Contacter l'auteur / Contact the author

Recherche dans ce site / Search in this site

 

 

Les astéroïdes

Répartition des quelque 18000 principaux astéroïdes et des planètes dans un rayon de 15 milliards de km ou 100 UA autour du Soleil. En réalité il en existe plus de 25 millions de plus de 100 m de longueur. Document Tabletopwhale.

Répartition (III)

Les astéroïdes sont également classés en fonction de leur localisation. En dehors de la Ceinture principale des astéroïdes qui regroupe environ 96% des corps, 4% des astéroïdes orbitent sur des trajectoires excentriques ou sans rapport avec la Ceinture. Il s'agit des NEO, des NEA, des astéroïdes Troyens et autres familles ou groupes (voir ci-dessous), des Centaures et des Objets Transneptuniens (TNO) comprenant les Objets de la Ceinture de Kuiper (KBO), les Plutinos et les Objets dispersés du disque (SDO) sur lesquels nous reviendrons dans l'article sur les Objets Transneptuniens et les KBO.

La plupart des astéroïdes furent découverts depuis le début des années 1990 grâce à la révolution introduite par l'usage généralisé des caméras CCD et de télescopes dédiés exclusivement à cette recherche car l'essentiel n'est pas tant la luminosité du télescope mais sa disponibilité à temps plein pour cette activité. Deux programmes de surveillance spécialisés s'attribuent l'essentiel des découvertes : LINEAR (projet américain civil en coopération avec l'US Air Force comprenant 3 télescopes entre 0.5 et 1 m d'ouverture) et Catalina (3 télescopes entre 0.5 et 1.5 m d'ouverture). On y reviendra.

Les astéroïdes EGA : NEO, NEA et PHA

EGA est l'acronyme de "Earth Glazers Asteroids"; il s’agit d'astéroïdes qui frôlent la Terre, également appelés géocroiseurs. Cette famille est aujourd'hui subdivisée en NEO, acronyme de "Near Earth Objects" comprenant des comètes et des astéroïdes et NEA, acronyme de "Near Earth Asteroids" auxquels se sont ajoutés les PHA, acronyme de "Potentially Hazardous Asteroids" en 1994.

Les astéroïdes géocroiseurs sont classés en fonction de paramètres dynamiques comme leur distance au périhélie (q ≤ 1.13 UA), leur distance à l'aphélie (Q) et leur demi-grand axe (a).

La famille des géocroiseurs se subdivise en six groupes qui se révèlent de plus en plus nombreux :

- Le groupe NEC (Near-Earth Comets) sont des comètes dont la distance périhélique q ≤ 1.3 UA et présentant une période inférieure à 200 ans

- Le groupe NEA dont la distance périhélique q ≤ 1.3 UA. Il est divisé en sous-groupes (Atira, Aten, Apollo et Amor) selon leur distance au périhélie (q), la distance à l'aphélie (Q) et leurs demi-grands axes (a).

- Le groupe Atira (ou des apophele) rassemble les rares NEA résidant dans l'orbite terrestre. Leur distance périhélique q < 0.983 UA et leur demi-grand axe a < 1 UA. Egalement appelée IEO (Inner Earth Objects), cette famille comprend 20 membres dont Atira découvert en 2003 et 2019AQ3.

- Le groupe Aten rassemble les NEA dont l'orbite présente un demi-grand axe a < 1 UA et la distance à l'aphélie Q > 0.983 UA Leur orbite est donc circonscrite dans l'orbite de la Terre, ce qui permet de les observer toute l'année. Ils comptent parmi les rares objets que l'on peut encore découvrir à l'approche du solstice d'été car l'inclinaison des orbites respectives de la Terre et de ces astéroïdes leur permet de se rapprocher très près de notre planète à cette époque. Les plus connus d'entre eux sont Apophis et Ida.

- Le groupe Apollo avec Cérès comme chef de file, rassemble les NEA dont la distance au périhélie q ≤ 1.017 UA et le demi-grand axe  a > 1.0 UA Ils traversent donc l'orbite terrestre. Parmi les membres de ce groupe citons le célèbre Toutatis qui passa à 3.6 millions de kilomètre de la Terre en 1992. Sous la magnitude 11 au plus près de la Terre, il nous rend visite tous les quatre ans à la plus grande joie des amateurs qui peuvent déjà l'observer dans un télescope de 10 cm d'ouverture.

