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31.01.2025
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Rubrique "Art et métaphysique". Suite du billet N°1328
Extrait de l'ouvrage "Philosophie pour tous" Tome II, A. Mendiri, Edilivre.
Prochain billet demain jeudi 11 juin.
Les billets précédents se donnaient pour objectif de montrer que l'art, à sa manière, était une forme de langage. En effet, nous pouvons rappeler qu'il y a langage lorsque les supports utilisés ont pour mission de transmettre une pensée humaine si tant est que cette expression ne soit pas redondante, tant il est vrai que, sur notre planète à tout le moins, seul l'homme est pourvu de pensée. La pensée correspond à cette activité psychique susceptible de concevoir une réalité possible par opposition ou comparaison avec la réalité seulement perçue, ainsi que la capacité à séparer en imagination ce qui est donné comme indissociablement lié au sein de l'acte de perception, autrement dit la capacité d'abstraction (par exemple séparer au sein d'une fleur, couleur, odeur, consistance, forme etc.). La pensée est donc une activité créatrice ayant pour finalité de transmettre un sens ou un message d'ordre humain. A ce titre, il va de soi qu'une œuvre d'art remplit de telles conditions.
Cependant, cette forme de langage est très originale par rapport aux langues usuelles. C'est à la fois une langue universelle et éminemment singulière. Les langues usuelles se présentent pour leur part comme des codes conventionnels, arbitraires dans la mesure où il n'existe aucun lien "naturel" entre les symboles utilisés et les réalités évoquées. Même les onomatopées ou imitations des sons naturels comme le chant d'un coq par exemple portent la marque de leur origine culturelle quant aux sons entendus et reproduits. Le "cocorico" français devient un "kérikiki" allemand. Le sens transmis par de telles langues exige donc la connaissance préalable du code utilisé. De plus, les codes usuels en question sont socialisés c'est-à-dire communs à une population donnée et inaptes par essence à transmettre par leurs seules ressources un monde intérieur très personnel ou singulier et à vrai dire unique.
Tel n'est pas le cas à propos des œuvres d'art, la littérature exceptée, il faut bien le reconnaître. Face à une œuvre d'art, le contemplateur, informé ou profane, réagit. Car sa sensibilité est sollicitée. La caractéristique de l'art en effet consiste à transmettre un sens par la médiation d'une œuvre sensible. L'œuvre d'art matérialise, objective en quelque sorte un monde intérieur, celui du créateur, qui s'avère comme celui de chacun d'entre nous, éminemment subjectif. Le créateur est un homme unique, porteur d'une mémoire et d'une histoire uniques, au sein d'une époque et d'une culture également singulières et uniques. Il est à même, par le biais d'une œuvre de traduire plus ou moins bien en fonction de son talent, sa manière originale et unique d'interpréter le monde et le destin de l'homme.
L'art nous ouvre alors sur un paradoxe apparent: voilà une œuvre unique, éminemment subjective qui se voit capable de communiquer avec des contemplateurs non seulement d'une époque et d'une culture données mais au-delà avec tous les contemplateurs de toutes les époques, y compris ceux, les plus nombreux, ignorant l' "esprit" spécifique de cette époque et de cette culture où s'inscrivent les œuvres en question.
Or, ce langage, ce sens dont l'œuvre d'art est porteuse s'adressent directement à la sensibilité et à l'esprit des contemplateurs intemporels sans passer par la maîtrise d'un code conventionnel et arbitraire. Certes, il n'est guère sérieux de vouloir mettre sur le même plan les réactions d'un béotien et d'une personne familière des arts concernés. La lecture de l'œuvre ne sera pas la même. Découvrir la richesse d'une œuvre, sa qualité foncière, demande un apprentissage ou une familiarisation préalables. Car il convient de ne pas oublier cette vérité première, à savoir qu'il ne suffit pas de regarder pour voir ce qu'il y a à voir ni d'écouter pour entendre ce qu'il y a à entendre. Il n'en reste pas moins vrai que la force d'une œuvre d'art est de parler à tout sujet, de manière plus ou moins grossière ou pertinente, tant il apparaît qu'un contemplateur quelconque y repère ou y cherche la trace d'un sens humain, autrement dit la trace d'un langage.
De ce point de vue, l'art incarne une forme de langage universel, une espèce d'espéranto non conventionnel de l'union de la sensibilité et de l'esprit. (Rappelons que l'espéranto est une langue entièrement inventée au XIX° siècle et qui, tout en étant composée de symboles conventionnels et entièrement arbitraires a l'ambition de devenir une langue commune à tous les peuples). Or, l'art comme langue universelle se compose d'œuvres qui, par essence, sont uniques et réalisées subjectivement par des créateurs eux-mêmes uniques.
Comment rendre compte de ces phénomènes et quels sont les problèmes philosophiques que ces constats entraînent? En premier lieu, il nous semble que la seule manière d'expliquer ce paradoxe de l'art, c'est de supposer que les œuvres capables de traverser le temps, bref ce qu'on désigne ordinairement par le terme de chefs-d’œuvre, correspondent à des créations certes singulières et uniques mais qui ont été capables de dépasser cette simple singularité afin d'exprimer quelque chose de la dimension universelle de l'homme au-delà de cette seule singularité. Un chef-d’œuvre serait donc une œuvre exprimant de manière unique et singulière une dimension universelle de la condition humaine. En conséquence, le contemplateur, tout en ignorant les conditions particulières caractérisant une époque, une culture, à plus forte raison un créateur quelconque, reconnaît cette universalité au sein de cette singularité. Il projette certainement dans cette œuvre la dimension universelle de sa propre époque avec sa coloration particulière et unique. Telles sont les conditions, nous semble-t-il, d'une rencontre possible entre les contemporains et les œuvres du passé.
Remarquons d'ailleurs que l'art ainsi compris est susceptible d'interpeller les conceptions matérialistes, en particulier les conceptions marxistes, selon lesquelles les idées en général, ce qu'ils appellent les superstructures, et donc les œuvres d'art, ne font qu'exprimer les structures matérielles et les structures économiques d'une époque donnée, ou ce qu'ils appellent les infrastructures. Car à supposer que ces analyses soient fondées (et elles ont très certainement leur part de vérité), elles ne sauraient rendre compte à elles seules de la capacité des œuvres d'art à "parler" à des époques étrangères les unes aux autres, notamment sur le plan des conditions matérielles d'existence. Au-delà de ces conditions matérielles singulières, il faut bien que l'œuvre soit capable de les transcender, de les dépasser, d'évoquer un universel par-delà la singularité d'une époque.
Si ces conclusions sont légitimes, alors cette universalité est-elle le reflet d'une nature humaine, si on entend par nature des caractéristiques communes à tous les hommes de toutes les époques ou bien d'une condition universelle de l'homme dont il nous faudra définir les contours exacts?
A. Mendiri