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Date de création : 27.01.2012
Dernière mise à jour : 26.07.2024
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journal et pensées poète teston michel (Début tome 2)

journal et pensées poète teston michel (Début tome 2)

                             © Photo montage de l'auteur.

 

 

                                                

 

 

"Journal et pensées d'un jeune poète des années 60.

Tome 2."

 

 

 

 

Chers amis et amies lecteurs de ce blog, je me résous à publier aujourd'hui un livre que je pensais pouvoir auto-éditer en micro-édition comme le tome 1, à savoir: "Journal et pensées d'un jeune poète des années 60, tome 2". En effet, je n'ai plus la combativité que j'ai eue toute ma vie dans l'adversité. Non seulement je ne publierai pas ce livre d'une manière classique, mais je n'en publierai probablement plus du tout de mon vivant.

On m'a détruit, par bêtise et par ignorance, et sans me le dire, de nombreux manuscrits de ce type que je voulais peaufiner et publier à ma retraite, ce qui a fini de me décourager le jour où je m'en suis aperçu (des décennies plus tard, car je croyais que ces manuscrits ne risquaient rien dans mon grenier campagnard) d'autant plus que j'ai toujours été un poète maudit ne gagnant pas un sou avec mes livres et pire encore, me ruinant (autrefois) pour payer les imprimeurs à prix d'or. A l'époque j'étais persuadé que j'avais du talent et je croyais qu'on finirait par s'en apercevoir. Hélas! les choses ne sont pas si simples et la justice n'est pas de ce,monde. Dans un de mes livres: "De quelques poètes maudits et troubadours", j'ai montré que de tout temps, et aujourd'hui plus que jamais, il y avait eu des poètes maudits (pareil pour les peintres et autres grands artistes) parfois même géniaux, comme Baudelaire, qui n'est devenu célèbre que longtemps après sa mort. Tout ça pour dire que je ne vais plus me crever à écrire maintenant que je suis en retraite. Bien sûr, cela ne veut pas dire que je regrette d'avoir publier mes livres. Ceux qui ont été publiés, on pourra toujours les lire, si on le veut vraiment, à l'avenir.

Bonne lecture de ce livre si le cœur vous en dit. Très amicalement. (M.T.)

 

 

Journal et pensées d'un jeune poète des années 60   (Tome 2)  

 

(suite du Tome 1  Dépôt légal août 2010, ISBN 2-9509937-5-3)

 

 

 

 Journal et pensées,  deuxième semestre 1962

 

 

(Après deux échecs successifs à la première partie du baccalauréat, je viens vivre chez mes parents, préparant par correspondance le bac pour la troisième fois, auquel j’échouerai encore, en attendant mon incorporation au Service militaire.

 

Avec le recul, je peux dire que mes échecs sont surtout dus, outre mes problèmes socio-psychologiques, familiaux, etc., au fait que je n’ai jamais été orienté dans mes études, et qu’au bout du compte j’ai un coefficient 8 en math, 7 en physique-chimie, où je rends mes feuilles blanches, et seulement 6 en français où je suis toujours dans les meilleurs).

 

 

Journal et pensées, deuxième semestre 1962

 

 

 

Jean était allongé sous un arbre, oisif, la chaleur était accablante. Les jambes appuyées contre un pommier, la tête dans l'herbe, il était là, abruti, dégoûté. Tout lui paraissait fade et tout son corps traduisait cette fadeur, que ce soit le rictus de sa bouche, sa tenue toute en mollesse, ou même ce goût vague et indéfini qui semblait monter de son estomac. Voilà, c'était tout ce qu'il éprouvait. On ne pouvait même pas dire qu'il était malheureux. Pourquoi aurait-il été malheureux? Il ne souffrait pas, il était en vacances, et il avait bien de la chance de ne rien faire et de pouvoir ainsi disposer de lui-même. Les autres voyaient qu'il était heureux, c'était l'évidence, alors, Jean était heureux …

 

D'ailleurs, il reconnaissait en lui-même que le travail ce n'était pas non plus le bonheur. On travaillait comme une bête pendant huit ou dix heures ; on travaillait, on ne faisait que travailler, et tout convergeait vers le travail, car sourire, rire, se reposer un peu, tout cela n'avait qu'un but, tout cela faisait parti, en quelque sorte, du travail. Ce n'était là que des réactions face au travail, ce travail qui est un divertissement dont le but n'est pas de délasser, mais d'absorber complètement l'être humain. C'est comme le cheval que l'on dompte, c'est comme le taureau que l'on «travaille» avant de le tuer.

 

Ce divertissement est nécessaire et indispensable à la vie, il est même la vie. Chacun le prend à sa façon, chacun essaie d'en tirer le meilleur parti, car on est obligé d'épouser le travail…

 

Une paille dans la bouche, Jean regardait l'arbre en contre plongée. Cela ferait une belle photographie,

 

pensait-il . Cette sensation d'écrasement, et cette idée de profondeur infinie avec le tronc qui s'éloigne, ses plus hautes feuilles qui se dessinent puis ce nuage blanc qui passe, puis enfin le ciel tout bleu qui soit-disant, est infini mais qui avec cette couleur si vive apparaît comme une fin en soi. Il y aurait une voûte peinte en bleu à la place, l'effet serait exactement le même.

 

 

Mais Jean n'arrivait pas à se faire à ce repos. Chez lui, tout était de la contrainte, sauf le changement. Il aurait aimé partir n'importe où mais il savait qu'il ne le pouvait pas, du moins, pour l'immédiat. Alors que son génie consistait à varier, à innover, à être original, et si possible, à créer dans l'univers limité où il se trouvait.

