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Date de création : 08.07.2011
Dernière mise à jour : 31.01.2025
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pèle mèle

Michel Delpech, Chez Laurette

Michel Delpech, Chez Laurette

Chez Laurette

 

Ce matin, je roulais vers mon lieu de travail en écoutant RFM. Tandis que le jour et la nuit luttaient encore pour la victoire je fendais la campagne endormie. La radio passait le dernier tube des Daft Punk et, pris par la mélodie, je n'ai pu m'en débarrasser. Toute la journée, elle m'a collé aux basques comme un vieux chewing-gum à une semelle. En fin d'après-midi un autre air est venu à mon secours, un air surgit du fin fond de mon enfance, "Chez Laurette".

 

Je suis venu ce soir vous parler d'un chanteur pour lequel j'éprouve une très grande tendresse. Ce chanteur c'est Michel Delpech.

 

L'année dernière j'ai tremblé lorsque j'ai appris qu'il était atteint d'un cancer de la langue et de la gorge. Je me suis surpris, comme s'il s'agissait d'un proche, à me faire du souci, à penser à lui souvent. Quand mes pensées allaient vers lui une boule se formait dans mon ventre.

 

Un poids immense s'est envolé lorsque je l'ai vu, un soir, au JT, convalescent, amaigri, la voix éraillée mais vainqueur de cette saloperie. J'ignorais que ce n'était pas fini. Hélas. 

 

Quand je suis né Michel Delpech cassait déjà la baraque. Il enchainait les tubes comme Nicolas Sarkozy les affaires. J'avais à peine 9 ans au moment où il a quitté le feu des projecteurs, fatigué, usé, déprimé (Delpech, pas Sarkozy ...)

 

Si je suis si attaché à cet artiste c'est certainement à cause des souvenirs de l'enfance. Je me souviens très bien des années 70, les fameuses seventie's. Quand je dérive en pensée vers cette époque c'est un sentiment d'insouciance qui prédomine, une sensation de plénitude qui prévaut. Les trente glorieuses agonisaient, la vie était facile, nous vivions simplement, sans nous prendre la tête. Je contemplais avec mes yeux d'enfant ce monde qui s'apprêtait à se lancer dans une course folle consumériste et superficielle. Pour moi les 70's c'est Francis Cabrel qui débarque, Maxime Leforestier, Joe Dassin, le Big Bazar, Michel Sardou, France Gall ou encore Nicolas Peyrac (tiens, il faudra que je vous parle de celui-là et de ses chansons superbes).

 

Il y a beaucoup de moments précieux, d'instants décisifs sur lesquels planent pour l'éternité des morceaux de musique de l'époque. Quand j'entends un titre comme "Le chanteur malheureux", ou encore "Qui saura" de Mike Brant, un tourbillon temporel m'aspire et je me retrouve d'un seul coup sous le ciel des seventies, avec des pattes d'éléphant, un col pelle à tarte et des bottes à talon. Je n'oublie pas les couleurs criardes et la coiffure idoine !!!

 

... Eté 77, un soleil ardent tanne la campagne corrézienne. Un léger vent soulage l'air lourd et caresse les herbes hautes qui bruissent de plaisir. Un bourdon passe en ronflant à mes oreilles et couvre un instant, le chant des grillons. Dans le quartier, derrière les bâtiments, une mobylette pétarade. Dans mon dos, un peu étouffée, la rivière chante sa chanson séculaire.

 

Je suis en train de jouer à cache-cache avec des copains. Bien planqué derrière un buisson j'observe l'arrivée imminente de Rémi, celui qui a été désigné pour clugner (compter). Ma bouche est un peu sèche, j'ai soif, il me tarde l'heure du goûter, je sais que nous aurons alors droit à un grand verre de soda, du "Pschiit". Je suis un peu essoufflé car j'ai couru, je tente de maîtriser cette respiration trop ample pour pouvoir entendre les bruits alentours. Mon ventre gargouille et je me demande si nous sommes proche de l'heure du quatre heures. De ma cachette je peux voir monsieur Lasternas à la fenêtre du troisième. Ses cheveux lissés en arrière à la brillantine, sa fine moustache et son éternel maillot de corps "marcel" qui moule sa grosse bedaine. Sur le rebord, son transistor grésille de vieilles chansons aux airs d'accordéon. Juste en dessous de lui, chez la voisine, un étendoir à linge bien garni est accroché au rebord d'une fenêtre et semble, vu d'en bas, tenir par mystérieux subterfuge. Le linge qui y est suspendu s'agite au grès de la brise, les jambes des pantalons s'animent et on dirait qu'elles courent.

Je suis si bien à cet instant. Mes entrailles papillonnent d'excitation, mes sens sont aiguisés, je ressens tout au centuple. J'éprouve le sentiment incomparable d'être exactement à ma place. Devant le HLM que j'habite, une Renault 12 passe les vitres ouvertes. Son conducteur, qui n'a pas mis sa ceinture de sécurité, Gitanes au bec, a la moitié du visage mangé par des grosses lunettes de soleil d'aviateur et l'autre moitié par des monumentales rouflaquettes. De la voiture s'échappe la mélodie entêtante d'un tube, "Chez Laurette".

