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Par Anonyme, le 02.10.2024
mon dernier commentaire semble avoir été coupé. avec le smartphone c'est moins pratique. je disais que j'avais
Par Michèle Pambrun , le 15.08.2024
je m'avise de ce que vous êtes du même pays géographique que marie-hélène lafon et bergou. pierre bergounioux
Par Michèle Pambrun , le 15.08.2024
j'ai regardé, on est toujours curieux de la vie des écrivains qu'on aime, tant pis pour eux
Par Michèle PAMBRUN , le 15.08.2024
je vais l'acheter illico.
de séverine chevalier j'ai lu jeannette et le crocodile.
c'est une voix singulièr
Par Michèle PAMBRUN , le 15.08.2024
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Date de création : 08.07.2011
Dernière mise à jour :
31.01.2025
425 articles
Seules les bêtes
De Colin Niel, éditions du Rouergue Noir
« Moi, ces jours-là, c’est pas rare que je baisse les yeux et que je regarde mon ombre qui devient plus petite avec les heures. Je suis son mouvement sur les herbes sèches et sur les pierres grises. Je me dis que cette ombre au moins, elle sera toujours là. Que j’ai pas besoin de lui causer ou de faire je sais pas quoi pour qu’elle reste. Je pense aux anciens, à ces histoires qu’on me racontait quand j’étais gosse. Dans le temps, les vieux disaient que ton ombre, c’était l’image de la mort. »
Dans les bonnes résolutions de l’année 2017, j’avais décidé de partir à la découverte d’auteurs que je n’avais jamais lus. Même des gens très connus, ou des personnes jouissant d’une excellente réputation. C’est bon de sortir de sa zone de confort, de mettre des coups de sonde ici ou là, de tester et goûter, c’est l’expression de la vie et la liberté.
Donc Colin Niel et son « Seules les bêtes ». Depuis le temps que j’entends causer du gonze, depuis le temps que des amis m’en disent grand bien, il fallait bien que j’y mette le nez dans ces feuilles-là, qui chantent différemment, qui exhalent un autre parfum.
Bon je ne vais pas faire durer le suspense plus longtemps hein. De toute façon, de suspense, il n’y en a pas ; puisque sur mon blog je ne parle que des bouquins que j’ai aimé, et que je suis en train de vous faire l’article de Seules les bêtes.
De quoi donc est-ce que ça cause c’t’histoire de bêtes toutes seules ?
De nos jours, quelque part en zone rurale montagneuse en France. En plein hiver, au cœur des massifs et des plateaux, une femme disparaît. Dans cet endroit si hostile quand les températures sont négatives et les jours les plus courts, on retrouve une voiture abandonnée à proximité d’un sentier de randonnée. Le mari a signalé la disparition de son épouse. Cette voiture, c’est sa caisse. Malgré les recherches, les fouilles, les explorations des grottes, des failles, des trous, malgré l’enquête, cette femme disparue ne réapparaîtra jamais. Mais ici on est en zone rurale, c’est la campagne. Et à la campagne il y a toujours quelqu’un qui vu quelque chose, quelqu’un qui a vu d’autres choses, et ce quelqu’un fait le lien. En campagne, et à fortiori en zone montagneuse, les gens sont des rudes, à ne pas confondre avec rustres. Rien à voir.
Là, dans ce pays qui ne s’offre pas mais qui se conquiert, les cœurs couvent un feu éternel mais les langues peinent à se délier, même les bien pendues. C’est que l’équilibre qui fait que la vie est possible ici est précaire, et que si on touche à un truc qui paraît sans importance, si on intervient dans une situation qui ne nous regarde pas vraiment, ça peut menacer tout le tissu local, vous savez, le truc de l’effet papillon. Alors voilà l’histoire. Cette femme qui s’évanouit dans la nature, et ces quelques vies qui tournaient autour, certaines sans le savoir, sans avoir conscience de l’existence même des autres qui tournaient aussi. Et peu à peu, en écoutant ces personnages, on démêle le récit, on avance pas à pas, comme lors d’une randonnée dans la montagne, doucement, à cause de la neige qui est haute et de l’altitude, parce qu’on a pas trop l’habitude et que le souffle est court. Et aux détours des chemins invisibles, on va en découvrir des choses, et des pas banales, mais des poignantes.
Voilà pour l’histoire. J’ignore si je l’ai bien vendue. J’espère que oui parce que sinon vous allez passer à côté d’un excellent bouquin. Vrai de vrai, deh !
Quand un auteur fait le choix de prendre contact avec le lecteur à la première personne du singulier ce n’est jamais par hasard. Il y a une volonté et un souci d’établir le lien, de créer cette proximité avec nous qui lisons, pour que l’on fasse mieux connaissance avec les personnages, qu’on ressente mieux les choses, qu’on soit « dans » l’histoire au lieu d’être à côté. Un peu comme faire les traces au lieu de les suivre, un truc comme ça.
Pour moi, la grande trouvaille de ce roman, c’est de faire intervenir chacun des protagonistes à tour de rôle. Chacun son tour, il s’installe à côté de nous, et il nous raconte son histoire. Je dis raconte mais c’est plus du genre confidence vous voyez, on sait tout, ce qu’il pense, ce qu’il ressent, ses peines et ses douleurs, ses doutes, ses espoirs et ses petits bonheurs. Ça c’est très réussi, j’ai accroché immédiatement à cette narration très humaine, pleine de douceur, de zones d’ombres aussi, mais même ces zones sans lumière expliquent bien des choses.