 

 

Il se leva et il alla uriner contre un arbre, c'était là, somme toute, un grand plaisir, et il pensa, un sourire aux lèvres, au villageois qui était obligé de faire cent mètres sur un trottoir pour satisfaire ce besoin naturel, et qui est encore obligé, entre temps, de dire bonjour à ce monsieur qui le connaît, qui l'arrête, qui le fait souffrir même, ne sachant pas son drame intérieur … L'art pour ce villageois, c'est d'organiser et de classer sa volonté, ou plus exactement ses volontés, afin de moins souffrir.

 

 

Jean se dirigeait maintenant chez lui pour aller y manger. Cela faisait partie des rites quotidiens, cela aussi contribuait à l'absorber complètement, car il vivait comme une bête ou plutôt comme un automate, n'ayant même pas besoin d'aller à la chasse pour manger.

 

L'homme est comparable à cet ouvrier dont le seul travail est de surveiller les machines. Tout marche seul mais il faut cependant qu'il soit là. L'homme est donc le roi au milieu de ses machines, mais il arrive un moment où il est esclave de ses machines, comme le roi lui-même est esclave de ses sujets. Le roi aussi peut se tromper, il peut se donner l'illusion qu'il commande à ses sujets, mais la vérité n'est pas là: en fait, ce sont ses sujets qui le commandent. Il croit précipiter son pays dans la guerre, alors que s'il connaissait tous les phénomènes historiques, démographiques ou autres, il s'apercevrait qu'il n'est après tout qu'un pantin. Plus tard, l'histoire dans ses passions affirmera avec toute l'épopée nécessaire que LouisXIV, par exemple, était grand, qu'il était génial et que c'est grâce à lui, et à lui seul, que la France a fait ceci ou cela... Le culte de la personnalité, ni plus, ni moins.

 

Il vaut mieux sans doute pour la santé morale de tous les hommes que l'histoire pense de cette manière...

 

Que serait-elle et que serions-nous s'il n'y avait pas de grands hommes ?

 

Mais Jean, bien qu'il n'acceptât pas cette vie routinière, s'y habituait cependant malgré lui, comme le corps s'acclimate au pôle nord sans que la volonté y soit pour quelque chose.

 

Ainsi, la plupart du temps, était-ce le vide complet à l'intérieur de lui-même, ses yeux se fermaient, ses oreilles se bouchaient, il n'avait plus rien à faire sinon à se laisser aller, et les choses marchaient très bien ainsi. Et, bien souvent, il se disait que c'était idiot de vouloir à tout prix rester éveillé lorsqu'on a tant sommeil, et puisque le sommeil était naturel, il s'endormait, et il y gagnait en simplicité, et aussi en santé.

 

 

Je ne devrais penser qu'à mon avenir, pensait-il, et c'est pourtant le passé qui m'envahit. Je ne revis que les beaux souvenirs et encore je pense à ce que j'aurais dû faire pour être plus heureux... En somme, j'agis afin de ne jamais subir deux échecs semblables et ça doit être là toute la valeur de l'expérience...

 

 

Quant à l'avenir, ah ! l'avenir ! Ce mot dont on me saoule les oreilles depuis dix-huit ans, il est pour moi le mot le plus vide et le plus plat qui soit. Il ne me suggère rien et je préfère ne pas me l'imaginer, car je serais sûr de me tromper...

 

 

Je préfère penser à Elisabeth, si elle n'est pas ma vie, elle est du moins la base de tout ce que je peux apprécier.

 

 

Jean l'avait connue au lycée et elle lui avait plu par sa démarche, ses airs de femme mûre et ses longs cheveux noirs qui semblaient l'empêcher de voir sur les côtés tant ils lui servaient d’œillères.

 

Dès les premiers instants, il s'était mis à la regarder

 

consciencieusement et une sorte d'amour et de complicité était née entre eux. Mais Jean se permettait de l'aimer mais, par contre, il ne voulait pas de son amour à elle, il ne pouvait pas supporter ça, il fallait à tout prix que ce soit lui qui commande.

 

 

- Je ne sais pas ce qu'il y a chez toi Jean, mais je sais que tu plais, je sais que tu plais à toutes les filles. Tu ne te sers de moi que pour être plus brillant auprès des autres, disait-elle.

 

 

- Mais non, tu sais bien que je n'aime que toi, ma fleur de printemps, lui répondait-il, dans un sourire qui visiblement était moqueur.

 

 

Et il lui tira même gentiment ses cheveux. Elle fut apparemment vexée, mais en réalité, elle était désarmée, elle ne demandait que ça, et elle rougissait de bonheur...

 

Jean sentit que malgré lui il ne pouvait faire durer à son avantage une situation aussi délicate; il se leva et s'aperçut, comme par hasard, qu'il lui manquait un livre...

 

 

Jean avait dans les yeux un pouvoir extraordinaire et d'une éloquence parfaite. Il lui suffisait de regarder la fille désirée pour que celle-ci se sente immédiatement touchée, flattée, et amoureuse. Mais cette éloquence qu'il avait dans le regard, il la perdait dans les mots, et un peu comme Hannibal, il savait vaincre mais il ne savait pas profiter de sa victoire. Il en résultait une sorte d'entente, de danse, d'érotisme qui se perdait dans le platonique.

