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RechercherDerniers commentairesexcellente critique, m. bernier. m. abraham est un sociologue qui enseigne à hec. je doute qu'il ait jamais im
Par Anonyme, le 16.11.2020
je n'aime plus
je veux que tu écris la fable avec une récapitulatio n.. c'est plus bien
Par Amel, le 01.04.2017
@m. marc brullemans
merci pour l'invitation. je serai en classe avec mes étudiants(es) de physique demain
Par philosophiescience, le 02.05.2016
plusieurs scientifiques du regroupement vigilance hydrocarbures québec (rvhq.ca) et du collectif scientifique
Par Marc Brullemans, le 02.05.2016
ce projet est tout simplement celui de la bêtise humaine ou quand l'argent fait perdre la raison! nous, pauvre
Par Brigitte Garneau, le 02.05.2016
Date de création : 13.02.2011
Dernière mise à jour :
21.12.2024
40 articles
NOUVEAU RÉALISME ET NOUVELLES LUMIÈRES
(et peut-être un peu pourquoi le Québec ne va nulle part)
Partie I : Le contexte
Cet article en quatre parties se veut comme inaugurant une série d’articles qui porteront sur la philosophie du pragmatisme au fur et à mesure du progrès de l’étude que je me propose d’en faire. Il s’agit d’un projet qui pourra s’étirer sur quelques années. Au fil des années qui ont mené à la publication de mon ouvrage « L’enfant, le lion, le chameau », j’ai cherché à trouver une philosophie qui se soit développée en tenant compte de la révolution darwinienne. Ma recherche a été vaine, je dirais, jusqu’à ce que je commence à porter attention au pragmatisme. Cette philosophie, qui a été inaugurée vers la fin du XIXe siècle, a été trop tôt mise de côté. Il me semble qu’elle est la seule à pouvoir recevoir l’héritage darwinien, et ce principalement en raison de sa position sur la notion de Vérité, qui a aussi été au cœur de ma recherche personnelle.
Le présent article prend pour prétexte un compte-rendu de lecture de trois ouvrages portant sur ce qui a reçu le nom de Nouveau Réalisme en philosophie. L’ouvrage « Manifeste du nouveau réalisme », de Maurizio Ferraris, introduit ce retour au réalisme en présentant une analyse critique du postmodernisme en philosophie. L’ouvrage « Enlightenment 2.0 : restoring sanity to our politics, our economy and our lives”, de Joseph Heath, présente les conséquences socio-politiques du fait d’avoir abandonné le projet “rationaliste” des Lumières, et propose de le relancer sur la base des nouvelles connaissances, venues des neurosciences cognitives, concernant le fonctionnement réel de la raison humaine. Enfin, l’ouvrage « Retrouver la raison » du philosophe Jocelyn Maclure servira à illustrer, à travers quelques-unes de ses chroniques, l’effet possible sur la pensée philosophique du fait de s’immerger dans cette philosophie du nouveau réalisme, dont j’essaierai de montrer les points d’arrimage avec le pragmatisme.
Avant de procéder à résumer ces lectures, il me semble qu’une mise en contexte s’impose, et celle-ci occupera un espace non-négligeable. Pourquoi s’intéresser aux dessous philosophiques de la res publica? Hé bien, simplement, parce que les idées énoncées publiquement par les philosophes ont un impact profond et durable sur nos sociétés. Et c’est pourquoi une bonne philosophie est à tout le moins souhaitable, et une mauvaise philosophie certainement dangereuse.
N’étant pas moi-même philosophe, quel est mon droit à prendre la parole sur ce point? Mon collègue et ami, le professeur de philosophie mais surtout philosophe Daniel Desroches, dans un livre et des conférences sur le thème de « La philosophie comme mode de vie », nous rappelle l’exhortation à philosopher qu’Épicure fit à tous :
« Que personne, parce qu’il est jeune, ne tarde à philosopher, ni, parce qu’il est vieux, ne se lasse de philosopher; car personne n’entreprend ni trop tôt ni trop tard de garantir la santé de l’âme. Et celui qui dit que le temps de philosopher n’est pas encore venu, ou que ce temps est passé, est pareil à celui qui dit, en parlant du bonheur, que ce temps n’est pas venu ou qu’il n’est plus. »[1]
Et puis, la philosophie, c’est un peu comme la politique : si tu ne t’occupes pas d’elle, elle s’occupe tout de même de toi. Elle est au fondement de toutes nos théories de la justice, du droit et du vivre-ensemble. Elle est derrière les dires et les pensées de la majorité des intervenants sur la scène publique. Elle était (le constructivisme radical) derrière la dernière réforme de l’éducation. Mieux vaut philosopher après tout, que ce soit pour notre bonheur ou pour notre survie!
Revenons donc à la mise en contexte de ce compte-rendu de lectures récentes.
