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Date de création : 26.02.2011
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29 Cours: La nature de l'homme

L'AMBIGUÏTE DE LA NOTION DE NORME.

Publié le 03/04/2012 à 14:32 par cafenetphilosophie Tags : société vie homme soi cadre enfant mode animal extrait nature

  Extraitdu "Cours de philosophie" d'Albert Mendiri aux éditions Sripta,  deuxième chap. "Qu'est-ce que l'homme?" P 46-48.

  

   Une norme est un modèle, un mode d'action auquel le sujet doit se conformer afin d'être en accord avec des exigences soit biologiques, soit sociales, soit morales. Examinons en premier lieu la norme biologique. Il va de soi que tout être vivant est soumis à des exigences naturelles, propres à son espèce, et qui lui permettent d'être adapté à son milieu et donc de survivre. Si ces exigences ne sont pas remplies, on entre dans l'ordre du "pathologique". Voilà ce qu'affirme en la matière Canguilhem dans "Le normal et le pathologique" (1951):

 

   "Nous ne pouvons pas dire que le concept de "pathologique" soit le contradictoire logique du concept de "normal", car la vie à l'état pathologique n'est pas absence de normes mais présence d'autres normes. En toute rigueur, "pathologique" est le contraire vital de "sain" et non le contradictoire logique de normal... La maladie, l'état pathologique, ne sont pas perte d'une norme mais allure de la vie réglée par des normes vitalement inférieures ou dépréciées...

   Comme le dit Goldstein (XX° siècle) les normes de vie pathologique sont celles qui obligent désormais l'organisme à vivre dans un milieu "rétréci", différant qualitativement, dans sa structure, du milieu antérieur de vie, et dans ce milieu rétréci exclusivement, par l'impossibilité où l'organisme se trouve d'affronter les exigences de nouveaux milieux, sous forme de réactions ou d'entreprises dictées par des situations nouvelles. Or, vivre pour un animal déjà, et à plus forte raison pour l'homme, ce n'est pas seulement végéter et se conserver, c'est affronter des risques et en triompher".

 

   De ce point de vue, l'enfant trisomique n'est pas "anormal"; il est simplement atteint d'une affection chromosomique, puisqu'il possède un chromosome surnuméraire, un 47° chromosome, cette affection ne lui permettant pas, sans protection humaine, d'affronter le milieu environnant. De même, l'enfant réputé "surdoué" ne fait au mieux que posséder des "structures d'accueil" particulièrement développées par rapport à une activité donnée, même si ce talent lui rend parfois plus difficile son évolution au sein d'un cadre de vie ordinaire.

   L'idée de norme au sein de la vie sociale concerne les comportements habituels, dominants, issus d'influences souterraines comme les phénomènes de mode, ou bien encouragés et renforcés par l'éducation du jour ou par le poids des traditions. Il s'agit donc d'une "norme" purement statistique. Ceux qui s'en écartent sont considérés comme des originaux, voire si cet écart est important, comme  des marginaux. Les "normes" sociales relèvent davantage du jugement de fait que du jugement de valeur, même si cette remarque reste ambiguë puique les traditions sont censées incarner des valeurs particulières à une civilisation donnée.

   A vrai dire la notion de "norme" s'applique essentiellement aux comportements moraux. Par exemple, la conception de l'homme selon Platon définit une norme, un modèle, un paradigme qui permettent à  un homme d'être conforme à son essence, d'être véritablemnt "humain". Ce sont des valeurs qui sont en cause en l'occurrence. La norme sociale juge ce qui se fait; la norme morale juge ce qui devrait se faire. Cette distinction entre les simples faits et les valeurs, entre ce qui se fait et ce qui devrait se faire, se retrouve au niveau de l'idée de civilisation.

   En premier lieu, la civilisation renvoie à l'idée de culture. Nous savons qu'il n'y a pas d'humanité sans culture, donc sans civilisation. En d'autres termes tout homme est civilisé. Le sauvage, l'homme ayant vécu à l'écart de la culture depuis sa naissance, est une vue de l'esprit ou bien décrit des cas exceptionnels témoignant que dans ces situations ces êtres ne parviennent pas à développer leurs potentialités humaines.

    Cependant nous utilisons le terme de civilisé dans un second sens et il ne s'agit plus, comme dans le précédent usage d'un jugement de fait mais au contraire d'un jugement de valeur. La civilisation est censée incarner un certain nombre de valeurs où le droit prime la force, où la personne humaine est considérée comme la valeur suprême, où toute forme de violence se voit condamnée. Mais il s'agit là des valeurs dominantes de l'Occident chrétien, prises comme étalon de la civilisation.

    Toute la question est alors de savoir s'il y a un modèle d'humanité, bref s'il y a une nature humaine permettant de juger les autres cultures à l'aune de ces valeurs là et donc de la nôtre. Est-il objectif de juger que les cultures fondées sur la violence, le racisme, l'esclavage par exemple sont "inhumaines" ou barbares? Ces remarques nous amènent au débat antérieur à propos de l'existence ou non d'une nature humaine. Comme on le voit, ce jugement de valeur engage une certaine idée de l'homme et ne relève pas d'une évidence neutre ou étrangère à toute idéologie.

    Peut-être est-il plus aisé de distinguer les sociétés développées sur le plan technique des sociétés dites primitives caractérisées par un faible développement en la matière. Le critère de jugement s'avère plus objectif, tout au moins si on s'en tient à ces strictes considérations quant aux capacités de transformation de la nature, sans porter de jugement sur l'opportunité de celles-ci.

    Comme on le voit l'idée de norme est intimement liée à celle de la nature humaine, de son affirmation ou de sa négation. C'est vrai à propos des comportements communs aux membres de l'espèce mais également concernant les variantes des comportements individuels. Prenons par exemple le cas épineux de l'homosexualité. Ce comportement est-il naturel, est-il conforme à la nature humaine? Le bon sens ou plus précisément les analyses prenant en compte les caractéristiques essentiellement biologiques de l'homme proclameront qu'il s'agit là d'une attitude "anormale", contraire à la nature, qui, au mieux, relève de la pathologie psychologique, comme Freud le soutenait d'ailleurs. L'homosexualité, disait-il, traduisait une perturbation du développement affectif, la fixation du sujet à une étape de son développement.

   Ce débat nous ramène une fois de plus à la conception que nous nous formons de la nature humaine. Deux questions essentielles se posent alors: est-il possible de discerner, de dégager une essence de l'humanité en général? Si c'est le cas, quelle importance doit-on accorder à la dimension purement biologique de l'homme? Car non seulement l'homme n'est pas seulement un corps mais il n'est pas essentiellement cela. Ce qui le caractérise, ce qui constitue son humanité c'est sa dimension spirituelle et morale. L'homme n'a-t-il pas vocation à dépasser, à maîtriser, à transformer la nature en général et donc sa propre nature biologique?

   Si on ne retient que la dimension spirituelle et morale, il va de soi que l'homosexualité n'est plus étrangère par essence à ce qui est considéré comme "humain". Mais doit-on ignorer la dimension biologique de l'homme? Si on en tient compte, quelle place lui accorder dans la définition de cette nature? Le débat sur la nature humaine reste donc ouvert et s'avère d'une grande complexité, tant les conséquences que l'on peut en tirer, notamment sur le plan éthique, sont d'une extrême importance.