 

 

Ce qui n'aurait dû être que du provisoire devenait un but en lui-même. Et l'équilibre ne pouvait se maintenir que par des sortes de caprices qui, pour Jean, consistaient à éviter consciencieusement celles qui auraient tant souhaité que ce provisoire n'existât pas. En ce sens, on pouvait dire que Jean plaisait à toutes les filles. Mais alors, ce qui l'exaspérait, lui, Jean, c'était lorsque Gisèle, puisqu'elle s'appelait ainsi, se mettait à discuter en simple camarade avec d'autres garçons. Il était alors malheureux car il se sentait humilié et ne pouvait même pas intervenir, à cause de son caractère exclusif et égotiste. Si cela avait été avec une autre que Gisèle, il aurait pu discuter, mais il aurait été obligé, dans ce cas encore, de tout ramener à lui ou bien de s'effacer complètement, et, dans les deux cas, il était finalement malheureux. En somme, il était fait pour l'amour et non pour l'amitié. Il en résultait parfois chez lui une sauvagerie farouche et il semblait alors inaccessible aux autres.

 

 

Le besoin de nouveau s'abattait sur Jean comme une fatalité. Il lui semblait qu'il y avait des nouveautés auxquelles on ne pouvait pas échapper, comme celle de sortir de chez lui une fois par semaine. Sortir de chez lui, cela voulait dire aller faire un tour en ville car il sentait que sa vie n'était tout de même pas dans sa tendre campagne. Jean alors était fou et extravagant, il changeait de personnalité pour devenir un gentleman aux allures très snobs.

 

 

Il avait l'impression d'être sur une scène et de faire du spectacle. Et il sacrifiait tout au spectacle jusqu'à sa personnalité. Mais pour cette nouvelle personnalité, il échappait à tout le monde et il faisait mieux ce qu'il voulait. Cette extravagance, cette expansivité et cette extériorisation, nécessaires chez lui, contribuaient à faire de lui un romantique. Il était cet enfant qui n'avait pas lâché le monde idéaliste dans lequel sa jeunesse s'était écoulée. Il ne se faisait pas à la vie qui se présentait à lui, comme il ne se faisait pas à son époque, et ce réalisme, cet existentialisme, le rendait encore plus malheureux et encore plus romantique. Il était toujours ailleurs, complètement étranger et indifférent au rôle qui aurait dû être le sien, et même étranger à tout ce que la plupart des autres était effectivement. Son ennemi, c'était le travailleur patient de tous les jours, celui qui pose chaque jour une pierre pour bâtir sa maison sans savoir s'il aura le temps de la finir; son ennemi, c'était encore celui qui attend d'avoir fini sa maison pour commencer à vivre.

 

 

Non, de tout cela, il n'en voulait pas, au seuil de sa vie, il ne voulait pas dépenser des forces simplement pour l'honneur. Il n'était pas celui qui se mesure à l'obstacle chaque jour, jusqu'à ce que l'obstacle l'écrase impitoyablement. Il n'était pas un héros. D'un seul coup d’œil, il jugeait la difficulté, il la trouvait trop grande, il l'évitait donc pour en chercher une autre qui soit moins colossale. La grandeur humaine et l'épique, comme l'histoire le veut, tout cela c'était beau pour lui, c'était poétique, mais c'était ridicule aussi à ses yeux. Il cherchait le romantisme sans y croire vraiment parce qu'il avait besoin d'un doping pour sentir qu'il vivait. Ce surromantisme (mon néologisme par rapport à surréalisme) en quelque sorte, faisait de lui un grand poète chétif et passionné, méprisé, ridicule et pourtant très orgueilleux. La poésie, c'était toujours du passé, lui, il était avide de jeunesse et de naïveté...

 

 

Le soir tombait. Il avait fait chaud et c'était samedi. C'est bizarre, pensait Jean, tout ce qu'un mot peut suggérer. Samedi, c'est l'espoir, c'est le bonheur, c'est la veille du dimanche. On va être heureux, même si on ne l'est pas encore. Le plaisir existe quand il y a une idée de futur, sitôt que cette idée de futur a disparu, le plaisir n'est plus pur. Il devient alors frelaté, il est distillé par l'homme sur commande, on le ressasse, on le tourne, et on le retourne, on l'essore jusqu'à la dernière goutte, comme on tire l'eau-de-vie du marc après avoir tiré le vin de la grappe et la grappe de la vigne.

 

C'est le propre de l'homme et de son intelligence que de trouver du plaisir dans le passé. Dans le présent, il arrive à être heureux sur commande parce qu'il sait qu'autrefois il a été plus malheureux. Mais malgré tout, il faut le reconnaître, ce genre de plaisir est celui d'un impie et d'un insatisfait...

 

 

Les passions bouillonnaient dans le cœur de Jean. La révolte, la crise et la folie hebdomadaires commençaient à agir. Aussi, il sortit le soir pour aller au bal. Le malheur chez lui, c'est qu'il prévoyait tout. Tout était classé d'avance, il y avait parfois plusieurs solutions dans son esprit mais toujours il y avait la bonne. Alors, même s'il allait au bal ce soir, c'était presque sans conviction et sans enthousiasme.

 

 

 

Heureusement, il y a toujours une proportion appréciable d'inattendus et de fatalités dans la vie, et c'est ce qui décidait Jean. Et puis, c'était là un devoir qu'il fallait faire ne serait-ce que par acquit de conscience...

