Les Lumières de la Prière Al-Ansârî

En dehors de la prière, la sourate L'ouverture (Al-Fâtiha) ouvre au lecteur une fenêtre sur le savoir. En effet, elle lui résume l'histoire entière de l'Islam, dans sa dimension dogmatique (aqîda) et dans sa dimension législative (charia). En la méditant, l'exégète peut atteindre un niveau élevé de savoir. Quant à la Fâtiha à l'intérieur du sanctuaire de la prière, elle ouvre pour le serviteur des arcades de lumière lui permettant de regarder l'esthétique du savoir relatif à l'Islam de l'intérieur des temples de dévotion. Le serviteur récite devant son Maître et s'entretient en secret avec Lui en ravivant dans son cœur la contemplation d'Allah en tant que Dieu vivant qui Se charge de toute chose et qui Se passe de toute chose.

Tu récites et tu voyages, en étant livre des charges du monde terrestre, vers là où tu savoures la jouissance de la dévotion en présence de l'Adoré. Tu sens alors que l'état n'est plus un état habituel et que l'éclat de lumière est trop fort pour être perçu par la vue, puis tu tends la sébile du cœur pour recevoir une part de la miséricorde d'Allah en récitant : " Le Tout Miséricordieux, le Très Miséricordieux ". Tu es poussé par une envie pressante de plier, à l'instant même, cette branche dépouillée de toute chose en présence de son Maître [c'est à dire effectuer me rukû/l'inclination devant Allah], mais tu ne peux pas le faire parce que ce n'est pas encore le moment. Ton désir d'être en contact avec l'endroit où tu posais ton front dans ta prosternation s'accroît. Tu le regardes avec des yeux humbles. Dans sa prière le Bien-aimé ﷺ baissait sa tête et dirigeait son regard vers l'endroit où il allait se prosterner.

La lumière de la louange ne cesse de se propager au fond de toi sous forme d'aspiration et d'amour. Tu louanges alors Allah en magnifiant Sa divinité et Sa seigneurialité et en louant Sa miséricorde.

Une autre gorgée de la lumière de cette sourate et le voilà, ton cœur qui s'ouvre, pour regarder l'éminence de la justice d'Allah qui émane de la lumière de Sa miséricorde. Tu te tournes alors vers Lui, glorifiant Sa royauté et remettant toutes tes pesanteurs à son beau jugement. La sourate se propage avec une nouvelle onde dans tes aspirations (ashwâq) : " Roi du Jour de la Rétribution ".

Ton âme reçoit un noble état de réconfort, puis s'élève aux stations de la connaissance d'Allah. Ce Jour là, n'est-il pas le Jour de la rétribution ? N'est-il pas le Jour de vérité au seuil duquel les temps de l'illusion et de l'utopie s'évaporent.

Que représente le royaume des rois fictifs, quand ils seront surpris, à leur réveil, par les vérités du Jour de la Vérité et par leur comparution devant le vrai Roi ? Cette scène est savourée par le serviteur pendant qu'il s'imprégnait dans sa prière de la sourate de l'Ouverture du Livre. Il ressent alors la gravité de ce Jour là ou le Tout Miséricordieux s'élève au-dessus du Trône du Jugement entre Ses serviteurs. Cela suscite le sentiment du besoin insistant de solliciter davantage la miséricorde d'Allah, dans la crainte et l'espoir et pour éviter la gêne le Roi du Jour de la reddition des comptes où aucun péché, fut-il majeur ou mineur, ne sera omis, sauf si Allah fait grâce. Le croyant ressent alors la nécessité de revenir à son âme pour l'examiner et la première chose qu'il doit examiner, c'est ce qu'il est en train d'accomplir à l'instant même, à savoir la prière en cours. Qu'il veille à dépouiller son intérieur des suggestions insidieuses de Satan et qu'il purifie ses velléités, y compris les plus fines d'entre elles, dans le seul désir du visage d'Allah qui est le seul but visé par l'adoration et la sollicitation de l'aide.

Après avoir contemplé ces spectacles du début de la Fâtiha, les paroles s'épanchent d'un fond triste et ému, craignant que ce qui sera dit ne soit pas à la hauteur des actes, puis la gorge envoie son refrain émouvant : " C'est Toi que nous adorons et c'est à Toi que nous demandons l'aide ". Ton Maître protecteur dit : " Ceci est entre Moi et Mon serviteur ".

Ah toi ô âme ! Es-tu consciente du droit d'Allah sur toi ? Es-tu consciente de Ses poursuites ? Te voilà errant dans les labyrinthes des divertissements, tu construis des palais fictifs dans un monde en ruine.

C'est Toi que nous adorons et c'est à Toi que nous demandons l'aide. Cela entre toi, ô serviteurs et l'Omniscient ! C'est Lui qui, par Sa science, se charge d'examiner la réalité de ce verset dans les cœurs et les sens. Ô vous les branches frivoles au printemps comme en automne ! Vous exposez votre fraîcheur à tout  vent ! Le soleil risque d'assécher toute votre sève et le voilà le beau rameau garni de feuilles et de fleurs qui se transforme en un morceau de bois carié qui s'effrite au seuil de l'Au-delà ! Où en étiez-vous donc de la réalité de : " C'est Toi que nous adorons et c'est à Toi que nous demandons l'aide ? "