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Date de création : 27.01.2012
Dernière mise à jour : 26.07.2024
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les templiers, tragédie michel teston

les templiers, tragédie michel teston

les templiers, tragédie michel teston

 

             Templier et hospitalier

 

Je ne sais pourquoi les dernières pages de ma tragédie : "Les Templiers" (Michel Teston) n'ont pas pu entrer dans la dernière page de mon blog, alors les voici :

 

 (Suite et fin de la tragédie)

 

Le Pape - Rengainez votre épée, Johan des Baux ! Et lais- sons cela. Je vous remercie de votre intention mais nous ne sommes pas ici pour nous battre. Nous avons simplement à prendre de graves décisions et je comprends que les esprits s'échauffent... (Se tounant vers Jacques de Molay). Messire Jacques de Molay, je vous avais demandé des renseignements précis au sujet du Temple, comme c'était mon droit le plus strict. Vous ne me les avez pas donnés toujours, j'attends encore. Etes-vous en état de le faire sur l'heure ?

J.M. - Votre Sainteté, comme je vous l'ai dit, ces renseignements vous seront remis dès que possible; et si cela n'a pas été fait, c'est parce que notre administration est lourde, les consignes sont sévères, selon l'usage,
et la plupart de nos frères templiers se feraient tailler en pièces sur place

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plutôt que de faillir à leur parole d'honneur. Il nous faudra donc encore du temps pour remettre notre argent à votre Sainteté.

Le Roi - Il ment ! Cet homme ment ! Nous n'avons tous que trop attendu ! La vérité, votre Sainteté, c'est que le Temple ne veut pas plus donner son argent au Pape qu'au Roi de France ! Et cet argent appartient au Roi , car il faut rendre à César ce qui est à César, avons-nous dit, Bertrand de Got... Je réclame l'excommunication immédiate du Temple pour parjures, offenses, apostasies, idolâtrie et crimes contre nature, et j'ajouterai encore que les templiers ne sont que des voleurs ! Oui, les templiers sont de véritables voleurs !

Le Pape - Est-il vrai, messires les templiers, que dans vos réunions secrètes vous adorez une idole ? Un chat, disent certains ?

H.P. - C'est absolument faux, votre Sainteté, nous n'adorons que le seul vrai Dieu, selon le commandement donné à Moïse et repris par Notre Seigneur lui-même !

Le Pape - Est-il vrai que vous gardez jalousement des secrets que vous ne révélez jamais à personne, par exemple des secrets kabbalistiques ou hermétiques sur l'architecture ? Que vous détenez aussi des secrets celtiques et druidiques et que vous partagez vos connaissances avec les infidèles et les juifs, les cathares, les compagnons, les troubadours et les maçons francs ?

J.M. - Certains de nos frères ont en effet de vastes connaissances, et dans tous les domaines, y compris sur le plan architectural. Mais la sagesse et la science ne sont pas des secrets votre Sainteté! L'intelligence est un don de Dieu.

Nogaret - On dit aussi que vous détenez le Saint Graal, la pierre philosophale et le pouvoir de changer le plomb vil en or pur !

Le Roi - Si cela était, ce serait un crime de plus contre la Couronne !



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Nogaret - Et les statuts de l'Ordre qui nous éclaireraient sur tous ces points sont tenus dans le secret le plus total ! Si vous n'avez rien à vous reprocher, vous n'auriez pas de secrets ! Surtout à l'encontre du Roi et du Pape !

J.M. - Grâce à Dieu, le Temple n'a rien à cacher et ne cache pas plus de choses que le Garde des Sceaux par exemple, messire de Nogaret.

Nogaret - Sire, vous l'entendez ? Quelle impudence !

Le Roi - Prenez garde à vos paroles, messire de Molay ! Le Garde des Sceaux, lui, ne soumet pas ses frères à des baisers infâmes au cours d'initiations secrètes !

Le Pape - Il suffit, messeigneurs ! Comme suite aux interrogations auxquelles a déjà procédé la Sainte Inquisition, je me vois obligé d'imputer au moins quatre griefs aux templiers : Le premier : initiation secrète accompagnée d'insultes à la croix, de reniement du Christ et de baisers infâmes. Le second : omission des paroles de la consécration lors de la messe. Le troisième : adoration d'une idole considérée comme image du vrai Dieu, du seul auquel il faut croire. Le quatrième : autorisation voire recommandation de pratiquer le crime contre nature !

J.M. - Monseigneur le Pape, nous ne pouvons pas accepter de telles accusations, c'est contraire à la vérité !

H.P. - Votre Sainteté, ces accusations n'ont été obtenues que sous la torture ! Nous les rejetons !

Nogaret - Vous ne cessez de vous rétracter, vous et vos frères ! Et c'est pourquoi vous êtes relapses !

J.M. - Nous demandons simplement à Monseigneur le Pape de trouver d'autres chefs d'accusation que ceux-là qui sont faux. Je puis jurer devant Dieu au nom de tout mon Ordre !

Le Roi - Insultes et sacrilèges diaboliques ! Vous vous rebellez contre l'autorité du Souverain Pontife !

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H.P. - Aucunement, Sire le Roi , nous avons toujours été et nous resterons encore fidèles au Très Saint-Père le Pape et nous nous soumettons à lui !

Le Roi - Eh bien ! alors, acceptez sa condamnation, au lieu d'être relapses !

Le Pape - Messires les templiers, croyez bien que je suis au regret de vous inculper d'hérésie et d'apostasie !

J.M. - Hérésie ? Apostasie ? Mais enfin, Monseigneur le Pape, nous ne comprenons plus !... (L'air soudain très abattu) Moi, Jacques de Molay, je suis Grand Maître de l'Ordre du Temple et j'ai rang de prince souverain. Attenter à ma personne, c'est attenter à un roi...

Le Roi - Quelle arrogance, messeigneurs !

J.M. - Si vraiment j'ai péché, condamnez-moi à titre personnel, mais épargnez le Temple !

H.P. - Pitié pour le Temple, Monseigneur le Pape ! Moi aussi, j'offre ma misérable vie personnelle, s'il s'agit de sauver le Temple du déshonneur !

Le Pape - Inutile, messires ! Il y a déjà assez longtemps que nous enquêtons, nous et la Sainte Inquisition, sur les templiers... En conséquence, j'abolis, non sans amertume et sans douleur intime, non par décision judiciaire mais par manière d'ordonnance apostolique, j'abolis, dis-je, l'Ordre des templiers et toutes ses institutions...

Le Roi - Ai-je entendu, votre Sainteté, vous abolissez l'Ordre des templiers ?

Nogaret - Abolition, et non pas excommunication ?

 


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Le Pape - Oui, messeigneurs, j'abolis officiellement l'Ordre des
templiers. Et en même temps je décrète que tous les biens de l'Ordre du Temple soient remis à l'Ordre de l'Hôpital dont j'ai mandé ici le représentant légal en la personne du frère chevalier Johan des Baux, officier de l'état-major de l'Ordre de l'Hôpital de Saint Jean de Jérusalem... (Johan opine du chef) C'est d'ailleurs uniquement pour cette raison que j'ai fait venir cet hospitalier parmi nous.

Nogaret - Je vous rappelle, Monseigneur le Pape, que Johan des Baux n'est autre que le filleul de Jacques de Molay ! Peut-on faire confiance au filleul d'un relaps ?

(Johan met la main sur son épée et foudroie Nogaret des yeux)

Le Pape - Ne vous déplaise, messire Nogaret, c'est volontairement que nous avons désigné Johan des Baux, et justement à cause de ses relations privilégiées avec le Grand Maître de l'Ordre des templiers ! Cela facilitera la succession.

Le Roi - Et dans tout cela, qu'adviendra-t-il du trésor de guerre des templiers, Monseigneur le Pape ? Reviendra-t-il aussi aux hospitaliers ?... J'ai l'honneur de vous annoncer que nous venons de faire arrêter tous les templiers du royaume de France; nous n'avons pas encore trouvé leur trésor, mais cela ne saurait tarder ! Par ailleurs, je vous demanderais de décréter l'arrestation de tous les templiers de la chrétienté, afin qu'aucun n'échappe et afin que les autres souverains d'Europe nous prêtent main forte !

Le Pape - (Faussement surpris) Roi Philippe, je vous avais interdit de procéder par vous-même, et de surcroît sans m'en aviser, à l'arrestation des templiers !

Le Roi - Nous avons agi ainsi parce que le trésor des templiers appartient au royaume de France ! Il est juste que nous reprenions notre bien !

Le Pape - Le trésor, si trésor il y a, n'appartient-il pas plutôt à l'Eglise?


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Nogaret - Monseigneur le Pape voudrait-il agrandir son territoire et sa puissance temporelle ?... Je n'oserais pas faire remarquer à sa Sainteté qu'elle s'exposerait à de graves dangers en s'emparant de l'argent du peuple de France... sans parler des représailles que pourraient exercer sur elle quelques templiers défroqués sans foi ni loi !

Le Pape - Nogaret ! Je n'ai que faire de vos conseils et de vos menaces ! Je croyais vous avoir pardonné l'attentat d'Agnani : ne m'obligez pas à le regretter !

(Se tournant vers les templiers)

Il va de soi, messires les templiers, que si, sur le champ, vous nous remettiez le trésor du Temple ou du moins le moyen de le récupérer, par exemple en me donnant ces renseignements que je vous avais réclamés, je pourrais encore revenir sur tout ce que je viens de dire à l'instant...

(Les templiers regardent Johan des Baux, discrètement mais d'un air entendu)

J.M.- Vous nous demandez l'impossible, votre Sainteté !

Le Pape - Nous interprétons votre silence comme un refus manifeste... En conséquence, et bien que le Roi Philippe ici présent m'ait déjà devancé à ce sujet, alors qu'il n'en avait nullement le droit, j'ordonne à mon tour l'arrestation des templiers, non seulement dans le royaume de France, mais dans toute la chrétienté, en vertu du pouvoir qui est le mien... Cette décision prend effet immédiatement....

Le Roi - Au nom de la France et de son Roi , merci, Monseigneur le Pape ! Que Dieu soit avec vous!

J.M. (soudainement déprimé et comme se parlant à lui-même) - Ainsi donc, vous nous abandonnez et vous nous avez trahis, vous, Monseigneur le Pape ! Comme nous avons eu tort de mettre toute notre confiance en
vous ! Jamais nous n'aurions pu imaginer cela de la part de notre
Saint-Père le Pape, de l'Evêque de Rome, du Souverain Pontife, du Chef

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de l'Eglise, du Successeur de Saint Pierre, du Vicaire du Christ et du représentant de Dieu sur la terre !... Cette fois c'en est trop ! Nous nous rétractons, nous retirons tout ce que nous avons pu dire sous l'empire de la séduction, de la flagornerie, de la ruse, de la menace et de la torture ! En conséquence, même à l'article de la mort, nous refusons solennellement de livrer de notre vivant les biens du Temple, tant au Roi de France qu'au Pape lui-même, véritables suppôts de Satan, le Prince de ce monde, et véritables Judas et antéchrists qui nous ont trahis !

H.P.- En mon âme et conscience, j'approuve pleinement tout ce que vient de dire notre Grand Maître... Désormais, nous nous en référons uniquement à Notre Seigneur Jésus-Christ... Nous nous sentons en paix avec nous-mêmes... Nous n'avons désormais plus de comptes à rendre qu'à Dieu et à lui seul !... NON NOBIS DOMINE (J.M. se joint alors à lui) NON NOBIS, SED NOMINI TUO DA GLORIAM !

Le Roi - Sacrilèges ! abominations ! insultes ! crimes de lèse-majesté ! Vous reniez et vous insultez le Roi , le Pape et le Christ, comme vous l'avez toujours fait !

J.B. - (Regardant les templiers avec émotion et en s'agenouillant devant le Pape) - Monseigneur le Pape, en mon nom personnel et au nom de l'Ordre de l'Hôpital que je représente ici, je vous supplie de gracier mes frères les templiers et de revenir sur votre décision !... Même s'ils ont péché, ayez pitié des templiers !... Je vous en conjure, ayez pitié !

Le Pape- Votre requête vous honore, Johan des Baux, mais c'est trop tard et c'est inutile. L'heure n'est plus à la plaidoirie... La coupe est pleine... elle déborde...

Le Roi - Nogaret ! Emmenez ces hommes ! Nous n'en supportons plus la vue ! Que le diable les emporte !

Nogaret - A vos ordres, Sire !


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J.M. - (En sortant de scène, avec H.P., emmenés par Nogaret) Pape Clément ! Chevalier Guillaume... Roi Philippe !... Avant un an je vous cite à paraître au tribunal de Dieu pour y recevoir votre juste châtiment ! Maudits ! Maudits ! tous maudits jusqu'à la treizième génération de vos races!...

(Stupéfaction du Roi , du Pape et des autres)

(Rideaux)

 

 

 

 

 

 

 

ACTE 5

Scène 1

(Johan des Baux, L'Ange de l'Agonie)

(Même décor que l'Acte 1 et l'Acte 3. Elle est habillée de blanc, comme un ange, elle entre en portant au-dessus de sa tête un calice en or ou une coupe en cristal; Johan est par terre, à demi-couché, revêtu d'une couverture trouée et misérable, en lépreux qu'il est devenu, car la scène se passe quelques années plus tard, en 1322)

 

J.B. - Mais que vois-je donc ? Suis-je déjà en paradis ?

L'Ange de l'Agonie - N'aie pas peur, Johan, je suis ton ange gardien, et voici le Saint-Graal que tu as cherché toute ta vie... Seuls les chevaliers purs peuvent le contempler de leur vivant... Voici le Saint-Graal de ta consolation... Oui, Johan, malgré tes haillons de lépreux je peux te dire maintenant que tu n'as point failli à ta tâche. Tu as surmonté une à une toutes les difficultés qui se sont présentées devant toi, et certaines étaient terribles... C'est Dieu qui m'envoie pour te donner un avant-goût de ta récompense.

(Elle pose le calice sur une table et s'approche de Johan comme une infirmière, lui, il regarde fasciné le Saint-Graal)

J.B. - Une telle récompense à un lépreux mourant ? Que ne fais-tu voir le Graal à un jeune et brillant Perceval, auréolé de gloire ?... Que ne me l'as-tu fait voir, autrefois, quand j'étais jeune et vigoureux, quand je posais des questions sur mon avenir, quand je cherchais la vérité ?


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L'Ange de l'Agonie - Je ne fais que la volonté de Dieu. Il ne fallait pas te guider dans l'épreuve. Il fallait que tu retrouves la voie par toi-même.

J.B. - La vie vaut-elle la peine d'être vécue ? Le monde a-t-il un sens ? Fallait-il qu'un pauvre

chevalier s'opposât à son pape et à son Roi ?

L'Ange de l'Agonie - Tu as bien fait, Johan ! Mais ne blasphème pas.

J.B. - Le chemin de la vérité passe-t-il par l'hérésie ?

L'Ange de l'Agonie - Non, pas souvent Johan, mais parfois, oui. Un roi, un pape même, peuvent parfois être dans l'erreur... Mais celui qui n'écoute en son c-ur que la voix de Dieu, celui-là est dans la vérité, celui-là a vraiment vaincu... Dieu doit passer avant toute autre considération humaine. Parfois même un homme isolé peut avoir raison contre tout le reste de l'humanité, s'il est le seul à entendre la voix de Dieu.

J.B. - En vérité, je meurs plein de rage et de colère. J'en veux à la terre entière car je n'ai pas cessé d'être trahi, et trahi par qui ? Par les plus grandes instances de la terre, par ceux en qui j'avais mis toute ma confiance de chevalier intègre. Trahi par le ministre, trahi par le Roi très chrétien, le petit-fils du grand Saint Louis... Comment un chevalier pourrait-il détester son roi? Comment un roi pourrait-il ne pas être chevaleresque ? Que sont devenues les règles de la chevalerie ? Le roi Arthur a-t-il jamais trahi Lancelot ou Perceval ? Charlemagne a-t-il jamais trahi Roland ou Olivier ?

L'Ange de l'Agonie - En effet, il s'est avéré, Johan, que ce Roi était un félon. Mais ne savais-tu pas déjà qu'il y eut un jour sur terre des Hérode et des Néron, des Caligula et des Attila ? La liste des tyrans serait bien trop longue. Pour un Saint Louis intègre, juste, incorruptible, malgré ses défauts, combien de milliers de rois Philippe ou de Néron ? Partout la félonie, la lâcheté, la cruauté, la démagogie, la folie, tous ces vices qui se résument en un seul, l'égoïsme lubrique, l'égoïsme toujours recommencé...


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J.B. - Comme il m'a été dur de comprendre que le Roi de France était un traître pour nous ! J'étais jeune et je croyais à la chevalerie !

 

 

L'Ange de l'Agonie - N'insultez pas la mémoire de ce roi, mais pardonne-lui plutôt ses offenses dont il doit maintenant rendre compte devant Dieu, et oublie-le...

 

 J.B. - Et puis, après le Roi , il y a eu le Pape, sa Sainteté, le pape !... Dieu, est-ce pensable ? Sommes-nous donc aux temps de la fin telle qu'elle est décrite dans l'Apocalypse ?... Pourquoi ce Pape a-t-il fait tourmenter les templiers par la Sainte Inquisition ?... Combien ai-je vu de mes frères trépasser sous la torture ?...

 

L'Ange de l'Agonie - Mon pauvre Johan !

 

J.B. - J'étais caché dans la foule, au pied du bûcher, quand le Roi a fait brûler Jacques de Molay et Geoffroy de Charnay. Jamais je n'oublierai cet immense bûcher sur cette place, noire de monde... Il faisait nuit mais les flammes immenses nous éclairaient comme un soleil. Dans la foule, il y avait des gens qui étaient concernés, d'autres même qui pleuraient, mais la plupart ricanaient devant ce spectacle de fête qui les égayait. Quelle barbarie! S'amuser devant l'exécution rituelle de nos frères ! J'ai bien entendu les dernières paroles de mon parrain, quand il a, une dernière fois, jeté sa malédiction au nom du Temple tout entier... Quelle iniquité, quelle abomination ! Si Dieu existe, comment peut-il supporter tout cela sans rien faire ?

 

L'Ange de l'Agonie - Dieu existe, tu le sais bien, Johan. Calme-toi, oublie toutes ses souffrances dont Dieu comprend le sens.

 

J.B. - Le Christ reviendra-t-il un jour sur terre ? Et quand ? Après ma mort, dans sept cents ans ? Après notre mort à tous ? Où bien Satan est-il toujours le Prince de ce monde ? Ou encore, Dieu n'existe-t-il pas ? Pour moi, je pense que ce qui est dit sous les tourments ou sous la torture n'a aucune valeur, et que la Sainte Inquisition, n'en déplaise à Dieu, a fait dire n'importe quoi, une chose et son contraire, à tous mes frères templiers... Celui qui veut noyer son chien l'accuse de la rage...

