L'imam Mâlik Ibn Anas

La question du libre-arbitre est liée à celle de la volonté humaine et donc, de sa responsabilité dans ses actes. Le débat a commencé à la fin du règne des quatre Califes bien dirigés et s'est animé sous les Omeyyades, qui a vu apparaître deux sectes antagonistes, les Jabarites, avec à leur tête Al-Jahm Ibn Safwân, qui considéraient que l'homme n'était pas libre dans ses actes et les Qadarites, dirigés par Ghaylân Ad-Dimachqî, partisans du libre-arbitre et soutenant que l'homme était le créateur de ses actes. Entre les deux, on trouvait également un troisième groupe qui affirmait que les actes de l'homme étaient créés par Allah, mais que l'homme les acquérait.

De nombreux musulmans éminents abordèrent la question du libre-arbitre à cette époque, parmi lesquels Al-Hasan Al-Basrî, l'imam Zayd Ibn Alî Zayd Al-Abdîn ainsi que des membres de la famille du Prophète ﷺ.

Quant à Mâlik, il ne portait pas les Qadarites dans son cœur et s'abstenait de leur parler, en interdisant d'assister à leurs séances. Il disait à ce propos : " Je n'ai jamais vu un Qadarite qui ne soit stupide, inconscient et médiocre ". Et il citait Umar Ibn Abd Al-Azîz : " Si Allah avait voulu ne pas être désobéi, il n'aurait pas créé Satan, qui est la source de toutes les fautes ". Et quel verset plus éloquent que celui-ci contre les Qadarites :

" Si nous avions voulu, nous aurions guidé toutes les âmes, mais ce que je dis est la vérité, lorsque j'affirme que je remplirai l'Enfer de djinns et d'hommes ".

(Coran 32:13)

Cette hostilité que Mâlik leur vouait lui valut même la réputation d'interdire à ses élèves d'épouser leurs femmes, d'assister à leurs funérailles ou de prier pour eux. On lit dans Al-Madârik :

" On demanda à Mâlik s'il fallait s'abstenir de parler aux Qadarites ".

Il répondit : " Oui, si la personne connaît leurs croyances, elle doit leur ordonner le bien et leur interdire le mal, les informer de ce à quoi ils contreviennent, ne pas prier pour eux, ne pas assister à leurs funérailles, ni les épouser. Allah a dit : " Le serviteur croyant est meilleur qu'un polythéistes " (Coran 2:221). Il ne faut pas non plus prier derrière eux, se fier à eux pour des hadith et il faut les chasser de quelque endroit où vous les trouviez ".

En fait, si nous affirmons que Mâlik abhorrait les Qadarites pour leur théorie du libre-arbitre, nous ne pouvons en revanche dire avec certitude s'il les considérait vraiment comme des polythéistes pour lesquels il ne faut pas prier ou qu'il ne faut pas épouser. Car s'ils affirmaient la libre volonté de l'homme, cela ne pouvait être que par une force conférée par Allah, et non pas intrinsèque. Et en supposant que ce que l'on rapporte de Mâlik à ce propos soit exact, alors il ne peut s'agir que de propos déformés à la source, lui-même ne pouvant supporter tout ce qui pouvait plonger les musulmans dans le doute et la confusion.

On ne rapporte par ailleurs rien de lui qui pourrait trahir une connivence avec les Jabarites, tout cela confirmant sa volonté de ne pas s'engager dans des innovations blâmables susceptibles de défigurer la beauté de la foi.

L'imam Mâlik sa vie et son époque ses opinions et son Fiqh p.177-179