 

 

Jean donc s'habilla. Il était, il faut le reconnaître, très élégant avec sa veste bleu nuit, presque noire, qui faisait ressortir son visage pâle et ses cheveux longs et plats. Un pantalon de couleur anthracite épousait bien ses souliers noirs. Cela compléta la silhouette de ce jeune gentleman qui partit pour le village de Lissas.

 

 

Il rangea sa Vespa contre la chaussée et il se dirigea de ce pas sur la place où avait lieu le bal. La musique se mit aussitôt à l'envahir, il passa sous les néons tandis que des filles criaient dans la rue. L'une d'elles le regarda avec de grands yeux amoureux, il lui rendit son sourire et continua calmement son chemin. L'air qu'on jouait lui plaisait, une certaine émotion peu à peu l'envahissait et c'est en véritable artiste qu'il arriva sur la place. Un instant, il eut la fausse et désagréable impression d'être dévisagé par tout le monde. Il sentit qu'il aurait vite l'air idiot s'il ne faisait pas quelque chose. Aussi, sans plus attendre, il invita une fille à danser. Dès la première danse, il éprouva une sorte de dégoût, tant tous ces gestes qu'il faisait lui semblaient banals, routiniers, traditionnels, et d'une platitude écœurante.

 

 

La fille, qui lui dit s'appeler Henriette, et que la vanité de ses dix-sept ans poussait à faire souffrir les garçons, finit par l'amuser tant il se moquait d'elle intérieurement en découvrant tout le jeu de sa féminité. Mais bientôt la réflexion l'abandonna, tout à son aise, car il avait remarqué qu'elle paralysait l'action; il valait mieux courir à l'aventure, et alors, une certaine intuition vous délivrait de tout embarras, vous agissez alors sans réfléchir et si vous réfléchissiez par la suite, vous vous apercevriez que vous avez choisi, sans même vous en douter, la meilleure solution.

 

 

Un air endiablé de twist le délivra tout à fait; il était heureux comme un poisson dans l'eau. Il se faisait remarquer, mais c'est pourtant comme cela qu'il était le mieux lui-même. C'est un fait qu'il aimait bien jouer les vedettes, sans doute était-ce pour compenser ces longues heures d'ennui où il se refoulait croyant toujours être, et étant sans doute, incompris. La danse s'arrêta.

 

 

- Je vous quitte, lui dit Henriette, je ne valse pas.

 

 

Jean quitta la piste lui aussi car il ne valsait pas non plus.

 

 

Voilà bien une danse de protocole, bonne seulement pour les princesses et pour tous ceux qui sont prisonniers des conventions et des traditions. Dans la valse, jamais un geste de trop, tout est fait selon les règles sur des airs classiques et dont la valeur n'est pas mise en doute. C'est une danse pour les gens traditionalistes, ennemis du nouveau, et incapables de juger correctement les nouvelles œuvres , les nouvelles musiques ; une danse pour les gens qu'on dit être biens ; pour le reste, rares sont ceux qui dansent bien la valse.

 

 

Jean sympathisa alors avec un de ces individus francs, simples et connus que l'on rencontre quelquefois et qui avait remarqué le côté modeste et puéril de Jean. Ce fut pendant un petit moment des conversations insipides à plusieurs au terme desquelles il convient bien de rire pour faire voir qu'on comprend et qu'on a suivi l'histoire, et alors on en rajoute en conversations insipides. Là-dessus, on but quelques petits verres entre garçons, c'était indispensable et ça fait toujours partie des formalités à remplir lorsqu'on va dans ces bals de campagne.

 

 

Enfin, l'alcool aidant sans doute, Jean vit une belle fille qui lui plaisait.

 

 

- Ça y est, les gars, dit-il, je suis amoureux!

 

 

Tout alors convergea sur cette fille. Jean attendit qu'elle eût fini de danser et l'invita, sans succès. Un instant décontenancé, Jean alla droit sur Henriette et la réinvita. En dansant, il s'approcha ostensiblement de l'objet de ses vœux et emprunta un air amoureux et pathétique dans les bras d'Henriette. La danse du reste s'y accordait bien, c'était un de ses airs préférés : «O sole mio ».

 

Jamais il ne se serait permis de regarder la belle fille en dansant pour lui faire comprendre qu'elle lui plaisait, mais il était dans la position parfaite qu'il fallait pour agir ainsi. L'ennuyeux pour lui était de sentir qu'Henriette devenait amoureuse alors qu'il n'éprouvait finalement aucun attrait pour elle. Il délaissa donc celle-ci d'une manière indigne pour un gentleman et, fier de ses nouveaux lauriers, il invita à nouveau la belle fille.

 

La petite démonstration avait dû faire son effet, car à sa surprise, elle accepta. Jean follement amoureux se contrôlait mal tant il vivait dans un état d'euphorie complète à ce moment-là; il avait même l'impression d'être secoué par ce tremblement intérieur qui caractérisait selon lui le grand amour. Jean était comme paralysé, il ne pouvait plus cette fois jouer aucun personnage, il ne pouvait plus parler comme il aurait fallu car il n'était plus indifférent, comme dans un rêve.

 

 

Il était amoureux et il était obligé de jouer le franc jeu, il ne pouvait même pas rire, et ce tête-à-tête était pénible car il lui fallait faire tout le travail de la déclaration. Les filles ont de la chance d'être toujours passives. Jean était très maladroit mais Elisabeth, car elle se faisait appeler Lisa, comprit bientôt le fond même de ses sentiments et ne s'y opposa pas franchement. Jean sortit alors du bal et tandis qu'il allait partir, il attira gentiment contre lui la belle tête de Lisa, et, caressant ses longs cheveux, il l'embrassa sur la joue en lui disant :

 

 

- Je vous aime Lisa, quand donc pourrai-je vous revoir?

