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Rubrique "Les fondements de la violence". Suite du billet N°4049.
Extrait de Philosophie pour tous Tome VII (en cours de rédaction)
Prochain billet demain vendredi 06 mai
L’état de nature, état fictif ou expérience de pensée en vue de se représenter ce que serait l’homme en-dehors de la société, n’est pas forcément un état de pure violence comme le soutiennent Hobbes, Hegel et plus tard Freud. J.J. Rousseau prétend que dans l’état de nature existe un sentiment de pitié permettant à l’homme de prendre conscience de la souffrance d’autrui et d’en tenir compte si ses besoins vitaux se voient par ailleurs assurés.
La véritable nature de l’homme s’épanouit à l’état social, état où le droit se substitue à la force, le sentiment moral à l’impulsion physique et où la raison peut s’exercer pleinement. L’homme est né libre et le régime démocratique est par conséquent le seul régime qui respecte sa nature. Un tel régime suppose que les citoyens consultent leur raison avant d’écouter leurs penchants. Mais c’est là une attitude fort difficile et à vrai dire inaccessible à l’immense majorité des hommes. Rousseau en conclut que seul un peuple de dieux pourrait se gouverner démocratiquement.
Montesquieu va tenter dans « L’Esprit des Lois » de surmonter l’impasse politique dénoncée par Rousseau. Puisque les hommes ne sont pas vertueux par nature ou durablement, il faut créer des institutions vertueuses afin de contourner le problème et faire en sorte que les citoyens soient contraints de faire comme si ils étaient vertueux alors qu’au fond d’eux-mêmes ils ne le sont pas. A cet effet il convient d’encadrer, de limiter, de contrôler tout pouvoir en lui opposant un contre-pouvoir. De telles dispositions auront pour effet la modération des décisions prises et assureront la liberté des citoyens.
Cette idée de modération prolonge et complète celle émise par Aristote qui estimait que pour qu’une société établisse en son sein des relations harmonieuses et soit une société d’égaux et de semblables, il s’avérait nécessaire qu’il n’y ait pas en son sein de trop fortes inégalités, source de défiance vis-à-vis de toute autorité et aux conséquences néfastes par rapport à l’obéissance à la loi.
Toutes ces analyses visent donc à trouver les moyens de surmonter les causes de violence, celle-ci étant considérée comme négative par nature et obstacle incontestable à toute harmonie sociale ou politique. Or, au cours du XIX° siècle, sont apparues des doctrines qui réhabilitent les violences, les actes immoraux, les désordres dénoncés notamment par le rationalisme platonicien en montrant que de tels phénomènes pouvaient jouer un rôle positif au cours de l’histoire humaine.
C’est le cas des conceptions développées par Hegel d’un point de vue rationaliste et à sa suite par Marx d’un point de vue matérialiste. Commençons par analyser les idées-clefs du système hégélien. Une des caractéristiques les plus prégnantes de cette conception du monde réside dans la réhabilitation du temps et par ricochet par l’idée que l’homme n’est pas seulement un être naturel mais aussi et surtout un être historique.
Ce n’est pas un hasard si ces idées nouvelles apparaissent à cette époque. Hegel est contemporain de la révolution industrielle et des bouleversements que cela entraîne dans les conditions de vie des générations successives. Avant de préciser cette idée, relevons que la révolution industrielle est la conséquence de l’apparition de nouvelles technologies, celles-ci étant elles-même des applications de la science moderne telle qu’elle est née au XVII° siècle.
Cet ensemble de révolutions liées entre elles, scientifique, technologique, économique donne consistance à l’idée de progrès, idée centrale des intellectuels du XVIII° siècle et de la philosophie des Lumières. Certes le progrès suppose des changements mais des changements positifs pour l’homme ou correspondant à ses aspirations de se libérer autant que faire se peut de toutes les contraintes qui pèsent sur lui. De ce point de vue, il est possible d’objecter légitimement que la situation du monde ouvrier dans le cadre de la révolution industrielle ne correspond pas vraiment à cette définition du progrès. Ce jugement ne peut retrouver un sens que si on prend du recul par rapport aux errements sociaux de cette époque et si on prend en compte les effets à long terme de ce bouleversement économique.
En effet, pour la première fois depuis la révolution agricole et la sédentarisation du V° millénaire av J.C., la révolution industrielle a pour conséquence que les générations successives connaissent des nouveautés parfois très sensibles quant à leur mode de vie. L’humanité prend conscience qu’elle n’est plus seulement une espèce naturelle immuable mais une espèce historique, appelée à se développer, à introduire des changements permanents dans le temps, changements qui accroissent sa maîtrise sur la nature, réalisant ainsi de manière accélérée le projet de Descartes.
