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je pense et même je le souhaite au plus profond de moi, qu'un jour une école de france pays initiateur des dro
Par Anonyme, le 02.10.2024
mon dernier commentaire semble avoir été coupé. avec le smartphone c'est moins pratique. je disais que j'avais
Par Michèle Pambrun , le 15.08.2024
je m'avise de ce que vous êtes du même pays géographique que marie-hélène lafon et bergou. pierre bergounioux
Par Michèle Pambrun , le 15.08.2024
j'ai regardé, on est toujours curieux de la vie des écrivains qu'on aime, tant pis pour eux
Par Michèle PAMBRUN , le 15.08.2024
je vais l'acheter illico.
de séverine chevalier j'ai lu jeannette et le crocodile.
c'est une voix singulièr
Par Michèle PAMBRUN , le 15.08.2024
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Date de création : 08.07.2011
Dernière mise à jour :
31.01.2025
425 articles
Ce matin il fait une nouvelle fois très beau. J’ouvre la baie vitrée pour laisser entrer l’air neuf. Durant la nuit des escadrilles d’étoiles ont jalonné le ciel obscur sous le sourire en forme de croissant, d’une lune basse et jaune. Côté nord, là où le soleil n’a pas encore frappé, l’herbe est recroquevillée par le gel dans une sorte d’écume figée et scintillante.
Ce qui frappe quand je mets le nez dehors, sur la terrasse, c’est l’absence de la rumeur lointaine et habituelle qui émanait de l’ex route nationale 120, fleuron de la circulation du département et dégradée en « route départementale » depuis quelques années. Pas un bruit de moteur, pas un ronflement. Le ruban, qui se trouve à cinq cents bons mètres de la maison à vol d’oiseau, s’est tut. Tous les autres sons qui avaient fait allégeance aux moteurs ont repris le pouvoir. Ces vassaux naturels, chants d’oiseaux, grincements de la charpente, craquements des troncs d’arbres, l’antienne saccadée du pic-épeiche qui s’échine sur un fût, une limousine qui ébroue ses cordes vocales au loin.
Par-delà la route, on entend distinctement la petite cascade qui dévale de la bonde du lac et nourrit successivement deux étangs. Le vent a pris de la gueule et fait parler les arbres, comme si le silence lui avait donné de l’assurance. J’ai la sensation que le monde est plus vaste, que l’espace autour de nous a grandi. Il y a comme un vertige qui court dans l’air, un peu comme lorsqu’on randonne en montagne et qu’on s’arrête à un à-pic pour admirer le paysage.
Dans la tribu, nous avons modifié nos habitudes de vie. Au lieu d’acheter le pain chaque jour nous le prenons pour durer 48 heures. Nous cumulons les achats pour limiter les déplacements et un seul de nous accomplit la mission. Devant la boulangerie je fais la queue sur le trottoir. Une personne à la fois dans le magasin. De l’autre côté de la rue c’est pareil devant la boucherie. J’ai l’impression de voir un reportage sur la vie dans l’ancien bloc soviétique, ou encore je pense aux queues pendant la guerre, quand les gens patientaient avec leurs tickets de rationnements pendant des heures sans avoir la moindre garantie de pouvoir acheter quelque chose. Mais la comparaison s’arrête là ; ce n’est pas la guerre, les magasins sont approvisionnés, tout va bien, la démocratie a du plomb dans l’aile mais c’est encore un peu la démocratie. Mais c’est quand même un peu la guerre aussi, celle larvée qui est donnée contre les plus pauvres et les précaires. Ceux qui sont confinés dans un clapier de 30 m2, sans balcon ni terrasse, avec vue sur le HLM d’en face. Ceux-là, les Invisibles de la république, qui ne télétravaillent pas, parce que c’est difficile de vider une poubelle via un écran d’ordinateur, de biper des produits de grande distribution avec une souris, de conduire un camion de plus de trente tonnes virtuellement. Encore plus compliqué de poser une voie sur un patient en faisant ctrl-alt-sup. Sans relancer l’éternelle guerre nantis-pauvres, il faut bien constater, si on n’a pas mis son masque FFP2 sur les yeux, que ce sont les plus mal payés qui sont envoyés au front, et à poil ou presque, sans gants (les sans gants sont parfois les mêmes que les sans dents), sans masques, sans rien d’autre que des incantations de mauvais chamanes qui promettent, mentent, esquivent. Des sorciers sans sortilèges, qui se ridiculisent en remerciements, se perdent en déclarations lyriques, se posent en laudateurs des soignants qui essuient encore leurs yeux piquants de lacrymogène des dernières manifs de décembre et janvier dernier.