 

 

La réponse fut vague, mais Jean savait que c'était nécessaire. Le premier pas était fait, il ne fallait pas brusquer les choses, il fallait même un certain temps pour que tout cela mûrisse. Mais il partit avec la joie au coeur en pensant que son roman d'amour continuerait dès qu'il reverrait la belle Lisa...

 

 

 

Telle se passait la vie intérieure de Jean l'idéaliste, d'autant plus idéaliste que le monde où nous vivons est pourri. Mais c'est du milieu de la fange que sont partis les plus beaux élans mystiques comme c'est du fumier que jaillissent les plus belles plantes...

 

 

Qu'était donc sa vie extérieure? Il habitait en ville mais il passait une bonne part de son temps dans le domaine qu'il tenait de sa famille. C'était pour lui son véritable pied à terre, car sa vie se passait toujours là où il n'était pas. Un phénomène perpétuel d'inadaptation, ou, si on préfère, un dédoublement de personnalité et même plus que ça, car Jean se sentait capable de jouer tous les rôles, et s'il est vrai qu'il n'était jamais complètement lui-même, il était, quoi qu'il arrive, et dans quelque situation que ce soit, toujours un peu lui-même malgré tout. Il travaillait pour l'instant comme fonctionnaire, stagiaire bien évidemment, mais il savait très bien que cela ne durerait pas et qu'il ferait bientôt autre chose. Il était absolument indispensable qu'il pensât à une autre situation pour pouvoir s'acquitter de sa tâche actuelle. Il était donc distrait, et, de cette façon, son travail ne pouvait pas l'absorber. Une origine maladive, peut-être ? Mais il était séduit par l'originalité qui avait pour base un esprit de contradiction, ou mieux, une inadaptation. Quoi qu'il en soit, il ne pouvait jamais se donner à son travail puisqu'il faisait toujours au moins deux choses à la fois.

 

 

 

Mais il n'aimait pas raconter sa vie, il n'aimait pas pleurnicher, il ne se confessait à personne et tout le monde venait se confesser à lui. Car ce sont les esprits forts qui agissent, mais en réalité ce sont les esprits faibles qui commandent à ces derniers; de même que l'homme normal agit et confectionne, de même l'homme supérieur médite et invente. Alors son état présent, sa situation, son passé, tout ça c’était sans importance et les autres n'en avaient que faire. Car tout le génie consiste à tromper, à mystifier, à dérouter, et c'est dans ces conditions qu'il peut alors faire ce qu'il veut.

 

 

Que fait-on lorsqu'on fait un roman si ce n'est de maquiller des vérités ? C'est par le clinquant qu'on attire le grand public et malheur à celui-ci s'il ne voit pas autre chose.

 

Pour celui qui sonde la profondeur qu'importe l'apparence superficielle ? Et le tragique, le solennel, le pompeux finissent par faire en rire à chaudes larmes celui qui, s'élevant au-dessus des autres, n'est pas touché. Qu'y a-t-il de plus difficile à connaître que celui qui se renie incessamment ? Mais c'est celui-là qui mène les hommes...

 

Pour Elisabeth, Jean était apparu comme un homme sans passé avec un grand point d'interrogation. Mais elle avait cet esprit épicurien qui ne considère rien d'autre, lorsqu'elle a éprouvé un plaisir, que ce plaisir lui-même. S'il vous plait, pas d'embarras au plaisir, il n'est pas si courant ! Alors, aveuglons-nous pour le reste et ne vivons jamais que lorsque cela en vaut la peine!

 

 

Jean pensait à ce professeur qui attachait tant d'importance au plan dans un devoir. Aurait-on eu le plus beau style et les plus belles idées, que le devoir était mauvais puisque on avait travaillé sans plan préalable. Et chaque fois, enfant, qu'on lui disait de faire un plan avant son devoir, il faisait au contraire le devoir avant le plan. Et il avait toujours jugé le plan comme un embarras pour l'imagination, pour la beauté et pour le plaisir qu'on peut éprouver. Le plan, cela représentait le côté travail, le côté bûcheur, celui qui force les choses parce qu'il n'a aucune aptitude, celui qui oublie d'être heureux.

 

Jean pensait qu'on n'a jamais rien fait de beau sous la contrainte.

 

On ne joue pas avec le feu, l'amour ou le génie de l'artiste. On ne force jamais ces choses-là, tout l'art consiste à savoir les prendre comme il faut quand elles se présentent. Sinon, l'amour n'est plus qu'une satisfaction et le génie n'est plus que du talent...