   D'aileurs, à la question "Qu'est-ce que l'homme?", ni la religion, ni la pilosophie, ni la science ne sont capables d'y apporter une réponse assurée. L'embryon n'est-il qu'un amas de cellules ou bien déjà un être humain à part entière? Quand commence l'humanité? Doit-on prendre en compte que l'oeuf initial, dès la fécondation, contient les potentialités du futur être? Ne s'agit-il pas en l'occurrence que des potentialités biologiques, des "structures d'accueil" de ce dernier? Si un homme est constitué par le réseau de relations qu'il établit avec autrui et les choix libres qu'il effectue à cet égard, bref s'il est essentiellement un être spirituel et moral, la réponse peut-elle être la même? Mais doit-on, là encore, négliger complètement sa dimension corporelle? Tout ce débat nous renvoie donc aux précédentes considérations. L'homme est vraiment un mystère pour lui-même.

 

NATURE HUMAINE ET CONDITION HUMAINE.

Publié le 31/03/2012 à 08:38 par cafenetphilosophie Tags : extrait homme chez dieu nature animal

 Extrait du "Cours de philosophie" d'Albert Mendiri, Chap 2 "Qu'est-ce que l'homme?" P45-46 

 

 L'homme est un être culturel. Dépourvu d'instints, ses comportements ne sont pas commandés par sa nature biologique. A supposer qu'il dispose de prédispositions propres à l'espèce en la matière, c'est la civilisation qui modèle l'homme en fonction de ses valeurs. Néanmoins, il est possible de faire l'hypothèse d'une nature morale, d'un idéal à atteindre, cet idéal étant commun à tous les hommes car non créé par eux mais simplement dévoilé à leur réflexion. A ce titre, cet  idéa estl transcendant et définit ce que doit être l'homme afin d'être digne d'être appelé tel.

   Cependant, l'affirmartion d'une transcendance relève d'une conviction, d'une manière de concevoir la réalité et non d'un simple constat. C'est ainsi qu'à cette conviction, on peut lui opposer une autre conviction radicalement différente. JP Sartre refuse l'hypothèse d'un Dieu mais également d'un idéal transcendant dévoilé par la raison. Etre raisonnable au sens où l'entend Platon par exemple peut être un libre choix d'un sujet conscient, ce n'est pas une exigence enracinée dans la nature des choses.

   S'il n'y a aucune transcendance, qu'elle soit de nature religieuse ou issue de la raison, alors l'homme n'est au départ, a priori, rien de particulier. C'est l'homme ou plutôt sa conscience radicalement libre qui devront inventer l'homme, qui devront décider ce qu'il doit être, bref qui décideront de son essence. JP Sartre exprime cela en proclamant que chez l'homme, "l'existence précède l'essence". Ce n'est pas le cas d'un objet fabriqué, celui-ci incarnant dans une matière l'idée de l'artisan qui l'a réalisé; ce n'est pas le cas de l'animal qui doit obéir à ce que sa nature biologique a prévu pour lui. Dans ces deux cas, l'essence, c'est-à-dire les caractéristiques originales, spécifiques qui définissent les réalités en question, précèdent leur existence.

   Si on nie la transcendance, l'idée de nature humaine, l'idée d'un homme universel défini a priori perdent tout leur sens. Etre humaniste ne consiste plus à prendre pour modèle un idéal transcendant mais à inventer l'homme tel qu'on voudrait qu'il soit. Cet homme inventé exprimera la manière particulière d'assumer les caractéristiques du milieu dans lequel le sujet évolue et qui, au-delà de leur diversité, comportent trois points communs incontournables: l'homme naît sans l'avoir demandé; il vit avec autrui, il est appelé à mourir. Ces points communs définissent la "condition universelle" de l'homme.

   De plus, nous verrons que Sartre considère que l'homme inventé par l'homme a vocation à incarner une manière d'être universelle, car chacun de nous étant condamné à vivre avec autrui, l'idée que nous nous forgeons de l'homme est inévitablement celle des relations mutuelles que nous devons entretenir entre nous, dessinant par là même un homme universel. Mais le refus d'un universel transcendant conduit en la matière à une impasse, car comment trancher entre les pluralités de figures universelles inventées par les innombrables consciences libres?

RAISON ET NATURE HUMAINE

Publié le 28/03/2012 à 10:22 par cafenetphilosophie Tags : cul extrait image homme coeur dieu société nature soi cadre animal

Extrait du "Cours de philosophie" d'Albert Mendiri aux éditions Scripta. Deuxième chapitre "Qu'est-ce que l'homme?" P43-45.

 

    L'homme est un être culturel. Il ne possède pas de comportements innés. S'il dispose éventuellement de prédispositions propres à l'espèce, ces dernières voient leurs manifestations dépendre de l'éducation, des exigences d'une civilisation, bref du bon vouloir de l'humanité. Dès lors, si on entend par "nature humaine" des comportements communs à tous les membres de l'espèce et tributaires de ce que l'homme n'a pas créé, à savoir l'hérédité, l'inné, le biologique, alors il va de soi qu'il n'y a pas de nature humaine sur le plan biologique.

   Mais l'homme ne se réduit pas à ses caractéristiques biologiques. Ce n'est pas seulement un corps, c'est également un être d'esprit, un être créateur, un être qui est à l'origine de ce qu'on appelle la culture. On peut même affirmer qu'il est essentiellement un être de culture et donc essentiellement un être qui se caractérise par l'esprit. La question est alors de savoir si l'esprit peut se dévoiler un idéal de comportement de l'homme, un idéal qui transcenderait, c'est-à-dire dépasserait toutes les diversités culturelles. Cet idéal éventuel serait donc commun à tous les hommes, se présenterait comme une exigence offerte à la liberté humaine lorsque l'individu souhaite devenir véritablement "humain", digne d'être appelé tel. Cet idéal constituerait alors une nature humaine d'ordre moral. Les hommes ne seraient pas tenus d'y obéir comme l'animal est tenu d'obéir à son instinct, mais invités à le faire afin d'être véritablement homme.

   Cette nature humaine, cet idéal commun à tous les hommes trouvent leurs fondements dans une référence universelle qui est indépendante de la volonté des hommes, autrement dit au sein d'une transcendance. La transcendance est d'abord une idée religieuse, particulièrement issue des religions monothéistes, des religions qui honorent un Dieu unique, un Dieu par là même universel et commun à tous les hommes. Le Dieu ainsi conçu incarne un idéal vers lequel les hommes doivent tendre. C'est d'autant plus vrai  dans le cadre du judaïsme qui proclame que "l'homme est créé à l'image de Dieu" et encore plus vrai dans le cadre du christianisme qui affirme que le Christ est le Dieu incarné en homme. Dès lors l'idéal transcendant de l'homme, le modèle à suivre, sont tout trouvés.

   Les Grecs se réfèrent à un autre universel, à une autre source de la nature humaine. La raison, commune à tous les hommes, serait cette "lumière naturelle" selon l'expression de Descartes qui dévoilerait aux hommes l'idéal à poursuivre afin d'être véritablement humain. Cet idéal dépasse le seul cadre de l'humanité dans la mesure où cette raison est conçue comme une manifestaton d'une raison universelle, d'un "Logos" qui rend compte de toute réalité, de "l'intelligence" ou du "nous" (l'esprit) qui façonne tout ce qui est.  En ce sens, la raison nous dévoile également un idéal transcendant.

   C'est ainsi que Platon (V° siècle avant JC) décrit l'homme à l'aide des images suivantes: celui-ci comporte trois parties, le ventre siège des désirs, le coeur siège des sentiments, la  tête siège de l'intelligence. Si l'on s'en tient à cette simple description, il n'y a rien d'original ni de matière à débats. Seulement, Platon ajoute qu'une hiérarchie  doit être respectée entre ces trois instances. Faute de savoir naturel ou d'instinct dirions-nous aujourd'hui, l'intelligence a vocation à gouverner, à tenir le gouvernail.