 

Chaque fois que j'écoute cette magnifique chanson je retourne là-bas, derrière mon buisson et je m'attends à voir surgir Rémi à n'importe quel moment. Mais les Renault 12 sont presque toutes à la casse et monsieur Lasternas est mort depuis longtemps, terrassé par une crise cardiaque. Mais ce souvenir est si fort, si puissant, je pourrais presque sentir l'odeur de l'herbe et la sensation parfaite de l'eau de la rivière qui court si proche. Non, je peux sentir l'herbe et la rivière. 

 

"Chez Laurette", ah quelle chanson !!! Premier succès pour le jeune Michel Delpech en 1965. Le titre marchera si fort et se nichera si profond dans le cœur des français qu'il sera réédité deux fois durant les années 70.

 

Un titre mélancolico-nostalgique qui doit toucher forcément tous les gens de plus de 40 ans. Il y a exactement le même ADN dans la chanson de Joe Dassin "Il était une fois nous deux". Chanson d'une époque et d'un style de vie aujourd'hui disparus. Dès les premières notes on est frappé, touché en plein vol, ça sonne juste, c'est le bon instrument, l'ambiance est parfaite. La mélodie s'installe immédiatement et le refrain est le pur produit d'un orfèvre. Néanmoins, malgré tout cela, je suis convaincu que ce sont les paroles qui ont installé à jamais Laurette dans le patrimoine de la chanson française. Quand on écoute le texte de Michel Delpech, on se dit qu'il a bien connu Laurette et qu'il lui vouait une tendresse infinie. On se dit qu'il a adoré cette période de sa vie, parce que tout se joue dans ces années-là. Il nous raconte avec une sensibilité qui nous fait se serrer la gorge ces moments particuliers entre potes, ces parenthèses de liberté totale, ces bonheurs jouissifs. On sent presque le regard plein d'empathie de la patronne du café, on devine le carrelage noir et blanc et le formica du bar. Le flipper coloré qui scintille et glousse dans un coin, des photos en noir et blanc accrochées aux murs. La fumée des cigarettes qui campe au plafond, les rires, les regards, les amitiés éternelles.

Cette chanson, c'est un exercice de gratitude, c'est sans doute pour cela qu'elle me touche autant. Et c'est une chanson rare, pour une raison spéciale : c'est le texte qui porte la mélodie, elle est déjà inscrite dans les phrases.

 

Nous sommes certainement l'ultime génération à avoir connu ça, cette ambiance, ces heures passées dans les cafés. Ce temps où nous n'étions plus des gamins, pas encore des adultes. Un sas magique que l'on aurait volontiers fait durer toute la vie, tout en désirant avancer.

 

Chez Laurette possède une couleur à nulle autre pareille, une saveur nostalgique sucrée qui fait un bien fou. Je sais que Michel Delpech a une tendance à la mélancolie et cela se subodore entre les lignes et les notes. Mais la mélancolie se révèle bonne pour le moral finalement, à condition de la consommer avec modération. Victor Hugo disait de la mélancolie que c'était le bonheur d'être triste ; pas mieux !

 

Laurette est ma préférée, avec "J'étais un ange" et "Le roi de rien", mais ce diable de Michel en a écrit de si belles !

Avec le "Loir et Cher" il dépeint avec justesse le milieu social rural, avec "Quand j'étais chanteur" il aborde avec une stupéfiante lucidité la vie qu'était la sienne avec ses travers et ses outrances, ses frasques. Dans "Que Marianne était jolie", il pressent trente ans avant, la déliquescence de notre république avec une acuité saisissante. Comment ne pas vous parler du "Chasseur" qui touche à la poésie. Observateur de la société dans laquelle il vit, il en tire la quintessence dans "Ce lundi là" qui parle du stress au travail et du désenchantement, il aborde des sujets traités au cinéma mais rarement en chanson comme la famille avec "Les divorcés". Il constate les changements profonds qui s'opèrent et ce tourbillon générationnel qui s'apprête à tout emporter dans sa chanson "Wight is wight". L'auteur se définit avec justesse comme quelqu'un qui fait des chansons de journaliste. Il se regarde sans concession et avec grâce dans "J'étais un ange", une de ses plus belles chansons.

 

Et puis je ne vous ai pas parlé du meilleur, sa VOIX ! Un timbre unique, chaud, moelleux, du velours qui vibre et vous emporte loin, très loin.

 

Quand il a débuté dans les années 60, le jeune homme d'alors ravageait les filles avec son sourire irrésistible, un sourire franc, naturel, majestueux qui pouvait tout balayer. Ce sourire a survécu, le talent aussi.

 

Ceux qui connaissent Michel Delpech n'ont pas besoin d'être convaincus. Ceux qui ne le connaissent pas doivent absolument pousser la porte de chez Laurette, et découvrir stupéfaits, un auteur et un chanteur exceptionnel.



Commentaires (1)

aufildejb le 19/01/2016
Tout à fait d'accord avec vous. Et il a accompagné 40 ans de ma vie avec élégance, justesse et sans jamais faire de tapage médiatique. Un grand bonhomme qui nous laisse des mélodies superbes, bien troussées et entêtantes
http://aufildejb.centerblog.net


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