 

Il était dans son lit. Il ne pouvait pas dormir. Alors il prenait un livre au hasard près de son lit et il lisait quelques lignes: cela lui permettait de devenir distrait et de penser à autre chose. Autrement, il ne pensait pas, il rêvait; la rêverie s'accentuait alors pour devenir une vraie folie et ce n'est qu'au bout d'un moment qu'il s'apercevait de la folie de ses pensées. Il lui fallait alors canaliser sa pensée et la dompter, et, pour cela, il lisait une phrase au hasard, de temps en temps. Au hasard, oui, parce que de nos jours, plus que jamais, tout se fait au hasard. On lit une phrase au hasard, dans un livre pris au hasard, et acheté même au hasard par quelqu'un d'autre que vous. Jean était dans ce cas. Rares étaient les livres auxquels il avait réfléchi avant de les acheter. Il vaut peut-être mieux qu'il en soit ainsi. Notre époque souffre de l'embarras du choix. On ne sait pas même ce que l'on veut et on est découragé et dissuadé devant le choix qui s'offre à nos yeux. Autrefois, on lisait systématiquement tel livre, on achetait tel cheval, noir ou blanc, peu importait. Aujourd'hui on ne lit même plus les chefs-d’oeuvre, car il y en a trop, on lit donc au hasard, et lorsqu'on achète une voiture, quelle marque va-t-on donc prendre ? Quel en sera le prix ? Combien aura-t-elle de chevaux ? Quelles seront ses particularités ? Et on pèse le pour et le contre, et on réfléchit, Dieu sait combien de temps, pour faire finalement un mauvais choix …

 

 

On lit très peu et une citation suffit pour asseoir son entourage, et un seul mot savant vous fait passer pour quelqu'un de cultivé. C'est ainsi que les choses se passent chez le peuple qui, comme tout le monde le sait, n'existe plus ! Allez parler du peuple aux braves gens, vous pouvez être sûr qu'ils ne se sentiront pas visés, c'est bien connu, et ils méprisent le peuple.

 

 

Pauvre peuple! Il existera toujours. Jadis, il était ignorant, maintenant il est simple et franc, et il marche toujours et on le fera toujours marcher comme un troupeau de moutons... L'ennuyeux, c'est sa force, son aveuglement, et ses revirements, mais un seul homme peut contenir un troupeau de bœufs car c'est un magicien aux yeux du troupeau.

 

Aux yeux du peuple, c'est toujours la façade qui compte et qui fait marcher la machine. Déguisez-vous en homme grand, puis dites ensuite que vous l'êtes, puis faites comme si vous l'étiez vraiment, et tout marchera. Peu importe votre nature intérieure. Les hommes sont tous grands, il n'y a donc pas de grands hommes aux yeux des autres hommes, mais il y a des mystificateurs.

  

Et donc, même si les grands hommes n'existaient pas, les autres hommes auraient besoin de les inventer, car, c'est connu, seuls comptent l'apparence et les signes extérieurs. Vous, vous êtes un homme normal, vous êtes donc un grand homme, vous en avez en tout cas l'étoffe. Restez dans votre monde à vous, ou, si on préfère, dans votre monde intérieur, ne donnez aucun signe extérieur de votre grandeur. Vous mourrez dans l'anonymat. C'est ainsi que meurent presque tous les grands hommes. Mais aux yeux du monde il n'y a qu'une espèce de grands hommes: celle de ceux qui se sont contentés de montrer leur grandeur. Notre monde adore montrer, il faut que tout se fasse par des signes. Mais l'apparence timide ne suffit pas encore, il faut aussi du tonitruant. Le comparatif est ridicule, seul peut encore exister le superlatif. Il ne faut plus de l'audace, il faut de la folie pure et simple, une folie que vous avez domptée et qui ne s'empare de vous qu'un jour sur deux. Ainsi vous déroutez tout le monde, et le monde, dès qu'il est dérouté, se prosterne à vos pieds...

 

 

 

Ainsi pensait Elisabeth, encore toute étonnée dans ce monde nouveau pour elle et pleine d'ambitions. Comme on le voit, elle était de ces filles qui auraient mieux été à leur aise dans la peau d'un garçon. Elle n'était pas de celles qui pensent au prince charmant ou qui souhaitent avoir beaucoup d'enfants. Et elle se cabrait, se chavirait dans son lit, admirant ses belles jambes et gonflant ses jeunes seins. Elle cultivait l'érotisme avec ravissement et sadisme pour les garçons. Elle dansait devant vous, semblant vous dire : « Tu ne m'auras pas ! »

 

Ainsi, personne ne pouvait la voir et elle devenait prisonnière de son jeu, car intérieurement elle souhaitait se faire embrasser par les garçons, dissuadant tout le monde et cultivant de plus en plus l'érotisme. Et, c'est comme le héron de la fable, qu'elle décida d'aller voir Jean le lendemain...

 

 

C'est sans doute son manque de volonté qui avait amené Jean à se faire des amis seulement parmi des gens assez peu recommandables. Mais c'était peut-être dû également à ce mépris qu'il éprouvait pour la gente snobinarde, pour qui telle ou telle chose est défendue. Ce qu'il cherchait avant tout, c'était une liberté, une insouciance qui l'empêchait de savoir ce qu'il ferait le lendemain et de ne pas faire voir ce qu'il ne pourrait jamais faire. C'est ainsi qu'il fit la connaissance dans un cabaret de Hubert, un être bizarre au possible, plutôt hypocrite mais avec le regard franc des grands escrocs, et qui avait la particularité de n'être jamais le même et de toujours apporter du nouveau, bref, c'était un être insondable, il était de ces gens qui sont aussi à l'aise dans la peau d'un épicier que dans celle d'un ministre; c'était un anarchiste à qui tout semblait permis.

 

 

De cinq ans plus âgé que Jean, il était plein de compassion avec ce dernier et il l'influençait terriblement. C'était un individu qui avait tout fait; artiste, il jouait à l'occasion du piano ou de la trompette et avait joué pendant deux ans dans des cabarets de Paris, ce qui d'ailleurs l'avait entraîné dans une affaire de trafiquants. C'est lui qui avait appris à jean comment allumer un cigare dans toutes les règles de l'art et au moment opportun. Il connaissait toutes les bottes secrètes du donjuanisme. Et Jean l'aimait bien qu'ils fussent extrêmement éloignés loin de l'autre. C'était peut-être à cause de cette pseudo indifférence qu'ils se sentaient tous deux extrêmement libres lorsqu'ils sortaient ensemble. Ce n'était pas une véritable amitié qui s'était établie entre eux mais un commerce pur et simple en vue de draguer les filles...