REVISITER LE SLOGAN « LIBÉREZ-NOUS DES LIBÉRAUX »
En octobre et novembre 2011, le mouvement Occupons Montréal installe ses tentes sur le Square Victoria. On demande entre autre choses que le gouvernement Charest revienne sur les congés fiscaux accordés aux banques. Le gouvernement Charest n’en fera rien. Le mouvement s’éteindra sans laisser de trace tangible de son passage. Pour avoir circulé sous les tentes, je crois pouvoir dire que, si ce mouvement n’a eu aucun effet, c’est qu’il était animé du souffle de ce que Jocelyn Maclure appellera la « gauche de rupture » dans l’ouvrage dont je parlerai plus tard. Une gauche descendante en droite ligne (par les titres que j’ai vus sur leurs tables et kiosques) de la gauche marxiste-léniniste que j’ai un peu fréquentée durant les années 70. Gauche de rupture, par opposition à gauche réformiste. Entre les deux, un abîme philosophique, qui est le sujet du présent article, l’abîme qui sépare le réalisme de l’idéalisme (ici l’idéalisme marxiste).
Immédiatement après, au printemps 2012, le fameux Printemps Érable, ce sont les étudiants qui descendent dans les rues. Sous le prétexte faux qu’une hausse des frais de scolarité aurait un important impact négatif sur l’accès à l’instruction, on se braque vite au point de ne rien accepter en bas de la complète gratuité scolaire. On refuse de voir dans la proposition du ministre Bachand la proposition bien balancée qu’elle est. Dans les faits, en augmentant les frais de scolarité, on serait allé chercher dans les poches des familles plus aisées des fonds dont une partie non-négligeable aurait en retour servi à augmenter les prêts et bourses pour les plus démunis : un effet de péréquation en somme. De plus, on évite d’aller fouiller les études sur les effets possibles d’une hausse des frais de scolarité sur l’accessibilité aux études : toutes ces recherches indiquent que l’effet est minime. Mais, comme on sait, dans une guerre idéologique, les faits et la vérité sont les premières victimes. Un an après le Printemps Érable, l’urbaniste Gérard Beaudet publie l’ouvrage « Les dessous du printemps érable ». Comme il n’arrive pas à comprendre que les deux tiers de la population du Québec aient pu penser différemment de lui durant la crise étudiante, et plutôt que de chercher à comprendre, il se croit justifié de procéder à une psychanalyse de la société québécoise toute entière : ce serait donc en raison d’un retour d’un certain refoulé anti-éducation que les québécois n’auraient pas supporté jusqu’au bout les demandes des étudiants. Dans ce type de discours, on ne se sent pas obligé de référer aux faits : si l’analyse est belle et semble se tenir, ça doit être vrai, n’est-ce pas? Je rappellerai ici que Jacques Parizeau s’était senti le devoir de rappeler à chacun que la gratuité scolaire venait, en Scandinavie notamment, avec des corollaires que peu d’étudiants ici auraient accepté : examens d’entrée sévères afin « d’éviter ce que la gratuité entraîne », contingentement, « consolider les études longues, qui vont du baccalauréat au doctorat »[2].
Que se passa-t-il alors pour le gouvernement Charest ? Malgré le printemps étudiant, malgré les allégations de corruption qui s’étaient accumulées depuis près d’un an, malgré tout ça, ce gouvernement est passé bien près d’être réélu. De fait, son passage au purgatoire n’aura été que de 18 mois. Comment cela se peut-il ? On dira bien sûr que la question nationale a joué. Je pense plutôt que ç’aura été le fait d’avoir entendu la gauche de rupture venir sur la place publique avec des idées totalement déconnectées. Et d’avoir vu le PQ de Pauline Marois tenter de rivaliser avec Québec Solidaire (QS) sur le plan de l’extrémisme de gauche. Peut-être certains auront-ils pris la peine, comme moi, d’aller lire le programme économique de QS et d’y voir, partout, que« Québec solidaire entend, à terme, dépasser le capitalisme… Québec solidaire vise, à long terme, la socialisation des activités économiques. »[3].Ici encore, un abîme, celui entre un certain réalisme et l’idéalisme (encore une fois marxiste). Réalise-t-on qu’il y a une sorte de paradoxe de QS? Alors qu’on reconnaît qu’il y a environ 40% des contribuables québécois qui ne paient ni taxes ni impôts, QS, parce que ses promesses devraient être tout-bénéfice pour ces 40%, ne récolte toujours que 8 – 10% du vote. Il semble bien qu’il y ait, chez ces électeurs potentiels, un réalisme qui ne semble pas effleurer les têtes pensantes chez QS. Comme s’il n’y avait aucune leçon à tirer de l’histoire. C’est, ici encore, tout l’abîme entre une gauche de rupture, gauche idéaliste et révolutionnaire, et une gauche réformiste, une gauche de l’ingénierie sociale au sens mis de l’avant par Karl Popper dans son ouvrage « The open society & its enemies » -qui n’est pas nécessairement le même sens que celui donné à l’expression par Jean Charest, il va sans dire.