   En effet, les désirs laissés à eux-mêmes conduisent à tous les excès, à la perte de l'individu qui fait alors son mal et qui en même temps risque de remettre en cause l'harmonie sociale. De même, les sentiments ne sont pas toujours bons conseillers; ils peuvent développer les passions les plus aveugles, ou entraîner des faiblesses coupables. En conséquence, ni les désirs, ni les sentiments n'ont vocation à gouverner l'action de l'homme. Il ne s'agit pas de les renier. Ils sont des composantes essentielles de l'existence humaine et apportent des satisfactions indispensables à son bon déroulement. Mais leur légitimité, leur pertinence doivent être contrôlées par l'intelligence.

   En somme, pour être véritablement un homme digne de ce nom, pour être "humain" et non "inhumain", pour être conforme à sa nature, pour faire par là son bien mais aussi celui de la société au sein de laquelle notre action s'insère, il faut que les désirs soient traversés par des sentiments et que les sentiments soient validés par l'intelligence. Telle est  la hiérarchie naturelle à respecter. Sinon, le désordre règne en nous d'abord et au sein de la Cité ensuite. Respecter cette hiérarchie revient à respecter l'ordre naturel des choses. Cela nous amène à être juste c'est-à-dire à accorder à chaque instance, désir, sentiment, intelligence, la place qui leur revient.

   La relation affective que peuvent entretenir deux partenaires est éclairante à cet égard. Le désir de ces derniers doit être intimement lié à des sentiments pour être véritablement humain, pour ne pas traiter l'autre comme un simple objet sexuel et le sentiment amoureux lui-même doit être soumis à l'examen de l'intelligence pour ne pas rester aveugle.

   Ces analyses soulèvent donc le problème du statut à accorder à la raison. D'une manière générale, la raison est une faculté humaine qui permet à l'homme de penser de manière logique, c'est-à-dire de façon réfléchie, ordonnée, rigoureuse. La raison nous conduit à agir efficacement, à choisir les meilleurs moyens en vue d'atteindre nos objectifs. Notre comportement est alors qualifié de rationnel. Cette fonction de la raison est un constat qui ne soulève aucun débat.

   En revanche, cet usage de la raison ne nous prémunit pas par rapport à des choix, des fins, des objectifs immoraux. Si un sujet veut accomplir un crime parfait, il  lui faudra réfléchir, être rationnel. Dans ce cas de figure la raison, maîtresse des moyens et non des fins se voit mise au service de la passion irrationnelle par exemple. Pour un platonicien, cet usage de la raison, soumis à la passion, témoigne d'une âme injuste, d'un désordre naturel condamnable et non conforme à la nature humaine.

   L'usage de la raison doit donc être régulé. Les moyens choisis ne devront pas être exclusivement inspirés par l'efficacité et surtout la raison devra tenir le gouvernail c'est-à-dire choisir les objectifs sans être asservie aux sentiments et aux désirs. Bref, la raison a pour vocation essentielle de nous amener à être raisonnable et pas seulement rationnel. La raison fixe les fins conformes à la nature humaine.

   Mais de telles conclusions suscitent un débat concernant la nature de l'homme: cette fonction normative de la raison, cette fonction consistant à définir comment l'homme doit se comporter afin d'être digne d'être appelé homme n'est pas seulement un jugement de fait, un simple constat incontestable, mais relève du jugemment de valeur, c'est-à-dire d'une appréciation portée sur l'importance accordée à la raison dans la conduite de son action, dans le choix des fins. Les analyses de Platon relèvent donc d'une certaine idée de l'homme, d'un engagement, d'une conception selon laquelle la réalité au sein de laquelle nous évoluons possède un sens, est traversée par un"Logos", par une raison universelle et transcendante.

     Il nous faudra donc examiner lors du prochain billet consacré à l'exposé de ce cours, d'autres conceptions possibles de l'homme.

 

16 L'HYPOTHESE DE "PREDISPOSITIONS COMPORTEMENTALES".

Publié le 25/03/2012 à 08:28 par cafenetphilosophie Tags : femmes soi société mort nature travail chez homme vie coeur amour bonne blog extrait enfant aimer

Extrait du "COURS DE PHILOSOPHIE" d'Albert Mendiri, auteur de ce blog, aux éditions Scripta.

 

  Si l'homme est dépourvu de comportements innés, si l'éducation et la culture jouent un rôle déterminant dans la constitution de son humanité, il n'en reste pas moins vrai que la nature joue également un rôle qu'on ne saurait ignorer. F. Jacob évoquait l'idée de prédispositions naturelles ou plus précisément de "structures d'accueil" chez tout individu, structures d'accueil plus ou moins exploitées, renforcées ou au contraire inhibées pa l'action du milieu.

   Ce qui est vrai pour un individu particulier l'est peut-être également pour l'espèce humaine. Cette dernière présente peut-être des prédispositions à certains comportements qu'il appartient à l'éducation de favoriser ou au contraire de réprimer. Ces prédispositions éventuelles, communes à tous les individus de l'espèce ne constitueraient pas une fatalité mais ouvriraient seulement des possibilités offertes à la liberté humaine en vue de les épanouir ou de les combattre. C'est ainsi qu'il est difficile de nier le rôle des hormones au niveau des comportements. Comment expliquer, uniquement par des différences éducatives, que les phénomènes de délinquance concernent massivement les hommes et non les femmes, puisque les 9/10° au moins des prisonniers sont des hommes? Mais, en toute hypothèse, à supposer que ces phénomènes soient d'origine naturelle, ils ne constitueraient pas une nature incontournable, comme c'est le cas pour les autres espèces animales.

   Quelles seraint ces prédispositions naturelles de l'espèce? Plusieurs hypothèses, plus souvent de nature philosophique que véritablement scientifique, ont été formulées en la matière. C'est le cas en premier lieu de JJ Rouseau. Il soutient que les hommes sont potentiellement bons ou plus précisément qu'ils développent naturellement ce que nous appellerions aujourd'hui un sentiment d'empathie au contact d'autrui, c'est-à-dire la capacité à se mettre à la place d'autrui afin de comprendre ce qu'il ressent. Il dénomme pour sa part "pitié" cette prédisposition naturelle. Il justifie son affirmation en remarquant que, faute d'instinct social, le recours à la seule raison afin de cohabiter durablement et harmonieusement avec ses semblables serait impossible car trop difficile.

   C'est le point de vue qu'il développe dans le "Discours sur l'origine et les fondements de l'inégalité":

  

   "Il est donc bien certain que la pitié est un sentiment naturel qui, modérant dans chaque individu l'activité de l'amour de soi-même, concourt à la conservation mutuelle de toute  l'espèce. C'est elle qui nous porte san réflexion au secours de ceux que nous voyons souffrir; c'est elle qui, dans l'état de nature, tient lieu de lois, de moeurs et de vertu, avec cet avantage que nul n'est tenté de désobéir à sa douce voix: c'est elle qui détournera tout sauvage robuste d'enlever à un faible enfant, ou à un vieillard infirme, sa subsistance acquise avec peine,si lui-même espère pouvoir trouver la sienne ailleurs: c'est elle qui, au lieu de cette maxime sublime de justice raisonnée, "Fais à autrui comme tu veux qu'on te fasse", inspire à tous les hommes cette autre maxime de bonté naturelle bien moins parfaite, mais plus utile peut-être que la précédente, "Fais ton bien avec le moindre mal d'autrui qu'il est possible".  C'est en un mot dans ce sentiment naturel, plutôt que dans ces arguments subtils qu'il faut chercher la cause de la répugnance que tout homme éprouvait à mal faire, même indépendamment de l'éducation. Quoi qu'il puisse appartenir à Socrate et aux esprits de sa trempe, d'acquérir de la vertu par raison, il y a longtemps que le genre humain ne serait plus, si sa conservation n'eût dépendu que des raisonnements de ceux qui le composent."