- Le groupe Amor rassemble les NEA dont la distance périhélique est comprise entre 1.02 ≤ q ≤ 1.30 UA et le demi-grand axe a > 1 UA Ils traversent l'orbite de Mars mais jamais celui de la Terre. Le plus connu d'entre est Eros qui fut visité par la sonde NEAR en 2001 (voir dernière page)

- Le groupe PHA (Potentially Hazardous Asteroids). Cette dénomination distincte fut créée en 1994 par E.Bowell et K.Muinonen (p149-197) pour définir les astéroïdes dont la distance minimale à la Terre ou MOID (Minimum Orbit Intersection Distance) ≤ 0.05 UA et la magnitude absolue H ≤ 22.

Ce groupe comprend tous les NEO de plus de 140 m s'approchant à moins de 7.48 millions de kilomètres de la Terre. Ce sont les plus dangereux. En effet, suite à une perturbation orbitale, leur orbite quasi-circulaire peut s'allonger et finir par croiser celle de la Terre. En d'autres termes, les astéroïdes qui ne peuvent pas se rapprocher de la Terre (par exemple H=22 avec un albédo présumé de 1.4) ne sont pas considérés comme des PHA.

A voir : Asteroids size comparison, MetaBallStudios

A gauche, Apollo appartient à un groupe de NEO dont la distance au périhélie est inférieure à 1.017 UA et le demi-grand axe inférieur à 1 UA. Comme tous les membres de son groupe Apollo traverse donc l'orbite terrestre. Toutatis en fait partie au même titre que Cérès. A droite, Amor ainsi que tous les membres de sa famille présentent une distance périhélique q comprise entre 1.017 < q < 1.30 UA. Il traverse l'orbite de Mars mais jamais celui de la Terre. Illustrations de David A.Hardy.

Statistiquement on estime la population des NEO à plus de 60000 individus. Ils appartiennent à la famille peu nombreuse des aérosidérolites. Comme leur nom l'indique, ils s'aventurent autour du Soleil en formant de grandes ellipses très inclinées, effleurant régulièrement l'orbite de la Terre. Citons en particulier Icare qui dépasse l'orbite de Mercure et Hidalgo qui s'éloigne au-delà de l’orbite de Saturne, subissant des écarts importants de température.

Début 1995, les planétologues[3] américains avaient dénombré 353 astéroïdes géocroisseurs NEO. Selon la NASA, dix ans plus tard, au 1er janvier 2005 on dénombrait 3188 NEO dont un bon millier mesurent plus de 1 km de diamètre. En 2024, on dénombrait plus de 35000 NEO dont 90% mesurent plus de 1 km et ne représentent aucune menace pour la Terre. Les experts de la NASA en découvrent actuellement environ 1500 nouveaux chaque année. On peut donc estimer qu'en 2026, le nombre de NEO identifié aura plus que doublé par rapport à 2016 et que nous aurons identifié à peu près la moitié des NEO existants. On espère que les autres seront découverts par le télescope Vera Rubin de 8.40 m et par la future mission spatiale NEO Surveyor de la NASA. On y reviendra.

En revanche, plusieurs milliers d'astéroïdes mesurent au moins 140 mètres de longueur dont on ne connaît les orbites que 40% d'entre eux. Le choix des 140 mètres est la taille d'un éventuel impacteur qui dévasterait une grande région de la taille d'un pays.

Précisons que depuis 2014, la NASA a revu son programme d'observation des NEO et mis en place le Bureau de Coordination de la Défense Planétaire (PDCO ou Planetary Defence Coordination Office) pour gérer la menace.

Le risque d'impact

Ainsi que nous l'expliquerons en détails dans l'article consacré aux Histoires d'impacts, pratiquement chaque année un petit astéroïde (mesurant entre 2-250 m) nous frôle à quelques dizaines de milliers de kilomètres d'altitude. Le record est détenu par un bolide de 1000 tonnes qui passa à 58 km d'altitude dans le ciel d'Alaska le 10 août 1972 puis échappa à l'attraction terrestre. En 2027, l'objet 1990 AN10 passera à hauteur de l'orbite lunaire, à 388000 km de la Terre. Compte tenu des vitesses orbitales respectives de chaque corps, il nous devancera de quelques heures seulement... Enfin, le 13 avril 2036, le NEO 99942 Apophis, alias 2004 NM4 a moins de 2.4% de (mal)chance de nous percuter. Heureusement, depuis le risque fut révisé à la baisse. On y reviendra.

A lire : Apophis va-t-il percuter la Terre en 2036 ?

TOUTATIS

ATEN

A gauche, l'orbite de Toutatis (vert) ressemble à celui d'une comète à courte période telle 67P "Choury". Tous les 4 ans cet astéroïde traverse l'orbite terrestre (cyan) pour s'éloigne à peu de distance de Jupiter (mauve). A droite, à l'inverse, Aten (en vert) évolue sur une orbite légèrement excentrique. Il traverse l'orbite terrestre (cyan) pour rejoindre Mars (rouge) quelques mois plus tard. Documents MPC.