 

 

L'original

 

 

 

Je me présente, je m'appelle Jean, j'ai dix-huit ans, je suis étudiant, mais depuis quelque temps plus rien ne va. Je file, comme qui dirait, un mauvais coton. Je m'excuse de cette attitude franche, ami lecteur, mais, lorsque je me confesse, j'aime que les choses soient claires, et puis je n'entends pas forcer les gens à m'écouter, mais, si on m'écoute, je veux que ce soit en ami, car, comme tous les jeunes en général, j'ai un besoin égoïste d'amour, sinon je ne peux pas être vraiment moi-même.

 

Tout le monde a ses défauts, que ce soient des défauts de caractère ou des défauts professionnels. On peut toujours critiquer, mais critiquer, c'est bien souvent un aveu d'impuissance. Parfois, c'est savoir se défendre à la perfection, mais,d'autres fois, c'est être dans l'impossibilité d'attaquer,et comme c'est général, j'estime personnellement que « la meilleure défense, c'est l'attaque », comme aurait dit Napoléon.

 

 

Pour ma part, je l'avoue, je n'aime pas lire, parce que je trouve que lire, c'est toujours subir quelque chose ou quelqu'un. De nos jours, plus que jamais, car les livres abondent, il y a comme une surproduction dans tous les domaines. A force de se chercher dans les autres, on finit par s'y perdre, et on ne sait plus qui on était au commencement.

 

Mieux vaut cesser de lire et d'apprendre, s'arrêter quelque temps et réfléchir tout seul, et à vide.

 

On finit toujours par trouver avec ses propres moyens, et on gagne autant à éprouver et à expérimenter ses déductions personnelles même si elles sont entrecoupées de vide, qu'elles aient trouvé toutes faites et en quantité envahissante. C'est pourquoi, ami lecteur, je te conseille de jeter ce livre si tu as peur de trop me subir.

 

 

 

Quant à moi, j'en ai marre de subir, ça déborde. Mon drame intérieur c'est d'être extrêmement influençable.

 

Qui dit influence dit autrui, et autrui, c'est fatalement quelqu'un d'autre que soi.

 

Ce qui me fait peur, c'est de voir ce déterminisme, d'autant plus grand que l'individu est jeune. Et ce déterminisme, c'est un peu mon histoire et mon drame à moi. Je vais vous raconter …

 

 

 

Oui, c'est vrai, j'ai tort. Je reconnais que j'ai été un sacré imbécile de toujours croire à la lune et au Père Noël. Mais pourtant, est-ce ma faute si, dès mon plus jeune âge, je rêvais d'être capitaine, missionnaire ou autre chose?

 

Ce que je sais, c'est que,dans tous les cas, j'étais quelqu'un, je n'aurais reculé devant rien, je n'aurais même pas été refroidi pour deux sous si, enfant, on m'avait dit : « Tu seras un jour Président de la République ».

 

Cela ne posait pas de problèmes, être grand, pour moi, c'était être quelqu'un d'autre, et, à tant faire que d'être quelqu’un d'autre, autant aller choisir les meilleures rôles.

 

Maintenant, j'ai changé, je suis effectivement quelqu'un d'autre, mais qui exactement?

 

Je ne le sais pas au juste. Drôle d'impression que d'assister à sa propre transformation. C’est sans contexte une mort, ou une résurrection, que d'être adulte, et cette transformation se trouve précisément vers l'âge que j'ai actuellement, disons vers les dix-huit ans.

 

Quelles sont les réactions devant cette mort ? Cela dépend des individus, il y a ceux qui acceptent et ceux qui n'acceptent pas, tout comme après la vraie mort, il y aura ceux qui accepteront et ceux qui renieront Dieu. Moi, j'ai refusé cette mort, et par là même les conceptions enfantines et idéales de l'âge adulte.

 

Je refuse ce genre de mort, et je suis prêt à tout pour ça, dussé-je me suicider.

 

En tout cas, il faut que j'atteigne la célébrité, et j'ai choisi un moyen, ce moyen, c'est d'être original en tout; rien de tel pour se faire remarquer, rien de tel pour devenir célèbre.

 

Ce que je n'ai jamais compris par exemple, c'est cette façon obscure et banale qu'usent certaines gens pour se suicider. Il me semble personnellement, que si j'avais envie de faire une telle besogne, ce qu'à Dieu ne plaise, je serais dès lors vacciné contre tout scrupule et je prendrais la peine de sauter du haut de la tour Eiffel par exemple, c’est-à-dire quelque chose d'audacieux, de snob et d'original, car il y a tant de façons, me semble-t-il, de sortir de l'ordinaire. Enfin quoi ! Où se trouve la personnalité humaine ? A quoi ressemblent ces foules, ces masses sans âme, qui se meurent de par la Création ?

 

Et cette dépersonnalisation, cette vulgarité, elles existent encore à notre vingtième siècle, braves gens !

 

 

Vous vous déplacez par milliers au chapiteau et là, il faut qu'il y ait un homme qui vous dise : « Applaudissez les candidats qui l'ont bien mérité » et alors, vous applaudissez comme par un réflexe conditionné. Je comprends dès lors qu'il y ait des hommes célèbres et d'autres qui ne le soient pas, alors que nous sommes tous également humains, également dignes.