 

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L'Ange de l'Agonie - C'est vrai, Johan, tu as raison. Ce Pape lui-même a fait des erreurs, surtout contre l'Ordre, mais ne savais-tu pas que c'est le Grand Prêtre Caïphe, aidé de Judas et de Pilate, qui a fait crucifier Notre Seigneur ?

 

J.B. - De surcroît, quelle ne fut pas mon étonnement de voir qu'un Roi et un Pape se conduisaient comme de vulgaires marchands ! Pire, même, ils se disputaient entre eux les biens et les dépouilles du Temple, comme si seul l'argent comptait !

 

L'Ange de l'Agonie - Et pourtant, Johan, ils n'ont finalement pas eu le trésor du Temple ! Tu en sais quelque chose, puisque c'est toi qui l'as sauvé !

 

J.B. - C'est vrai, j'ai sauvé le trésor, oui, mais pour qui ?... Pour moi, un pauvre lépreux ? Pour le Temple qui a été dissous ? Personne n'en profitera jamais et cela me peine.

 

L'Ange de l'Agonie - Redis-moi ce qui s'est passé après cette fameuse réunion à laquelle tu as participé, après que Jacques de Molay eût jeté sa malédiction sur le Pape, sur le Roi, sur Nogaret et même sur Marigny ?

 

J.B. - Eh bien ! en compagnie de quelques chevaliers, je suis parti avec les chariots... Je devais les mener en Provence, ou, au besoin, jusqu'en Espagne. Mais je ne suis pas allé si loin. J'ai caché le saint des saints de nos secrets, c'est-à-dire nos statuts, nos connaissances, une grande quantité d'argent et tous les renseignements nécessaires au fonctionnement du Temple, dans mon fief de Provence, dans une de mes résidences où j'ai pu emménager une salle et un souterrain, bien gardés, bien cachés et bien enfouis... En Provence, Philippe a dû arrêter ses poursuites contre le Temple, l'Empereur et les autres souverains d'Europe n'étant pas d'accord avec lui. Les chevaliers teutoniques, les Ordres de Calatrava et d'Alcantara, et nous-mêmes, les hospitaliers, nous avons accueilli certains de nos frères templiers sans manteau ou défroqués, traqués qu'ils étaient dans tout le royaume de France...

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L'Ange de l'Agonie - Et puis après ?

 

J.B. - Eh bien ! après, tu le sais, comme l'avait dit mon parrain Jacques de Molay : le Pape Clément, le chevalier Guillaume de Nogaret et le Roi Philippe sont tous morts dans l'année qui a suivi. Enguerrand de Marigny lui-même a été pendu peu de temps après. Les fils maudits du Roi ont poursuivi quelque temps les crimes de leur père, mais ils n'ont pas fait de vieux os.

 

L'Ange de l'Agonie - Je sais, je sais, mais après ?

 

J.B. - Après, j'ai essayé de revoir les chefs templiers, mais Hugues de Pairaud était déjà mort en prison, suite aux mauvais traitements et aux tourments qu'il y avait endurés. Les autres chevaliers de l'état-major ont tous subi le sort de Jacques de Molay ou celui d'Hugues de Pairaud : ils sont morts en prison ou sur le bûcher. Certains disparurent et on ne les revit jamais. Sans doute, y a-t-il eu quelques rescapés comme moi, même parmi les chefs, mais je ne les ai jamais retrouvés. Nous étions tous traqués et dispersés, ayant même changé de nom et d'apparence. J'ai vécu quelque temps caché et déguisé à Paris, mais je n'ai rien trouvé d'intéressant. C'était impossible, la police de Louis le Hutin, de Philippe le Long ou de Charles le Bel nous traquait encore... Et cependant mes malheurs ne se sont pas arrêtés là.

 

L'Ange de l'Agonie - Que veux-tu dire, Johan ?

 

J.B. - Sur dénonciation, on a arrêté mon amie juive, Sarah, puis on l'a tondue, lapidée et brûlée en place de Grève comme sorcière et hérétique... C'était encore la Sainte Inquisition... Pauvre Sarah, mon seul et grand amour sur cette terre, dans cette "vallée de larmes", comme disait Adhémar de Monteil, le Premier croisé...

 

L'Ange de l'Agonie - Comme je te plains, Johan, mais cette fois, je t'assure, tes épreuves touchent à leur fin...

 

J.B. - Je ne me suis jamais remis de la disparition de Sarah. J'aurais donné le trésor du Temple pour elle ; pour elle j'aurais perdu mon âme...

 

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Elle était innocente et étrangère à toute ces histoires de trahison et de félonie... Elle était si jolie, si gentille... c'était ma seule amie...

 

L'Ange de l'Agonie - Je comprends, Johan, je comprends...

 

J.B. - De surcroît, après cette dénonciation, j'ai été radié de l'Ordre des Hospitaliers, déshonoré, condamné à mort par contumace comme hérétique et relaps... Aujourd'hui encore, si on me retrouvait et si j'avais le bonheur de guérir miraculeusement de la lèpre, c'est le bûcher qui m'attendrait...

 

L'Ange de l'Agonie - Et qu'est devenu le trésor, à l'origine de tous ces crimes ?

 

J.B. - J'ai voulu en parler à mes frères de l'Hôpital, mais comme on m'avait exclu de l'Ordre personne ne voulut plus m'entendre ni se compromettre avec moi. Il ne fait pas bon avoir la Sainte Inquisition et la police du Roi sur le dos...

 

L'Ange de l'Agonie - Donc, plus personne ne s'intéressait au trésor ?

 

J.B. - C'était trop dangereux pour les hospitaliers et pour les anciens templiers, car on savait que la police du Roi cherchait toujours après la mort de Philippe. Et puis, il faut bien le dire, personne ne croyait à ce que je disais. Alors, j'ai vécu quelque temps parmi les opprimés, les affligés et les parias de toutes sortes, mais ce n'était plus pour les soigner comme autrefois, c'était parce que j'étais devenu comme eux : une bête traquée. Je ne ouvais pas non plus retourner chez moi dans mes terres auprès e ma famille car l'Inquisition ou la police du Roi m'y aurait ueilli. Je n'étais pas même un pauvre chevalier errant, je n'étais plus qu'un manant, qu'un gueux...

 

L'Ange de l'Agonie - Et cela a duré longtemps ?

 

J.B. - Quelques longues années. Un jour j'ai rencontré un ancien templier en fuite comme moi. Nous avons pris le chemin de l'Espagne

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pour rejoindre l'Ordre de Calatrava qui accueillait les anciens templiers. Là-bas, en Espagne, nous aurions refait nos vies. Avec d'anciens templiers nous aurions reconstitué le Temple sous une forme ou une autre grâce aux documents et au trésor que je possédais. Mais le sort s'est encore acharné sur moi : j'ai contracté la lèpre sur le chemin de Saint Jacques de Compostelle... Et je me suis retrouvé ici même, dans cette maladrerie, plus seul et incompris que jamais.

 

L'Ange de l'Agonie - As-tu parlé du trésor à quelqu'un ?

 

J.B. - Oui, j'ai essayé, mais même les autres lépreux m'ont pris pour un fou... Puis mes forces ont rapidement décliné et me voici mourant à présent...

 

L'Ange de l'Agonie - Pauvre Johan !

 

J.B. - Je suis plein de remords quand je pense que j'aurais pu livrer au Pape le trésor du Temple. Mais ce fut plus fort que moi ; comme mes frères je perdis confiance en lui. Il nous avait trop tourmentés...

 

L'Ange de l'Agonie - Tu t'es peut-être trompé, Johan, mais ta décision était difficile à prendre, et nous savons tous ici que ta bonne volonté ne fut jamais en cause...

 

 J.B.- C'est dur de partir ainsi, en colère contre le monde entier, en colère contre moi-même, en colère contre Dieu qui m'a vraiment abandonné comme il a abandonné les templiers... Je n'ai plus confiance en personne, ni en Dieu, ni aux autres, ni en moi-même...

 

L'Ange de l'Agonie.- Ne blasphème pas, Johan ! Dieu ne t'a jamais abandonné. Simplement, tu n'as pas toujours compris sa volonté. En fait, tout ce qui est arrivé a été accepté par Dieu... Dieu a fait les hommes libres, malheureusement, les hommes ont mal utilisé cette liberté et ils ont péché contre lui... Les templiers sont des martyrs, victimes du péché des hommes... Comme le Maître, ils ont été injustement immolés...

 

Johan des Baux. - Et pourquoi est-ce que je meurs en emportant pareils secrets dans la tombe : secrets philosophiques, scientifiques, architecturaux, avec en plus une partie d'un fabuleux trésor ? Qu'ai-je donc fait pour mériter cela ? En quoi ai-je péché ? Car Dieu n'a même pas voulu que je communique mon savoir... Quelle absurdité pour le monde, et quelle solitude, quelle révolte, quelle colère en moi !... Je meurs plein de regret et de fureur...


(Sortent alors silencieusement de l'ombre les deux templiers, Jacques de Molay et Hugues de Pairaud dans leur manteau blanc, suivis ensuite de Sarah, transfigurée, superbe).

 

L'Ange de l'Agonie - Cesse de te condamner toi-même, Johan, pardonne à tous mais pardonne-toi aussi à toi-même. Ne te crois pas plus coupable que ce que tu es. Cesse d'être en colère contre ce monde qui t'a trahi et qui t'a persécuté. Ne jure pas contre Dieu, sois heureux au contraire d'avoir fait sa volonté ; offre-lui toute une vie de sacrifice et d'abnégation. Tu comprendras mieux sa volonté ce soir en paradis... Moi je te dis que tu as bien agi et que tu es un juste. Grande sera ta récompense et personne ne te la dérobera plus. Pardonne-toi à toi-même, Johan, oublie-toi, abandonne-toi dans la bonté de Dieu...

 

Johan des Baux. - Que vois-je ? Qui sont ces gens-là ? (Il les regarde, ahuri et mourant)... Sarah ! Sarah ! mon amour !

 

Sarah - Mon chevalier ! Enfin je te retrouve... Moi aussi je suis venue t'accueillir. Comme je t'aime ! 

 

(Elle l'embrasse)

 

Johan des Baux. - Sarah !

 

L'Ange de l'Agonie - Pour ce qui est du Temple, je peux te dire qu'il n'est pas mort, que son esprit renaîtra un jour, dans dix ans, dans cent ans, dans mille ans peut-être, car tu le sais, mille ans ne sont qu'un jour pour le Seigneur... En vérité, il fallait qu'il en soit ainsi, il fallait que tout se passât ainsi. C'était écrit. Dieu le voulait... Que la paix du Seigneur  soit toujours avec toi... (l'Ange l'embrasse à son tour). A présent, suis-moi, viens avec nous.

 

Hugues de Pairaud. - Nous, tes amis templiers, nous sommes venus à ta rencontre, Johan des Baux... Le Seigneur soit avec toi !

 

Jacques de Molay. - Johan des Baux, mon brave filleul, le templier sans manteau, l'hospitalier de Saint Jean de Jérusalem... excommunié, condamné, lépreux, oublié de tous et mourant inconnu et sans gloire dans un cul-de-basse-fosse, tu as cependant bien mérité du Temple et de la Chevalerie. Chevalier accompli, tu es le dernier et le plus grand de tous les templiers !... Viens nous rejoindre dans les Alyscamps célestes. Dieu lui-même te rendra les honneurs dus à ton rang... avec l'armée des anges... avec l'armée des hospitaliers... et avec la grande armée des templiers dans leurs blancs manteaux...
(Tirant son épée et se mettant au garde-à-vous, en baisant la croix de son épée)
Par Saint Denis !

 

Hugues de Pairaud. - (Tirant à son tour son épée et rendant les honneurs.)
Montjoie !

 

Johan des Baux. - Père... je remets mon âme entre tes mains !

 

(Il expire entre les bras de Sarah et de L'Ange de l'Agonie, avec de part et d'autre les deux templiers lui rendant les honneurs).

(Rideaux)

 

                                FIN

 

Ci-dessous, ma reprise de Barbara :"Dis, quand reviendras-tu ?"

 

 

 Extrait de :"Théâtre, Les Templiers suivi de Le Beatnik" (Michel Teston, ISBN 2-9501967-6-4).

 

Bonne lecture de la tragédie complète, commencez par le début par ce lien :

 

http://teston.centerblog.net/rub-les-templiers-michel-teston-.htm

 

 

         Ma reprise de Barbara : "Dis, quand reviendras-tu?" 

 

                         

               

             

          

 

                         

Les templiers, tragédie michel teston

Les templiers, tragédie michel teston

 

                                     © Couverture de mon livre

 

 

Voici donc la suite et la fin de ma tragédie : "Les templiers" extraite de mon livre: "Théâtre Les Templiers suivi de : Le Beatnik" (Michel Teston, ISBN 2-9501967-6-4).

Je fais un petit cadeau à mes lecteurs car ils pourront ainsi lire gratuitement un livre que je n'ai tiré qu'à un très petit tirage... Mon rêve serait qu'un cinéaste shakespearien fasse de cette tragédie un film à grande mise en scène; quitte à réduire le texte et à ajouter, car on passerait dans un genre différent au cinéma,  quelques scènes médiévales spectaculaires et cinégéniques (cavalcades, duel ou tournoi, bûcher, châteaux, etc...)  J'aurais même mes idées là-dessus, mais tout ceci est une autre histoire... Les cinéastes peuvent me contacter s'ils le veulent. Je vous souhaite une bonne lecture.

            

          

 

 

               

 

ACTE 4

Scène 1

(Le Pape, Johan des Baux)

(Même décor qu'à l'acte 3, un genou à terre, Johan salue le Pape bien bas)

 

 


J.B. - Monseigneur le Pape, je suis le chevalier Johan des Baux, Officier de l'Etat-Major de l'Ordre de l'Hôpital de Saint Jean de Jérusalem, et filleul de Jacques de Molay, le Grand Maître de l'Ordre du Temple. J'ai souhaité vous voir car j'ai appris que les dignitaires templiers avaient été retenus auprès du roi et que leur situation était grave. Vous seul, votre Sainteté, pouvez les tirer de ce mauvais pas...

Le Pape - Ainsi donc, chevalier, vous êtes un hospitalier et vous venez me voir au nom des templiers et de Jacques de Molay dont vous êtes le filleul ? Etrange, en vérité ! Expliquez-moi ce paradoxe...

 

J.B. - Votre Sainteté n'ignore pas les bonnes relations qu'ont toujours eu l'Ordre du Temple et l'Ordre de l'Hôpital, quoiqu'on ait pu dire sur leur rivalité. En fait, nous nous considérons, surtout Outre-mer et dans les grandes circonstances, comme frères d'armes...

 

Le Pape - Vous savez que le Roi de France m'a parfois suggéré de réunir les deux ordres en un seul, et que votre parrain s'y est formellement opposé ?

 


J.B. - Je ne l'ignore pas en effet, votre Sainteté, d'autant plus que ma fonction au sein de mon ordre consiste précisément à rencontrer les frères du Temple et même parfois les frères des autres ordres militaires étrangers. Il se trouve justement qu je viens de voir le Grand Maître, mon parrain, Jacques de Molay, en compagnie du Grand Visiteur de l'Ordre des templiers, Hugues de Pairaud.

 

Le Pape - Alors vous savez quelle est la situation ?

 

J.B. - Oui, en effet, votre Sainteté... Nos frères templiers souhaitent que les hospitaliers les aident à régler leurs problèmes.

 

Le Pape - Et quels problèmes, chevalier ?

 

J.B. - Le Roi veut s'emparer des biens des templiers, votre Sainteté. Il souhaite même leur excommunication. En ces heures difficiles mes frères hospitaliers me chargent de plaider la cause des templiers. Je puis vous affirmer, votre Sainteté, que les templiers vous ont toujours été fidèles, malgré les embûches, et qu'ils le resteront quoiqu'il puisse arriver.

 

Le Pape - Mais je n'en doute pas.

 

J.B. - Ils vous demandent aussi de bien vouloir les soutenir  auprès du roi... Savez-vous, votre Sainteté, que la police du roi est en train d'arrêter en ce moment même tous les templiers du royaume ?

 

Le Pape - Ah ! oui ?  Et de qui le tenez-vous ?

 

J.B. - Je croyais vous l'avoir dit, votre Sainteté, de mon parrain et du Grand Visiteur, Hugues de Pairaud.

 

Le Pape - Mais voyons, c'est impossible ! Le Roi n'aurait tout de même pas osé ? Je viens de le voir à l'instant et il ne m'en a rien dit !

 

J.B. - Vous avez ma parole de chevalier !

 

Le Pape - C'est bon, c'est bon. Vous êtes le premier à me l'apprendre... mais après tout, ce n'est pas impossible. J'aurais même dû m'en douter. Ce Roi est un impie, il ne respecte rien ni personne, pas même les Papes. C'est lui qui mériterait d'être excommunié. Cherche-t-il un nouvel attentat d'Anagni ?

 

J.B. - Le Grand Maître vous supplie de raisonner le Roi  et de mettre un terme à cette escalade dans l'horreur digne de Julien l'Apostat.

 

Le Pape - Mais comment pourrais-je l'arrêter ? Je ne puis l'empêcher par la main militaire ! Il est plus fort que moi.

 

J.B. - Peut-être pourriez-vous l'excommunier, comme vous venez de le dire, votre Sainteté ?

 

Le Pape - Vous n'y pensez pas ! En tout cas, soyez sûr, chevalier, que je ne resterai pas sans rien faire. Ces manœuvres sont intolérables, en effet. Je vais m'expliquer avec lui... Mais vous disiez, chevalier Johan des Baux, que le Roi voulait s'emparer des biens du Temple ? A-t-il un plan à ce sujet ? La chose est-elle possible ? Croyez-vous que Jacques de Molay puisse lui livrer la clef de son trésor ? ... Il devait me remettre des papiers de la plus haute importance : êtes-vous au courant ?

 

J.B. - Heuh !... Oui, je crois...

 

Le Pape - Car naturellement je connaissais depuis des années les problèmes qu'il y avait entre le Roi et l'Ordre...

 

J.B. - Si votre Sainteté parle d'un inventaire des comptoirs de l'Ordre... je peux vous dire que Jacques de Molay n'a pas encore eu le temps de l'établir, d'après ce que m'a dit Hugues de Pairaud... Et cela demanderera d'autant plus de temps que les templiers sont maintenant prisonniers du Roi .


Le Pape - Si l'Ordre devait disparaître corps et âme, de par la volonté du Roi , ses biens reviendraient quand même au Pape, chevalier Johan des Baux, dites-le au Grand Maître, ou même au roi, si vous en avez l'occasion.

 

J.B. - Je n'y manquerai pas, votre Sainteté.

 

Le Pape - Je n'ai nullement l'intention d'abolir moi-même l'Ordre en bonne et due forme, mais par ailleurs, je ne saurais accepter que ses richesses tombent entre les mains du Roi de France.