Heureusement pour nous, la plupart des NEO et autres PHA nous effleurent à une distance respectable comprise entre 3 et 10 millions de kilomètres soit entre 0.0200 et 0.0668 UA. Le risque de collision est infime. Ainsi que nous le verrons dans une autre dossier à propos des météorites, un corps de 100 m de diamètre risque de percuter la Terre qu'une fois tous les 100 millions d'années bien que le facteur d'incertitude atteigne un facteur 2. Le dernier qui nous ait percuté fut probablement un morceau de comète et tomba sur la Tunguska en Sibérie en 1908.

Les participants au projet Spacewatch estiment qu’une cinquantaine d’objets de la taille d’une petite maison traversent probablement l’orbite de la Lune chaque jour. Ce phénomène est baptisé “near-miss” et il n’est pas exceptionnel que des astéroïdes frôlent la Terre à une distance de 150000 km ou 0.001 UA. Mais rassurez-vous, si ces petits corps devaient percuter la Terre, ils se consumeraient dans l’atmosphère bien avant d’atteindre le sol. Consulter le dossier consacré aux Histoires d'impacts pour en savoir plus.

A consulter : Convertisseur d'U.A. en km et vice-versa

Passages rapprochés des PHA sous un MOID ≤ 0.025 UA ou 3740000 km

Nom

de l'objet

Date de

la rencontre

Distance

(UA)

Toutatis

2014 JO25

19/04/2017

0.011752

1999 VP11

22/10/2017

0.01483

2006 UK

17/11/2017

0.022257

2008 TZ3

09/05/2018

0.016640

2006 YS7

29/10/2018

0.019302

2010 PK9

26/07/2019

0.021075

2014 SD224

25/12/2020

0.020191

2008 MP1

08/07/2021

0.01062

2014 HK129

20/12/2022

0.017241

Toutatis nous rend visite tous les quatre ans mais il reste à une distance respectable qui n'a jamais été inférieure à 1 million de kilomètres soit 0.00668 UA, loin derrière la Lune. Cette simulation réalisée par le JPL nous montre la Terre telle qu'on l'observerait de sa surface, à 5.3 millions de kilomètre de distance.

1998 HH49

17/10/2023

0.007852

2009 FF

11/09/2025

0.017468

1999 AN10

07/08/2027

0.002654

2001 WN5

26/06/2028

0.001663

Apophis

13/04/2029

0.0002644

Cette table est extraite d'une liste tenue à jour par le MPC.

Au plus près de la Terre, les NEO présentent un angle de phase, tout comme les planètes inférieures, qui peut diminuer leur éclat jusqu'à 30%. Malgré cette variation de luminosité c'est lors des oppositions périhéliques que leur étude reste la plus aisée.

Un lien possible entre les comètes sombres et les NEO

Les comètes sombres (dark comets) sont assez mystérieuses car elles combinent les caractéristiques des astéroïdes et des comètes. Les astéroïdes sont des corps rocheux dépourvus de glace qui orbitent plus près du Soleil que les comètes, généralement à l'intérieur de la ligne de glace (située aujourd'hui vers 5 UA). Cela signifie qu'ils sont suffisamment proches du Soleil pour que la glace qu'ils contenaient se soit sublimée, passant de l'état solide à l"état gazeux. Aujourd'hui, ce sont des corps globalement secs.

Illustration artistique d'un astéroïde NEO à 10 millions de kilomètres de la Terre. Document T.Lombry.

Les comètes sont des astéroïdes glacés. Elles peuvent être actives ou dormantes. Lorsqu'elles sont actives, la glace de leur noyau se sublime à l'approche du Soleil et emporte avec elle des gaz (dont de la vapeur d'eau) et des poussières, créant ainsi leurs queues de gaz (de plasma) et de poussières qui rendent la comète visible. De plus, elles présentent généralement de légères accélérations générées non pas par la gravité, mais par les jets produits par la sublimation de la glace, appelées des accélérations non gravitationnelles.

Dans un article publié dans la revue "Icarus" en 2024, Aster G. Taylor, étudiant diplomé en astronomie de l'Université du Michigan et ses collègues ont examiné sept comètes sombres dont 2003 RM qui présentent des accélérations non gravitationnelles. Par extrapolation et donc avec une marge importante d'incertitude, ils estiment qu'entre 0.5 et 60% de tous les astéroïdes NEO pourraient être des comètes sombres, qui ne sont pas des comètes mais présentent des accélérations non gravitationnelles.

