondial fondé sur le Charte des Nations Unies et du droit international, mènera non seulement le Moyen-Orient, mais le monde entier au bord de la ruine.
En ce qui concerne la situation à Gaza, on observe que, en Europe et aux États-Unis, ceux et celles qui s’opposent à la guerre (citoyens, intellectuels et responsables d’État) sont souvent critiqués et attaqués comme étant « antisémites ». Cependant, il est faux d’identifier le gouvernement israélien avec le peuple juif, comme le démontre le fait qu’aux États-Unis et dans d’autres pays des citoyens juifs eux-mêmes expriment leur opposition à la guerre, brandissant le slogan : « Pas entre notre nom ». Il y a aussi des citoyens israéliens qui critiquent la politique de leur gouvernement et demandent la fin de la guerre. Il est donc plutôt nécessaire de prêter attention à la situation problématique dans laquelle étiqueter quelqu’un « d’antisémite » fonctionne comme un instrument destiné à réprimer l’opinion publique opposée à la guerre.
Depuis le déclenchement de la crise en octobre de l’an dernier, nous, un groupe de chercheurs japonais spécialistes des études sur le Moyen-Orient, avons lancé déjà plusieurs appels, demandant un cessez-le-feu immédiat, la libération des otages, des secours pour Gaza et le respect du droit international et nous avons fait des propositions pour une solution pacifique au problème. Un an plus tard, cependant, la situation est devenue encore plus grave et la guerre s’est étendue dans le Moyen-Orient. Il est urgent que la communauté internationale prenne des actions décisives pour arrêter les assassinats et la guerre, et nous pensons que le Japon lui-même doit jouer un rôle dans ce processus. Nous formulons donc les demandes suivantes :
1.Imposer un embargo international d’armes contre Israël. En accord avec les mesures provisionnelles de la Cour internationale de justice (CIJ) et la résolution du Conseil des droits de l’homme des Nations Unies, aucune arme ne devrait être exportée vers Israël ou lui être livrée.
2.Accroître la pression internationale pour appliquer les résolutions de l’Assemblée générale des Nations Unies et du Conseil de sécurité des Nations Unies appelant à un cessez-le-feu. Prendre en considération le « Rassemblement pour la paix » aux Nations Unies contre Israël qui continue à étendre sa guerre.
3.Fournir et étendre l’assistance humanitaire à Gaza aussitôt que possible. Intensifier la critique internationale contre la décision scandaleuse d’Israël d’interdire les activités de l’UNRWA, qui est une agence des Nations Unies, en faisant pression pour qu’Israël revienne sur cette décision. Condamner le ciblage des agences et des personnels des Nations Unies par des attaques et des assassinats et l’obstruction faite à leurs activités.
4.Mettre fin à l’occupation. Accroître la pression internationale pour mettre fin à l’occupation par Israël de Gaza, de la Cisjordanie et de Jérusalem-Est, et démanteler les colonies, en accord avec l’avis consultatif de la Cour internationale de justice et la résolution de l’Assemblée générale des Nations Unies.
5.Ouvrir la voie à une solution de fond, pacifique et complète. La communauté internationale devrait sans équivoque soutenir la réalisation du droit du peuple palestinien à l’auto-détermination, l’établissement d’un État palestinien indépendant et sa participation en tant que membre aux Nations Unies.
6.Si Israël ne répond pas aux appels internationaux à respecter le droit international, à un cessez-le-feu et à la fin de l’occupation, la communauté internationale devrait envisager de lui imposer des sanctions économiques et diplomatiques.
De plus, les demandes suivantes sont faites au gouvernement japonais :
7.Que le gouvernement japonais incite les gouvernements d’autres pays, particulièrement des États-Unis et de ceux qui continuent à soutenir Israël et à lui fournir de l’aide militaire et des armes, à prendre les mesures indiquées plus haut (1-6).
8.Suspendre toute coopération entre les autorités responsables de la défense au Japon et en Israël : aucun approvisionnement d’armes venant d’Israël, aucun partage de technologie militaire et aucun développement conjoint d’armes.
9.Remettre en question la coopération économique avec Israël. Ne pas conclure d’accord de partenariat économique.
10. Remettre en question les relations diplomatiques avec Israël. Notons que le gouvernement japonais s’est déjà référé en 1973 à la possibilité de remettre en question sa politique envers Israël si Israël ne respectait pas les demandes internationales, comme le retrait des territoires occupés en 1967 et le respect des droits du peuples palestinien (Déclaration du Secrétaire principal du Cabinet, Nikaido, en 1973). La violation actuelle du droit international et des droits humains, commise par le gouvermenent israélien, est bien plus grave maintenant qu’à l’époque.
La communauté internationale est responsable de la crise en cours à Gaza, en Cisjordanie, au Liban, etc, à cause de son manque d’action et de son approbation tacite de la situation. Nous, chercheurs japonais engagés dans des Études sur le Moyen-Orient, ferons tout ce que nous pourrons, en coopération avec les citoyens du Japon et du reste du monde, pour arrêter le bain de sang dès que possible et nous lutterons pour le rétablissement de l’humanité et la réalisation de la paix et de la justice.
7 novembre 2024
À l’initiative de :
Masato Izuka (Université des Études étrangères de Tokyo), Satoshi Ukai (Université Hitotsubashi), Akira Usuki (Université féminine du Japon), Tetsuya Ohtoshi (Waseda University), Mari Oka (Université Waseda), Tadashi Okanouchi (Université Hosei), Yoshiko Kurita (Université Chiba), Hidemitsu Kuroki (Université des Études étrangères de Tokyo), Keiko Sakai (Université Chiba), Eiji Nagasawa (Université de Tokyo), Misako Nagasawa (écrivain), Eisuke Naramoto (Université Hosei), Shuji Hosaka (Institut de l’économie de l’énergie, Japan), Toru Miura (Université Ochanomizu), Tomoko Yamagishi (Université Meiji), Kaoru Yamamoto (Université Keio)
連絡先:中東研究者有志アピール事務局/
Bureau de l’appel des Chercheurs japonais spécialistes du Moyen-Orient
メールアドレス:meresearchersgaza[at]gmail.com * [at]=@
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