 

J.B. - Certainement, votre Sainteté. Mais ne faudrait-il pas d'abord délivrer les templiers des griffes du Roi?

 

Le Pape - Je comprends bien votre réaction, chevalier, cependant avec cette affaire des templiers le pays est au bord de la guerre, que dis-je, le pays, la chrétienté toute entière, en Europe et Outre-Mer, est au bord de la guerre. Car les templiers, vous le savez bien, chevalier, sont partout dans le monde. On peut difficilement se passer d'eux... Les chrétiens sont toujours aussi menacés en Orient... J'envisage la possibilité d'une nouvelle croisade...  D'un autre côté, si le Roi s'empare des biens de l'Ordre ne sera-t-il pas capable de faire la guerre à toute l'Europe, voire même au Pape ? Sans parler des guerres civiles ?... Voyez-vous, chevalier, quand on est le Pape on doit penser à l'intérêt de la chrétienté, fût-ce au prix de quelque sacrifice... Les biens du Temple appartiennent au Pape...

 

J.B. - Est-ce à dire, votre Sainteté, que c'est la fin du Temple ? Allez-vous sacrifier le Temple ?

 

Le Pape - Je n'ai pas dit cela. Mais cette hypothèse ne doit pas être forcément exclue, vu la gravité de la situation. Il pourrait y aller du salut de la chrétienté.

 

J.B. - Mais votre Sainteté, d'un point de vue purement chrétien, en quoi les templiers ont-ils bien pu faillir ? Eux qui précisément ont toujours défendu la chrétienté au péril de leur vie ?

Le Pape - "O tempores, ô mores ! " Vous savez ce que disaient les Anciens, chevalier ? Les plus belles choses ont une fin. Dieu seul décide. Laissons faire la providence. Les voies du Seigneur sont impénétrables, disait Saint Augustin... Mais rassurez-vous, Johan des Baux, l' Ordre de l'Hôpital, pour sa part, n'a jamais été menacé par personne... Il pourrait même, vu sa rivalité bien connue avec le Temple, être le seul bénéficiaire de la chute du Temple... J'ai toujours pensé, comme le roi, qu'un seul ordre militaire à l'étranger suffirait pour la France... La richesse des Pauvres Chevaliers du Christ est devenue scandaleuse aux yeux du peuple, vous le savez.

 

J.B. - En définitive, votre Sainteté, puis-je être assuré que le Roi ne pourra que se plier devant les exigences du Pape ?

 

Le Pape - Dites aux templiers, si vous avez l'occasion de les voir dans leur prison, que je ferai pression sur le Roi afin qu'il les relâche, mais dites-leur surtout que le Pape ne permettra pas que les biens du Temple, qui sont les siens, tombent entre les mains du Roi , et qu'il leur réclame toujours et de toute urgence l'inventaire dont il leur a déjà parlé ! J'ajouterai même que, vu leur nouvelle situation, sans cet inventaire le Pape ne pourra plus rien faire pour eux.

 

J.B. - Risqueraient-ils alors le bûcher comme hérétiques, relaps et sodomites, selon la volonté du Roi et de Nogaret ? La Sainte Inquisition les soumettrait-elle à la question ?

 

Le Pape - Qu'ils livrent leurs biens au Pape ! ainsi sauveront-ils au moins leurs âmes à défaut de leurs corps! On ne peut servir deux maîtres à la fois, et leur maître c'est Dieu, dont je suis le représentant... Il va de soi que si les accusations du Roi étaient fondées, je ne pourrais pas leur éviter le bûcher... Je crois que je vous ai tout dit, chevalier Johan des Baux... A présent, je dois recevoir le Roi ... Vous pouvez disposer.

 

J.B. - (Saluant bien bas, un genou à terre) - Je suis votre très humble et très dévoué serviteur, votre Sainteté.

 

 

ACTE 4

Scène 2

 

(Le Pape, Nogaret et le Roi, le Pape reste seul un instant)

 


Nogaret - Votre Sainteté, sa Majesté le Roi et moi-même nous désirons reprendre nos entretiens.

 

Le Pape - Très bien, Nogaret, dites au Roi d'entrer, je l'attendais.

 

Nogaret (Près des coulisses) - Sire, le Pape vous attend !

 

Le Roi- (Présentations) - Votre Sainteté...

 

Le Pape - Eh bien ! Sire... Reprenons donc nos entretiens sur cette affaire des templiers...

 

Le Roi- Eh bien ! donc, Très Saint-Père, j'étais venu vous demander expressément l'excommunication des templiers, et je souhaitais avoir une réponse ici même...

 

Le Pape - Sire, pour ce qui est de l'excommunication je vous répondrai tout de suite qu'après l'étude de toutes les minutes du dossier, mon conseil et moi-même n'avons pas cru bon de retenir votre proposition.

 


Le Roi- Et comment cela se peut-il donc ? Je rappellerais simplement à votre Sainteté que c'est par la faute des templiers que le peuple est au bord de la révolte et même de la guerre...

 

Nogaret - Votre Sainteté penserait-elle que les accusations selon lesquelles les templiers sont hérétiques, relapses, sodomites et idolâtres sont fausses ?

 

Le Pape - Nous n'avons pas été pleinement convaincus par ces accusations ; nous pensons même qu'elles ne sont que pures calomnies, sciemment organisées...

 

Nogaret - Votre Sainteté mettrait-elle en doute la police et la  justice du Roi?

 

Le Pape - Je n'ai pas dit cela, Nogaret, mais le dossier que vous avez réuni, si intéressant soit-il, ne nous semble pas constituer une accusation suffisante quant à l'excommunication des templiers.

 

Nogaret - Ça alors !

 

Le Pape - Mais nous comprenons fort bien les réticences de sa Majesté, en ce qui concerne les risques de guerres et de soulèvement populaires.

 

Le Roi - Si vous ne les excommuniez pas, alors, que propose votre  Sainteté ?

 

Le Pape - Je vais vous le dire, mais il est d'abord un point que je souhaite éclaircir... Sire, je me suis laissé dire que la  police du Roi , ou si vous préférez, le chevalier Nogaret ici présent, souhaitait s'emparer de l'argent des templiers afin de renflouer le trésor royal, qui,  comme chacun sait,  est par trop  vide.

 

Nogaret - Pures calomnies, votre Sainteté ! 

 

Le Roi - Nous n'ignorons pas la richesse du Temple, et nous croyions avoir été clairs tantôt, en laissant entendre que c'était bien par leurs richesses que les templiers risquaient d'enflammer à leur profit toute la chrétienté !

 

Le Pape - Certes, certes...

 

Le Roi - C'est pourquoi nous pensons, sans vouloir nous emparer des biens des templiers, qu'il faut porter un coup décisif à leur  ambition dévorante... Savez-vous qu'aujourd'hui encore, ils ne cessent d'acheter des terres et d'agrandir leurs domaines ? Aujourd'hui encore, les bourgeois et les nobles les plus riches ne cessent de leur faire des dons, pour sauver leur âme, alors qu'il n'y a même pas de croisade en vue ! C'est inadmissible !... Si votre Sainteté excommunie les templiers, plus personne ne leur donnera des biens et des richesses pour gagner le paradis. Car  enfin, le paradis s'acquiert-il par la richesse?  Le voeu de pauvreté des templiers, est-il oui ou non respecté ? L'évangile, comme me le rappelait Nogaret, est-il oui ou non pour la pauvreté et contre la richesse ?

 

Le Pape - Il s'agit de l'esprit de pauvreté, Sire, de l'esprit seulement ! Ne confondez pas tout. S'il ne s'agissait pas de l'esprit de pauvreté, nous irions tous au paradis droit comme une faucille !

 

Le Roi - J'entends bien, néanmoins les templiers menacent la paix de la chrétienté et du monde par la puissance de leur argent !

 

Le Pape - C'est vrai, c'est vrai, nous sommes les premiers à le reconnaître et nous allons mettre un terme à tout cela.

 

Nogaret - A la bonne heure !

 

Le Pape - Néanmoins nous tenons à rappeler au Roi Philippe ici présent que les templiers sont directement sous nos ordres. C'est donc finalement une affaire intérieure à l'Eglise !

 

Le Roi - Nous n'en doutons pas, et si nous sommes intervenus c'est simplement parce que cette affaire, de par son importance, débordait sur les affaires du royaume, et par ailleurs, nous avons sans doute plus que vous les moyens de mettre un terme aux activités néfastes de cet état dans l'état que constitue le Temple.

 

Le Pape - Roi Philippe, nous n'ignorons pas la force et la puissance temporelles de vos armées et nous espérons bien ne jamais avoir à nous mesurer à elles. Néanmoins, vous m'avez semblé intéressé par le trésor des templiers. Je serai clair, net et précis à ce sujet : le trésor des templiers nous appartient, et l'Eglise en disposera quoiqu'il puisse arriver...

 

Nogaret - Je me permets de rappeler à votre Sainteté que ce trésor n'existe pas, c'est un mythe, ou alors, s'il existe, les templiers sont bien les seuls à savoir où il est exactement.

 

Le Pape - Peu importe ! Je voulais simplement rappeler au roi que même si cela lui venait à l'idée il n'aurait pas le droit de s'emparer de ce trésor, et si cela était, il devrait nous le reverser...

 

Le Roi - Dieu m'est témoin que je ne souhaite pas m'emparer du prétendu trésor des templiers...

 

Le Pape - Je préfère vous l'entendre dire.

 

Le Roi - Nous ne pourrions envisager de nous emparer de ce trésor que pour le bonheur du peuple qui souffre de la disette. Car nous voulons seulement la paix dans le royaume et nous voulons simplement châtier ceux qui la mettent en péril.

 

Le Pape - Bien ! Je crois que vous m'avez compris. Que les choses soient claires... De notre côté, nous ne ferons rien qui puisse attiser la guerre ici ou là dans le royaume de France ou dans l'ensemble de la chrétienté... En conséquence, nous proposons l'abolition de l'Ordre du Temple. Cette mesure, je pense, mettra d'accord le Roi de France et le Pape, et nous éviterons ainsi toute forme de scandale pouvant rejaillir sur l'Eglise.

 


Le Roi - L'abolition de l'Ordre du Temple ?

 

Nogaret - Vous avez bien dit l'abolition ? Personne n'y aurait pensé. Nous demandions plutôt l'excommunication!

 

Le Pape - J'ai dit abolition et non pas excommunication !

 

Le Roi - Mais cette abolition, est-elle déjà décidée ?

 

Le Pape - Non ! nous attendrons le temps qu'il faudra. Peut-être simplement le temps de modérer l'ardeur des tourmenteurs du Roi .

 

Nogaret - Les tourmenteurs du Roi ? Et que dire, votre Sainteté, des tourmenteurs de la Sainte Inquisition ?

 

Le Pape - La Sainte Inquisition ne saurait en aucun cas être comparée à une quelconque police du siècle. Souvenez-vous, chevalier Nogaret, de la parole de l' Evangile :  "Rendez à César ce qui est à César et à Dieu ce qui est à Dieu." La Sainte Inquisition, c'est notre affaire à nous, hommes de l'Eglise.

 

Le Roi - Soit, votre Sainteté, nous nous en remettrons à votre jugement.

 

Le Pape - Bien ! A présent, j'ai souhaité une rencontre contradictoire avec le Grand Maître, Jacques de Molay, et le Grand Visiteur, Hugues de Pairaud, vos prisonniers.

 

Le Roi - Nous souhaitions aussi cette confrontation générale, et c'est même pour cela que nous avons retenu ces dignitaires du Temple auprès de nous.

 

Le Pape - Veuillez m'excuser, je vais moi-même leur dire de venir en compagnie de quelqu'un d'autre que je souhaite voir ici avec nous...

 

Le Roi - Entendu ! Vos désirs sont des ordres, votre Sainteté.

 

 

 
ACTE 4

Scène 3

 

(Le Roi , Nogaret)

 


Nogaret - Sire, vous l'avez entendu ? Le Pape revendique pour lui le trésor du Temple ! Que veut-il donc faire de ses biens ? Jusques ici je croyais que c'était la Couronne et le temporel qui avaient besoin d'argent, et non pas l'Eglise et le spirituel !

 

Le Roi - Soyez sûr, Nogaret, que nous ne nous laisserons pas faire, même si le Pape se méfie de nous. Cette nuit même conformément à notre plan, tous les templiers du royaume seront arrêtés, et non pas seulement ceux de Paris. Qu'on mette enfin la main sur leur trésor !... Vous avez bien fait de dire que ce trésor n'existait pas... Nous pourrons ainsi en disposer plus facilement sans avoir de comptes à rendre au Pape.

 

Nogaret - Je suis à vos ordres, Sire ! Mais pourquoi, par ailleurs, le Pape refuse-t-il d'excommunier les templiers et parle-t-il seulement d'abolir l'Ordre du Temple ? L'abolition ne me semble pas suffisante car ainsi les templiers seraient disculpés, ils s'en tireraient avec les honneurs, il n'y aurait plus de scandale et on ne pourrait plus s'emparer de leurs biens avec l'assentiment du peuple.

 

Le Roi - Le Pape veut faire pression sur nous, en effet, et exercer une sorte de chantage... Si nous faisons mine de nous emparer du trésor du Temple, il fera tout ce qu'il pourra pour nous couper l'herbe sous les pieds. Il est clair désormais qu'il veut le trésor pour lui seul. Ce Pape est un ambitieux. Je n'aurais jamais dû le faire élire.

 

Nogaret - Alors que faire ?... Envisager un accident... comme à Anagni ?...

 

Le Roi - Je vous l'ai dit, Nogaret, il faut prendre le Pape de vitesse. Il faut que cette nuit même le trésor du Temple tombe entre nos mains. Le Pape sera ainsi mis devant le fait accompli et nous n'aurons même pas besoin de l'intimider comme à Agnani. D'ailleurs tout est prêt, je crois, pour l'opération ? Il ne nous reste plus qu'à attendre et au besoin à gagner du temps.

 

Nogaret - Oui, tout est en cours, Sire, et tout sera fait selon votre bon plaisir. J'ajoute que le secret le plus total sera gardé en ce qui concerne l'argent que nous trouverons... Si vous le désirez, je peux partir tout de suite d'ici afin de mieux diligenter les ordres ?

 

Le Roi - Attendez, Nogaret, n'en faites rien, restez avec moi pour cette confrontation avec les templiers. Ce Bertrand de Got semble avoir plus d'un tour dans son sac. Je crains qu'il nous réserve encore quelque surprise. Voyons voir ce qu'il va nous nous dire et aussi ce que vont nous dire ces templiers au sujet de leur trésor. Cela pourrait encore modifier notre plan.

 

Nogaret - Sire, croyez-vous que les templiers aient déjà livré le secret de leur trésor au Pape ?

 

Le Roi - Je n'en sais strictement rien. Nogaret, et  d'ailleurs c'est bien ce que je voudrais savoir. Ces diaboliques templiers ne sont-ils pas capables de se méfier du Pape autant que de nous-mêmes ?... nous allons bien voir...

 

Nogaret - (A voix basse) Les voici qui arrivent, Sire !

 

 

 


Acte 4


Scène 4

(Le Pape, le Roi , Nogaret, J. de Molay, H. de Pairaud, J. des Baux)

 


Le Pape - Sire, voici avec moi le Grand Maître et le Grand Visiteur du Temple, et, à ma demande, voici le chevalier Johan des Baux, de l'Ordre de Saint Jean de Jérusalem, que nous avons mandé en sa qualité d'hospitalier et de filleul de Jacques de Molay.

 

Nogaret - Nous connaissons déjà l'hospitalier Johan des Baux. Mais nous aurions pu nous passer d'un filleul du Grand Maître du Temple !

 

Le Roi - Peu importe ! venons-en tout de suite aux faits !

 

Le Pape - Messires les templiers, je ne m'étendrai pas sur tous les crimes dont vous accuse le peuple, tels que la sodomie, l'idolâtrie, les crachats sur le crucifix, etc. Je me contenterai simplement de vous demander si oui ou non vous vous considérez comme des hérétiques ?

 

J.M. - Quelle question ! Assurément pas, votre Sainteté. Nous ne comprenons même pas de quoi on nous accuse, ni en quoi nous pourrions être des hérétiques !

 

H.P. - Ce ne sont là que calomnies, que machinations, complots et pures jalousies envers notre Ordre, votre Sainteté ! Le Temple n'a jamais manqué d'ennemis et à vrai dire, nous sommes habitués à pourfendre les Infidèles dans les terres lointaines. La seule différence peut-être, c'est que cette fois l'ennemi semble "intra muros"... Comme le dit si bien l'Evangile, l'ennemi de l'homme est dans sa maison !

 

Le Roi - Blasphèmes !

 

Nogaret - Vous prendriez-vous pour Dieu, et serions-nous Satan, messire de Pairaud ?... Quelle arrogance, messeigneurs !

 

Le Pape - Je puis concevoir, messires, que vous-même vous n'ayez jamais osé penser être des hérétiques, mais si nous sommes ici, ainsi que sa Majesté le Roi , c'est bien parce que le peuple vous accuse ! Et le scandale est tel, dans toute la chrétienté, que nous avons été obligés d'intervenir.

 

J.M. - Comment ? On dit que le peuple nous accuse, votre Sainteté ? Mais le peuple ne nous a jamais accusé ! Tout au plus s'agit-il de quelques calomnies colportées sciemment par la soldatesque... Quelques policiers, quelques conspirateurs sans doute qui veulent faire basculer l'opinion du peuple contre nous !...

 

H.P. - Je puis vous assurer, votre Sainteté, que nos huit mille commanderies ont dans les provinces les rapports les plus cordiaux avec le peuple, d'autant plus que selon les préceptes de notre Seigneur, il est de notre devoir d'accueillir les pauvres et les publicains.

Nogaret - Et aussi les prostituées ?

H.P. - Même les prostituées, messire Nogaret, et toujours selon l'exemple de Notre Seigneur Jésus-Christ !

Le Roi - C'est vous qui conspirez contre l'état, qui fomentez des guerres et des révoltes ! C'est sous votre instigation que le peuple de Paris se soulève !... Et n'accueillez-vous pas aussi des pestiférés, des lépreux et des juifs, ceux-là mêmes qui ont crucifié Notre Seigneur ? Ceux-là mêmes qui contaminent nos puits et qui sont responsables de la disette ? J'ai pris des dispositions afin que les juifs que vous protégez soient livrés eux aussi à la Sainte Inquisition. Quant aux femmes juives qui ont commercé avec les templiers, elles seront tondues, lapidées et brûlées vives comme sorcières !

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Le Pape - Sire, vous savez bien qu'une vieille loi octroie deux juifs à tout chevalier ! Les templiers étant des chevaliers, il n'est donc pas étonnant qu'ils aient des juifs sous leur protection !

Le Roi - Je ne le sais que trop, Saint-Père, et cela ne m'étonne pas de la part d'un Pape qui a recueilli en Provence tous les juifs du royaume !

