Le Jardin des Sages - Ibn Hibbân

Rib'î a dit : " Qui as-tu mentionné, ô Abû Sufyân ? "

" J'ai mentionné Rib'î, savez-vous qui était Rib'î ? C'était un homme de la tribu d'Ashja dont les membres affirmaient qu'il n'avait jamais proféré de mensonge. Un homme le dénonça auprès d'Al-Hajjâj et dit : " Voici un homme de la tribu d'Achja dont les membres prétendent qu'il n'a jamais menti, mais il va mentir aujourd'hui. Tu as invité ses fils à prêter allégeance et ils son chez lui ". Al-Hajjâh punissait alors les dissidents en les décapitant. Il le convoqua et vit un homme au dos courbé par la vieillesse.

" Tu es Rib'î ? lui demanda t-il.

" Oui ", répondit il.

" Où sont tes enfants ? "

" Ils sont tous les deux à la maison ".

Il lui donna alors une monture, des vêtements et recommanda qu'il soit traité avec égards ".

Malgré la situation critique, il s'est astreint à dire la vérité.

Ubayd Allah Ibn Muhammad Al-Taymî rapporte que son père a dit : " Umar Ibn Al-Khattâb était à Mina lorsqu'il fut pris par la soif. Il finit par rencontrer une vieille femme à qui il demanda de l'eau et qui répondit :

" Nous n'en avons pas ".

" Du lait ", repris Umar.

" Nous n'en n'avons pas ", répliqua t-elle.

" Tu mens et n'as pas honte ? " dit une jeune fille. Il y a du lait dans cette outre, dit elle à Umar.

Umar s'enquit de cette jeune fille et il apprit que son père était de la tribu de Thaqîf. Il demanda sa main pour son fils Asim Ibn Umar puis il les maria et ils eurent des enfants dont Umm Asim qui épousa Abd Al- Azîz Ibn Marwân qui donna naissance à Umar Ibn Abd Al-Azîz Ibn Marwân (qu'Allah lui fasse miséricorde) ".

La sincérité élève l'homme dans les deux mondes, tandis que le mensonge le déprécie dans les deux cas. Si la sincérité n'avait pour seul intérêt que de rendre crédible un mensonge émanant d'une personne réputée sincère et considérée comme intègre, il incomberait aux personnes sensées de déployer tous ses efforts dans l'exercice de sa langue jusqu'à ce qu'elle s'applique à la sincérité et à éviter le mensonge. Il est préférable de garder le silence. C'est bien mieux que parler quand il ne le faut pas.

Umar a dit : " Aucun fidèle ne parviendra à avoir véritablement la foi à moins de délaisser la polémique alors qu'il a raison, de délaisser le mensonge même s'il plaisante, sachant que s'il l'avait voulu il l'aurait remporté ".

Abd Allah Ibn Amr a dit : " Ne te mêle pas de ce dont tu n'es nullement responsable, ne parle pas de ce qui ne te regarde pas et coffre ta langue comme tu coffres ton argent ".

Muhammad Ibn Al-Mundhir Ibn Sa'îd Al-Harawî a entonné :

" La parole est comme le lait une fois trait,

Le renvoyer dans son pis est impossible

Ainsi sont les paroles prononcées

Qu'elles soient bonnes ou répréhensibles ".

Une personne sensée ne doit pas négliger de surveiller sa langue, car celui qui multiplie les paroles multiplie les erreurs. Or, une erreur peut avoir des répercussions sur autrui et causer sa perte. Elle pourrait le mener dans une impasse dans laquelle il n'y aurait plus aucun moyen de s'échapper. En effet, les blessures de la langue ne guérissent pas et ses coupures ne cicatrisent pas. Si les blessures causées par la parole parviennent jusqu'au cœur, elles ne peuvent être guéries qu'au bout d'un très long moment et à la suite de moyens complexes. Il est des gens qui ne sont honorés que grâce à leur langue et d'autres ne sont humiliées qu'au cause de leur langue. Une personne sensée ne doit donc pas faire partie de ceux qui sont humiliés à cause de leur langue.

Ibn Sîrîn a dit : " Le langage est suffisamment riche pour que l'homme avisé ne soit jamais contraint de mentir ".

Source : Le Jardin des Sages & les Vertus des nobles Personnages ou le Livre du Bon Sens p.38-42 d'Abû Hâtim Muhammad Ibn Hibbân Al-Busti