L'Adoucisseur des cœurs - Al-Maqdissî

Abû Al-Fath Muhammad Ibn Abd Al-Bâqî, suivant une chaîne de garants remontant à Aïcha, épouse du Prophète ﷺ, a dit : " Abû Bakr alla à la recherche de l’Envoyé d’Allah ﷺ, celui-ci étant son ami. Il lui dit :

" Ô Abû Al-Qâsim  Tu as disparu des assemblées de ton peuple. Les gens t’accusent de proférer des propos malfaisants au sujet de leurs aïeux et de leurs opinions ".

" Je suis l’Envoyé d’Allah. Je t’appelle à embrasser la religion d’Allah ".

Quand l’Envoyé d’Allah eut fini, Abû Bakr (qu’Allah lui fasse miséricorde) embrassa l'Islam. Après cela, l’Envoyé d’Allah ﷺ s’en alla. L’Islamisation d’Abû Bakr le réjouit au plus haut point. Quant à Abû Bakr, il se rendit chez Uthmân Ibn Affân, Talha Ibn Ubayd Allah  Az-Zubayr Ibn Al-Awwâm, Sa‘d Ibn Abî Waqqâs. Il les convainquit. C'est ainsi qu'ils sont devenus Musulmans. Le lendemain, il alla voir Uthmân Ibn Maz‘ûn et Abû ‘Ubayda Ibn Al-Jarrâh.

Aïcha dit encore :

" Quand les Compagnons de l’Envoyé d’Allah ﷺ se sont réunis, ils étaient trente huit hommes. Abû Bakr insista pour que l’Envoyé d’Allah x se manifeste à eux. Celui-ci lui répondit que ses Compagnons étaient encore peu nombreux. Mais Abû Bakr continua d’insister jusqu’à ce que l’Envoyé d’Allah se décide à faire son apparition. Les Musulmans se dispersèrent de chaque côté de la mosquée, chaque homme étant avec son clan. À ce moment, Abû Bakr leur adressa un discours, tandis que l’Envoyé d’Allah restait assis. C’est le premier orateur qui appelait à Allah et à Son Envoyé. 

Les associants se soulevèrent contre Abû Bakr et les Musulmans. Ceux-ci furent violemment frappés dans l’enceinte de la mosquée. Abû Bakr fut jeté à terre et frappé aussi violemment. Le pervers Utba Ibn Rabî‘ s’approcha de lui et se mit à le frapper avec des sandales cousues à l’aide d’une alêne qu’il dirigea sur son visage. Il s’accroupit sur son ventre de telle sorte que son nez ne se distinguait plus de sa face.

Les Banû Taym accoururent et s’apprêtèrent à s’engager dans la bataille quand les associants s’éloignèrent d’Abû Bakr. Dès lors, ils transportèrent Abû Bakr jusqu’à sa maison. Ils n’avaient pas à se plaindre de sa mort. Ils revinrent ensuite sur leurs pas et entrèrent dans la mosquée. Ils dirent :

" Par Allah ! Si Abû Bakr était mort, nous aurions tué Utba ".

Puis, ils revinrent chez Abû Bakr (qu’Allah lui fasse miséricorde). Ils l’atteignirent de leurs langues en lui faisant de vertes cours remontrances. Puis, en se levant pour s’en aller, ils dirent à sa mère Umm Al-Khayr, Bint Sakhr Ibn Amir : 

" Donne-lui quelque chose à manger et donne-lui à boire ".

Une fois partis, la mère l’interrogea sur ce qui s’était produit. Il lui dit : 

" Qu’est advenu de l’Envoyé d’Allah ? "

" Par Allah ! Je ne sais pas ce qui est arrivé à ton ami ".

" Rends-toi chez Umm Jamîl Bint al-Khattâb et demande de ses nouvelles auprès d'elle ".

Elle partit et arriva chez Umm Jamîl. Elle lui dit :

" Abû Bakr te demande des nouvelles de Muhammad Ibn Abd Allah ".

" Je ne sais pas où se trouvent Abû Bakr et Muhammad Ibn Abd Allah. Si tu veux que je t’accompagne chez ton fils, je le ferai.

" C’est d’accord ".