    

 E. Kant développe pour sa part une analyse plus nuancée où il souligne l'attitude ambiguë de l'homme face à la société: ce dernier est attiré par la vie en société mais en même temps il a tendance à vouloir dominer les autres. Kant évoque à ce propos 'l'insociable sociabilité" de l'homme:

 

   "...l'insociable sociabilité des hommes, c'est-à-dire leur inclination à entrer en société, inclination qui est cependant doublée d'une répulsion générale à le faire, menaçant constamment de désagréger cette société. L'homme a un penchant à s'associer, car dans un tel état, il se sent plus qu'homme par le développement de ses dispositions naturelles. Mais il manifeste aussi une grande propension à se détacher (s'isoler), car il trouve en même temps en lui le caractère d'insociabilité qui le pousse à vouloir tout diriger dans son sens; et, de ce fait, il s'attend à rencontrer des résistances de tous côtés, de même qu'il se sait par lui-même enclin à résister aux autres.

    C'est cette résistance qui éveille toutes les forces de l'homme, le porte à surmonter son inclination à la paresse, et sous l'impulsion de l'ambition, de l'instinct de domination ou de cupidité, à se frayer une place parmi ses compagnons qu'il supporte de mauvais gré, mais dont il ne peut se passer."

  

   Freud sera beaucoup plus radical et pessimiste à propos des prédispositions naturelles de l'humanité. Pour lui, l'homme est traversé par deux pulsions, une pulsion de vie ou Eros qui le pousse à vivre et à chercher des satisfactions et une pulsion de mort ou Thanatos qui le pousse à vouloir le mal pour lui-même et les autres. Remarquons à cette occasion qu'une pulsion n'est pas un instinct. C'est une force intérieure, indéterminée dans son objet précis et dans ses modalités d'action, et qui, de manière aveugle et difficilement répressible conduit soit à l'affirmation de la vie, soit à sa destruction. Ces pulsions sont considérées par Freud comme de nature biologique et non pas générées par le milieu, ce que contesteront la plupart de ses disciples, exepté Mélanie Klein.

    C'est ainsi que dans "Malaise dans la civilisation", Freud s'exprime ainsi à ce propos:

 

   "L'homme n'est point cet être débonnaire, au coeur assoiffé d'amour, dont on dit qu'il se défend quand on l'attaque, mais un être, au contraire, qui doit porter au compte de ses données pulsionnelles une bonne somme d'agressivité. Pour lui, par conséquent, le prochain n'est pas seulement un auxiliaire et un objet sexuel possibles, mais aussi un objet de tentation. L'homme est, en effet, tenté de satisfaire son besoin d'agression aux dépens de son prochain, d'exploiter son travail sans dédommagements, de l'utiliser sexuellement sans son consentement, de s'approprier ses biens, de l'humilier, de lui infliger des souffrances, de le martyriser et de le tuer (...) Cette tendance à l'agression que nous pouvons déceler en nous-mêmes et dont nous supposons à bon droit l'existence chez autrui, constitue le facteur principal des perturbations dans nos rapports avec notre prochain; c'est elle qui impose à la civilisation tant d'efforts. Par suite de cette hostilité primaire qui dresse les hommes les uns contre les autres, la société civilisée est constamment menacée de ruine. L'intérêt du travail solidaire ne suffirait pas à la maintenir; les passions pulsionnelles sont plus fortes que les intérêts rationnels. La civilisation doit tout mettre en oeuvre pour limiter l'agressivité humaine et pour en réduire les manifestations à l'aide de réactions psychiques d'ordre éthique. De là, cette mobilisation de méthodes incitant les hommes à des identifications et à des relations d'amour inhibées quant au but; de là cette restriction de la vie sexuelle; de là aussi cet idéal imposé d'aimer son prochain comme soi-même, idéal dont la justification véritable est précisément que rien n'est plus contraire à la nature humaine primitive."

 

   Comme on le voit, l'ensemble de ces hypothèses, à supposer qu'elles soient fondées, se présentent comme la description de prédispositions naturelles et non comme des fatalités. La nature propose, le milieu dispose. L'humanité ne se réduit donct pas à ces types de prédispositions. Elle est le fruit des interactions entre ces dernières et l'action du milieu. L'originalité de la nature humaine est d'être dépourvue d'une nature imposée mais se présente comme une manière d'être choisie par la civilisation.

    

 

15 L'ETAT DE NATURE: REALITE OU FICTION?

Publié le 22/03/2012 à 08:49 par cafenetphilosophie Tags : animal pensée société nature homme vie dessous chez heureux extrait

Extrait du "Cours de philosophie" d'Albert Mendiri aux éditions Scripta.  

   L'homme est un être culturel. Il ne devient homme qu'au contact des homme. Ses comportements ne sont plus dictés par la nature. Est-il alors possible d'imaginer ce que serait un homme n'ayant jamais vécu en société, n'ayant jamais reçu une influence culturelle quelconque? Bref est-il possible de se demander ce que serait un homme "à l'état de nature"?

   Remarquons en premier lieu que l'anthropologie scientifique, l'activité qui étudie les origines et l'évolution de l'homme à travers le temps, n'a jamais constaté l'existence d'un homme solitaire mais toujours d'hommes en groupes. L'homme a, semble-t-il, toujours vécu en société. Il convient à ce propos de ne pas confondre l'ermite, c'est-à-dire l'homme éduqué ayant choisi de se retirer de la vie sociale, mais portant en lui la culture, ayant acquis une langue et donc la pensée, possédant des idées morales, avec un homme à l'état de nature, qui est un homme "sauvage", un homme n'ayant jamais été en contact avec les hommes, avec une culture donnée.

   Cette idée d'"état de nature" s'est vue introduite et développée par le philosophe anglais Hobbes au XVII° siècle et reprise par Rousseau au XVIII° siècle. Cependant, dans les deux cas, ces auteurs ne faisaient pas de l'état de nature une réalité historique lointaine et originelle. Ce n'était à leurs yeux qu'une fiction destinée à se représenter les apports respectifs de la nature et de la société en vue de constituer l'humanité.

   Dans un passage célèbre du "Contrat Social", Rousseau décrit fort bien l'apport décisif de l'état social à l'état de nature, mettant clairement en évidence les deux contresens les plus fréquents mais aussi les plus durables concernant cet auteur, à savoir que l'homme à l'état de nature est bon et que l'état social lui fait perdre sa perfection originelle, le pervertit en quelque sorte:

  

   "Ce passage de l'état de nature à l'état civil produit en l'homme un changement très remarquable, en substituant à sa conduite la justice à l'instinct, et donnant à ses actions la moralité qui leur manquait auparavant. C'est alors seulement que la voix du devoir succédant à l'impulsion physique et le droit à l'appétit, l'homme, qui jusque là n'avait regardé que lui-même, se voit forcé d'agir sur d'autres principes, et de consulter sa raison avant d'écouter ses penchants. Quoiqu'il se prive dans cet état de plusieurs avantages qu'il tient de la nature, il en regagne de si grands, ses facultés s'exercent et se développent, ses idées s'étendent, ses sentiments s'ennoblissent, son âme tout entière s'élève à tel point que si les abus de cette nouvelle condition ne le dégradaient souvent au-dessous de celle dont il est sorti, il devrait bénir sans cesse l'instant heureux qui l'en arracha pour jamais, et qui, d'un animal stupide et borné, fit un être intelligent et un homme.