Le Pape - Laissons cela, je vous prie, car ce n'est pas pour cette raison que les templiers sont ici...

J.M. - En vérité, votre Sainteté, je crois qu'on veut faire aux templiers ce qu'on a déjà fait aux prêteurs juifs et lombards : leur voler tout simplement leur argent !

Nogaret - Quelles sont ces insinuations perfides ? Oseriez-vous accuser votre Roi ?

 

H.P. Votre Sainteté, notre Grand Maître fait allusion, je crois, aux 200 000 florins et aux 500 000 francs que le Temple a prêtés au Roi , et que le Roi n'a toujours pas rendus.

Nogaret - Le Roi ne rendra rien ! Votre cadeau était empoisonné puisque l'argent du Roi a perdu de sa valeur et que cela a entraîné des émeutes populaires ! Nous ne cesserons de répéter que ce sont les activités financières illégales du Temple qui engendrent des guerres civiles ! Il est temps de mettre un terme aux activités des templiers !

Le Roi- Et j'ajouterai qu'il n'est pas normal que le Temple échappe à la dîme royale, qu'il exerce sa propre justice et dispose d'une milice armée de 30 000 hommes "par la grâce de Dieu", comme disent ces mécréants...

Le Pape - L'argent du Temple nous appartient à nous, Successeur de Saint Pierre et Représentant de Dieu sur la terre, et nous en ferons ce que bon nous plaira...

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Le Roi- Pape Bertrand de Got, je vous rappelle que c'est moi qui vous ai fait élire à Lyon et que vous m'aviez juré sur l'hostie de remplir le programme en six points qui était le mien ! Le Pape - Je sais, Roi Philippe, et d'ailleurs je m'y suis tenu : j'ai réglé tous les litiges passés que vous aviez eus avec mon prédécesseur, Boniface VIII. Je ne vous dois plus rien. D'ailleurs, mon élection, je la dois à Dieu. Un pape n'a pas de comptes à rendre à un roi !

Le Roi - Dans mon programme, il y avait pourtant un sixième point que j'attends toujours !...

Nogaret - Je me permets de rappeler à votre Sainteté qu'il est inexact de dire qu'elle ne doit plus rien au Roi de France, car, pour commencer, elle lui doit la vie, après Dieu, bien sûr... je suis bien placé pour le savoir...

J.B. - Halte-là ! chevalier ! Quelles sont ces insinuations ? Quant à moi je dirai que nul, pas même les princes de ce monde, ne sont au-dessus de notre Saint-Père, le Pape, ici présent... Si sa Sainteté le permet je me ferais son champion sur le champ et je défierais à l'épée, selon le jugement de Dieu et en vertu des règles de la chevalerie, quiconque l'offensera !   

 

 

(Voir la suite et la fin sur l'autre page de ce blog)

 

 

 

Ci-dessous ma reprise du Pénitencier  de Johnny. Bonne écoute, si vous le voulez bien.           

                                                                                                 

                                                                       

                                         

                                                                                                                                                

Les templiers, tragédie michel teston

Les templiers, tragédie michel teston

 

Les  Templiers (suite) Acte III

 

Voici la suite de ma tragédie, l'Acte III dans son entier, soit deux scènes seulement pour cet acte.

 

 


ACTE 3

 

Scène 1

(Hugues de Pairaud, Johan des Baux)

(L'action se passe à nouveau dans un souterrain, on frappe à la porte)

 

 


Hugues de Pairaud - Sire Johan ?

 

Johan des Baux - Hugues de Pairaud ! Quel bon vent t'emmène, toi que j'ai vu tantôt ?

 

H.P.- Cher frère, je te prie d'excuser cette visite nocturne et inattendue.

 

J.B. - Je ne t'attendais pas en effet, frère Hugues.

 

H.P.- C'est une chance que tu sois encore là... Dieu nous protège !

 

J.B. - J'ai pris quelque retard, mais je vais partir comme prévu pour la Provence avec les chariots... J'ai chevauché toute la journée, allant d'un château à l'autre. Je me sens rompu de fatigue, mais tout s'est bien passé. A présent, les chariots sont ici, et ils emportent avec eux l'honneur et l'argent du Temple.

 

H.P. - Bravo ! mon cher Johan. Tu es ce soir l'homme le plus puissant du Temple. Nous sommes contents de toi, mais Dieu sait s'il était temps ! Les événements se précipitent. Tout à l'heure, avec Jacques de Molay, j'ai vu le Roi . Il était fou de rage contre nous. Cette fois, la menace est plus que sûre : il veut nous faire excommunier puis s'emparer de notre trésor et de tous nos biens.


J.B. - Ainsi donc, le Roi nous trahit ? Cela est-il possible, mon Dieu ? Que lui avons-nous donc fait?

 

H.P. - Notre vie elle-même est en grand danger. Le Roi a juré notre perte. Jacques de Molay et moi-même avons été retenus auprès du Roi qui doit rencontrer le Pape. J'ai pu m'échapper un instant de ce qui n'est pas encore une prison. Le Grand Maître est resté. Je crains moi-même d'être aussi retenu tout à l'heure, après la confrontation avec le Pape. Nous redoutons un coup de filet sans précédent contre tous nos frères résidant dans le royaume de France. Mon cher Johan, tu me vois peut-être pour la dernière fois... S'il nous arrivait malheur au Grand Maître, à moi-même et à tous les frères de l'Ordre, considère-toi alors comme le Grand Maître de l'Ordre dans la clandestinité...

 

J.B. - Dieu, est-ce possible ? L'heure est-elle si grave ?

 

H.P. - Dans les jours qui viennent, les mois, les années peut-être, cache toujours ta qualité de Grand Maître occulte, surtout au Roi de France, notre pire ennemi. Quoiqu'il arrive, le Temple survivra, le Temple triomphera. Notre dernier espoir à présent, c'est le Pape. Et pourtant, nous avons pu douter même de lui ces dernières années...

 

J.B. - Que peut faire le Pape ?

 

H.P. - Dissuader le roi.

 

J.B. Et si le Roi passe outre ?

 

H.P. - Si le Roi n'écoute pas le Pape ?... Tu as raison, Johan, de poser une telle question, car c'est bien possible. Sa Sainteté le Pape réclame justement la liste de tous nos comptoirs en France et à l'étranger, et veut savoir de combien d'argent le Temple dispose et où se trouve cet argent.

 

J.B. - Le Pape a-t-il besoin de notre argent ?

 

H.P. - Nous n'en savons rien, mais il est le Pape, et l'Ordre tout entier lui doit obéissance.

 

J.B. - N'est-ce pas le Roi qui a désigné le Pape ?

 

H.P. - Peu importe ! Bertrand de Goth était déjà cardinal... Je venais justement te dire d'aller intercéder pour nous auprès du Pape en lui remettant l'inventaire qu'il réclame ainsi que la liste de tous nos comptoirs en France et dans le monde. Tout cela se trouve dans le coffre principal qui se trouve dans un de tes chariots.

 

J.B. - Dois-je décliner ma véritable identité et dire au Pape que je suis à présent le véritable Grand Maître de l'Ordre ?

 

H.P. - Fais comme tu voudras, agis en ton âme et conscience... Tu le devrais s'il te le demandait, mais peut-être vaut-il mieux attendre quelque temps afin de mieux connaître ses intentions... Depuis que nos frères templiers sont tourmentés par la Sainte Inquisition, nous nous demandons si le Pape lui-même n'est pas l'antéchrist... Peut-être vaut-il mieux attendre le dernier moment, car Jacques de Molay est toujours vivant, que je sache. Il est encore le Grand Maître officiel. Toi tu n'es que le Grand Maître occulte. Tu n'aurais les pleins pouvoirs que si le Grand Maître et moi-même disparaissions soudainement, ou si on nous empêchait d'exercer nos fonctions, ce qui pourrait bien être le cas. Moi-même, je suis aussi menacé que lui. Mais pour l'heure, rien n'est encore vraiment changé. Il ne s'agit pour nous que de nous préparer au pire.

 

J.B. - Dieu vous garde, toi et le Grand Maître !

 

H.P. - Réflexion faite, je pense qu'il vaut mieux que tu gardes l'anonymat, même devant le Pape, et que tu poursuives ta mission de sauvegarde des biens les plus précieux du Temple. Il sera toujours temps pour toi de lui révéler ton rôle par la suite. En attendant, il faut te préparer à intervenir discrètement auprès du Roi et du Pape dans les jours qui viennent.

 

J.B. - Dans quel but ?

 

H.P. - Sache que de toutes façons un Grand Maître est toujours appelé à intervenir d'une manière ou d'une autre auprès du Roi ou du Saint-Père, le Pape. Mais pour toi, vu les événements, il te faudra agir dans le secret, comme en Orient où tu as déjà été. Ta fonction perdrait tout son sens si on savait quel est ton rôle exact. Sois prudent comme le serpent... Je te remets ma propre clef et mon mot de passe : "Dieu le veut". (Il enlève une médaille autour de son cou et la donne à Johan)... Ainsi, pour ta mission en Provence, tu as quasiment tous les pouvoirs du Temple. A ton retour, nous aviserons... s'il plaît à Dieu.

 

J.B. - Rien de changé en ce qui concerne les chariots ?

 

H.P. - Non.

 

J.B. - Et le reste ?

 

H.P. - Comment pourrais-je te donner des consignes relatives à des événements imprévisibles ? Je te le répète : tu agiras en ton âme et conscience en sachant que tu représentes le Temple. Va voir le Pape si c'est nécessaire, va voir le Roi ou les autres frères du Temple, abstiens-toi s'il le faut.

 

J.B. - Quelle drôle de mission on me confie là ? Pourrai-je longtemps agir seul, pourrai-je longtemps garder seul de tels secrets ?

 

H.P. - Si le secret devient trop lourd, si le provisoire dure trop longtemps, initie un ou plusieurs de nos frères ; par exemple, nomme un Grand Visiteur clandestin pour me remplacer. L'important, vois-tu, c'est de sauver l'Ordre du Temple, c'est de sauver tous nos frères qui risquent d'avoir des ennuis, et pour cela il faut qu'il y ait un chef, même dans la défaite, un chef, quoiqu'il arrive, un cerveau, une tête pensante, et ce chef en vérité, ce sera toi, puisqu'il nous arrive malheur, toi, un hospitalier !

 

J.B. - C'est trop d'honneur pour moi, la charge risque d'être trop lourde.

 


H.P. - Accepte cet honneur avec humilité car c'est le destin qui l'a voulu, que dis-je le destin, c'est Dieu qui l'a voulu. Sois-en fier... A présent, il faut que je m'en aille... Je ne te cache pas que je suis inquiet. Au revoir, mon cher Johan, adieu, peut-être...

 

J.B. - Non pas adieu, messire Hugues, au revoir. Rien n'est perdu, que diable !

 

H.P. -  Dieu soit avec toi, Johan, templier de la dernière heure !

 

J.B. - Et avec toi aussi, frère Hugues !

 

(Ils se font l'accolade. Hugues de Pairaud s'en va. Sarah entre un peu après)

 

 

 

 

ACTE 3

Scène 2

 

(Johan des Baux, Sarah)

 

(Elle entre sans frapper, affolée)

 

 

 


Sarah - Johan, Johan, qui est ce templier qui était avec toi ?

 

Johan des Baux - Quel templier ?

 

S. - Je l'ai vu sortir. Que faisait-il ici en pleine nuit ?

 

J.B. - C'était un ami.

 

S. - Tu ne veux pas me dire qui c'était ?

 

J.B. - Qu'est-ce que ça peut te faire ?

 

S. - Johan, tu me caches des choses ! Comme tu es mystérieux ! Tu me trompes ! Tu mènes une double vie !

 

J.B. - Et toi, Sarah, ne mènes-tu pas une double vie ? Que faisais-tu chez moi, à Paris, depuis que le Roi a fait arrêter tous les juifs du Languedoc pour leur prendre leur argent ? Ne mènes-tu pas une vie cachée, toi aussi ? Ne m'as-tu pas suivi à Paris, n'avouant jamais ton nom ni ta condition, te faisant même passer parfois pour ma propre sœur, Alix des Baux ? Dieu ait son âme !

 


S. - Je voudrais savoir, Johan, je ne veux pas que tu suives cet homme et que tu m'abandonnes.

 

(Ils s'embrassent. Elle prend un genre de jeu de tarot du XIVe siècle)

 

J.B. - Comment pourrais-je t'abandonner ? Je ne te trahirais jamais, moi, même si l'époque est à la félonie.

 

S. - Alors, que faisait ce templier ?

 

J.B. - Ne sais-tu pas que la prévôté et la police tourmentent les templiers aussi bien que les juifs ? Cet homme a des ennuis et je l'aide, comme toi.

 

S. - Il est poursuivi par les tourmenteurs de la prévôté ? Je veux savoir ce qu'il fait ici !

 

J.B. - Puisque tu insistes, je vais te le dire... mais promets-moi de garder le secret, si tu ne veux pas que je t'abandonne ?

 

S. - Promis, juré !

 

J.B. - A la vie, à la mort ?

 

S. - Je te le jure !

 

J.B. - Il faut que tu saches qu'on vient de me confier une mission importante...

 

S. - Toi aussi, tu es poursuivi ? Mais que vais-je devenir ?

 

J.B. - Mais non ! ne t'inquiète pas... Nous allons redescendre en Provence... Tu viendras avec moi... C'est une mission très importante, je te dis, mais je ne peux pas t'en dire plus, ce serait trop dangereux. Je te demande simplement de me croire quand je te dis que je sens soudain comme un poids terrible sur mes épaules... Je suis comme un Atlas qui doit porter le monde dans ses mains.

 

S. - Le monde dans ses mains ?

 

J.B. - Oui, le monde, ou presque. Notre vie est bien peu de chose en vérité, face au destin de l'univers.

 

S. - Je ne sais pas ce que tu as à faire, mais moi je suis là, Johan, et je suis ton amie. Dis-moi ce qui ne va pas.

 

J.B. - Je voudrais bien, mais je ne peux pas, et pourtant, je t'aime plus que n'importe qui... C'est une question d'honneur... Vous comprenez ça, vous, les femmes ? C'est encore plus important que le massacre des templiers et des hospitaliers à Saint-Jean d'Acre... C'est une question d'honneur, de droit, de vérité, de justice. Un problème entre Dieu et moi, entre Dieu et les hommes. Il faudrait quand même savoir si la chevalerie est aux ordres de Dieu ou si elle est aux ordres de Satan... Mais de quoi je parle ? Tu ne peux pas comprendre, c'est une affaire d'hommes. Tout ce que je peux te dire, c'est qu'il faut que j'aille voir le Pape lui-même.

 

S. - Ah ! c'était donc ça ? Ce templier t'a demandé d'aller voir le Pape, et ça t'ennuie... Je comprends.

 

J.B. - (songeur) Une question de vie ou de mort...

 

S. - Vraiment ?

 

J.B. - Mais ne t'inquiète pas, Sarah, ça ne te concerne pas... Quant à toi, je t'aime et je ne veux pas perdre ton amour.

 

S. - Moi non plus je ne t'abandonnerai pas, Johan. Mais ce pape, je le déteste autant que le Roi .

 

J.B. - Comment ça ? Tu n'aimes ni le Pape ni le Roi ? Quelle étrange créature qu'une femme juive, en vérité !

 

S. - Ils persécutent les juifs autant l'un que l'autre. Le Roi  nous pourchasse et le Pape nous traite comme des esclaves nous obligeant à porter le "pétassou". Ils ne sont bons qu'à nous tourmenter et à nous soumettre à la question !

 

J.B. - Belle sorcière juive, c'est vrai que tu n'as pas les mêmes raisons que moi de servir le Pape et le Roi ! Et pourtant, je t'aime, quelle étrange chose que l'amour !

 

S. - Ils sont méchants tous les deux ! Ils ont tourmenté mon père et mes amis. S'ils m'attrapent, ils me tortureront et ils me brûleront sur un bûcher...

 

J.B. - Non ! pas ça, Sarah ! Ne dis pas de bêtises. Et d'abord je suis là, je te protégerai. Tu es ma juive à moi qui suis chevalier et on n'a pas le droit de te toucher !

 

S. - Pourras-tu me défendre contre le Pape et contre le Roi ... Les papes et les rois ont-ils jamais été des traîtres ?

 

J.B. - Et comment ! ils le sont tous !

 Le plus dur serait s'il fallait jouer le Pape contre le Roi...

 

S. - N'aie confiance ni en l'un ni en l'autre, Johan. Si un jour ils s'aperçoivent que tu as une sorcière juive comme amie et que tu fais de l'alchimie avec elle, ils te condamneront toi aussi.

 

J.B. - Moi, un chevalier ? Brûler un chevalier ? Ce serait contraire au droit canon ! On n'a jamais vu ça ! S'il doit mourir, un chevalier meurt en combat singulier selon le jugement de Dieu, les armes à la main !

 

S.- Elle est belle de nos jours, la chevalerie, avec le Roi  Philippe et le chevalier Nogaret !

 

J.B. - Après tout tu as peut-être raison, Sarah. Nos frères templiers en savent quelque chose ! "Soyez prudent comme le serpent !" C'est la Bible qui le dit.

 

S. - Johan, j'ai peur, et autant pour toi que pour moi... J'ai vu dans mes tarots qu'il allait arriver un malheur... Ton templier aussi m'a fait peur. La mort marchait à ses côtés... J'ai comme un pressentiment. Ne va pas voir ton Pape. N'écoute pas ce templier, même si c'est ton ami. C'est dangereux. Cela ne me dit rien qui vaille.

 

J.B. - Aurais-tu vu quelque chose, toi qui as le don de prophétie ?

 

S. - J'ai vu la mort rôder autour de son manteau. Cet homme était suivi d'une légion de fantômes qui criaient : "Vengeance !..." Je sens que ces fantômes rôdent aussi autour de toi... Que se passe-t-il donc ? Est-on à la veille d'une guerre ? Est-ce l'Armageddon ? Les temps de la fin ?... Tire une carte de mon tarot. (Johan tire une carte) C'est l'Innommable ! Johan, n'écoute pas ce que t'a dit ce templier, ne va pas voir le Pape ! Quelque chose de terrible se prépare !

 

J.B. - Je ne crois pas à tes cartes, Sarah, et de toutes façons je n'ai pas le choix. J'ai déjà donné ma parole de chevalier. J'irai donc voir le Pape, quoiqu'il puisse arriver.

 

S. - Alors c'est la mort, la mort pour nous deux, et bien d'autres encore... Johan, je t'en conjure, ne va pas voir le Pape... Fais-le pour moi, si tu m'aimes, ne me pousse pas sur le bûcher.

 

(Elle éclate en sanglots ; il la prend dans ses bras)

 

J.B. - Ne crois pas à tes cartes : tu te trompes toujours, et ne crains rien, ma belle Sarah... Même si je vais voir le Pape, cela n'a rien à voir avec toi. Ne t'inquiète pas... Demain nous retournerons en Provence. Tu vivras comme une princesse dans mon château des Baux, je retourne dans mon ancienne commanderie.