Ceux et celles qui ont initié le fiasco sanitaire français restent très discrets. Ils allient le confinement traditionnel au confinement médiatique. Où sont passés François Fillon, Manuel Valls et Marisol Touraine, ces successifs ministres de la santé et tous ces obscurs conseillers qui portent au moins autant la responsabilité que leurs chefs. Finalement ce virus nous rappelle la phrase d’Anatole France, qui disait qu’on croyait mourir pour la Patrie mais qu’on mourrait pour des industriels. Si on décroche des chaines de non-info en continu, abrutissantes et creuses, on remarque que pendant que les Invisibles triment en risquant leur peau, les grands patrons rachètent des centaines de milliers d’actions de leurs propres entreprises dont les cours se sont effondrés depuis trois semaines. Pour certains, le Pangolin a des écailles d’or. Le gouvernement, très pragmatique, s’il n’a rien prévu pour juguler la pandémie en profite pour en finir avec le code du travail et éradiquer les foyers de Résistance en fermant les marchés ouverts dans les villes en espérant étouffer les producteurs bio et les circuits courts.
En attendant mon tour j’observe. Devant moi un homme, la cinquantaine bien tapée piétine avec ses gants bleus type latex. Une dame portant un masque se gare à côté de nous. Il y a un mois ces gens auraient été dévisagés, aujourd’hui c’est déjà la norme. C’est presque moi qui détonne, les mains dans les poches et le nez à l’air libre. Bon, il faut raison garder comme disait un grand sifflet qui fut président, la Corrèze, ce n’est pas un gros foyer d’infection, ce n’est pas un foyer du tout. Mais le risque existe. Quand même. La rue a des allures de dimanche après-midi en ce mardi matin. La plupart des commerces sont clos. Les coiffeurs coupent les cheveux en quatre chez eux, le couple d’opticiens doit bouquiner chez lui (ce sont des lecteurs), l’épicerie fine a préféré fermer temporairement. Le magasin d’électroménager est lui aussi en sommeil. Par la fenêtre ouverte d’un étage j’entends la radio, à moins que ce ne soit la télévision. Ce n’est pas le moment pour se faire des confidences, car les oreilles ont glissé des murs et font la queue dans la rue.
Mon tour arrive. La patronne et sa collègue portent un masque et des gants. Il n’y a personne derrière moi, nous en profitons pour discuter un peu. Évidemment, la situation actuelle occupe la conversation, jusqu’aux moindres recoins. Elles me racontent les bonnes et les mauvaises surprises, les élans de solidarité de clients qui font les achats pour des anciens, mais aussi des autres, les TPMG (tout pour ma gueule) qui voulaient stocker du pain et qu’il a fallu mettre au pli. Et puis ceux qui n’y croient pas une seconde, qui ne veulent pas utiliser le gel hydroalcoolique, qui parlent fort et près, qui n’ont pas rédigé la fameuse attestation qui n’a d’ailleurs pas d’autre utilité que d’éviter d’avoir un PV. Elles disent leur déception de l’attitude de certains et leur fierté de voir d’autres agir avec plus de discernement. Pas un mot sur la difficulté de porter le masque durant des heures, ça doit pourtant être pénible. Grâce à la pliure au coin des yeux je devine leur sourire quand je quitte l’établissement. Moment de chaleur.
Cette période est un évènement unique pour chacun des êtres vivants de la planète et plus encore ici, en France. Aucun n’a vécu cela, il ne reste personne qui se souvienne de la grippe espagnole qui nous a volé Apollinaire. S’il en reste, elles doivent taper dans les plus de cent cinq ans et étaient des bébés au moment de la grande fauche. Dans ces jours longs et pesants, des choses émergent. Nous redécouvrons l’outil qui permet de différencier le nécessaire et le futile, le vital et le gadget. Se nourrir, se laver et se vêtir, se déplacer rapidement. Se soutenir. Même avec les gestes barrière et le confinement le virus n’a pas tué la solidarité. On fait des courses pour des voisins, on accroche le sac de provisions à la clôture, au portail, on se parle à deux mètres, on se salue de loin, mais il y toujours un petit mot, un encouragement, un geste qui dit « tu n’es pas seul ».