   Réduisons toute cette balance à des termes faciles à comparer. Ce que l'homme perd par le contrat social, c'est sa liberté naturelle et un droit illimité à tout ce qui le tente et qu'il peut atteindre; ce qu'il gagne, c'est la liberté civile et la propriété de tout ce qu'il possède. Pour ne pas se tromper dans ces compensations, il faut bien distinguer la liberté naturelle qui n'a pour bornes que les forces de l'individu, de la liberté civile qui est limitée par la volonté générale, et la possession qui n'est que l'effet de la force ou le droit du premier occupant, de la propriété qui ne peut être fondée que sur un titre positif.

   On pourrait sur ce qui précède ajouter à l'acquis de l'état civil la  liberté morale, qui seule rend l'homme vraiment maître de lui; car l'impulsion du seul appétit est esclavage, et l'obéissance à la loi qu'on s'est prescripte est liberté."

  

   L'"état de nature", le "bon sauvage" ne sont chez Rousseau que des procédés pédagogiques afin de mieux penser l'apport décisif de la société dans la genèse même de l'humanité. Ce n'est pas la société qui pervertit l'homme, mais la société mal gouvernée, la société injuste. A l' "état de nature", l'homme n'est "qu'un animal stupide et borné". C'est l'état social qui lui donne la moralité, c'est la rencontre avec autrui qui réveille en lui ses prédispositions à la bonté tout en lui donnant les idées du "bien" et du "mal", lui faisant perdre par là son innocence animale.

   Hegel, dans "Propédeutique philosophique", développe la même analyse:

 

    "L'état de nature est l'état de rudesse, de violence, d'injustice... On décrit souvent l'état de nature comme un état parfait de l'homme, en ce qui concerne tant le bonheur que la bonté morale. Il faut d'abord noter que l'innocence est dépourvue comme telle de toute valeur morale, dans la mesure où elle est ignorance du mal et tient à l'absence des besoins d'où peut naître la méchanceté. D'autre part, cet état est bien plutôt celui où règnent la violence et l'injustice, précisément parce que les hommes ne s'y considèrent que du seul point de vue de la nature. Or, de ce point de vue là, ils sont inégaux tout à la fois quant aux forces du corps et quant aux dispositions de l'esprit, et c'est par la violence et la ruse qu'ils font valoir l'un contre l'autre leur différence. Sans doute la raison appartient aussi à l'état de nature, mais c'est l'élément naturel qui a en lui la prééminence. Il est donc indispensable que les hommes échappent à cet état pour accéder à un autre état, où prédomine le vouloir raisonnable."

 

   Concluons ces analyses en rappelant le cas déjà évoqué des "enfants sauvages" et qui témoigne avec éloquence qu'un être humain abandonné dès la naissance, en-dehors d'une influence humaine quelconque, ne peut exploiter les potentialités de son espèce, tout particulièrement la pensée qui passe par le développement du langage, ce dernier étant acquis et non naturel. De même, si l'homme est capable d'accéder à l'idée d'acte moral, seule l'éducation permet d'actualiser cette possibilité. Il n'y a pas d'humanité à l'état sauvage.

 

 

14 LE DEPASSEMENT DE LA NATURE.

Publié le 19/03/2012 à 08:24 par cafenetphilosophie Tags : extrait livres gratuit animaux soi nature monde amis chez création homme vie animal cadre amour

Extrait du 'Cours de philosophie" d'Albert Mendiri, aux éditions Scripta.

  

   S'il est établi que l'homme est dépourvu d'instincts, il va de soi qu'il éprouve les besoins naturels communs au monde animal. C'est ainsi qu'il ressent le besoin de se nourrir. Pourtant, ce besoin s'exprime de manière radicalement différente chez l'homme. Car il revêt des caractéristiques culturelles qui en transforment la manifestation et qui l'associent avec des besoins spécifiquement humains.

   C'est ainsi que possédant la maîtrise du feu, il est le seul à faire cuire ses aliments pour se nourrir; possédant l'outil, il est également le seul à utiliser des instruments créés par lui et adaptés à des fonctions précises (pensons aux différents couverts disposés sur nos tables, pour ne retenir que cet exemple) ; ses repas s'inscrivent dans le cadre de rites sociaux, que ce soit les heures choisies pour s'alimenter, les bonnes manières observées, l'ordre des plats etc.; l'homme ne se contente pas de se nourrir en vue de la simple survie mais il crée des plats raffinés qui satisfont des plaisirs spécifiques liés à la table; de plus, assez souvent le souci culinaire se voit associé au souci esthétique et donc gratuit (c'est-à-dire sans utilité vitale) dans la présentation des plats; enfin, le repas, au-delà du besoin de se nourrir, est l'occasion d'échanges sociaux où se voient conviés parents et amis.

   Toutes ces caractéristiques soulignent que la satisfaction des besoins vitaux chez l'homme est traversée de part en part par des intérêts culturels, par sa faculté de création et donc par l'extrême diversité de ses manifestations. Il serait possible de mener des analyses de même type concernant les autres besoins, notamment le besoin sexuel. Ce besoin qui est une exigence au service de la survie de l'espèce et non comme le besoin de se nourrir au service de la survie de l'individu, revêt des formes extrêmement variées au sein de l'humanité.

   En premier lieu, ce besoin, précisément parce qu'il n'est pas impératif pour la survie de l'individu, peut être contenu ou inhibé pour des raisons culturelles diverses (morales, religieuses ou autres); il peut se manifester de manière permanente et selon des formes très variées, expressions de la créativité humaine, contrairement à l'animal où il n'apparaît qu' à des périodes bien précises de l'année et selon des rites codifiés par l'instinct; l'homme est le seul qui peut dissocier l'acte sexuel de l'intention de reproduction (excepté chez les chimpanzés bonobos qui semblent connaitre aussi une telle dissociation); enfin, assez souvent ce besoin se voit associé avec des sentiments très forts et inconnus de l'animal, à savoir l'amour. Là encore, ce besoin naturel est transfiguré par la culture, ce qui l'éloigne du simple statut d'être naturel.

  L'ensemble des analyses concernant les rapports entretenus entre la nature et la culture permet d'aboutir à cette conclusion: l'homme a vocation à se dépasser indéfiniment. Pascal dans la "Préface pour le traité du vide" met bien en évidence cette spécificité de l'homme:

 

   "Les ruches des abeilles étaient aussi bien mesurées il y a mille ans qu'aujourd'hui, et chacune d'elles forme cet hexagone aussi exactement la première fois que la dernière. Il en est de même de tout ce que les animaux produisent par ce mouvement occulte. La nature les instruit à mesure que la nécessité les presse; mais cette science fragile se perd avec les besoins qu'ils en ont; comme ils la reçoivent sans étude, ils n'ont pas le bonheur de la conserver; et toutes les fois qu'elle leur est donnée, elle leur est nouvelle, puisque, la nature n'ayant pour objet que de maintenir les animaux dans un ordre de perfection bornée, elle leur inspire cette science nécessaire, toujours égale, de peur qu'ils ne tombent dans le dépérissement, et ne permet pas qu'ils y ajoutent, de peur qu'ils ne passent les limites qu'elle leur a prescrites. Il n'en est pas de même pour l'homme, qui n'est produit que pour l'infinité. Il est dans l'ignorance au premier âge de la vie; mais il s'instruit sans cesse dans son progrès; car il en tire avantage non seulement de sa propre expérience, mais encore de celle de ses prédécesseurs, parce qu'il garde toujours dans sa mémoire les connaissances qu'il s'est une fois acquises, et que celle des anciens lui sont toujours présentes dans les livres quils en ont laissés. Et comme il conserve ces connaissances, il peut aussi les augmenter facilement; de sorte que les hommes sont aujourd'hui en quelque sorte dans le même état où se trouveraient ces anciens philosophes, s'ils pouvaient avoir vieilli jusqu'à présent, en ajoutant aux connaissances qu'ils avaient celles que leurs études auraient pu leur acquérir à la faveur de tant de siècles. De là vient, que par une prérogative particulière, non seulement chacun des hommes s'avance de jour en jour dans les sciences, mais que tous les hommes ensemble y font un continuel progrès à mesure que l'univers vieillit, parce que la même chose arrive dans la succession des hommes que dans les âges différents d'un particulier. De sorte que toute la suite des hommes, pendant le cours de tant de siècles, doit être considérée comme un même homme qui subsiste toujours et qui apprend continuellement".