 

S. - Nous retournerons en Provence demain ?

 

J.B. - Oui, au pays des olives, des cyprès, de la vigne, comme en Terre Sainte. Je te mènerai aux Saintes-Maries-de-la-mer, en Avignon et à Aigues Mortes d'où sont partis les croisés comme mon pauvre père templier pour défendre Saint-Jean d'Acre.

 

S.- Nous irons nous baigner aux Saintes-Maries-de-la-Mer ?

 

J.B. - Oui, à l'endroit même ou échoua sainte Marie-Madeleine, avec ses amis juifs dont tu descends.

 

S. - Alors, retournons en Provence, même si c'est pour y mourir. Paris ne me plaît pas, on n'y voit partout que la prévôté et les gens d'armes du Roi et de Nogaret. On y vit dans la peur. Je préfère le soleil de la Provence et les oiseaux des champs...

 

J.B. - Ma belle Sarah ! (Il l'embrasse) Il est tard, allons nous coucher. Demain nous nous lèverons tôt. Allons, viens, mon amie...

 

S. - J'ai peur, Johan... Ne me quitte pas !

 

(Ils s'embrassent. - Rideaux)

 

 

 

 (Suite  page de ce blog).

 

 

 

Ci-dessous, ma reprise de "L'encre de tes yeux" de Francis Cabrel. Bonne lecture, bonne écoute.   

   

les templiers,tragédie michel teston

les templiers,tragédie michel teston

 

    © Quatrième de couverture de mon livre: "Théâtre: les templiers (tragédie) le beatnik (comédie)

(Michel Teston). Dessin de l'auteur d'après une vieille gravure.

 

 

 

       

ACTE  2

 

Scène 1

( le Roi et Nogaret)

    

(Ils jouent aux échecs. L'action se passe dans la résidence du pape et de sa suite et dans la salle où doivent avoir lieu les entretiens).

 

Le Roi - Le Pape est en retard à notre rendez-vous. J'espère qu'il ne va plus tarder maintenant... Echec au Roi! échec au Roi! Voyons, Nogaret, comment cela pourrait-il être possible ?

 

Nogaret - Excusez-moi, Majesté, j'avais mal joué.
(Il remet son pion à sa place et il rejoue autrement).

 

Le Roi - Par Saint Louis, mon aïeul, un Roi doit gouverner ses sujets et TOUS ses sujets ! Comment pourrait-il y avoir un état dans l'état ? Entre nous, je vous préviens, Nogaret : non seulement je veux faire excommunier le Temple, mais je veux aussi tout son or, et tout de suite ! Nous n'avons que trop attendu et le Pape lui-même finit par me lasser. Quant aux templiers, ils sont un peu trop bien organisés, à mon goût, avec leurs réseaux d'espions. Si nous n'agissons pas tout de suite, ils vont finir par deviner nos intentions et leur trésor va nous échapper !... Le peuple gronde. La moindre étincelle pourrait tout enflammer. La France est exsangue et affamée. C'est la disette. Partout des épidémies de lèpre et de peste...

Nogaret - N'exagérons pas, Sire, grâce à votre Majesté la France est devenue le pays le plus riche et le plus puissant du monde ! Le peuple gronde certes, au sujet des impôts, mais le peuple grondera toujours pour quelque chose, je vous assure qu'il n'y a là rien de grave.

 

Le Roi - Peut-être ! mais pendant  ce temps que voit-on ? Des templiers orgueilleux, malgré leur lamentable échec en Orient, qui pavoisent dans les rues de Paris, faisant sonner sur les pavés leurs éperons d'or qu'il n'ont même plus la délicatesse de peindre en noir! Ah ! ils sont beaux avec leurs blancs manteaux, leurs croix rouges et leurs chevaux noirs ! N'est-ce pas un scandale et une provocation de la part des moines ayant fait le voeu de pauvreté ?

 

Nogaret - Oui, assurément, Sire. Quant à moi, ce qui m'étonne le plus, ce sont ces facilités et ces avantages qu'ont les templiers dans le négoce international. Franchement, ils se croient tout permis ! Ils se moquent  des frontières et des lois... Par exemple, Sire, avec ce qu'ils appellent des lettres de change, ils peuvent aller vivre à l'étranger et y vivre sans bourse délier. Partout, dans tous les pays du monde, ils ont des comptoirs, des relais, des maisons, des châteaux forts... Une lettre de change, un mot de passe, et le tour est joué ! Ils sont partout comme des poissons dans l'eau... Aucun de vos sujets, Sire, ne pourrait en faire autant. Voilà bien des gens qui se croient tout permis... Ils sont dangereux...

 

Le Roi - Si ça continue, Le Roi lui-même ne sera plus qu'un pantin et vous verrez que le pays tout entier sera dirigé par leur Grand Maître, Jacques de Molay, le parrain de mon fils... Mais son heure est venue, cette fois je le tiens. Demain à l'aube, ce sera le grand jour... Tout est-il bien  prêt, Nogaret ?

 

Nogaret - Oui, Majesté, la police est sur le pied de guerre. Tout a été préparé dans le plus grand secret. Vous n'avez plus qu'un mot à dire, Sire, et demain à l'aube, d'un seul coup, nous cueillons tous les templiers dans leur lit.

 

Le Roi - Et l'argent ?

 

Nogaret - L'argent doit se trouver au Temple, à Paris, ainsi qu'à Gisors et à Provins. Quoiqu'il en soit, nous prendrons l'argent partout où nous le trouverons.

 

Le Roi- Je veux surtout le trésor de guerre ! un trésor fabuleux, à ce qu'on dit, de quoi faire pâlir tous les rois de la chrétienté !

 

Nogaret - Malheureusement, comme vous le savez, Sire, l'opération de demain ne concernera que Paris et la France. Il sera plus difficile de les atteindre hors du royaume. Mais en frappant les maisons mères, en arrêtant le Grand Maître et les principaux chefs, tout devrait suivre. En frappant haut et fort et d'un seul coup on écrasera la tête de ce serpent.

 

Le Roi- Espérons que ce ne sera qu'un simple serpent, Nogaret, et non pas une hydre à sept têtes. Quoiqu'il en soit le Temple ne s'en relèvera pas. Qu'aurait dit mon aïeul Saint Louis s'il avait vu cette hypocrisie des templiers et cette dégénérescence de leur ordre... Vœu de pauvreté ? Ils sont les plus riches du monde. Vœu d'obéissance ? Ils régissent même les rois. Vœu de chasteté ? Ils s'adonnent à la sodomie, au point de scandaliser tout le royaume. Avez-vous recueilli de nouvelles accusations à ce sujet ?

 

Nogaret - Rien de vraiment nouveau, Sire, mais dans le peuple le bruit court depuis longtemps que la bougrerie, la sodomie ou autres crimes contre nature sont de règle chez les templiers. Cela fait partie de leur initiation... on dit même qu'ils crachent sur le crucifix...

 

Le Roi- Quels blasphèmes ! S'il en est ainsi, ce ne sera pas dur de les confondre et le peuple nous soutiendra !

 

Nogaret - On dit aussi qu'ils sont franchement hérétiques et qu'ils adorent une idole qu'on appellerait le Baphomet...

 

Le Roi- Décidément, on est bien loin du temps des croisades de mon aïeul le grand Saint Louis... Et qu'en pense le Pape ?

 

Nogaret - Son hésitation m'a quelque peu déconcerté, Sire, pour tout dire, il m'a semblé qu'il voulait défendre les templiers.

 

Le Roi - Une ruse sans doute, je connais bien Bertrand de Got. C'est à moi qu'il doit sa tiare. Qu'il ne l'oublie pas ! Il devrait tenir compte de la leçon que nous avons donnée à son prédécesseur, à Agnani... Voudrait-il se faire assassiner ?

 

Nogaret - Sûrement pas, Sire, mais il ne faudrait pas qu'il s'avise d'excommunier votre majesté, au lieu d'excommunier les templiers.

 

Le Roi- Comment ? Il oserait ? Mais il en serait assassiné sur l'heure ! Vous m'avez bien compris, chevalier  Nogaret ?

 

Nogaret - Sire, veuillez accepter mes excuses. Je ne pensais pas cela en mal. Sans doute le Pape ne m'a-t-il pas pardonné ce qu'il appelle "l'attentat d'Agnani". Dois-je vous dire qu'il me sera dur de parlementer avec lui la prochaine fois.


Le Roi- Eh bien ! vous parlementerez avec lui, par ordre du Roi! Vous avez commencé cette affaire et vous la mènerez jusqu'au bout : je vous charge de préparer immédiatement ma rencontre entre le Pape et moi, car je n'entends pas que le Pape s'oppose à mon action. Je veux qu'il excommunie l'Ordre. Ne me laisse pas croire, Nogaret, que le Pape, est lui aussi intéressé par le trésor du Temple, car enfin, qu'en ferait-il ? Il doit s'occuper du spirituel, non pas du temporel. Le bras séculier, c'est moi! On sait bien que s'il y avait une nouvelle guerre contre l'Infidèle, ce n'est pas lui qui la financerait... Ce n'est pas son rôle à lui de faire la guerre, et, par ailleurs, ce n'est pas lui qui a affaire à la populace qui se révolte contre la lourdeur de l'impôt ! Que le peuple rende à Dieu ce qui est à Dieu, soit, mais qu'il rende au Roi ce qui est au Roi!

 

Nogaret - Le Pape ne pourra que vous donner raison, Sire, j'en suis persuadé.

 

Le Roi- Je n'en doute pas non plus, Nogaret.

 

(Le Roi joue une pièce sur l'échiquier)

 

 

Nogaret - Eh bien ! Sire, je crois qu'il y a échec et mat ! Bravo ! en éliminant le cheval vous avez gagné la partie !...

 

Le Roi- Ah ! enfin le Pape arrive. Préparez le terrain, Nogaret, je reviens tout de suite...

 

(Rideaux)

 

 

ACTE 2

Scène 2

(Nogaret, le Pape)

 

Nogaret - (Il se lève pour saluer le Pape qui ne s'attendait pas le voir) - Bonjour, votre Sainteté. J'assisterai à l'entrevue selon la volonté du roi...

 

Le Pape - Je suis assez surpris, je dois dire, derencontrer en ce lieu l'auteur de l'attentat d'Agnani à qui j'ai eu récemment la faiblesse de pardonner. Etes-vous venu ici pour me traiter comme mon prédécesseur Boniface VIII ?

 

Nogaret - Absolument pas ! votre Sainteté. Du reste, vous savez combien mon maître, je veux dire  Le Roi  de France Philippe le Quatrième, a de l'estime et même de la sympathie pour vous, sans parler, bien sûr, de l'immense respect qu'il porte à votre fonction... Votre Sainteté n'est pas sans ignorer à quel point notre bon roi Philippe a contribué à l'élection de votre Sainteté, et elle connait elle-même notre Roi autant que nous-mêmes sinon plus...

 

Le Pape - Justement, messire de Nogaret, où est le Roi? S'il n'est pas là, sachez que j'ai aussi rendez-vous avec d'autres personnes très importantes.

Nogaret - Ces personnes attendront, votre Sainteté, et le Roi ne saurait tarder. Dois-je vous dire qu'il veut vous parler d'une affaire qui concerne autant la papauté et la chrétienté que le royaume de France... Il s'agit de l'affaire des templiers, affaire dont nous avons déjà eu l'occasion de vous entretenir par lettres...

 

Le Pape - Les templiers ? Oui, je sais.

 

Nogaret - Votre Sainteté n'ignore pas toutes les exactions que commettent les templiers, en France notamment. Le peuple en est franchement scandalisé. Je fais allusion à la vie que mènent ces moines soldats, à leurs mœurs et à leur arrogance. Devant les admonestations du roi, ne répètent-ils pas, à qui veut les entendre, qu'ils n'ont de comptes à rendre qu'au Pape lui-même ?

 

Le Pape - C'est exact, il me semble, et je ne vois pas en quoi ils scandalisent le peuple, car le peuple,   autant que le Roi, a toujours participé aux croisades afin de défendre la chrétienté et d'évangéliser les païens. Les templiers furent toujours au premier rang dans les croisades, et peut-être prêcherons-nous un jour une nouvelle croisade ? Le grand Saint Louis n'est-il pas mort à Tunis il y a quarante ans seulement ? Certains peuvent encore en témoigner... La France, fille aînée de l'Eglise, refuserait-elle de combattre contre les païens ou les Infidèles ? Je dois dire, messire Nogaret, que j'ai de la peine à comprendre l'attitude de la France envers les templiers, ces soldats du Christ créés par Hugues de Payns, parrainés par Saint Bernard, Saint Louis et tous mes prédécesseurs ?

 

Nogaret - Votre Sainteté, si vous permettez, il ne s'agit pas de condamner ce que fut l'idéal du Temple à l'époque de Saint Bernard ou du bon Roi Saint Louis, mais il s'agit plutôt de constater aujourd'hui la dégénérescence de l'Ordre et des chevaliers du Temple. La Sainte Inquisition, qui a soumis à la question quelques chevaliers renégats et hérétiques, pourra vous dire mieux que moi-même à quel point nos soupçons sont fondés.

 

Le Pape - Soyez plus clair, messire de Nogaret.

Nogaret - Votre Sainteté, tout le monde sait aujourd'hui qu'au cours de leurs cérémonies secrètes les templiers renient le Christ, crachent sur le crucifix et adorent une idole en lieu et place du seul vrai Dieu !... Avec le temps ils sont devenus hérétiques, nous en avons les preuves formelles dans les minutes de nos procès qui n'ont rien à voir avec ceux de la Sainte Inquisition... Outre ces hérésies, ces sacrilèges, ces profanations, nous avons également constaté qu'ils s'adonnaient aux péchés de sodomie, de bougrerie et autres crimes contre nature...

 

Le Pape - Messire de Nogaret, je vous prierais de ne pas employer ce langage de charretier avec moi!

 

Nogaret - Veuillez m'en excuser, votre Sainteté... Et pourtant, les templiers, qui eux-mêmes ne cessent de jurer, dit-on, n'ont-ils pas fait les vœux de pauvreté, de chasteté et d'obéissance ?

 

Le Pape - Ceci est notre affaire. Quant à nous, nous pensons que même s'il y a quelques brebis galeuses, il ne convient pas de condamner en bloc tout le troupeau. Ramenons plutôt au bercail la brebis égarée, comme le bon pasteur de l'Evangile... En d'autres termes, dites au Roi de France qu'il peut être assuré de notre complet soutien s'il s'agit de soumettre à la question les templiers qui auraient failli à leur devoir ; dites au Roi que le Pape a toujours soutenu et soutient toujours l'action salutaire de la Sainte Inquisition; et si, d'aventure, celle-ci s'avérait être insuffisante, eu égard au nombre de brebis galeuses, je lui permettrais de renforcer ses propres effectifs pour mener à bien sa propre action sur le terrain. Mais je n'irais pas plus loin, car je ne vois pas ce que je pourrais faire de plus à l'encontre des templiers qui me sont tout dévoués et qui ont mon complet soutien...

 

Nogaret - J'ose espérer que cela suffira à contenter le Roi, votre Sainteté !

 

Le Pape - Voyez-vous, Nogaret, il y a quelques jours, j'ai reçu des lettres de doléances des chevaliers de l'Ordre. Ils m'ont dit être être victimes de pratiques policières ignobles et déshonorantes et ils ont cru bon de rappeler à mon souvenir qu'ils n'avaient de comptes à rendre qu'à moi-même, le Pape, et non pas au Roi de France, ce qui est tout à fait exact. Vous devriez même le savoir, messire de Nogaret, vous qui êtes un légiste !

 

Nogaret - Mais votre Sainteté, que va dire le Roi, si jamais vous donnez raison aux templiers en le discréditant ?... Enfin, cela ne me regarde pas. De toutes façons, sa Majesté le Roi désire vous rencontrer pour parler de tout cela et je suis chargé de lui faire la commission...
    Je puis même vous révéler d'avance, sous le sceau du secret, qu'il a l'intention de vous demander l'excommunication des templiers. Nous n'oserions pas envisager que Notre Saint Père, le Pape, préférât excommunier le Roi de France plutôt que l'Ordre du Temple, car, si tel était le cas, les conséquences politiques seraient désastreuses pour la chrétienté, et votre Sainteté elle-même risquerait alors de se retrouver dans la situation de son prédécesseur Boniface VIII, à Agnani, ce qu'à Dieu ne plaise ! Car vous savez que c'est grâce à votre serviteur que le Saint Père eut la vie sauve !

 

Le Pape - Je vois que vous ne manquez pas d'arrogance et d'orgueil, messire de Nogaret, et je ne mettrais pas en cause votre foi et votre intégrité !... Vous me parlez d'éventuelles conséquences qui seraient désastreuses politiquement. Qu'est-ce que cela veut dire ? Voulez-vous parler des richesses du Temple et des troubles sociaux que ces richesses pourraient engendrer ?

 

Nogaret - Des troubles sociaux ? Bien sûr, votre Sainteté. Les templiers, vous le savez, ont la main sur la haute finance et par la seule force de leur argent ils sont à même de contrecarrer toutes les décisions du Roi et de la Couronne... C'est pourquoi il serait souhaitable que l'immense tas d'or qu'ont accumulé les Pauvres Chevaliers du Christ tombe entre les mains de la Couronne, afin que le Roi en fasse un meilleur usage, une meilleure répartition pour le bien du peuple et qu'ainsi soient évitées les révoltes ou les émeutes sanglantes. Car nous pensons par ailleurs que le temps des croisades est révolu.

 

Le Pape - L'immense tas d'or du Temple ! Mais de quel or parlez-vous?

Nogaret - Voyons ! mais de l'or et de l'argent que les templiers sont capables de prêter aux suzerains ! Ne l'ont-ils pas déjà fait, même avec le Roi Philippe ?

 

Le Pape - Et ainsi vous espérez, vous et le Roi, vous emparer d'un trésor de guerre dont nous n'avons même pas connaissance, et qui, de toutes façons, nous appartiendrait ?

 

Nogaret - Exactement, votre Sainteté ! Mais, s'il vous plaît, rendons à César ce qui est à César. L'argent des templiers nous permettra d'éviter la guerre. Il est temps de mettre un terme à ces pratiques secrètes des templiers, tant en matière de finance qu'en matière de sorcellerie ! Sans doute ont-ils toujours caché leur trésor au Pape lui-même ?

 

Le Pape - Très bien, messire de Nogaret, n'en parlons plus, je suis pressé. Je vous demanderai de bien vouloir nous laisser un moment car nous avons beaucoup à faire. Je vous reverrai tout à l'heure puisque c'est la volonté du roi.

 

Nogaret - Au revoir, votre Sainteté.

 
(Il salut très bas)


Je rendrai compte au Roi de notre entretien.