 

 

Et pourquoi donc j'aurais continué à cultiver jusqu'ici cette maladie de la célébrité? Pourquoi jusqu'ici? Tout simplement parce que je croyais avoir certaines dispositions, on peut même dire que je les ai encore, mais je les sens s'enfuir tout comme je sens que je m'enlise. Je serai totalement enlisé lorsque je serai marié et que j'irai à la pêche le dimanche au volant de ma Dauphine. Mais tout n'est pas encore perdu, car le jeune détient la puissance s'il n'a pas lui-même le commandement. C'est lui le plus démuni et le plus bas, mais c'est lui aussi qui fait peur à tout le monde quand l'avenir effraie et préoccupe les gens; il faut donc qu'il en profite.

 

J'avais des dispositions, oui, j'étais doué pour la musique; à onze ans je jouais à tâtons de quatre ou cinq instruments; je savais très bien dessiner et je savais mieux que quiconque employer la couleur, bien qu'elle fût toujours chez moi très audacieuse. Je savais aussi faire rire, j'avais un esprit plutôt subtil; je ne travaillais pas en classe, mais j'étais toujours un des meilleurs pour la composition française, enfin quoi, j'avais tout d'un petit génie en herbe...

 

Puis, avec l'adolescence, je suis devenu obscur, ténébreux, d'humeur massacrante, je me suis replié sur moi-même, je me suis en quelque sorte endormi...

 

Quand je me suis réveillé, j'avais alors dix-huit ans, je n'étais plus le même. J'avais pris un retard extraordinaire, un de ces retards qui ne se rattrapent pas. A dix-huit ans, et avec toutes mes dispositions, je n'avais suivi aucun cours de musique, aucun cours de peinture, rien. Il ne restait plus rien, tout était fini... A côté de chez moi, j'avais un camarade, un bon musicien. C'était un individu qui jadis aurait pu être mon élève en musique. Mais lui, à sept ans, on l'avait assis sur un piano, et c'était maintenant un vrai musicien... voilà ce que c'est que l'éducation, voilà ce que c'est que le déterminisme...

 

Souvent, il m'arrive de me regarder dans un miroir... Qui vois-je, ô stupeur ! Un affreux petit raté, et, ce qui est pire, un jeune affreux petit raté. Détournons les yeux, ô l'âme de mes dix ans, et espérons encore, espérons toujours... Depuis quelque temps ça ne va plus...

 

Je n'avais jamais travaillé sérieusement en classe, mais il faut reconnaître que les derniers temps je ne faisais absolument rien, mais alors rien. J'étais distrait, j'étais toujours distrait...

 

Comme par hasard, j'étais toujours dans les coups durs qui se faisaient au lycée, si bien que je fus mis à la porte, non sans une certaine satisfaction. Ne pouvant pas tenir en place et étant avide de vivre, j'ai alors, en l’espace de quelques mois, essayé plusieurs métiers qui ne me plaisaient pas du tout, si bien que je me suis retiré chez mes parents pour y vivre en ours en attendant mon service militaire, à dix-neuf ans, d’une durée de dix-huit mois...

 

Ainsi se passent les jours sans que le jour présent apporte quoi que ce soit de nouveau au jour précédent. Le temps passe. Parfois je m'amuse à retourner mon sablier et ainsi je vois mieux passer le temps, un grain de sable suit un autre et même grain de sable, rien de nouveau pendant ce laps de temps, si ce n'est un esprit qui pense sans cesse ou qui ressent quelque chose de vague, mais toujours nouveau...

 

Mon corps ne fait que peu de choses et des choses qui ressemblent à des commissions, à des besoins; je suis comme un animal bien réglé qui sait ce qu'il veut; et j'agis sur mon esprit par des réflexes conditionnés. Le reste, je veux dire ce qui ne concerne pas la matérialité, ce qui se dégage de toute autre influence physique, c'est mon moi profond. C'est un bien petit domaine, mais qui, comme l'atome, mérite qu'on s'y attarde et qu'on étudie sa puissance... C'est dans ce tout petit noyau que réside le cœur du problème et tout le reste n'est que poudre aux yeux...

 

Je ne crois pas, par exemple, qu'il soit indispensable d'agir ou de voyager pour mieux connaître les problèmes. Agir, voyager, sont plutôt des besoins d'amoureux. C'est          

 

 

(Interruption, à suivre)

 

 

 

 

P-S : Le livre n'entre pas dans la page, je publierai donc la suite un autre jour  (M.T.)  

 

(A suivre)

 

 

 

 

 

Lien pour lire mon livre  "Zarathoustra 68" en entier:

 

 http://teston.centerblog.net/rub-zarathoustra-68-michel-teston-ecrivain-.html

 

 Lien sur ma tragédie complète : "Les Templiers" :

 

 http://teston.centerblog.net/rub-les-templiers-michel-teston-.htm 

 

 Ma reprise:"L'encre de tes yeux" ci-dessous,

 et un lien sur mes reprises non mises en vidéos :

www.google.fr/#q=cover+teston&*&spf=1 

 

 

                             

                 

        

                                                                  

               

Commentaires (2)

Patricia+de+Romainville+ le 08/06/2017
J'aime beaucoup ta reprise

Bravo Michel Gros bisous


Michel le 08/06/2017
Merci de ta visite, Patricia. Bonne soirée, et même bon week-end. A plus, bisous.


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