 

13 COURS: NATURE ET CULTURE SONT INTIMEMENT LIEES.

Publié le 16/03/2012 à 15:47 par cafenetphilosophie Tags : extrait éléments texte animaux société nature enfants chez homme monde patrimoine

    Ce billet prolonge les  considérations sur les rôles respectifs de l'hérédité et du milieu à propos des comportements humains. Le précédent billet remettait en cause la notion d'hérédité psychologique. Un extrait de texte de L. Malson soutenait ce point de vue.  Aujourd'hui, il s'agit de mettre en évidence le caractère intimement lié des facteurs naturels et culturels.

     Si les études scientifiques établissent une proximité incontestable des comportements de jumeaux vrais sur tous les plans, intellectuel et affectif, mettant ainsi en évidence le rôle du patrimoine chromosomique, elles établissent tout autant la proximité d'enfants adoptés par rapport à leurs parents adoptifs. Ce que l'hérédité peut faire, le milieu peut également le faire. Ces constats soulignent la plasticité humaine et surtout le fait que l'hérédité et le milieu ont parties liées chez l'homme. Faute de mieux, faute d'avoir pu déceler des origines génétiques précises, et même si cette idée reste pour partie obscure, se développe le concept de "prédispositions" héréditaires qui appellent, pour pouvoir s'épanouir, l'exploitation satisfaisante de l'éducation et donc du milieu.

    C'est ce point de vue que François Jacob soutient, dans "Sexualité et diversité humaine":

 

    "Si l'organisme est le fruit d'une interaction du milieu et de l'hérédité, peut-on distinguer la part respective de ces deux facteurs dans les performances intellectuelles? Car l'interdépendance étroite des déterminants biologiques et des déterminants sociaux est trop souvent sous-estimée, quand elle n'est pas purement et simplement niée pour des raisons idéologiques ou politiques.

    Comme si, dans la genèse du comportement humain et ses perturbations, ces deux facteurs devaient s'exclure mutuellement. Dans une série de débats, sur l'école, sur la psychiatrie, sur la condition des sexes, on voit ainsi s'affronter deux positions extrêmes, deux attitudes opposées défendues par ceux qu'on pourrait appeler les partisans de la "cire vierge" et les partisans de la "fatalité génétique".

    Pour les tenants de la cire vierge, les aptitudes mentales de l'être humain n'ont simplement rien à voir avec la biologie de l'hérédité. Tout y est affaire de culture, de société, d'apprentissage, de conditionnements... Ainsi disparaît toute diversité, toute différence d'ordre héréditaire dans les aptitudes et les talents des individus. Seules comptent  les différences sociales et les différences d'éducation. La biologie et ses contraintes s'arrêtent devant le cerveau humain! Sous cette forme extrême, cette attitude est simplement insoutenable .L'apprentissage n'est rien d'autre que la mise en oeuvre d'un programme d'acquérir certaines formes de connaissance... Une pierre n'apprend rien et des animaux différents apprennent des choses différentes.

   Les données de la neurobiologie montrent que les circuits de notre système nerveux qui sous-tendent nos capacités et nos aptitudes sont, pour une part au moins, biologiquement déterminés dès la naissance.

   Comme les corps inertes, les êtres vivants obéissent aux lois de la physique et de la chimie. Simplement, ils obéissent, en plus, à d'autres lois; ils doivent satisfaire à d'autres contraintes, de nutrition, de reproduction, de variation, etc., qui n'ont aucun sens dans le monde inanimé.

   Chez l'être humain, aux facteurs biologiques viennent se superposer des facteurs psychiques, linguistiques, culturels, sociaux, économiques, etc. C'est dire que si l'étude de l'homme ne peut se réduire à la biologie, elle ne peut pas non plus s'en passer, pas plus que la biologie de la physique.

   Tout aussi insoutenable apparaît donc l'attitude opposée, celle de la fatalité génétique, qui, en attribuant à l'hérédité la quasi-totalité de nos aptitudes mentales, dénie pratiquement toute influence du milieu, toute possibilité sérieuse d'amélioration par l'entraînement ou l'apprentissage (...).

   Ce qui paraît le plus vraisemblable, c'est que, pour toute une série d'aptitudes mentales, le programme génétique met en place ce qu'on pourrait appeler des "structures d'accueil" qui permettent à l'enfant de réagir à son milieu, de repérer des régularités, de les mémoriser, puis de combiner les éléments en assemblages nouveaux. Avec l'apprentissage s'affinent  et s'élaborent peu à peu ces structures nerveuses. C'est alors par une interaction constante du biologique et du culturel pendant le développement de l'enfant que peuvent mûrir et s'organiser les structures nerveuses qui sous-tendent les performances mentales.

   Dans un tel schéma, il est clair qu'attribuer une fraction des structures finales à l"hérédité et le reste au milieu n'a pas de sens. Pas plus que de demander si le goût de Roméo pour Juliette est d'origine génétique ou culturelle."

 

     En somme, en vue d'éclairer ce débat sur les rôles respectifs de l'hérédité et du milieu, on peut proposer l"image suivante: un être humain est semblable, à l'issue de son développement et de son éducation, à un gâteau préparé par une maîtresse de maison; tout le monde sait qu'il y a des oeufs, du beurre, de la farine etc. mais tous ces ingrédients sont intimement mélangés, liés et forment un tout original et indissociable. De même l'homme est un être où nature et culture se voient intimement liées dans un tout original où il s'avère impossible de les repérer de manière distincte.

  

 

 

 

12. COURS: L'HEREDITE PSYCHOLOGIQUE EN QUESTION.

Publié le 13/03/2012 à 15:54 par cafenetphilosophie Tags : extrait animal soi mode fond vie chez enfants nature homme

      Lors du précédent billet nous avions exposé un extrait du "Cours de philosophie" relatif aux rôles respectifs de l'hérédité et du milieu concernant les comportements de l'homme. Nous allons préciser cette question en exposant ce jour un extrait de l'ouvrage de L. Malson "Les enfants sauvages" mettant en évidence, selon cet auteur,   l'absence d'hérédité psychologique chez l'homme.

 

"Le comportement, chez l'homme, ne doit pas à l'hérédité spécifique ce qu'il lui doit chez l'animal. Le système de de besoins et de fonctions biologiques...apparente l'homme à tout être animé sans le caractériser, sans le désigner comme membre de l' "espèce humaine". En revanche cette absence de déterminations particulières est parfaitement synonyme d'une présence de possibles indéfinis. A la vie close, dominée et réglée par une "nature donnée", se substitue ici l'existence ouverte, créatrice et ordonnatrice d'une "nature acquise". Ainsi, sous l'action de circonstances culturelles, une pluralité de types sociaux et non un seul type spécifique pourront-ils apparaître, diversifiant l'humanité selon le temps et l'espace. Ce que l'analyse même des similitudes retient de commun chez les hommes c'est une structure de posibilités... qui ne peut passer à l'être sans un contexte social, quel qu'il soit. Avant la rencontre d'autrui...l'homme n'est rien que des virtualités...