 

 

 

 

ACTE 2

 

Scène 3

(Le Pape puis Jacques de Molay, le Pape est seul quelques instants)

 

Le Pape - Entrez, entrez !

 

Jacques de Molay - (Il met un genou à terre et baise la main du Pape) Je suis Jacques de Molay, Grand Maître de l'Ordre du Temple de Jérusalem. Quel honneur insigne pour moi, que d'être reçu par votre Sainteté !

 

Le Pape - J'ai désiré vous voir car l'affaire des templiers est devenue une affaire d'état, si je puis dire.

 

J.M. - Je ne l'ignore pas, mais quoi qu'ait pu vous dire sa Majesté, je tiens à rassurer votre Sainteté quant à mon absolue fidélité envers le Pape, l'Evêque de Rome, le Souverain Pontife, le Chef de l'Eglise, le Successeur de Saint Pierre, le Vicaire du Christ et le Représentant de Dieu sur la terre... et en tant que Grand Maître je me fais aussi le porte-parole de l'Ordre du Temple tout entier. Nous sommes tous, moi et mes frères, vos humbles serviteurs.

(Il courbe la tête aux pieds du Pape)

 

Le Pape - Relevez-vous, messire Jacques de Molay... J'ai appris que les templiers fomentaient de véritables complots dans le pays. Ils encouragent en sous-main les jacqueries consécutives aux lourds impôts levés par sa Majesté, le Roi. Les templiers, dis-je, ont, dans le royaume, la sinistre réputation de boire et de jurer comme des palefreniers. Vous et vos hommes vous constituez par ailleurs, m'a-t-on dit, un véritable état dans l'état : vous vous appuieriez sur moi chaque fois qu'il s'agit de saper l'autorité du Roi tout en échappant aux griffes de ce dernier...

De surcroît, on dit que vos richesses sont colossales et que vous vous servez de votre argent pour, en quelque sorte, imposer vos volontés à tous les royaumes de la chrétienté, notamment au royaume de France qui a pourtant toujours été votre mère patrie...

   Mais le bruit le plus fâcheux qui court, on n'ose pas le répéter aux chastes oreilles d'un Pape. Toutefois, je serais net car on ne saurait cacher plus longtemps la vérité. Messires les templiers, tout le monde vous accuse de crimes contre nature, de sodomie, de bougrerie... et encore, ce n'est pas tout !

 

J.M. - Votre Sainteté, quel affront ! quelle offense ! quelle calomnie !

 

Le Pape - Si, si, si ! J'ai bien dit ! et je ne fais, hélas ! que répéter ce qui se dit partout, tant à la Cour du Roi que dans les bas-fonds de Paris et d'ailleurs : les templiers sont tous des sodomites !

 

J.M. - Votre Sainteté, je vous en conjure ! C'est la pire des insultes, moi et n'importe lequel de mes frères chevaliers nous défierions immédiatement en duel, selon le jugement de Dieu, quiconque nous accuserait d'une telle abomination !... Mais devant votre Sainteté je me contenterais de répondre à ces calomnies par les paroles de Notre-Seigneur : "Père, pardonnez-leur car ils ne savent pas ce qu'ils font! "

 

Le Pape - Vous pensez bien, cher Grand Maître, que je n'ai, quant à moi, jamais cru un traître mot de ces ragots ou de ces accusations. S'il y a quelques brebis galeuses dans vos rangs, je vous ordonne de les éliminer sur le champ. Cependant, je ne peux rien contre le scandale, et le scandale est là, et bien là, orchestré qu'il est, je le pense, par les légistes du roi, sinon par le roi lui-même. Je ne peux donc rester ainsi sans rien faire, et je dois prendre une décision à votre sujet.

 

J.M. - Je ne saurais douter de la sagesse de votre décision, Très Saint Père, mais l'accusation est tellement énorme que j'en reste pantois au point de ne pas savoir que vous répondre pour défendre notre cause... Je suggère que tant de bassesses et d'ignominies ne soient traitées que par le mépris!

 

Le Pape - Mon cher Grand Maître, l'homme ne fait pas toujours ce qu'il veut : il propose, et Dieu seul dispose. Si insultes il y a, je vous demanderais de les accepter comme une croix que vous auriez à porter, en l'occurence, la vôtre. En tant que chef du pouvoir spirituel je ne saurais rivaliser avec le pouvoir temporel, même si mon rôle est de guider moralement ce dernier. Il n'appartient pas non plus, au chef de l'Eglise, de faire courir des bruits et d'alimenter les rumeurs populaires. Vu les pressions du pouvoir nous sommes donc mis devant une alternative : ou risquer un autre attentat d'Agnani, ou excommunier l'Ordre du Temple comme le Roi le demande.

 

J.M. - Excommunier l'Ordre ! Votre Sainteté, vous n'y pensez pas ! Songez que l'Ordre a été créé par Saint Pernard lui-même, par le vénérable Hugues de Payns et par le Pape en personne, votre prédécesseur sur le trône de Saint Pierre !
 

Le Pape - Je le sais bien, messire de Molay, mais vous savez bien aussi que, conformément à ce qu'à dit notre Maître, ce que nous délierons sur la terre sera délié dans le ciel !... "O tempora, ô mores ! " L'Ordre du Temple a peut-être fait son temps... Il est mortel comme toute chose ici-bas. Même avec le grand Saint Louis, les dernières croisades n'ont-elles pas été des échecs ? Quoique vaincus, les chrétiens semblent de nos jours moins menacés qu'autrefois. Les Hospitaliers, eux, sont toujours en Orient... Ne vous avais-je pas un jour proposé de fusionner ces deux grands Ordres de la chevalerie chrétienne ? Souvenez-vous ! Je ne pense pas qu'une nouvelle croisade s'impose aujourd'hui, et quand bien même elle aurait lieu un jour, elle pourrait se faire sans les templiers, comme d'ailleurs la première croisade, celle que conduisit si noblement le Légat, Adhémar de Monteil, le premier croisé, qui pour le malheur de tous n'arriva jamais à Jérusalem.

 

J.M. - Votre Sainteté, pour parler net et en mon âme et conscience, je dirais que l'excommunication de l'Ordre affaiblirait toute la chrétienté. Les Infidèles en profiteraient pour nous faire la guerre en Orient. Par ailleurs, en semant le désordre en Europe, d'autres guerres pourraient aussi se produire, car vous savez bien que l'Empereur, le Roi d'Angleterre et bien d'autres souverains ne sont pas d'accord avec le Roi de France. Ainsi, il vous faudrait excommunier l'Ordre non seulement en 31France, mais aussi dans tous les autres pays d'Europe. Et le remède serait pire que le mal.
 

Le Pape - Nous avons tous les pouvoirs, Monsieur le Grand Maître !

 

J.M. - Mais enfin, votre Sainteté, vous n'allez pas nous abandonner ? Votre trône lui-même en pâtirait. L'Eglise serait déshonorée ! Songez que le Temple constitue pour vous une force séculière : en nous excommuniant vous vous affaiblirez vous-même ! Nous sommes plus des moines que des soldats. S'il nous fallait choisir entre le Roi et le Pape, entre le temporel et le spirituel, nous choisirions évidemment le Pape... Le Roi Philippe a tort de s'imaginer qu'être fidèle au Pape, c'est comploter contre le Roi. Veut-il donc faire le procès du christianisme ? Un Roi très chrétien peut-il avoir pour ennemi le Pape ? Et sommes-nous les boucs émissaires du Roi?

 

Le Pape - Le Roi me demande d'excommunier les templiers, mais je ne l'ai pas encore fait, du moins pas pour l'instant...

 

J.M. - Excommunier les templiers ! Voilà bien une idée diabolique, votre Sainteté, ne servant qu'à semer la confusion, le doute et l'erreur. Les crimes qu'on nous reproche sont faux ! Mais admettons qu'il y ait parmi nos frères quelques brebis galeuses, comme il y en a toujours eues. Selon nos statuts, nous les exclurons immédiatement de l'Ordre, car nos règles sont très précises à ce sujet et on n'y échappe pas. Mais le fond du problème n'est pas là. En vérité, il y a d'autres raisons, inavouables et inavouées...

 

Le Pape - Soyez clair !

 

J.M. - Je me permettrais de laisser penser à votre Sainteté, que le but réel de toutes ces manoeuvres que font les légistes du Roi - car je n'oserais pas penser que le Roi lui-même fût un fourbe et un félon - c'est de s'emparer de tout notre or et de tout notre argent, afin de renflouer leur propre trésor qu'ils ont sottement dilapidé.

 

Le Pape - Certes, l'argent n'est sans doute pas étranger à l'affaire... mais le Temple est-il aussi riche que ce qu'on le dit ?

J.M. - Certainement pas, votre Sainteté. Et par ailleurs cet argent nous en avons besoin pour nos frais de fonctionnement et d'entretien.

 

Le Pape - Vous avez quand même financé de véritables guerres par le passé, et vous avez prêté des sommes considérables au Roi Philippe, entre autres... Messire Jacques de Molay, je voudrais que vous me donniez l'inventaire complet de vos richesses.

 

J.M. - Comment le pourrais-je, votre Sainteté ? Je ne sais pas moi-même la quantité d'argent que possède l'Ordre !

 

Le Pape - Eh bien ! je vous donne l'ordre de le savoir. C'est votre Pape qui vous le demande? Vous me donnerez cet inventaire... et je veux aussi la liste de tous vos comptoirs où votre or et votre argent sont déposés... Songez que ces biens sont les biens de l'Eglise. Vous devez m'en rendre compte, vu la gravité de la situation en ce qui vous concerne.

 

J.M. - Votre Sainteté, notre organisation internationale est très complexe, et ce que vous nous demandez risque de prendre beaucoup de temps.

 


Le Pape - Etes-vous, oui ou non, le Grand Maître de l'Ordre ?C'est urgent. L'heure est grave comprenez-vous ? aussi bien pour vous même et pour votre Ordre que pour le Roi, le Pape, l'Eglise ou les risques de guerres. Comprenez-vous bien, messire Jacques de Molay ? L'heure est grave ! ... Je ne vous retiens plus... Faites ce que je vous ai dit sans plus attendre.

 

J.M. - A vos ordres, votre Sainteté !... NON NOBIS DOMINE ! NON NOBIS, SED NOMINI TUO AD GLORIAM !

 

Le Pape - Voilà ! C'est cela ! Pour la gloire de ton nom ! Vous pouvez disposer, messire de Molay, allez ! allez...

 

J.M. - A vos ordres, votre Sainteté !

(J.M. met un genoux à terre en saluant et s'en va).

 

 

 

ACTE 2

Scène 4

(Le Pape, le Roi )

 


Le Roi - Bonjour, votre Sainteté ! Que Dieu soit avec vous ! Comme vous l'a sans doute dit Nogaret, j'ai voulu profiter de votre séjour en France pour vous rencontrer.

 

Le Pape - Bonjour, Majesté. C'est un plaisir pour moi que de vous recevoir car je n'ai pas oublié les services que vous m'avez rendus dans le passé, et il était bien normal que le Pape profitât de son passage à Paris pour rencontrer le Roi .

 

Le Roi - Sans aucun doute, votre Sainteté ! Mais vous avez bien compris que ce qui nous préoccupe le plus en ce moment c'est l'affaire des templiers.

 

Le Pape - Les templiers ?...

 

Le Roi - Oui, les templiers. Quoi d'étonnant ? Le peuple lui-même ne parle que de ça : les templiers! Les bruits les plus odieux courent à leur sujet. Ne dit-on pas qu'ils sont... excusez ma brutalité, votre Sainteté, ne dit-on pas qu'ils sont sodomites ?

 

Le Pape - Le peuple dit bien d'autres choses encore, Sire, mais enfin faut-il y ajouter de l'importance?  A-t-on seulement des preuves à ce sujet ?

 

Le Roi - Hélas ! oui ! Nogaret, qui est venu vous voir, détient des preuves accablantes. Je vous passerai les détails, surtout en ce saint lieu.

 


Le Pape - Pour nous, Sire, Nogaret est avant tout l'auteur de l'attentat d'Agnani, et à ce titre, nous n'accorderons jamais beaucoup de crédit aux preuves qu'il pourrait apporter...

 

Le Roi - Mais, votre Sainteté, il s'agit tout de même du Garde des Sceaux, du chef de la police de notre royaume de France... et j'ajouterai que nous lui donnons toute notre confiance !

 

Le Pape - Soit ! puisque vous en faites autant une affaire personnelle qu'une affaire d'état. J'examinerai donc les principales pièces de votre dossier. Mais vous n'ignorez pas cependant que l'Ordre du Temple est sous notre autorité directe. Nous n'avons jamais rien eu à lui reprocher, eu égard à son lointain et prestigieux passé que tout le monde connaît.

 

Le Roi - Oui, mais après ses lamentables défaites en Orient, l'Ordre est revenu en France il y a quelques années. Il n'a donc plus aucune utilité à nos yeux...

 

Le Pape - Qui vous dit, Sire, que demain une nouvelle croisade ne sera pas nécessaire ?

 

Le Roi - Quand cela serait, nous nous passerions bien des templiers !

 

Le Pape - Majesté, je dois vous dire que je ne comprends pas votre acharnement. Qu'il y ait quelques brebis galeuses au sein de l'Ordre, soit, je le conçois, et nous aurions tôt fait de les éliminer, mais je crois comprendre qu'il s'agit d'autre chose, en vérité...

 

Le Roi - Le Temple est un état dans l'état ! votre Sainteté, et je ne puis souffrir qu'il y ait deux autorités dans le royaume et que mes décisions soient bafouées et sans cesse contrecarrées par des gens qui s'estiment au-dessus des lois, et qui se serviraient même de vous, votre Sainteté, pour arriver à leurs fins ! Je pense qu'ils sont aussi vos ennemis !

 

Le Pape - Ont-ils semé la révolte dans votre royaume ?

 

Le Roi - Ils le pourraient à tout moment et j'entends bien les en empêcher ! Votre Sainteté n'ignore pas que les templiers représentent la plus puissante armée du royaume. Des milliers de chevaliers armés jusqu'aux dents et parfaitement aguerris, plus de trente mille hommes en tout ! Pas une campagne de France, que dis-je, d'Europe et d'Orient, qui n'ait une commanderie ! Cette situation ne peut plus durer ! Les templiers doivent se soumettre au Roi !

 

Le Pape - Pourquoi vous inquiéter, Majesté ? Selon les règles de la féodalité ils sont vos vassaux ! Si vous le voulez bien je rappellerai tout cela au Grand Maître, Jacques de Molay. Certes, ils sont aussi sous notre autorité directe, mais sur le plan temporel ils sont les vassaux des royaumes qu'ils habitent.

 

Le Roi - Nous ne sommes plus au temps des rois de Jérusalem, votre Sainteté ! ni même au temps de mon aïeul, le grand Saint Louis ! Ces renégats se moquent autant du spirituel que du temporel. Je briserai bien leur superbe !...


(Il fait quelques pas)


    Justement, votre Sainteté, si j'ai voulu vous voir, c'est pour vous demander l'excommunication des templiers. Comme je vous l'ai dit, nous avons les preuves de leurs crimes... Un simple décret de votre part et tous les problèmes du royaume seraient résolus. Je vous demande en somme de ne plus soutenir cette véritable armée en rébellion contre le royaume de France. Je vous l'ai dit, votre Sainteté : les templiers se servent de vous comme d'un paravent, défiant ainsi ouvertement et impunément l'autorité du Roi de France, et, si cela les arrangeait, ils pousseraient même le cynisme jusqu'à se servir de moi comme d'un paravent contre vous ! En fait, ils se moquent de vous et de moi. Ils jouent un double jeu, et même un triple jeu. Ce sont de véritables relaps. Il faut que vous les excommuniez, votre Sainteté, afin de préserver la paix de l'Eglise et du Royaume.

 

Le Pape - Je vous entends bien, Majesté, nous aviserons... Mais je crois aussi que dans le cas d'une excommunication les conséquences seraient incalculables. Cela aurait des répercussions dans les autres paysd'Europe. Nous irions, je le crains, de Charybde en Scylla. Qu'adviendrait-il, par exemple, des échanges commerciaux dans lesquels les templiers sont passés maîtres ? Vous n'ignorez pas le poids financier qu'ils représentent ? Voudriez-vous, Sire, mettre toute la chrétienté à feu et à sang ?... Dieu nous en garde ! Il vaudrait mieux encore faire une nouvelle croisade en Terre Sainte... Ne pourriez-vous pas vous-même vous croiser ?

 

Le Roi- Quand je le voudrais, cela ne me serait pas possible, votre Sainteté. Je crains plutôt une guerre contre les Anglais, bien que mon aïeul, le grand Saint Louis, les ait sévèrement battus à Saintes et à Taillebourg.

 

Le Pape - On dit aussi que vous êtes au bord de la guerre civile. N'avez-vous pas réprimé dans le sang les villes qui se ré- voltaient contre la lourdeur de l'impôt ? Croyez-moi, Sire, on ne résoudra pas les problèmes du trésor royal en trouant les pièces d'or et d'argent pour les multiplier... Je crains que les templiers ne soient pour rien dans ces affaires intérieures de l'état.

 

Le Roi- Les templiers ont pris part aux révoltes populaires ! nous en avons les preuves, et vous le verrez bien dans le dossier que vous remettra Nogaret... D'ailleurs, c'est bien par ses richesses que le Temple constitue un état dans l'état.

 

Le Pape - Ses richesses ?

 

Le Roi- Oui, ses richesses... qui nous appartiennent... Votre Sainteté, vous qui êtes Français, grâce au ciel, ayez pitié du royaume de France et excommuniez les templiers, je vous le demande avec insistance au nom de mon peuple.

 

Le Pape - Majesté, je vous promets que nous examinerons attentivement le dossier que vous nous remettrez, et ce, dans le plus grand secret, bien évidemment...

 

Le Roi- Votre Sainteté, nous ne doutons pas un seul instant de votre justice et de l'issue de vos délibérations...

 

Le Pape - Nous en reparlerons après le repas. Souffrez que je m'absente pour en parler avec mes cardinaux...

 

Le Roi- Eh bien ! à tout à l'heure, votre Sainteté.

(Le Pape s'absente)

 

 

ACTE 2

 

Scène 5

 

(Le Roi , Jacques de Molay, Hugues de Pairaud)

(Le Roi reste seul un instant... les templiers entrent en saluant)

 


Jacques de Molay - Sire le Roi , nous venons de voir le Garde des Sceaux, Guillaume de Nogaret, qui nous a dit que vous souhaitiez nous parler.

 

Le Roi - Rien n'est plus vrai, chevaliers...

 

Hugues de Pairaud - C'est un grand honneur pour nous, Majesté, que vous daigniez nous recevoir... Dieu protège le Roi !

 

Le Roi - C'est en vous voyant tous deux aux obsèques de ma belle-sœur, Catherine de Courtenay, l'impératrice de Constantinople, que j'ai pensé qu'il fallait que je vous voie.