Hegel théorise sur le plan philosophique les caractéristiques des temps nouveaux. C’est ainsi que le temps est réhabilité. Pour la philosophie classique, bien incarnée par Platon, le temps est une notion accessoire, ce qui permet de mesurer le mouvement et qui ne concerne que le monde dit « sensible », imparfait et éphémère. Le temps ne caractérise pas l’Être, ce qui est vraiment au-delà des apparences. L’Être, la vérité, la Raison qui exprime cette vérité appartiennent au monde de l’éternité, de l’immuable, de la perfection.
Pour Hegel, le temps devient une dimension constitutive de l’Être et par ricochet de la vérité et de la Raison universelle. L’Être, la vérité, la raison ont une histoire. L’histoire en question se présente comme une vaste embryogenèse de la Raison universelle qui façonne le monde. « Tout ce qui est réel est rationnel, tout ce qui est rationnel est réel » proclame Hegel.Mais alors comment rendre compte des phénomènes de désordre, des comportements immoraux, des horreurs de l’histoire humaine ?
Pour bien comprendre cela, il faut brièvement exposer le projet hégélien dans son effort de rationalisation totale de la réalité. La philosophie de Hegel se présente comme une philosophie dialectique. Cela signifie qu’une notion quelconque ne peut être pensée qu’associée à son contraire. Cette opposition structurelle d’une notion et de son contraire n’est pas figée. Elle se développe, c’est-à-dire fait émerger rationnellement une nouvelle notion qui dépasse en la conservant l’opposition ancienne.
C’est ainsi, pour prendre l’exemple fondateur de ce processus, que la notion d’Être suppose son antithèse, à savoir la notion de non-être. De ces deux notions opposées naît la notion de mouvement qui dépasse en la conservant l’opposition précédente. En effet par la médiation du mouvement une réalité est à la fois ce qu’elle est et en même temps ne l’est plus puisqu’elle a changé.
Dès lors s’éclairent toutes les manifestations du non-être relatif constituées par les multiples formes de désordre naturel et humain. Mais ces phénomènes sont constitutifs à leur manière de l’Être rationnel et sont appelés à être dépassés afin de laisser se déployer progressivement toutes les potentialités de la Raison universelle.
Pour mieux saisir de quoi il s’agit, Hegel propose dans « La Raison dans l’histoire », un exemple historique célèbre, celui de l ‘épopée napoléonienne. Napoléon avait des ambitions personnelles et nationales. Il reprenait à son compte les objectifs de la monarchie absolue et de la Révolution française visant à atteindre les frontières naturelles de la France, qui comportait le Rhin et donc une partie de la Belgique. Ce projet associé à l’hostilité des monarchies de l’Europe l’ont conduit à des guerres européennes menées de Lisbonne à Moscou. En conséquence, les jeunes conscrits français, imprégnés des idées de la Révolution française, ont répandu involontairement celles-ci sur tout le continent. Ce n’était pas le but de Napoléon. Tel fut le résultat.
Quelles sont les leçons philosophiques à tirer de cet exemple ? En premier lieu, Hegel souligne que dans l’action que tout homme mène, c’est son propre but qu’il cherche à accomplir . « Nous disons donc que rien ne s’est fait sans être soutenu par l’intérêt de ceux qui y ont collaboré. Cet intérêt, nous l’appelons passion … Et en ce sens, nous devons dire que rien de grand ne s’est accompli dans le monde sans passion »
En second lieu, l’action conduite par la passion qu’on y met et par l’intérêt qu’on y porte est récupérée par la Raison qui les met à son service. C’est la fameuse « ruse de la Raison ». Voici comment s’exprime Hegel en la matière ; « C’est leur bien propre que peuples et individus cherchent et obtiennent dans leur agissante vitalité, mais en même temps, ils sont les moyens et les instruments d’une chose plus élevée, plus vaste qu’ils ignorent et accomplissent inconsciemment..La Raison gouverne le monde et par conséquent gouverne et a gouverné l’histoire universelle… Il résulte des actions des hommes quelque chose d’autre que ce qu’ils ont projeté et atteint, que ce qu’ils savent et veulent immédiatement. Ils réalisent leurs intérêts, mais il se produit en même temps quelque autre chose qui y est cachée, dont leur conscience ne se rendait pas compte et qui n’entrait pas dans leurs vues ».
Ainsi, cette conception de l’histoire a pour conséquence que la raison universelle parvient toujours à ses fins propres, car elle utilise tous les évènements, qu’ils soient positifs, moraux ou bien au contraire négatifs, dramatiques, horribles à son service. C’est en ce sens que nous pouvons dire que Hegel a introduit dans la pensée philosophique une idée radicalement nouvelle ; du désordre naturel ou moral surgit un ordre conforme aux exigence du déploiement de la Raison universelle. La violence conçue comme l’expression par excellence d’une forme de désordre peut être le vecteur d’un ordre nouveau.
A.Mendiri