  Le problème de la nature humaine, c'est en somme celui de l'hérédité psychologique, car si l'hérédité biologique est un fait aussi clair que le jour, rien n'est plus contestable que la transmission par le germe de "propriétés" définies, décelables, dans l'ordre de la connaissance et de l'affectivité - donc de l'action- ordre où l'humanité justement se laisse reconnaître. Le naturel, en l'homme, c'est ce qui tient à l'hérédité, le culturel c'est ce qui tient à l'héritage...

   Il n'est pas facile, déjà, de fixer les frontières du naturel et du culturel dans le domaine purement organique. La taille, le poids de l'enfant, par exemple,  sont sous la dépendance de potentialités héréditaires, mais aussi de conditions d'existence plus ou moins favorables  qu'offrent le niveau et le mode de civilisation. Que la nourriture, la lumière, la chaleur- mais aussi l'affection-   viennent à manquer et le schéma idéal de développement se trouve gravement perturbé.  Dans le domaine psychologique les difficultés d'un clivage rigoureux entre le naturel et le culturel deviennent de pures et simples impossibilités. La vie biologique a des conditions physiques extérieures qui l'autorisent à être et à se manifester, la vie psychologique de l'homme des conditions sociales qu lui permettent de surgir et de se perpétuer. Chez l'animal (du reste, de moins en moins nettement au fur et à mesure que l'observation glisse des espèces inférieures aux espèces supérieures)  on voit le comportement lié aux automatismes corporels: l'hérédité des instincts n'est au fond qu'une autre désignation de l'hérédité physiologique. Chez l'homme, le concept d'hérédité psychologique, au contraire, si l'on entend par là une transmission interne d'idées, de sentiments et de vouloirs, et quels que soient les processus organiques qu'on imagine à leur source, perd toute signification concevable."

 

    Ces analyses ne doivent pas conduire à minimiser à l'extrême le rôle de l'hérédité. Il est vrai que la science actuelle n'a décelé aucun gène du caractère par exemple, si on entend par caractère la manière habituelle et spontanée de se comporter. Pourtant les cas de ressemblances troublantes entre lointains aïeux et enfants n'étant jamais entrés en contact n'est pas rare. De même est-il difficile de refuser que les inégalités corporelles, patentes dans tous les domaines et concernant tous les organes, s'arrêtent par miracle au cerveau. Comment expliquer par exemple le génie précoce de Mozart uniquement par les effets de l'éducation? A l'inverse, il va de soi que si Mozart n'avait pas évolué au sein d'un mileu privilégié notamment sur le plan musical, jamais son talent ne se serait exprimé.

  Lors d'un prochain billet consacré au rôle du milieu et de l'hérédité, nous exposerons un extrait de "Sexualité et diversité humaine" de l'ancien prix nobel français de biologie F. Jacob qui soulignera la complémentarité de ces deux facteurs.

11 RÔLE DE L'HEREDITE ET DU MILIEU CHEZ L'HOMME. COURS.

Publié le 10/03/2012 à 06:23 par cafenetphilosophie Tags : pub patrimoine homme monde enfants soi société pensée animal extrait chaton

   S'il est vrai que l'homme se voit dépourvu d'instinct, cela signifie que tous ses comportements, c'est-à-dire toutes ses manières de procéder afin de satisfaire ses besoins relèvent d'un apprentissage et n'ont aucun caractère naturel ou inné. En ce sens l'homme a besoin d'être en contact avec d'autres hommes  pour se comporter d'une manière bien définie, correspondant aux caractéristiques de la société au sein de laquelle il se trouve.

   Il y a là une différence essentielle avec le monde animal. Un chaton élevé et nourri par une chienne par exemple adoptera néanmoins des comportements propres à son espèce. En revanche des enfants abandonnés à la naissance ne deviendront pas spontanément des hommes, car il n'y a pas de comportements héréditaires atachés à l'espèce humaine. Les hommes ne disposeraient pas d'un langage naturel et donc ne pourraient pas développer leur pensée potentielle puisque ce développement est indissociablement lié à celui de l'outil pour l'exprimer, à savoir une langue bien définie.

   Le cas célèbre des enfants sauvages, notamment des "enfants loups", c'est-à-dire d'enfants recueillis dès la naissance par des louves, illustre parfaitement le propos. Ces enfants, qui possèdent les capacités d'apprentissage propres à l'espèce humaine, vont tenter d'imiter les loups, en se déplaçant à quatre pattes, en imitant leurs cris etc. Mais, après avoir été repris en charge par les hommes, vers l'âge de six ans, ils ne retrouveront jamais les capacités humaines. En effet, l'homme est en quelque sorte un prématuré naturel. C'est ce qu'on appelle le phénomène de "néoténie". A la naissance, il possède la totalité  de ses neurones mais encore peu de connexions neuroniques. Ces dernières se mettront en place pour l'essentiel lors des deux premières années. Cela suppose l'intervention parallèle d'un enzyme qui permet la mise en place de la myéline, cette substance grise qui assure les liaisons neuroniques. Or, cet enzyme n'est actif que lors des deux premières années. Autrement dit, si cette période n'a pas été mise à profit afin d'achever pour l'essentiel la construction cérébrale, il est ensuite trop tard. L'homme ne devient homme qu'au contact des hommes.

  Jean Rostand, dans "Pensées d'un biologiste", en tire les conclusions suivantes:

 

"Le biologique ignore le culturel. De tout ce que l'homme a appris, éprouvé, ressenti au long des siècles, rien ne s'est déposé dans son organisme... Chaque génération doit refaire tout  l'apprentissage... De jeunes fourmis isolées de la fourmilière refont d'emblée une fourmilière parfaite. Mais de jeunes humains séparés de l'humanité ne pouraient reprendre qu'à la base l'édification de la cité humaine. La civilisation fourmi est inscrite dans les réflexes de l'insecte... La civilisation de l'homme est dans les bibliothèques, dans les musées, et dans les codes; elle exprime les chromosomes humains, elle ne s'y imprime pas".

 

  Ce débat à propos des influences de l'hérédité et du milieu dans le comportement humain est sensible car trop souvent pollué par des considérations idéologiques ou des préjugés, sans compter les conclusions scientifiques encore incertaines. L'origine de l'intelligence, du caractère, de la maladie mentale constitue les trois grands problèmes concernés par ce débat.

   L'opinion commune se fonde sur la ressemblance entre les générations pour accorder une importance décisive à l'hérédité. Ce critère de ressemblance présente le mérite -mais un mérite fallacieux- de l'évidence. Les chercheurs ne sont pas à l'abri de ce genre de préjugés. Ce fut le cas de Cyril Burt, chargé au lendemain de la seconde guerre mondiale par le gouvernement britannique de mener une enquête afin de connaître les influences respectives de l'hérédité et du milieu concernant l'intelligence. Les conclusions de Burt dominèrent la science pendant longtemps: la part de l'hérédité s'élevait à 80% et celle du milieu à 20%.

    Ces conclusions se sont avérées doublement erronées puisqu'elles accordaient à tort la part prépondérante à l'hérédité et qu'elles séparaient nettement hérédité et milieu alors même qu'ils sont intimement liés. Elles relevaient de plus de la falsification scientifique plus inconsciente que délibérée semble-t-il. En effet, C. Burt avait logiquement choisi d'étudier les comportements intellectuels de vrais jumeaux séparés à la naissance et éduqués dans des milieux différents, afin de mettre en évidence le rôle décisif de l'hérédité. Porteurs du même patrimoine chromosomique, si les performances de ces jumeaux restaient identiques alors même qu'ils évoluaient dans des milieux différents, le rôle capital de l'hérédité se verrait établi.