Je discuterai encore deux exemples où le pragmatisme pourrait faire différence de façon utile, les deux étant également liés au secteur de l’éducation : premièrement, la réponse de la NAPAC (Nouvelle Alliance pour la Philosophie Au Collège) et plus particulièrement de l’auteur Éric Martin, leur réponse donc au rapport Demers sur les cegeps; deuxièmement, la réponse de quelques auteurs à la poussée vers l’utilisation de ce qu’on appelle les « données probantes » en éducation.
Comme possiblement on sait, l’effort de la NAPAC et de M. Martin porte sur la critique et la déconstruction du rapport Demers qui, disent-ils, s’il était appliqué, transformerait tous nos étudiants en robots décérébrés livrés en pâture à la grande entreprise capitaliste – on suppose de toute évidence que nos jeunes n’ont en eux aucune ressource (ni objectifs personnels ?) pour se défendre. Marchandisation de l’école, néolibéralisme, capitalisme académique, assurance qualité comme invasion de la techno-science administrative capitaliste (encore la faute de la science …), tout y a passé. Une description en gros traits qui relève du sophisme de l’homme de paille. Cette façon de se laisser entraîner et séduire par l’engrenage et la logique interne des mots, d’aller même jusqu’à psychanalyser toute une société sans l’avoir d’abord étendue sur le divan de la sociologie statistique (plus scientifique), c’est un travers de la philosophie (et de la sociologie) continentale dont nous avons semble-t-il importé l’esprit au Québec en même temps que notre belle langue française. Mais que fait-on, de fait, quand on prétend avoir décelé les ficelles d’un complot capitaliste ? N’est-on pas en train d’inventer des entités dont on ne pourra jamais prouver l’existence ? Ne va-t-on pas, ainsi, contre le principe dit du rasoir d’Occam ? Il y a ici, je le discuterai plus loin, un lien direct avec la maxime du pragmatisme. Ce genre de discours, par lequel on n’hésite pas à psychanalyser une société au complet, est ce qui rend nécessaire un retour à la raison et au réalisme, ce qui est l’objet des livres dont je parlerai dans cet article.
Dans un article publié dans Le Devoir du 22 décembre 2016, les auteurs Frédéric Saussez et Claude Lessard y vont d’un réquisitoire contre le recours aux « données probantes » (lire, le recours aux résultats de recherches scientifiques) en éducation. Lisons quelques extraits de leur article pour bien nous imprégner du type de discours :
« la rhétorique de la preuve permet de justifier de nouvelles formes de contrôle de l’action publique. La notion de donnée probante matérialise alors l’espoir de soumettre à la rationalité instrumentale le noyau technique de ces métiers, et ainsi d’exercer une nouvelle forme de contrôle sur des activités traditionnellement rétives à celle-ci en raison de leur forte composante relationnelle et contextuelle. Elle concrétise aussi le projet de certains acteurs d’y prendre le pouvoir.
…..
Il repose sur l’idée que l’activité de l’artisan en éducation peut et doit être soumise à la rationalité instrumentale. En effet, cette activité serait dans une large mesure inféodée par d’autres formes de rationalités irréductibles à la rationalité technique. Qualifiées de légendes, modes ou superstitions, elles doivent être éradiquées afin de laisser la place à une pratique rationnelle. »
Peut-être les auteurs ont-ils raison de subodorer quelque sordide complot. Pour donner quelque vigueur à leur texte, et pour faire preuve de quelque respect pour leur lecteur, peut-être auraient-ils dû nous référer à quelque texte où l'on pourrait voir clairement ces sombres desseins. Les desseins de qui, en passant? N'est-on pas en face d'une sorte de "Protocole des Sages de Sion"? Qui donc a peur d’un peu de science dans sa pratique professionnelle ?
C’est à prévenir cette sorte de dérive au-delà du réel que s’adressent les auteurs Maclure, Ferraris et Heath dont je vais maintenant vous entretenir.
Mais avant de passer au compte-rendu lui-même, laissez-moi faire un petit retour sur le sous-titre de cet article : « et peut-être un peu pourquoi le Québec ne va nulle part ». Il me semble que c’est cette fuite hors du réel, une fuite vers l’idéal, un recours à des pratiques rhétoriques fondées dans l’idéalisme, qui font que la gauche progressiste du Québec, une gauche de rupture plutôt qu’une gauche réformiste, gardera toujours ses mains bien propres (écoutez-les : pas de souveraineté sans projet de société! Un projet de société toujours très à gauche en passant. Et dépassons le capitalisme … pour aller où? Et tutti quanti.) et que nous ne nous retrouverons jamais, en définitive, libérés des libéraux.
Excellente critique, M. Bernier. M. Abraham est un sociologue qui enseigne à HEC. Je doute qu'il ait jamais implanté le moindre nouveau mode d'organisation dans quelque entreprise que ce soit. Sinon, il serait légèrement moins ambitieux dans ses attentes «révolutionnaires». Michel Virard.
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