Elle partit avec elle. Arrivées sur les lieux, elles trouvèrent Abû Bakr gisant à terre et mourant. Umm Jamîl cria en disant :

 " Par Allah ! Les gens qui t’ont mis dans cet état sont pervers et mécréants. J’espère que Allah te vengera ".

" Que devient l’Envoyé d’Allah ", lui dit Abû Bakr ?

" Voilà ta mère qui t’écoute ".

" Ne t’en fais pas pour elle ".

" Il est sain et sauf ".

" Où se trouve t-il ? "

" Il est dans la maison d’Abû Al-Arqam ".

" Je jure par Allah que je ne goûterai ni à une nourriture ni à une boisson avant de voir l’Envoyé d’Allah.

" Accorde-nous un délai ".

Abû Bakr se calma et les gens qui avaient accouru aux cris d’Umm Jamîl s’apaisèrent Les deux femmes sortirent, Abû Bakr appuyé sur elles, jusqu’à leur arrivée chez l’Envoyé d’Allah ﷺ. Celui-ci se pencha sur Abû Bakr et l’embrassa. Tous les Musulmans présents en firent de même. L’Envoyé d’Allah ﷺ s’apitoya sur l’état d’Abû Bakr qui déclara : 

" Par ma mère et mon père ! Je n’ai aucun mal si ce n’est ce que le pervers a fait sur mon visage. Voilà ma mère qui s’est montrée obéissante à son fils. Toi, tu es béni. Appelle-la à Allah et invoque Allah pour elle, peut-être, grâce à toi, Il la sauvera du Feu.

L’Envoyé d’Allah ﷺ pria pour elle et l’appela à l’Islam. C’est ainsi que la mère d’Abû Bakr devint Musulmane. 

Une autre fois, trente neuf hommes se réunirent dans une maison, en présence de l’Envoyé d’Allah ﷺ. Il y avait parmi eux Hamza Ibn Abd Al-Muttalib qui embrassa l’Islam le jour où Abû Bakr fut frappé. Ce jour-là, l’Envoyé d’Allah ﷺ pria pour que  Umar Ibn Al-Khattâb et Abû Jahl Ibn Hishâm rejoignent les rangs de l’Islam. Umar devint Musulman. L’invocation du Prophète ﷺ eut lieu un mercredi et Umar embrassa l’Islam le jeudi. C’est alors que l’Envoyé d’Allah ﷺ et les gens de la maison lancèrent un retentissant Allahu Akbar qui fut entendu jusqu’aux hauteurs de La Mecque.

Par la suite, Umar dit : 

" Ô Envoyé d’Allah ! Pourquoi dissimulons-nous notre religion alors que nous sommes dans le vrai, au moment où eux (les idolâtres) manifestent ouvertement leur religion alors qu’ils sont dans le faux ? "

" Nous sommes peu nombreux ", répondit le Prophète ﷺ. Tu as vu ce que nous avons rencontré à cause de la foi.

Umar sortit et alla faire le circuit rituel autour de la Maison. Il passa devant les Quraysh qui l’attendaient. Abû Jahl Ibn Hishâm lui dit :

 " Telle personne a prétendu que tu es un renégat ! "

" Je témoigne qu’il n’y a de divinité que Allah et que Muhammad est Son serviteur et Son Envoyé ".

Les associants se jetèrent sur lui. De son côté, Umar bon dit sur Utba Ibn Rabî‘, le jeta à terre et se mit à le rouer de coups. Il fit entrer ses doigts dans ses yeux. Utba se mit à hurler. Les gens le délivrèrent. Depuis, personne n’osait l’approcher deUmar, qui fut ainsi épargné par les gens. Quant à lui, il se hasardait dans les assemblées où les mécréants se réunissaient et proclamait ouvertement sa foi. Il se rendit chez l’Envoyé d’Allah ﷺ et lui fit part de son comportement : 

" Par ma mère et mon père ! Il n’y a pas une assemblée de mécréance où je ne m’assois pas sans y manifester ma foi, sans appréhension ni peur. C’est alors que l’Envoyé d’Allah ﷺ sortit, avec Umar et Hamza Ibn Abd Al-Mugalib devant lui. Il fit le circuit rituel autour de la Maison, fit la prière de midi (zuhr) au vu et au su de tout le monde, puis retourna sur ses pas ".

Source : L'adoucisseur des Cœurs p.103-106 d'Ibn Qudâma Al-Maqdissî