   Convaincu dès le départ de la validité de cette conclusion, C. Burt fut amené à infléchir les résultas numériques et de proche en proche à valider son hypothèse de départ qui fut acceptée en dépit de l'inévitable étroitesse de l'échantillon étudié, tant il va de soi que trouver des vrais jumeaux élevés séparément n'était guère aisé. La difficulté d'opérer de telles expériences explique que ces conclusions dominèrent plusieurs décennies. A vrai dire ces conclusions relevaient de l'idéologie et non de la science. Les partisans de l'ordre social sont portés à croire que seule l'hétédité est responsable de nos capacités, légitimant ainsi la hiérarchie sociale en place. A l'opposé, les révolutionnaires sont disposés à soutenir que seul le milieu joue un rôle, justifiant ainsi leur combat politique.

   Ajoutons que l'activité scientifique elle-même ne fut pas à l'abri de ces influences idéologiques ou de l'extrémisme des conclusions apportées à ces questions. Après que la psychatrie du début du XX° siècle ait été dominée par les explications purement biologiques, un mouvement inverse, le courant dit "anti-psychiatrie", au milieu du XX° siècle, fit de la maladie mentale un simple symptôme d'une pathologie sociale. Aujourd'hui, il semble qu'un consensus scientifique se dégage prenant en compte les deux facteurs en cause, à savoir l'hérédité et le milieu en soulignant leurs relations indissociables et inextricables.

 L'exposé de ce point de vue actuel fera l'objet du prochain billet consacré à ce thème.

 

   Extrait du "Cours de philosophie" d'Albert Mendiri publié aux éditions Scripta.

   Pour prendre connaissance des moyens éventuellement de se le procurer, consulter sur google le nom de l'auteur.

       

 

 

10 LA NOTION D'INSTINCT CHEZ L'HOMME . COURS.

Publié le 07/03/2012 à 08:02 par cafenetphilosophie Tags : mode société extrait vie monde homme chez nature animaux enfant art animal

    Que doit-on entendre par la nature et la culture? La nature renvoie à l'ensemble des réalités qui n'ont pas été créées par l'homme, que ce soit le monde de la matière inerte, les êtres vivants et donc les caractéristiques héréditaires de notre corps. A l'opposé, la culture est l'ensemble des réalités matérielles et spirituelles créées par l'homme. La culture devient donc synonyme de la civilisation et non, comme on l'entend fréquemment, l'étendue plus ou moins importante de nos connaissances.

   De ce point de vue, tous les aspects de la vie humaine se rattachent à la culture, que ce soit nos habitudes alimentaires, vestimentaires, le type d'habitat, nos techniques, nos traditions profanes ou religieuses, nos croyances, les modes d'organisation des  sociétés,  l'ensemble de nos savoirs, nos oeuvres d'art, nos langues de communication...etc. A ce titre, il n'y a pas d'homme sans culture. Tout homme possède peu ou prou des savoirs et des pratiques dans les différents domaines évoqués.

  Si les caractéristiques corporelles de l'espèce humaine se rattachent à la nature, il n'en irait pas de même concernant ses comportements. En effet, l'homme se verrait dépourvu d'instincts. Cette affirmation se heurte à des résistances dans la mesure où la notion d'instinct a un sens plus ou moins large.

   Dans la conversation courante, nous attribuons généralement des instincts à l'homme. On évoque l'instinct maternel, l'instinct sexuel, l'instinct de survie etc. Mais il s'agit là d'une extension abusive du sens de ce terme. Qu'est-ce qu'un instinct au sens rigoureux du terme? Il s'agit de comportements innés, uniformes chez tous les membres de la même espèce, parfaitement adaptés à leur objectif et non susceptibles d'évoluer sous l'effet d'un apprentissage. L'exemple type est celui de l'araignée, l'épeire diadème de nos jardins, qui tisse sa toile hexagonale et ce dès la naissance, composée de fils successifs dont alternativement l'un adhère aux pattes de l'insecte et l'autre non, ce qui explique que l'araignée en question ne se rend pas prisonnière de sa propre toile. L'instinct renvoie donc à des comportements complexes, précis, incarnant une mémoire héréditaire et autorisant l'adaptation de l'animal concerné à son environnement.

   Certes, l'exemple de l'araignée apparaîtra extrême et en fin de compte peu significatif. Ce qui est vrai pour des espèces dont le système nerveux est rudimentaire peut-il s'appliquer à l'ensemble des espèces animales, notamment les animaux domestiques qui nous entourent ? Car ces derniers sont capables d'apprentissage. Si on considère que l'intelligence se définit par la capacité d'apprentissage, alors ces animaux possèdent une forme d'intelligence. Cependant, il est également incontestable qu'ils adoptent des comportements identiques à tous les membres de leur espèce, comportements qui ne résultent pas d'un apprentissage. A côté de l'intelligence, ils se voient donc pourvus d'instincts.

   En somme, au fur et à mesure du développement du système nerveux la part d'intelligence et donc la capacité d'apprentissage croissent et la part d'instincts ou de comportements innés et rigides décroît, dans la mesure où ces derniers deviennent moins  indispensables à l'adaptatio à leur environnement et à leur survie. Il y a donc là une logique de l'évolution, qui vraisemblablement sous la pression de la sélection naturelle, ne conserve dans l'organisation des êtres vivants que les caractéristiques utiles à cette survie.

  Or, si l'on poursuit cette logique, on comprend que l'homme, dont le cerveau est capable de tout apprendre soit dépourvu d'instincts. Ces derniers, s'ils existaient, loin de le favoriser, deviendraient de par leur rigidité et leur caractère stéréotypé, des obstacles à son progrès. Il semblerait que l'homme moderne, l'homo sapiens sapiens, ne possède qu'un seul instinct, -et encore cela est-il sujet à discussion chez les anthropologues, c'est-à-dire les spécialistes étudiant l'homme- à savoir  celui de succion. En effet, un enfant, dès la naissance, doit être capable de téter sa mère, de se nourrir sans passer par le préalable d'un apprentissage en la matière.

  Mais alors qu'en est-il des instincts que l'opinion commune attribue à l'homme? Peut-on contester l'existence d'un instinct maternel ou sexuel par exemple? Il convient, afin d'éclairer ce débat, de bien distinguer les notions de besoin et d'instinct. L'homme, au même titre que l'araignée, possède des besoins, par exemple le besoin de se nourrir. Ce besoin se traduit par un certain nombre de sensations d'ordre physiologique.

  En revanche, l'instinct renvoie non  à l'existence même du besoin, mais à la manière de satisfaire ce besoin, aux moyens utilisés à cet effet. L'araignée tisse une toile afin de capturer ses proies. Toutes les araignées de la même espèce font de même, en réalisant exactement la même toile, sans jamais l'avoir appris et sans que cette "technique" naturelle soit perfectible grâce à un apprentissage. Si l'homme possédait un instinct en vue de se nourrir, cela signifierait que tous les hommes, de toutes les époques, de tous les milieux, utiliseraient des techniques naturelles identiques, non apprises par conséquent et non susceptibles de progresser.

  L'absurdité d'une telle hypothèse apparaît alors clairement. Par rapport au besoin de se nourrir, la diversié des moyens pour y parvenir, que ce soit dans les techniques utilisées ou bien dans le choix même de la nourriture, est patente. Il en va de même concernant la satisfaction du besoin sexuel où l'imagination de l'homme est fort riche. C'est encore vrai à propos du prétendu instinct maternel, puisque là encore les manières de procéder en matière d'éducation sont aussi variées que ne le sont les civilisations humaines.

Extrait du "COURS DE PHILOSOPHIE" d'Albert MEndiri publié aux éditions SCRIPTA.

Pour se le procurer, consulter sur Google le nom de l'auteur.