 

J. M. - Nous sommes à votre service, Sire.

 

Le Roi - Messires, je n'irai pas par quatre chemins. Vu les événements, et après mon entrevue avec le Saint-Père, je dois prendre de rapides décisions vous concernant, vous et votre Ordre. Mais je voudrais d'abord savoir ce qu'il est advenu de ma demande de faire partie de l'Ordre du Temple ?

(Les templiers se regardent, gênés)

 

H.P. - Sire le Roi , après la réunion de notre chapitre...

 

Le Roi - Eh bien ! quoi ? par le sang Dieu !

 

H.P. - Je pense qu'il vaudrait mieux que ce soit le Grand Maître qui vous réponde...

 

Le Roi - Eh bien ! Jacques de Molay ?

 

J.M. -(gêné) - Sire, j'ai l'immense regret de vous annoncer que le Chapitre, réuni en assemblée extraordinaire, a refusé à l'unanimité de vous accueillir au sein de l'Ordre... Nous pensions que vous le saviez déjà car il est vrai que cela nous répugnait fort de vous l'annoncer...

 

Le Roi - Ainsi donc l'Ordre du Temple a refusé d'accueillir le Roi de France ! Orgueil insensé, ou crime de lèse-majesté ?

 

J.M. - Sire, n'allez pas croire que c'est par manque de respect; bien au contraire, c'est parce que nous avons un trop grand respect pour vous qui êtes le Roi de France... En d'autres termes, nos frères templiers et moi-même avons pensé que votre admission au sein de l'Ordre entraînerait nécessairement votre nomination comme Grand Maître... Naturellement, j'étais prêt à m'effacer devant le Roi et à céder ma place à votre Majesté... Hugues de Pairaud ici présent peut en témoigner... Mais pour nos frères, il ne s'agissait pas d'un problème de personne. Nos frères templiers se sont simplement référés aux statuts de l'Ordre... à savoir qu'il est interdit d'admettre aucun prince souverain dans nos commanderies... Je vous rappelle, Sire que d'autres rois avant vous l'avaient aussi demandé...

 

Le Roi- Ah ! nous y voilà ! Le Temple a ses secrets et le roi lui-même ne peut y avoir accès ! Mais savez-vous bien, messires les templiers, que vous défiez le Roi  en personne ?

 

H.P. - Mais votre Majesté, il s'agit d'un malentendu !

 


Le Roi - Savez-vous bien, messires les templiers, qu'avec tous vos petits secrets vous constituez un état dans l'état ?...Que deviennent alors vos commanderies, sinon des lieux où on conspire dans le secret ? Conspireriez-vous contre le Roi de France lui-même ?

 

J.M. - Pas du tout, votre Majesté, mais les templiers sont astreints, comme tous les religieux, aux règles de leur ordre... Pour admettre le Roi au sein du Temple, il faudrait d'abord modifier les règles et les statuts de ce dernier.

 

H.P. - Majesté, pour prouver notre bonne foi, je proposerais qu'avec Jacques de Molay, ici présent, les autres commandeurs et également avec sa Sainteté le Pape, nous procédions justement à la révision des statuts du Temple au cours d'une réunion extraordinaire, afin de pouvoir vous admettre dans nos rangs...

 

J.M. - Je m'y engage aussi, Sire.

 

Le Roi - Inutile ! Il est trop tard ! Sachez, messires, que je ne veux imposer ma présence au sein de l'Ordre. Je retiendrai simplement que l'Ordre du Temple, dans son orgueil insigne, s'est rebellé tout entier contre son roi, le Roi de France... et qu'il l'a rejeté !

 

J.M. - Le terme est trop fort, Sire !

 

Le Roi - Le Temple a rejeté le Roi de France et l'a méprisé ! C'est là une offense dont les templiers ne se remettront pas !... Et que faites-vous dans ces céromonies secrètes dont j'ai ouï parler ? Vous reniez le Christ, m'a-t-on dit ? Vous crachez sur la croix ? Vous vous livrez à des pratiques obscènes, comme la sodomie  ?

 

H.P. - Pitié, Sire, c'est faux ! On ment ! On vous a menti, Sire !

 

Le Roi - Vous êtes des hérétiques ! Vous méritez l'excommunication !

 

J.M. - Sire, nous n'avons rien fait qui mérite l'excommunication !

Le Roi - Et qu'en est-il de votre trésor ? Le fabuleux trésor de guerre des templiers ? Le bruit court de par le royaume, que vous fomentez des révoltes populaires. Grâce à vos finances propres et à vos appuis internationaux, n'en êtes-vous pas capables ? Quand on peut financer une armée entière, on peut soutenir des guerres civiles, et  peut-être, qui sait, menacer le Roi, que dis-je le Roi, menacer les rois d'Europe ?

 

J.M. - Sire, vous nous faites en quelque sorte trop d'honneur, croyez bien que la réalité est toute autre.

 

Le Roi - Je dois dire, messires les templiers, que vous nous avez poussé à bout, tant le Garde des Sceaux, Nogaret, que Enguerrand de Marigny et moi-même. Mais vous pensez sans doute qu'à défaut du Roi , le Pape, lui, vous soutiendra ! Dame ! les templiers n'ont de comptes à rendre qu'au Saint-Père, le Pape ! Ils sont au-dessus du Roi ! Eh bien ! sachez, messires, que je suis en pourparler à votre sujet avec sa Sainteté, le Pape, et que vous n'êtes pas assurés de son soutien !...

 

H.P. - Sire, nous ne comprenons pas ! Que se passe-t-il soudainement contre nous ? Avons-nous en quoi que ce soit failli aux commandements de Dieu ? Que se passe-t-il tout d'un coup ?

 

Le Roi - Taisez-vous donc, Pairaud ! Je sais bien qu'en tant que Grand Visiteur de France dans l'Ordre des chevaliers du Temple vous vous prenez pour un prince héritier et que vous n'avez qu'une ambition : c'est de succéder à Molay comme Grand Maître !

 

J.M. - Calmez-vous, Sire, je vous en prie. Je vous promets que nous arrangerons tous ces problèmes à tête reposée.

 

Le Roi - Messires les templiers, au point où vous en êtes, je ne vois qu'une façon de vous tirer de ce mauvais pas... En gage de paix, j'accepte humblement de ne pas faire partie de l'Ordre. Je renonce même à demander votre excommunication au Saint-Père, mais je vous demande en échange de livrer immédiatement au royaume de France votre trésor de guerre... Cela rétablira l'ordre dans le pays, cela rétablira nos finances
et cela fera le bonheur du peuple et des pauvres gens qui crient famine. En somme, vous remplirez l'idéal chrétien de l'Ordre... Les pauvres chevaliers du Christ que vous êtes continueront à être des templiers, mais dans la pauvreté, comme à l'origine. Vous voyez bien, messires les templiers, que votre ordre a dégénéré, il est temps de vous en rendre compte et de faire amende honorable. Dieu merci, il n'y aura sans doute plus d'autres croisades; ces temps là semblent révolus... Pour moi, quand je vous vois, messires, je me demande ce que sont devenus les pauvres chevaliers du Christ : qu'est-ce que c'est que ces éperons d'or que vous ne prenez même plus la peine de repeindre en noir pour cacher votre richesse ?

 

H.P. - Les templiers sont tous des chevaliers, Sire, et nous n'avons rien fait sans l'avis du Saint-Père!

 

Le Roi - Il suffit !... Messires Jacques de Molay et Hugues de Pairaud, vous êtes, à ce qu'il me semble, les plus hauts dignitaires de votre Ordre. Donnez-moi donc sur le champ votre trésor et je retire tout ce que j'ai dit. Vous pourrez cependant vivre en paix, vous et votre Ordre. Faites-moi un blanc-seing tout de suite pour prouver votre bonne foi.

 

H.P. - Nous ne le pouvons pas, Sire, nos statuts nous l'interdisent et nous n'en avons même pas les pouvoirs sans consulter notre Chapitre au préalable. Quand bien même nous signerions sur le champ ce blanc-seing, il n'aurait aucune valeur auprès de nos frères banquiers qui refuseraient, fût-ce au péril de leur vie, de vous remettre l'argent. Là encore il faudrait réunir tout le couvent de l'Ordre.

 

Le Roi - Eh bien ! réunissez immédiatement votre couvent à cette intention ! Ce ne sera pas la première fois que vous prêterez de l'argent aux princes !

 

J.M. - Sire, nous vous promettons de consulter nos frères immédiatement !

 

Le Roi - Et ne vous avisez pas de berner votre Roi !

 

J.M. - Sire, les templiers mourraient plutôt que d'être déshonorés ou de se parjurer, mais nous vous promettons de soumettre votre requête au Saint-Père, le Pape.

 

Le Roi - Le Pape, par-dessus le marché ? Encore le pape ? Ce Pape que nous avons fait ! Vous vous moquez donc de moi, votre Roi ? (Frappant du poing) Eh bien ! allez au diable ! messires les templiers de malheur ! Sortez, sortez immédiatement ! Le Roi de France n'a plus rien à vous dire !

 

(Rideaux)

            

  

 (Fin du 2è acte, je vous souhaite une bonne lecture).

 

 

    

 

 

Pour lire la tragédie complète, voir sur la liste en noir, à droite, en commençant par la page du fond (ordre chronologique de la parution sur le blog).

 

 

 

 Pour les vacances je vous recommande de lire mon roman ardéchois: Le vent dans les cyprès": 

 http://teston.centerblog.net/rub-le-vent-dans-les-cypres-michel-teston--2.html  

 

Bonne lecture.

 

 

 Lien pour lire mon livre  "Zarathoustra 68" en entier:

 

 http://teston.centerblog.net/rub-zarathoustra-68-michel-teston-ecrivain-.

 

 

Voici ma reprise de Johnny Hallyday : "Vivre pour le meilleur". Bonne écoute à tous  .     

                                                                                                                                                                                                                                                                                                           

                                                                                           

                     

                 

                                                                                  

                                                                         

les templiers, tragédie michel teston

les templiers, tragédie michel teston

                   "Les templiers", tragédie de Michel Teston (Le troubadour Perdigon)

 

Comme je suis avant tout un littéraire, même retiré, je publie ici la scène 2 du premier acte de ma tragédie: "Les templiers", la suite en quelque sorte de la première scène que j'ai déjà publiée sur ce blog.

Je me suis beaucoup documenté sur le plan historique avant d'écrire ma tragédie. Je ne voulais pas faire de grosses erreurs.

Néanmoins, j'ai appliqué les règles de la tragédie classique, et ce n'était pas évident puisque la tragédie des templiers a duré plusieurs années:

"Qu'en un lieu, qu'en un jour, un seul fait accompli

Tienne jusqu'à la fin le théâtre rempli" (Boileau)

C'est pourquoi j'ai postulé que tout se passait le jour de l'arrestation des templiers. Par ailleurs, pour les besoins de l'intrigue j'ai inventé le héros principal, Johan des Baux qui fait en quelque sorte partie de plausibles services secrets des templiers et des hospitaliers, de même que j'ai inventé le personnage de Sarah pour les besoins de l'intrigue. D'autres personnages comme le roi, le pape, Nogaret , Jacques de Molay et le Grand Visiteur des templiers ont réellement vécu. J'ai inventé aussi le personnage féminin qui incarne l'Ange dans la dernière scène...

 

Je vous souhaite une bonne lecture, si cela vous intéresse.

 

 

 

(Lire d'abord la scène 1 de l'acte 1 sur l'autre page de ce blog, car voici la suite).

 


ACTE  I

Scène 2  (Johan de Baux, Sarah)

 

(Après le départ des templiers on frappe à une porte ; Johan ouvre.)

 

 

J.B. - Mon amour !

 

Sarah - Mon chevalier !

 

J.B. - Personne ne t'a vue ?

 

S. - Personne, Johan.

 

J.B. - Pas même ces brigands, ces malades, ces affligés de toutes sortes que tu soignes ?

 

S. - Personne, Johan. Comme d'habitude, je suis entrée par l'issue cachée du souterrain dont tu avais ouvert les grilles. Personne ne m'a vue.

 

J.B. - Ah ! la bonne heure ! Comme je t'aime, ma sorcière ! Si on se faisait prendre, quel scandale, quel malheur ce serait !

 

S. - On me brûlerait comme sorcière ! Me délivrerais-tu, au moins ? 

 

J.B. - Comment peux-tu en douter ? Moi vivant, il ne peut rien t'arriver.

 

S. - Et toi ?  S'il t'arrivait quelque chose ?

 

J.B. - Ne parle pas de malheur ; justement, je suis inquiet.

 

S. - Tu sais qu'on traque les templiers dans le royaume... Comme eux, tu n'as pas le droit d'avoir une amie car tu as fait le voeu de chasteté ; et en plus je suis une juive. Tu sais bien que le Roi et l'Inquisition persécutent les juifs. Si on le savait ! J'ai peur.

 

J.B. - Mais justement, ici à Paris, personne ne sait que tu es juive. On  pourrait seulement t'accuser de sorcellerie. Sois toujours très prudente.

 

S. - Je vis dans la peur, Johan. Va-t-on un jour me brûler en place de Grève ? N'ai-je pas le droit de soigner les malades et n'avons-nous pas le droit de nous aimer ?

 

J.B. - Celui qui t'ennuiera, je le pourfendrai de cette épée, par Saint Michel !
(Ils s'embrassent à nouveau)

 

S.- Je t'aime, Johan !... Et le livre, l'as-tu apporté ?

 

J.B. - Le voici !

(Il le sort de dessous son manteau, il le pose sur la table et l'ouvre) Je suis heureux que tu puisses déchiffrer tout le côté kabbalistique de cet ouvrage que nous avons rapporté d'Orient avec mes amis chevaliers. Je lis bien le latin et le grec mais je n'entends pas l'hébreu et encore moins l'arabe... Que lis-tu ?

 

S. - "Ce qui est en haut est comme ce qui est en bas".

 

J.B. - Une parole d'Hermès. Cela t'intéresse ?

 

S. - Oui, ce livre explique comment on peut soigner les malades.

 

J.B.- Quel genre d'élixir vas-tu préparer pour les pauvres et les affligés ? Pourras-tu un jour guérir la lèpre ou la peste?

 

S.- Oui, Johan, par la prière et les remèdes cathares et zoroastriens. Je dirai aussi aux gens comment faire pour ne pas attraper ces maladies.

 

J.B. - La prière, vraiment ?

 

S. - Oui, par la prière et la méditation orientale, par la purification du corps et de l'âme. Tout est écrit dans ce livre.

 

J.B.- Sarah, es-tu ange ou démon, sorcière ou fée ?     

 

S.- En tout cas j'essaie de guérir les affligés, la veuve et l'orphelin, comme tu me l'as demandé.

 

J.B.- Cela vaut mieux que de faire le sabbat dans la forêt ou de dire des messes noires avec des voleurs de grands chemins, des brigands, des gens de sac et de corde... Promets-moi de m'être toujours fidèle.

 

S.- Oui, Johan, je te jure que oui ! 
(Ils s'embrassent)

 

J.B.- J'ai un secret qui me tracasse et qu'il me sera difficile de garder. Saurais-tu garder un secret ?

 

S.- Bien sûr. Ne suis-je pas déjà obligée de me cacher pour venir te voir ?

 

J.B.- Bien sûr. Ne suis-je pas déjà obligée de me cacher pour venir te voir ?

 

J.B.- Gentille Sarah ! Oui, un jour peut-être je te confierai mon secret, mais je ne le puis pour l'instant, c'est trop grave et trop dangereux... Ah ! comme je me sens seul dans la vie !

 

S.- Je ne te le demande pas, mon doux chevalier, garde ton secret, j'ai confiance en toi. Je te demande seulement de me protéger.

 

J.B.- Comment peux-tu en douter, toi, mon amie d'enfance ?... Et quelles sont les nouvelles du peuple ?

 

S.- Les gens parlent beaucoup des templiers. Des bruits courent à leur sujet.

 

J.B.- N'en crois pas un mot, ce ne sont que des mensonges.

 

S.- Pour sûr, mon doux chevalier ! Mais on dirait que c'est la police du Roi et la Sainte Inquisition qui sont à l'origine de ces bruits.

 

J.B.- Peu importe ! Et toi, qu'en penses-tu, jolie Sarah ?

 

S.- J'aime les templiers autant que les hospitaliers. Ils protègent les pauvres gens. La police et  le Roi n'ont pas de pouvoir sur eux.

 

J.B.- Nous n'obéissons qu'au Très Saint Père, le Pape.

 

S.- Seul le Pape qui est en Avignon a des droits sur vous, et le pape est supérieur au Roi de France. Pourtant c'est bien le Pape qui nous oblige à porter le "pétassou" sur nos habits... Pourquoi nous persécute-t-on ?

 

J.B.- Beaucoup de croisés pensent que vous, les juifs, vous avez crucifié Notre Seigneur, que vous n'avez pas reconnu en lui le Messie, mais nous, les hospitaliers et les templiers, nous pensons que nous devons aimer tous les hommes, surtout ceux qui sont persécutés, abandonnés, opprimés... Jamais je ne permettrai à  quiconque de mettre la main sur toi.

 

S.- Et mes amis, qui les protègera ?

 

J.B.- Nous autres les chevaliers de la Terre Sainte, nous avons appris à vivre pacifiquement avec tous les peuples orientaux. Le Christ n'a-t-il pas dit de nous aimer les uns les autres et d'aimer même nos ennemis ? Certes, nous savons nous battre quand il le faut. Avec l'épée nous défendons les chrétiens et les pèlerins contre les brigands et les infidèles, mais nous pensons que même chez les larrons et les infidèles il y a des hommes de bonne volonté.

 

S.- Alors pourquoi nous accuse-t-on de tous les péchés du monde ? Pourquoi dois-je me cacher pour vivre ? On nous traque comme des bêtes, on nous torture...

 

J.B.- Je sais. Nous souffrons beaucoup ces temps-ci de voir que les méthodes policières du Roi vont à l'encontre des règles de la chevalerie. Les templiers eux-mêmes sont trop souvent soumis à la question. Rassure-toi, cela ne durera pas. Nous espérons que le pape mettra de l'ordre dans tout cela... Mais ne parlons plus de cela...

(Ils s'embrassent)

 

S.- Il est déjà tard, Johan, je dois te quitter...

 

J.B.- Au revoir, Sarah ! A demain, sans faute.

 

(Rideaux)

 

 

Ci-dessous, ma chanson: "Le retour du chevalier".

 

Et quelques-uns de mes enregistrements: (vidéos, blog)

 

 https://www.youtube.com/channel/UCezCzjx5q_c330toji6d_5A/videos

 https://plus.google.com/

 

Pour lire plus facilement la tragédie en entier, cliquer sur le lien suivant :

   

 http://teston.centerblog.net/rub-les-templiers-michel-teston-.html

 

 

 Une de mes chansons comme auteur compositeur interprète, "Le retour du chevalier". Bonne écoute.                                                                                                                                    

                                                                                                                                                  

Les templiers, tragédie michel teston

Les templiers, tragédie michel teston

                                              © teston 

 

 

 

 

 

 

N.B.   Ma reprise  amateur de la chanson moyenâgeuse "Pauvre Rutebeuf " (Rutebeuf/Ferré) est tout en bas de cette page sur les templiers. Appuyer sur la flèche.

