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31.01.2025
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Rubrique "Rationnel et irrationnel". Suite du billet N°4223.
Extrait de Philosophie pour tous, tome VII, A.Mendiri
Prochain billet demain jeudi 27 octobre
La notion d’irrationnel comporte deux acceptions bien différentes: soit l’irrationnel est considéré comme ce qui est contraire à la raison; soit comme ce qui lui est étranger. L’irrationnel pris dans le premier sens occupe une place centrale dans l’humaine condition. Dépourvu d’instincts, qui seraient un obstacle à son adaptation à son environnement, les comportements de l’homme peuvent prendre des formes extrêmes soit dans le sens des désordres de toutes sortes et de la violence, soit dans le sens de conduites héroïques allant jusqu’au sacrifice volontaire de soi.
Les désordres en question sont non seulement liées à sa nature biologique singulière mais également à de multiples facteurs culturels qui les alimentent sans compter le besoin impérieux de reconnaissance de soi lié à son statut conscient. A cela s’ajoute la présence de pulsions, de vie et de mort,qui constituent des forces intérieures poussant le sujet à chercher et à trouver des satisfactions de toutes sortes, peu importe lesquelles. Or cette exigence de satisfaction s’avère sourde et aveugle à tous les intérêts rationnels.
C’est dans cet ordre d’idée que Platon stigmatisait tous les désordres et les excès qui caractérisaient la conduite de ceux qui étaient oublieux du fait que «l’intelligence devait tenir le gouvernail», que la raison constituait l’essence de l’homme, c’est-à-dire ce qui le distinguait de toutes les autres espèces animales. La raison ne renvoyait pas à la raison logique, celle qui nous amène à être seulement rationnel et efficace dans l’action entreprise, car cette démarche peut être au service des désirs ou des passions, deux dimensions de l’être humain qui, laissées à elles-mêmes conduisent à faire son malheur. La raison, essence de l’homme, dont parle Platon est celle qui fixe les fins, qui nous invite à être raisonnable, à fuir tous les excès afin de faire ce que l’on veut vraiment, c’est-à-dire servir nos intérêts authentiques et non ce qui nous plaît, autrement dit des intérêts seulement apparents et illusoires.
Pour la pensée classique rationaliste, c’est-à-dire celle qui accorde à la raison éthique une place centrale dans les domaines de la vie humaine caractérisées par le respect de valeurs, à savoir la morale qui met au cœur de son action le respect des personnes et la politique qui vise à assurer l’intérêt général des sociétés, la raison se trouve confrontée à l’irrationnel, à ce qui précisément s’avère contraire aux objectifs qu’elle poursuit.
C’est ce que souligne Kant lorsqu’il fait part de ce qu’est l’essence de la morale. Le sujet a d‘abord le sentiment d’un devoir à accomplir. Cela ne signifie évidemment qu’il l’accomplira mais cela n’empêche point qu’au niveau de son vécu la possibilité de l’accomplir est présente. Pourquoi la valeur morale se dévoile à la conscience du du sujet sous la forme d’un devoir? L’idée de devoir suppose en effet que l’accomplissement de celui-ci n’est pas spontané, ne répond pas à un désir sans résistance. En effet, accomplir le devoir ne répond pas à l’intérêt immédiat et égoïste du sujet. Il suppose de vaincre les résistances qu’offre ma sensibilité.
Car l’accomplissement du devoir est par essence désintéressé. Il m’enjoint de considérer la personne d’autrui comme étant une fin en soi et non un simple moyen au service de mes intérêts. Ce respect de la personne d’autrui exige que non seulement je surmonte mon intérêt particulier mais que je n’attende aucune contrepartie à l’accomplissement de mon devoir. Mon geste est gratuit.
Mais accomplir le devoir est-il une possibilité effective? Suis-je libre de le faire? Puis-je vaincre ma sensibilité, ce qui s’oppose aux ordres que m’intime la raison? Kant répond par l’affirmative. Il proclame que la raison me dit «Tu dois» accomplir ton devoir c’est donc que tu peux le faire. «Tu dois donc tu peux».Voici comment il s’exprime à cet égard dans «La Critique de la Raison pratique»
«Supposons que quel.qu’un prétende ne pouvoir résister à son penchant au plaisir, lorsque l’objet aimé et l’occasion se présentent; est-ce que, si l’on avait dressé un gibet devant la maison où il trouve cette occasion, pour l’y attacher immédiatement après qu’il aurait satisfait son désir, il lui serait encore impossible d’y résister? Il n’est pas difficile de deviner ce qu’il répondrait...» Ainsi, affirmer qu’il nous est impossible de résister à un désir relève-t-il de la mauvaise foi, autrement dit d’un mensonge que l’on se fait à soi-même. Nous pourrions ajouter que le désir le plus puissant, à savoir le désir de vie peut être surmonté dans certaines circonstances. C’est ainsi que le résistant athée, qui n’attend rien de l’après-mort, peut renoncer à la vie afin de ne pas risquer de dévoiler des informations utiles à l’ennemi sous l’action de la torture. Nous pouvons donc faire nôtre la conclusion de Kant «Nous jugeons... que nous pouvons faire quelque chose, parce que nous avons conscience que nous devons le faire, reconnaissant ainsi en nous-même la liberté qui, sans la loi morale, nous serait demeurée inconnue».
Il en va de même sur le plan politique. Rappelons que la politique renvoie à cette activité sociale qui fixe les fins collectives de la société et les meilleurs moyens pour y parvenir. La politique, lorsqu’elle est bien menée, vise à dégager l’intérêt général. Or, les gouvernés comme les gouvernants possèdent des intérêts particuliers qui peuvent faire obstacle à l’émergence de l’intérêt général. Les intérêts particuliers, les passions aveugles, les impulsions physiques, l’irrationnel en un mot sont autant d’obstacles à surmonter.
