Zâd Al-Ma'âd - Ibn Al-Qayyim

Ibn Ishâq (voir Sîrat Ibn Hishâm 1/382) rapporte : Al-Tufayl Ibn Amr Al-Dawsî racontait qu'il arriva à la Mecque, tandis que le Messager d'Allah ﷺ s'y trouvait. Certains hommes de Quraysh se dirigèrent vers lui. Al-Tufayl était un homme noble doublé d'un poète subtil. Les Qurayshites lui dirent : " Tu es venu chez nous, or cet homme (celui qui est par nous) nous a divisés et a brisé notre unité. Son discours est comme de la magie, il sépare un homme de son fils, de son frère ou de sa femme. Nous craignons qu'il n'arrive la même chose à toi et à ton peuple. Ne lui adresse pas la parole et ne l'écoute pas ". Il dit : " Par Allah ! Ils ne cessèrent de me harceler, si bien que je pris la décision de ne point l'écouter ni de lui parler. Je me mis même du coton dans les oreilles, lorsque je me rendis à la mosquée, de crainte que des brides de son discours ne me parviennent ".

Le lendemain matin, je me dirigeai vers la mosquée et je trouvai le Messager d'Allah ﷺ debout en prière, près de la Ka'ba. Je me tins à côté de lui. Allah ne voulut rien d'autre que de me faire écouter une partie de son discours. J'entendis de si belles paroles que je m'exclamai : " Que ma mère me perde ! Par Allah, je suis un poète intelligent, capable de distinguer la beauté de la médiocrité. Qu'est-ce qui m'empêche de prêter l'oreille à ce qu'affirme cet homme ? Si ce qu'il dit est bon, je l'accepte et si c'est mauvais, je le rejette ".

Je demeurai sur place jusqu'à ce que le Messager d'Allah ﷺ retourne chez lui. Je lui emboîtai le pas et lorsqu'il entra chez lui, je l'y suivis et dit : " Ô Muhammad, ton peuple m'a dit telle et telle chose sur toi. Par Allah ! Ils n'ont cessé de me mettre en garde contre tes propos, à tel point que je me suis bouché les oreilles avec du coton pour ne pas ouïr ton discours. Mais Allah a voulu me le faire écouter. J'ai entendu un très beau discours. Explique moi donc ton message ". Le Messager d'Allah ﷺ me fit un exposé de l'Islam et me récita le Coran. Par Allah ! Jamais je n'avais entendu d'aussi belles paroles ni de message plus équitable. J'embrassai l'Islam sur le champ et prononçait l'attestation de la vérité.

Je dis : " Ô Prophète d'Allah ﷺ, je suis un homme écouté au sein de ma tribu. Je m'en retourne auprès d'eux et je les inviterai à l'Islam. Invoque Allah afin qu'Il m'octroie un signe qui m'aidera à leur faire face, quand je leur prêcherai l'Islam ". Le Prophète ﷺ implora : " Ô Allah, accorde lui un signe ". Je me mis en route pour rentrer chez moi. Je fus en haut d'un col surplombant la ville, lorsqu'une lumière semblable à une lampe apparut entre mes yeux. Je dis : " Ô Allah, pas dans mon visage, car je crains qu'ils ne pensent que j'ai été défiguré parce que j'ai abandonné leur religion ". Aussitôt, cette lumière se retrouva à la tête de mon fouet, comme une lampe suspendu.

Je poursuivis ma route, descendant vers eux. Au matin, je fus au sein de ma tribu. Lorsque je mis pied à terre, mon père qui était déjà bien âgé, vint à ma rencontre. Je m'écriai : " Éloigne toi de moi, ô mon père, car je ne suis pas des tiens et tu n'est pas des miens ! " - " Pourquoi mon fils ? " s'enquit-il. Je répondis : " J'ai accepté l'Islam et je suis la religion de Muhammad ". Il rétorqua : " Mon fils, ta religion est la mienne ". Je lui enjoignis : " Va las toi et purifie tes vêtements, puis reviens me voir afin que je t'enseigne ce que j'ai appris ". Il partit se laver et purifier ses vêtements. Quand il revint, je lui expliquai l'Islam et il adhéra à la foi.

Ensuite, ma femme vint me voir. " Éloigne toi de moi, lui dis-je, car je ne suis pas des tiens et tu n'es pas des miens ! " Elle questionna : " Pourquoi cela ? Que mon père et ma mère te soient donnés en rançon ! " Je répliquai : " L'Islam nous a séparés ! Je sui devenu musulman et j'ai embrassé la religion de Muhammad ". Elle déclara : " Ta religion est la mienne ! " Je lui ordonnai : " Va faire tes grandes ablutions ". Elle obéit et à son retour je lui expliquai l'Islam. Elle accepta de se convertir.

Après cela, j'invitai l'ensemble des gens de Daws à l'Islam, mais ils tergiversèrent. Je retournai voir le Messager d'Allah ﷺ et lui confiai : " Ô Messager d'Allah, j'ai été dominé, car les gens de Daws ont préféré la fornication ! Invoque Allah contre eux ! " Il dit ﷺ : " Ô Allah, guide les Daws ! " Puis, il ﷺ me commanda : " Retourne chez les tiens, exhorte les à l'Islam et traite les avec bienveillance ". Je me rendis aussitôt chez eux et demeurai avec eux, les invitant à croire en Allah. Ensuite, je retournai voir le Messager d'Allah ﷺ. Il se trouvait alors à Khaybar. Je fis halte à Médine, en compagnie de 70 ou 80 familles de Daws, avant de le rallier à Khaybar. Il ﷺ nous donna une part du butin.

Ibn Ishâq (voir Sîrat Ibn Hishâm 1/385) raconte : Quand le Messager d'Allah ﷺ mourut et que les Arabes apostasièrent, Al-Tufayl accompagna les musulman jusqu'à ce qu'ils se débarrassèrent de Tulayha. Puis, il marcha avec eux en direction d'Al-Yamâma. Son fils Amr Ibn Al-Tufayl était avec lui. Il confia à ses compagnons : " J'ai fit un rêve et j'aimerais que vous me l'interprétiez. J'ai vu que j'avais la tête rasée et qu'un oiseau était sorti de ma bouche. J'ai rencontré une femme et elle m'a fait entrer dans une partie intime. J'ai aussi vu que mon fils me cherchait avec anxiété, puis on l'a empêché de venir vers moi ". Ils lui dirent : " Tu as fait un bon rêve ". Il poursuivit : " Par Allah ! J'ai trouvé son explication ". - " Quelle est-elle ? ", lui demanda t-on. Il dit : " Ma tête rasée signifie qu'elle sera posée par terre. L'oiseau qui sort de ma bouche symbolise mon âme. Quant à la femme qui me fait entrer en son sein, c'est la terre qu'on creusera et où je serai enseveli. Pour ce qui est de mon fils qui me cherche et qu'on empêche de me rejoindre, je pense qu'il s'évertuera d'avoir le même sort qui m'est réservé ". At-Tufayl tomba en effet en martyr, le jour d'Al-Yamâma. Son fils Amr subit une grave blessure et mourut en martyr l'année d'Al-Yarmûk, sous le califat de Umar (qu'Allah soit satisfait de lui).