Ce que commence déjà à changer le Covid en nous, c’est la perception que nous avions de la mort. Cette chose plus ou moins floue tant qu’elle ne nous a pas frôlé, tant qu’on ne l’a pas vue de près, dans ses yeux noirs et insondables. Jusqu’ici, on admettait en gros que c’est une échéance plus ou moins éloignée et qui nous attend tous. Aujourd’hui nous prenons conscience que nous pouvons mourir en achetant notre pain, nos clopes, en tapant un code secret sur un terminal de paiement, en se faisant la bise ou en mettant les mains sur une barre d’acier dans le métro. Ça change la donne, le risque s’immisce dans notre quotidien, dans les gestes banals de notre train-train rassurant. Le Covid ronge tout ce qui fabriquent notre sentiment de sécurité. Démunis de ces gestes sociaux, nous trébuchons, nous perdons un peu l’équilibre et au-delà de cette sensation plane la question « y aura-t-il quelqu’un pour me relever si je tombe ? ».
La folie des premiers jours autour des pâtes, du riz et du papier toilette montre à quel point la frontière est fine entre l’individualisme et le collectif. Par une sorte de syllogisme inversé, les meutes apeurées ont stocké plus que de raison et provoqué des pénuries. Des pénuries qui ont augmenté le sentiment d’insécurité alimentaire et incité à stocker encore. Le sentiment grégaire inscrit dans l’ADN de l’humain a tenté les autres, plus flegmatiques, de faire aussi des provisions par imitation.
La technologie joue sont rôle, celui ambivalent des mauvais génies sur les réseaux sociaux sur lesquels les pogroms virtuels dispensent de masques et de gants, et de couilles aussi. Les éminents spécialistes en virologie et épidémiologistes tout frais émoulus de l’université de Wikipédia s’affrontent et théorisent, mettent à jour des complots infâmes, émettent des hypothèses qui ne pourraient intéresser que quelques romanciers en panne d’inspiration.
Sur l’autre facette de la médaille, les élèves bossent leur cours via pronote et le cned, les médecins font de la téléconsultation pour ne pas engorger les salles d’attentes-bouillon de culture, les amis éloignés prennent des nouvelles les uns les autres. La grande dichotomie de la Toile.
Certains proclament que « l’après » sera différent. Franchement, je n’en sais rien. Le Monde souffre d’une gigantesque thrombose, paradoxalement l’économie suffoque alors que la pollution n’a jamais été aussi faible. Le consommateur lambda, ce bon petit soldat du capitalisme mondialisé, reprendra-t-il sa vie comme s’il ne s’était rien passé ? Conservera-t-il une trace de cet épisode qui n’est peut-être que le préquel d’une nouvelle série qui ne sera pas diffusée sur Netflix ou Amazon prime mais dans le réel et sur nos gueules d’humains, là où la fiction est parfois surclassée. En tirera-t-il des enseignements pour sa vie et le futur immédiat ? Posséder la dernière paire de basket à la mode sera-t-il toujours aussi important où aura-t-il mis de côté quelques boîtes de masques FFP2 (s’ils arrivent un jour). Est-ce qu’avoir les racines apparentes et quelques poils aux pattes sera toujours un drame ?
Avons-nous réellement pris conscience de la fugacité et de la fragilité de notre existence ? Mis à part les êtres humains, le reste de ce qui vit sur Terre ne sait même pas que la pandémie galope, les Orang-outan de Bornéo ont juste remarqué qu’on avait cessé de détruire leur habitat (temporairement), les poissons de l’Atlantique ne sont plus traqués, les oiseaux ne s’emplafonnent plus dans les avions, faute d’avions, les hérissons peuvent traverser la rue pour trouver du boulot sans se faire aplatir. En Asie, les pangolins, les chauves-souris et certains rongeurs ont un peu de répit et ne fréquentent plus les restaurants.
L’usine du monde est en panne, et le monde retient son souffle et tousse pas mal. Donald convoque les meilleurs évangélistes pour exorciser ce satané virus qui finalement, ne disparaît pas avec le printemps. Les traders hésitent encore entre mourir du Covid et sauter du haut des buildings. Les très grandes entreprises pleurent toutes les larmes de leurs comptes en banque mais s’apprêtent à verser les plus gros dividendes jamais vus.
Tous les regards sont braqués sur le Brésil et son président qui se vautre dans le déni, le Mexique ferme sa frontière avec les USA dans une belle ironie de l’histoire, des USA chez qui la pandémie va faire des ravages. L’Afrique n’a pas encore pris la vague, ça ne saurait tarder. Et encore une fois, ce continent que l’Occident veut bien piller pour en extraire les richesses du sol va regarder ailleurs. Mais l’Occident a il est vrai un gros souci viral. Je peine à imaginer un confinement dans des villes comme Lagos ou Le Caire, Kinshasa ou Mogadiscio. La population est certes jeune mais quelle est la capacité des systèmes de santé très disparates de ces pays ?
Vu du coin du comptoir du bureau de tabac de mon village tout cela est très abstrus. L’Afrique, c’est loin. Mais Wuhan et la Chine c’était loin aussi.