Spinoza dans le «Traité théologico-politique indique quel est alors le rôle de la raison; «La communauté politique la plus libre est celle dont les lois s’appuient sur la saine raison. Car, dans une organisation fondée de cette manière, chacun, s’il le veut, peut être libre, c’est-à-dire s’appliquer de tout son cœur à vivre raisonnablement. De même, les enfants, bien qu’obligés d’obéir à tous les ordres de leurs parents, ne sont cependant pas des esclaves; car les ordres des parents sont inspirés avant tout par l’intérêt des enfants. Il existe donc selon nous une grande différence entre un esclave, un fils, un sujet, et nous formulerons les définitions suivantes: l’esclave est obligé de se soumettre à des ordres fondés sur le seul intérêt de son maître; le fils accomplit sur l’ordre de ses parents des actions qui sont dans son intérêt propre; le sujet enfin accomplit sur l’ordre de la souveraine Puissance des actions visant à l’intérêt général et qui sont par conséquent dans son intérêt particulier».
La conciliation de la loi et de la liberté, de l’intérêt général et de l’intérêt particulier authentique et non apparent ont bien été mis en lumière par J.J Rousseau. Celui-ci part du principe suivant: «L’homme est né libre», car c’est un être conscient. Comment concilier cette liberté naturelle et la loi, puisqu’il n’y a pas de société sans loi et que l’état social permet seul à un homme d’un «animal stupide et borné» de devenir véritablement un homme?
En effet, ce n’est pas la société par elle-même qui pervertit l’homme mais la société mal gouvernée. Pour que celle-ci soit bien gouvernée il faut que la loi soit raisonnable. Pour que la loi soit raisonnable, il faut que les citoyens, ceux qui décident des lois, «consultent leur raison avant d’écouter leurs penchants». Si c’est le cas,la loi est raisonnable et les citoyens en obéissant à la loi obéissent en fait à leur propre raison et donc à eux-mêmes. Or, quelle est la plus belle définition de la liberté que celle qui consiste à obéir à soi-même?
Mais cela est difficile. Il faut en permanence lutter contre soi-même, contre ses désirs, ses passions, l’irrationnel qui nous habite et nous aveugle. Une telle société politique qui incarnerait une démocratie parfaite, est à vrai dire inaccessible au commun des mortels. Et Rousseau de conclure: «S’il y avait un peuple de dieux, il se gouvernerait démocratiquement. Un gouvernement si parfait ne convient pas à des hommes».
Cette conclusion du «Contrat social» est quelque peu décourageante. Montesquieu, dans «L’esprit des lois» conduira une analyse qui contourne les difficultés apparemment insurmontables dénoncées par Rousseau. Les hommes ne sont pas vertueux et quand ils le sont ce n’est jamais en permanence. Ils connaissent toujours des faiblesses coupables dans telles ou telles circonstances. Pour contourner cette difficulté, il convient donc de créer des institutions qui soient vertueuses.
Car celles-ci contraindront les hommes à agir comme si ils étaient vertueux même si au fond d’eux-mêmes ils ne le sont pas. Montesquieu commence par définir ce qu’il faut entendre par liberté au sein d’un État: «Il est vrai que, dans les démocraties, le peuple paraît faire ce qu’il veut; mais la liberté politique consiste point à faire ce que l’on veut. Dans un État, c’est-à-dire dans une société où il y a des lois, la liberté ne peut consister qu’à pouvoir faire ce que l’on doit vouloir, et n’être point contraint de faire ce que l’on ne doit pas vouloir»
L’auteur précise alors les raisons pour lesquelles je ne dois faire que ce qui est conforme à la loi: «Il faut se mettre dans l’esprit ce que c’est que l’indépendance, et ce que c’est que la liberté. La liberté est le droit de faire tout ce que les lois permettent; et si un citoyen pouvait faire ce qu’elles défendent, il n’aurait plus de liberté, parce que les autres auraient tout de même ce pouvoir».
Montesquieu énonce alors le principe qui fait que les institutions sont vertueuses, principe sur lequel sont fondées toutes les démocraties modernes: «Les démocraties ne sont point des États libres par leur nature. La liberté politique ne se trouve que dans les gouvernements modérés. Mais elle n’est pas toujours dans les États modérés; elle n’y est que lorsqu’on abuse pas du pouvoir; mais c’est une expérience éternelle, que tout homme qui a du pouvoir est porté à en abuser; il va jusqu’à ce qu’il trouve des limites. Qui le dirait! La vertu même a besoin de limites. Pour qu’on ne puisse abuser du pouvoir, il faut que, par la disposition ds choses, le pouvoir arrête le pouvoir».
Il est donc nécessaire que tout pouvoir se voit limité, encadré, contrôlé par un contre-pouvoir. C’est la seule manière de canaliser les débordements des gouvernants, que ces débordements soient ou non animés par de bonnes intentions. Il n’est pas possible de faire confiance à la seule vertu, livrée à elle-même. Sinon elle est portée à commettre des excès, à conduire à Robespierre et à la Terreur révolutionnaire. La grande vertu des institutions vertueuses consiste à canaliser tous les excès, quelle que soit leur nature et à conduire à des décisions modérées, autrement dit raisonnables, à des décisions qui neutralisent toutes les impulsions qui mettent en danger la liberté et les intérêts véritables des citoyens. Ce fut le tort de la démocratie grecque de ne pas l’avoir compris et qui fut, pour cette raison, condamnée par Platon.