Parce qu’au-delà de l’intrigue (méfiez-vous de l’intrigue dit le Maître Stephen King), il y a la description d’un microcosme, un petit pays aux racines tellement profondes que personne ne se souvient du moment où elles se sont fichées dans la terre. Colin Niel nous parle avec une grande empathie de la vie des paysans, qu’ils soient éleveurs ou autre chose. Il nous parle avec beaucoup de clairvoyance du travail dur, de l’avenir incertain, du poids des héritages, et aussi de la solitude au milieu des vivants.
En maniant avec précaution ses personnages touchants, il met en exergue le thème du manque, de ce vide qui ne se remplit pas malgré les fausses attentions et les mensonges travestis en rêves lugubres. Ses personnages, qu’ils soient masculins ou féminins ont en commun l’insatisfaction de leur vie, avec ce vide au creux du bide qui les ronge et les oblige à relever le nez, s’arrêter, et se poser les bonnes questions, au risque de formuler de mauvaises réponses. Les sept personnages que vous allez découvrir, ils vont s’installer à côté de vous, au coin du feu, dans le canapé, autour de la table, ou même dans votre lit, sur le rebord de votre oreiller. Et ils vont vous chuchoter ce qu’est leur vie et ce qu’ils voudraient qu’elle soit. Ils vont vous dire les erreurs qu’ils ont commises, les décisions qu’ils ont prises, ou pas prises, et qu’ils regrettent amèrement. Votre cœur sera touché, et votre curiosité bien « enjaillée ». Il va se passer tout cela dans votre tête, de grands espaces magnifiés sous une plume très belle, au service de l’histoire et pas à celui de l’auteur. Vous allez faire la connaissance de taiseux, et c’est un luxe et un privilège que de pénétrer un peu leur univers, de s’asseoir à leur côté dans le noir, de laisser filer un silence et puis de craquer une allumette. Et puis les laisser parler dans la lueur, juste écouter, emmagasiner, se régaler.
Dans ce roman noir et sec et âpre, surgissent par moment les reflets d’un très grand roman comme « Grossir le ciel » de Franck Bouysse (on a fait bien pire comme référence hein), parce que Joseph, il se serait bien entendu avec Gus et Abel, j’en suis quasi sûr. Parce que Michel, pris au piège de sa ferme, dans cette vie sans issue, il aurait bien aimé se confier à un chien comme Mars, juste pour vider son sac. Parfois on entrevoit la solution dans les yeux d’un chien qui vous écoute, dans la magie de l’instant.
Mais je digresse là, gravement même. A l’instar de « Grossir le ciel », c’est quand-même aussi un roman sur un monde qui s’efface, mais qui s’efface dans de terribles souffrances. Et sous les mots de Joseph et de Michel, sous ceux d’Alice, ça vous scarifie le cœur, c’est touchant comme peut l’être la fin d’une époque, l’agonie sanglante et douloureuse d’une civilisation, oh pas la grande civilisation, non, l’autre, la petite, celle qui irrigue la grande. On peut l’appeler société, microcosme comme je l’ai fait plus haut, peu importe. Ça parle aussi de ça, l’éradication de nos derniers indiens, par des moyens légaux, administratifs, économiques, bureaucratiques.
Toutes ces trajectoires sont superbes d’humanité, avec leurs bons et mauvais côtés, et avec notre recul de lecteur nous les voyons évoluer, se frôler, se suivre et se croiser, pour finir par converger dans une courbe asymptotique.
Un p’tit extrait ? Allez … : Ils mataient comme des malades. Ça, ils ne se gênaient pas pour apprécier mes seins dans les pulls moulants à l’approche de l’hiver. Je les sentais, ces regards sur moi dans la petite foule des clients du marché qui me passaient devant, pendus au bras de leurs épouses comme à une potence et rêvant de cette fontaine de jouvence que je représentais sûrement pour eux. »
Il y a une chose, un miracle que l’auteur a réussi, c’est d’instaurer une ambiance rustique, un huis-clos dans le vaste territoire où se déroule l’histoire, et en même temps il y palpite toujours cette étincelle sensuelle, trimballée par les trois personnages féminins, comme un rayon de soleil sous la voute grise des nuages d’hiver.
Un magnifique roman ; je vous invite à rencontrer Joseph, qui élève ses brebis dans une formidable solitude, sur ce vaste plateau, tel un sarcophage de granit. Venez écouter Alice, l’assistante sociale qui parcours la lande pour sauver ce qui peut encore l’être ; Michel, le mari d’Alice, une sorte de brasier presque éteint mais qui peut flamber très vite, il suffit de si peu, juste de l’espoir … Maribé, jeune femme rebelle et perdue, Armand, celui qui sera l’étincelle involontaire, Evelyne, la bourgeoise atypique, et puis Amandine …
Seules les bêtes, déjà rien que le titre, ça claque. Ce roman est aussi un pont entre deux mondes, deux mondes tellement éloignés. Celui de ceux qui possèdent mais qui ne se satisfont pas de ce qu’ils ont, parce que ce n’était pas ça leurs rêves. Et puis le monde de ceux qui n’ont rien, ou si peu, et ceux-là courent après leurs rêves. Et parfois toutes ces personnes se rencontrent, d’une manière ou d’une autre.
Voilà les amis, je suis conquis, et je vais me procurer les précédents ouvrages du gazier. Colin Niel, c’est son nom.