Le chiffre dit tout du chemin à parcourir pour faire reculer l’usage de la voiture dans les déplacements du quotidien et les émissions de gaz à effet de serre qui vont avec. En Corrèze, 90 % des actifs se rendent au travail à bord d’un véhicule motorisé, selon les dernières données de l’Insee. Essentiellement en voiture et seuls au volant.
Le bassin de Brive n’échappe évidemment pas à ce constat, y compris dans ses secteurs les plus urbains, où les déplacements en transports en commun ou à vélo restent très minoritaires, alors même que les petits trajets sont la norme. Pour infléchir cette tendance, l’Agglo a lancé, début septembre, un nouveau système de covoiturage en partenariat avec BlaBlaCar Daily et RATP Dev, son nouvel opérateur pour les transports publics.
Basé sur une double incitation financière, il permet aux conducteurs de recevoir une compensation et à leurs passagers de rouler à l’œil. Tout sauf anecdotique au prix du carburant. Explications.
1. Qui est concerné ?
Beaucoup de monde puisque le dispositif est ouvert aux personnes domiciliées ou salariées dans l’Agglo de Brive pour des trajets allant jusqu’à 60 km. Concrètement, la prise en charge s’active « dès lors qu’on renseigne un trajet qui a une origine ou une destination dans l’agglomération », souligne Benjamine Dupire, en charge des partenariats avec les collectivités pour le grand ouest chez BlaBlaCar Daily.
En plus d’inciter des « navetteurs » à lâcher leur voiture, l’idée est aussi de « dynamiser la mobilité des salariés », notamment ceux qui sont freinés dans leur accès à l’emploi par l’absence d’un véhicule. Une campagne de communication a d’ailleurs été lancée en ce sens « auprès des entreprises du territoire », précise Benjamine Dupire. Pour autant, le dispositif concerne bien tous les déplacements du quotidien. Pas seulement, donc, ceux liés au travail.
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2. Comment ça fonctionne ?
Qu’on soit conducteur ou passager, il suffit de télécharger l’application BlaBlaCar Daily ou Libéo et d’y renseigner ses adresses de domicile et de travail ainsi que son planning de la semaine.
L’application met ensuite en contact les membres qui ont le même itinéraire aux mêmes horaires. Les points de rendez-vous sont proposés automatiquement, avec le minimum de détours pour le conducteur.
Au moment des trajets, BlaBlaCar Daily s’assure par géolocalisation « qu’il y a bien le ou les passagers dans la voiture qui démarre, puis qu’ils font bien la route ensemble jusqu’à la destination indiquée ».
3. Qui gagne quoi ?
Les passagers gagnent de voyager gratuitement ; les conducteurs, une compensation allant de 1,50 à 3 euros par trajet et par passager, dans la limite de deux trajets par jour et de 150 euros par mois. « Le but n’est pas de gagner de l’argent, mais que cela prenne en charge les frais du conducteur », insiste Benjamine Dupire.
En complément, ces derniers peuvent bénéficier, à partir de dix trajets, de la prime « covoiturage 100 euros », mise en place en janvier 2023, dans le cadre du plan national du covoiturage du quotidien.
4. Quels objectifs de fréquentation ?
Avant le 1er septembre, l’application avait été téléchargée 9.000 fois sur l’Agglo. « On dénombrait 1.400 personnes ayant déjà covoituré et environ 300 trajets par mois. Il est encore trop tôt pour dire ce qu’il en est depuis, mais l’objectif sur les six mois à venir serait d’atteindre le millier de trajets mensuels », avance Benjamine Dupire.
5. Quel coût pour l’Agglo ?
Il dépendra évidemment du succès de l’opération. Dans l’immédiat, le partenariat signé avec BlaBlaCar Daily et RATP Dev a été signé pour deux ans, jusqu’au 31 décembre 2026. L’Agglo va notamment financer le dispositif avec 55.000 euros de Fonds vert.
« L’idée, c’est de voir comment ça vit. Si ça marche, on verra si on va au-delà. Comme on souhaite que ça se développe, on fera l’effort financier qui convient, parce que c’est le sens de l’histoire d’éviter que des véhicules circulent avec une seule personne à bord », explique François Patier, le maire de Nespouls, en charge du dossier à l’Agglo.
6. De tels partenariats existent-ils ailleurs ? Avec quels résultats ?
Oui. Actuellement, BlaBlaCar Daily est partenaire de plus de cent vingt collectivités, « dont douze en Nouvelle-Aquitaine et deux en Corrèze, puisque Haute Corrèze communauté et Vézère-Monédières-Millesources viennent aussi de lancer leur dispositif », explique Benjamine Dupire.
À titre d’exemple, l’Agglo de Niort (122.000 habitants), qui s’est lancée début janvier, est passée « d’à peu près 1.500 trajets par mois au début à un pic à plus de 4.000 trajets en juin ».
7. Pourquoi ça fonctionnerait mieux qu’Illicov ?
Le partenariat avec BlaBlaCar Daily n’est pas le premier dans l’Agglo. Entre l’automne et le printemps dernier, la collectivité a déjà expérimenté le système mis en place par Illicov. Onze lignes de covoiturage avec des arrêts fixes avaient été mises en place sur le territoire, avec déjà une incitation financière pour les conducteurs. Sans grand succès à l’arrivée.
« C’est vrai que les résultats ont été assez mitigés, à mon avis parce que les modalités de fonctionnement étaient trop rigides et pas tout à fait adaptées à notre territoire, analyse François Patier. Là, le système fonctionne déjà bien du fait de la notoriété de BlaBlaCar Daily à l’échelle nationale. J’ai fait le test pour faire Nespouls-Brive et j’ai tout de suite trouvé trois ou quatre rotations dans les deux sens. »
En chiffres
85.500. Le nombre de « navetteurs » recensés par l’Insee, en Corrèze. Neuf sur dix de ces actifs travaillent dans le département.
90 %. Plus de 90 % des navetteurs utilisent un véhicule motorisé, principalement une voiture, contre 87 % à l’échelle régionale et 75 % en France.
30 %. Le pourcentage de voitures de plus de 15 ans, contre 25 % à l’échelle nationale.
4 %. En Corrèze, les déplacements domicile-travail génèrent 4 % du 1,8 million de tonnes d’équivalent CO2 émises en Nouvelle-Aquitaine lors des navettes domicile-travail.
12. Le nombre moyen de kilomètres parcourus par les navetteurs corréziens, soit un de moins que la moyenne régionale.