 

 

 

 

 

 

 

Les  Templiers  (tragédie)

Michel Teston, auteur éditeur

I.S.B.N. 2-9501967-6-4

 

 

 

PERSONNAGES

 

 

 

 

JACQUES de MOLAY

Grand Maître de l'Ordre des Ternpliers

 

 

HUGUES de PAIRAUD

Grand Visiteur de l'Ordre des Templiers

 

 

PHILIPPE IV, Le BEL

Roi de France

 

 

CLEMENT V

Bertrand de Got, Pape

 

 

GUILLAUME de NOGARET

Garde des Sceaux du Roi

 

 

JOHAN des BAUX

Hospitalier et secrètement Templier

 

 

SARAH

Alchimiste juive, concubine de Johan

 

 

L'ANGE de l'AGONIE

Etre de lumière et ange gardien de Johan

 

 

 

NOTES POUR LA MISE EN SCENE

 

 

Les personnages devront être en tenue d'époque :

- Habits de Philippe le Bel

- Habits du Pape

- Habits de Nogaret, Garde des Sceaux

- Habits des Templiers, avec des épées, etc.

- Habits des Hospitaliers, (idem)

- Habits d'un chevalier ordinaire chez lui

- Habits d'une alchimiste juive

- Habits tout blancs d'un être de lumière.

- Habits loqueteux d'un lépreux.

 

 

L'action se passe les 12 et 13 octobre 1307, soit la veille et le jour de l'arrestation des templiers, sauf la dernière scène qui se passe vers 1322.

 

Selon les moyens, la résidence du Pape sera splendidement décorée, ou au contraire symboliquement réduite à sa plus simple expression. (A l'appréciation du metteur en scène).

 

Pas d'opposition de principe quant à porter l'oeuvre à l'écran avec toutes les modifications de mise en scène que cela implique: réduction du texte, ajout entre les scènes ou les actes de cavalcades, duels, bûchers, scènes du Moyen Age, à condition de respecter l'oeuvre, le texte et l'esprit du texte.

M.T.

 

 

Acte 1

 

 

Scène 1

 

 

(Jacques de Molay, Hugues de Pairaud, Johan des Baux)

 

(La scène se passe dans une pièce souterraine)

(Habits de templiers et de chevalier chez lui)

 

 

Hugues de Pairaud - Le Grand Maître n'est pas encore arrivé mais il ne saurait tarder. Comme je te l'ai dit, mon cher Johan des Baux, cette entrevue est de la plus haute importance.

 

 

Johan des Baux - Je ne saurais comment te remercier, frère Hugues de Pairaud, de me faire tant d'honneur : rencontrer nuitamment le vénérable Grand Maître de l'Ordre du Temple, Jacques de Molay, en compagnie de toi-même, le Grand Visiteur de l'Ordre !

 

 

H.P. - Tais-toi ! Le voici justement qui arrive.

 

(Jacques de Molay entre une torche ou une lanterne à la main)

 

 

Jacques de Molay - Bonsoir, frères chevaliers ! Que le Seigneur soit avec vous !

 

 

H.P. - Et avec toi aussi !

 

 

J.B. - Bonsoir, Grand Maître !

 

 

H.P. - Vénérable Grand Maître, je te présente Johan des Baux, mais tu le connais déjà, je crois...

 

 

J.M. - Oui, en effet, je le connais fort bien, c'est un de mes deux filleuls avec le fils du Roi!

 

J.B. (Un genou à terre) - Vénérable Grand Maître et cher parrain, je ne sais comment te remercier d'avoir pensé à moi pour une si importantemission... mais vous savez tous deux que je suis toujours dévoué corps et âme à la cause du Temple.

 

 

J.M. - Je le sais, frère Johan. Relève-toi ! Tu sais que dans le Temple nous nous considérons comme tous égaux devant Dieu...Frère Johan, mon filleul, nous avons apprécié tes services et ta discrétion ces dernières années, ainsi que ton esprit de tolérance auprès des chevaliers teutoniques et hospitaliers. tu sais que j'ai bien connu ton père, avec qui j'ai combattu en Terre Sainte. Son voeu le plus cher était qu'un de ses fils fût templier. Toi-même tu as voulu l'être il y a quelques années, et je t'ai fait, tu le sais, avec nos frères ici présents, un honneur insigne...

 

 

J.B. - Je t'en remercie encore Grand Maître, et je ne saurais l'oublier : en effet, tu fis de moi un templier sans manteau et tu me fis entrer dans l'Ordre de l'Hôpital de Saint Jean de Jésuralem, pour la gloire de Notre Seigneur Jésus-Christ et pour la paix et la fraternité entre nos deux ordres.

 

 

J.M. - Oui, bien qu'hospitalier, tu es templier sans manteau, non pas parce que tu as défroqué ou parce que tu as été exclu de l'Ordre, mais par choix délibéré. Tu es un de ceux qui doivent préserver les secrets du Temple face au paganisme,à l'apostasie et à la profanation du siècle, tu es un de ceux à qui peuvent être confiées les missions délicates et secrètes chargées de déjouer le Malin qui erre dans le monde en vue de perdre les âmes...

 

 

H.P. - Ainsi donc, selon la règle de notre Ordre qui veut qu'aucun des frères, fût-ce notre Grand Maître, ne détienne à lui seul les secrets du Temple, il t'a déjà été confié dans le passé et sous notre direction, des missions délicates et particulières... tu les as toujours bien menées, et c'est pourquoi nous avons pensé à toi aujourd'hui... Nous allons te donner une nouvelle et importante mission... Jures-tu une nouvelle fois de garder jusqu'à la mort les secrets du Temple ?

 

 

J.B- Je jure d'être toujours fidèle à l'Ordre et de garder pour moi, au péril de ma vie s'il le faut, les secrets qui vont m'être confiés.

 

 

J.M.- Il suffit, frère Hugues, nous ne sommes pas en assemblée plénière. La parole d'un chevalier du Temple ne saurait être mise en doute... Mes amis, ce n'est pas pour rien que je vous ai convoqués. Depuis quelque temps, comme vous le savez, la police du Roi et de Guillaume de Nogaret tourmente nombre de nos frères. C'est ainsi que Geoffroy de Charnay, le Maître de Normandie, a été arrêté et interrogé longuement hier. Il semble bien que Nogaret ait l'aval de notre roi lui-même, Philippe le Quatrième, lequel veut sans doute s'emparer des biens du Temple, et même faire excommunier l'Ordre afin de faciliter la chose. Il ne se contente plus d'arrêter ça et là quelques templiers plus ou moins fautifs , à présent, il semble bien qu'il veuille arrêter la totalité des templiers, n'hésitant même pas à nous torturer ou à nous massacrer s'il le juge nécessaire. Je ne voudrais pas me tromper, que le ciel m'en garde, mais le roi Philippe n'a rien à envier à Hérode ou à Néron...

 

Hier également, j'ai appris que Godefroy de Gonneville avait été soumis à la question par la Sainte Inquisition... Il a rendu son âme à Dieu... Or, Godefroy de Gonneville était, avec Roncelin du Fos, le chef de notre hiérarchie secrète, le chef secret des templiers sans manteau, et, à ce titre, il détenait une des trois clefs qui permettent d'ouvrir totalement les coffres du Temple et de libérer dans de pareilles circonstances, le véritable trésor de guerre que nous possédons, par exemple de quoi faire une nouvelle croisade en Terre Sainte en levant rapidement une armée de trente mille hommes...

 

Vois-tu, Johan des Baux, mon filleul, c'est à toi désormais que nous confions le rôle et les secrets de feu Godefroy de Gonneville...

 

 

J.B.- J'en suis très honoré, mon cher parrain, et je t'en remercie du plus profond de mon coeur.

 

 

J.M.- Grâce au ciel, mes amis, Godefroy de Gonneville n'a pas parlé. Il a été injustement accusé par la Sainte Inquisition de sorcellerie pour ses recherches en alchimie et en astrologie, ainsi que pour sa grande connaissance de la Kabbale et du Coran. Je crois que c'est pour cela qu'il a été soumis si durement à la question. Mais la Sainte Inquisition et la police de Nogaret ignorent qu'il était le chef des templiers sans manteau, et, a fortiori, elles ignorent qu'il détenait avec moi et frère Hugues, ici présent, le fabuleux trésor du Temple... Cependant, j'en conviens,nous l'avons échappé belle !

 

Quoiqu'il en soit, nous avons immédiatement changé le code de sa clef et décidé de la confier désormais à Johan des Baux ici présent.

 

 

H.P.- Puis-je savoir son code, Grand Maître ?

 

 

J.M.- Tu as le droit de le savoir, frère Hugues, le mot de passe entre nous trois est celui-ci : " A la garde de Dieu !"

 

J.B.- "A la garde de Dieu !"

 

 

J.M.- Demain, frère Johan, notre nouveau chef des frères sans manteau, tu iras à Provins voir Guillaume de Beaulieu et frère Dauphin. Ils te donneront l'ensemble des autres choses que tu dois savoir, et la médaille secrète nécessaire à ta mission... Sache que tu es désormais un des frères les plus importants de notre saint Ordre. Hugues de Pairaud, ici présent, bien qu'il soit le Grand Visiteur de l'Ordre, ne sert ici que de témoin ; lui-même ne disposera pas de la médaille qu'on va te donner et qui te servira de laisser-passer dans toute la chrétienté, partout où se trouvera le Temple. Moi-même je n'ai pas plus de pouvoir que toi. Avec les trois clefs réunies, sans parler des autres formalités nécessaires dans chacun de nos comptoirs et de nos dépôts, on peut débloquer tout l'or et tout l'argent du Temple. Et c'est précisément notre or et notre argent que convoîte la police de Nogaret, avec l'aval du Roi lui-même... Je n'ose pas le croire...

 

 

H.P. - Et toi-même, vénérable Grand Maître, ne crains-tu pas d'être assassiné ou d'être soumis à la Question jusqu'à ce que mort s'en suive ?

 

 

J.M. - Si ! tu as bien vu, frère Hugues, je crains moi-même d'être arrêté. Mais enfin, tu le sais, le cas est prévu, les dispositions sont prises. Au cas où je mourrais subitement, c'est Roncellin du Fos, le Maître de Provence, qui me remplacerait. Dois-je te dire, Johan, puisqu'il est de ton pays, et que tu le rencontreras en prenant la succession de Godefroy de Gonneville, que Roncellin possède secrètement notre troisième clef ? Mesureras-tu aujourd'hui l'honneur que je t'ai fait, à toi et à feu ton père, en faisant de toi un templier sans manteau, en te rayant officiellement de l'Ordre, à peine prononcés tes voeux ? Vous, les templiers de l'ombre, vous êtes la lumière de notre Ordre, car, comme l'a dit Saint Augustin : "Les voies du Seigneur sont obscures". Quoiqu'il arrive, il n'est pas question pour l'instant de remettre nos biens au Roi de France. Vous savez qu'il n'a pas été jugé loyal par notre Couvent qui a refusé de l'accepter parmi nous... En réalité nous n'avons qu'un seul Roi, Jésus de Nazareth, le Roi des rois et le Fils de Dieu. Nous ne reconnaissons pas l'autorité de Philippe le Quatrième sur le Temple, mais seulement celle du Successeur de Saint Pierre et du Représentant de Dieu sur la terre : sa Sainteté le Pape.

 

 

H.P. - En tant que Grand Visiteur de l'Ordre, je pense qu'il faut tout de suite mettre en lieu sûr les archives de l'Ordre qui se trouvent en ce moment à Provins et à Gisors. N'attendons pas qu'il soit trop tard. Nous n'avons pas le temps de réunir le Grand Chapitre. De surcroît tout le monde le saurait et nous nous ferions prendre par la police du Roi et de Nogaret. Il faut agir et agir vite et discrètement. Les événements nous y obligent. Avec ton accord, cher Grand Maître, je nomme donc avec effets immédiats Johan des Baux ici présent, chef de la milice secrète des templiers sans manteau, toujours en remplacement de feu Godefroy de Gonneville. A la guerre comme à la guerre !

 

(Se tournant vers Johan)

 

Dès demain, toi et tes hommes vous emporterez en Provence, et, s'il le faut, en Espagne, les coffres qui se trouvent dans la salle du Cénacle à Provins et dans la salle du Tabernacle à Gisors. Arrivé dans ton pays tu contacteras le Maître de la Provence, Roncellin du Fos. Dieu merci, la Provence n'est pas sous l'autorité directe du Roi de France. Néanmoins, si c'était nécessaire, tu irais jusqu'en Espagne et tu seras pleinement mandaté pour contacter, s'il y a lieu, l'Ordre des Teutoniques ou les Ordres de Calatrava et d'Alcantara qui sont tous des ordres frères, sans parler des Hospitaliers dont tu fais partie. A Provins, le coffre sur lequel est gravé le monogramme du Christ est le plus précieux de notre Ordre. Là se trouvent les Statuts complets de l'Ordre, certaines de nos connaissances hermétiques et cabalistiques ainsi que la liste de tous nos comptoirs templiers répartis dans la Chrétienté. Tout est écrit selon le code cryptographique que tu connais déjà. Tu cacheras ces documents en lieu sûr car finalement c'est de ce coffre que Nogaret et le Roi veulent s'emparer. S'ils le trouvaient, s'ils en décryptaient le sens, ils posséderaient tout le trésor de guerre du Temple, et Dieu sait ce qu'ils en feraient ! Nos biens seraient saisis puis gaspillés dans des guerres stupides contre l'Angleterre ou l'Empire. Nos frères seraient persécutés et réduits à la misère physique et morale.

 

 

J.M. - Oui ! il est évident que le Roi Philippe ne veut pas faire de nouvelle croisade, mais il veut se servir de cet argent à des fins personnelles pour renflouer son propre trésor et pour faire des guerres qui n'ont rien à voir avec l'idéal du Temple..

 

 

H.P. - Depuis quelques années déjà il répand des calomnies sur nous. Il veut faire de nous les boucs émissaires de sa mauvaisepolitique et de sa mauvaise gestion financière. Il n'a pas le droit d'agir ainsi, notre Grand Maître vient de le dire, c'est pourquoi nous ne lui donnerons pas notre or, quoiqu'il puisse arriver. Le Temple doit échapperà ses griffes quand bien même les principaux chefs de l'Ordre seraient arrêtés par le Roi. Et c'est pourquoi, par suite du rappel à Dieu de Godefroy de Gonneville, nous te confions aujourd'hui à toi, Johan des Baux, nouveau Maître des templiers sans manteau, et chevalier dans l'Ordre frère de L'Hôpital de Saint Jean de Jérusalem, la noble mission de Gardien Suprême du trésor du Temple.

 

 

J.B. - Je n'y faillirai point, messires chevaliers.

 

 

J.M. - Frères, mon âme est triste jusqu'à la mort à la pensée que le Roi est en train de nous trahir. Moi qui suis aussi le parrain de son fils, moi qui fais partie de la cour du roi, je me sens déchiré, je me sens épuisé, rompu. Peut-être ai-je tort d'empêcher le Roi de devenir templier, mais c'était contre les règles et les statuts de l'Ordre, je ne pouvais faire autrement et j'ai eu le soutien complet de nos frères...

Ce matin, j'ai vu briller les yeux du  Roi quand il m'a regardé alors qu'il parlait à Nogaret... Je nourris les plus sombres inquiétudes...

 

 

H.P. - Et moi de même, frère Grand Maître... Car cela fait déjà longtemps que nous nous posons des questions. Il était temps, je crois, de prendre cette décision... Johan des Baux, il est tard, nous devons nous quitter à présent. Pour toi aussi la journée sera chargée demain. Mais faisons confiance en Dieu quant à la destinée du Temple.

 

 

J.M. - Bonsoir, frère Johan, mon brave filleul, et n'oublie pas ce que je t'ai dit : "A la garde de Dieu!"

 

 

J.B. - "A la garde de Dieu !" Puis-je vous demander votre bénédiction, frères chevaliers ?

 

(Il s'agenouille, les templiers le bénissent de la main en faisant le signe de la croix... puis il se relève) NON NOBIS, DOMINE ! NON NOBIS, SED NOMINI TUO AD GLORIAM !

 

 

J.M. et H.P. - Non pas pour nous, Seigneur, non pas pour nous, mais pour la gloire de ton nom !

 

(Les templiers s'en vont en faisant sonner leurs éperons d'or. Rideaux.)

 

 

© Teston Michel "Théâtre : Les Templiers suivi de Le Beatnik", 1993,

 

ISBN 2-9501967-6-4

 

 

 

Post scriptum : pour lire la tragédie en entier, cliquez sur le lien suivant, en commençant par le fond de la page.

 

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Au temps des templiers, il y avait beaucoup de troubadours (langue d'oc) ou de trouvères (langue d'oïl)

comme Rutebeuf, dont certaines paroles ont été magnifiquement reprises et remises en musique par le grand chanteur et poète Léo Ferré, au XXè siècle.


 

 

 

Pauvre Rutebeuf

 

 

 

Que sont mes amis devenus

Que j'avais de si près tenus

Et tant aimés?

Ils ont été trop clairsemés

Je crois le vent les a ôtés 

L'amour est morte.

Ce sont amis que vent emporte

Et le vent devant ma porte

Les emporta.

 

 

Avec hiver qu'arbre défeuille

Tant qu'il ne reste en branche feuille

Qui n'aille à terre

Avec pauvreté qui m'atterre

Qui de partout me fait la guerre

Aux temps d'hiver.

Ne convient pas que vous raconte

Comment je me suis mis en honte

En quelle manière.

 

 

 

Que sont mes amis devenus

Que j'avais de si près tenus

Et tant aimés?

Ils ont été trop clairsemés

Je crois le vent les a ôtés

L'amour est morte.

Ce sont amis que vent emporte

Et le vent devant ma porte

Les emporta.

 

 

Pauvre sens et pauvre mémoire

M'a Dieu donné, le roi de gloire

Et pauvres rentes

Et droit au cul quand bise vente

Le vent me vient le vent m'évente

L'amour est morte.
Le mal ne sait pas seul venir

Tout ce qui m'était à venir

M'est advenu
M'est advenu.

 


L'espérance de lendemains

Ce sont mes fêtes.

 

 (Rutebeuf)

 

(La musique originale de Rutebeuf n'a pas été retrouvée, merci au grand Léo Ferré).

A mon tour, en amateur, je me permets une reprise de cette chanson poème du patrimoine français.

 

 

                                Pauvre Rutebeuf

 

 

 Ci-dessous mon enregistrement audio en plus de la vidéo de Rutebeuf, le trouvère du XIIIè siècle, époque de saint Louis, roi de France.