Les auteurs ont ensuite voulu savoir d'où provenaient ces comètes sombres. Selon Taylor, "Les NEO ne restent pas très longtemps sur leur orbite actuelle, car l'environnement proche de la Terre est chaotique. Ils ne restent dans l'environnement terrestre que pendant environ 10 millions d’années. Comme le système solaire est beaucoup plus ancien que cela, cela signifie que les NEO viennent d'ailleurs - que nous sommes constamment alimentés par des NEO provenant d’une autre source, beaucoup plus vaste."

Pour déterminer l'origine de cette population de comètes sombres ou NEO à accélération non gravitationnelle, Taylor et ses collègues ont mis au point des modèles dynamiques qui génèrent des accélérations non gravitationnelles sur des objets de différentes populations. Ils ont ensuite simulé leur trajectoire sur une période de 100000 ans.

Les résultats des simulations montrent que bon nombre de ces objets se sont retrouvés là où se trouvent aujourd'hui les comètes sombres et que, parmi toutes les sources potentielles, la Ceinture principale est le lieu d'origine le plus probable. Par conséquent, comme ces comètes sombres ont des accélérations non gravitationnelles, cela implique que les astéroïdes de la Ceinture contiennent de la glace sous leur surface, ce qui fut déjà suspecté dans les années 1980 mais qu'on a toujours du mal à prouver (seul Cérès affiche clairement des zones blanches de sel prouvant que la surface fut jadis en contact avec de l'eau).

Empilement de 82 images de 2003 RM prise au VLT totalisant un temps d'intégration de 3280 s (54.7 heures), réalisé le 19 septembre 2018. 2003 RM se trouvait à 1.2 UA du Soleil et à 0.3 UA de la Terre. Les objets d'arrière-plan ont été supprimés. Document D.Farnocchia et al. (2023).

Selon Taylor, "Nous pensons que ces objets proviennent de la Ceinture principale interne et/ou extérieure, et cela implique qu’il s’agit d’un autre mécanisme permettant d'introduire de la glace dans le système solaire interne. Il se peut qu’il y ait plus de glace dans la Ceinture principale interne que nous le pensions. Il se peut qu’il y ait plus d'objets comme celui-ci là-bas. Cela pourrait représenter une fraction significative de la population des NEO. Nous ne le savons pas vraiment, mais beaucoup de nouvelles questions se posent suite à ces découvertes."

Notons comme nous l'avons expliqué précédemment que les astronomes appellent également la Ceinture interne, la "Ceinture sombre" car elle contient principalement des chondrites carbonées très sombres. Coïncidence ou pas, cela doit faire plaisir à l'équipe de Taylor.

Parmi les comètes sombres étudiées, (523599) 2003 RM présentée à droite est la plus grande avec une diamètre estimé à ~300 m (cf. D.Farnocchia et al., 2023). Sa magnitude apparente ne dépasse pas +23 pour une taille apparente inférieure à ~2". Elle évolue sur une orbite elliptique qui la conduit tous les 5 ans près de la Terre puis elle retourne vers Jupiter avant de revenir. Elle suit la même trajectoire qu'une comète de la famille de Jupiter dont l'aphélie se situe vers 5.2 UA, c'est-à-dire que son orbite est similaire à celle d'une comète qui aurait été poussée vers l'intérieur du système solaire.

Les auteurs pensent que si 2003 RM était à l'origine probablement un objet plus gros qui fut expulsé de la Ceinture principale extérieure, les six autres objets examinés proviennent probablement d'un objet parent situé dans la Ceinture principale interne qui fut dévié vers l'intérieur et se brisa.

Quant à l'apport d'eau sur la Terre, Taylor reste prudent et conclut : "Nous ne savons pas si ces comètes sombres ont apporté de l'eau à la Terre. Nous ne pouvons pas le dire. Mais nous pouvons dire qu’il y a toujours un débat sur la manière exacte dont l'eau de la Terre est arrivée ici. Les travaux que nous avons réalisés ont montré qu'il s'agit d'une autre voie par laquelle la glace peut être acheminée depuis le reste du système solaire vers l'environnement terrestre." Mais nous verrons à propos de l'origine de l'eau de la Terre que quelle que soit la source externe, l'eau de nos océans n'a pas pu contenir plus de 30 à 40% d'eau cométaire.

A notre tableau des populations d'astéroïdes, il faut ajouter d'autres groupes et familles qui ne gravitent pas dans la Ceinture principale et qui ne frôlent pas la Terre.

Prochain chapitre

Les astéroïdes Troyens

Page 1 - 2 - 3 - 4 - 5 - 6 -


[3] C.Chapman et D.Morrison, Nature, 367, 1994, p33. - Consulter également le site NEO de la NASA.


Back to:

HOME

Copyright & FAQ