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31.01.2025
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Rubrique "Condition humaine et Ethique". Suite du billet N°4300
Extrait de Philosophie pour tous, Tome vI, A.MENDIRI, Amazon
Prochain billet demain jeudi 12 janvier
Reprenons ces deux derniers points. La raison se heurte aux problèmes insolubles soulevés par ce qu’on appelle le conflit des valeurs, autrement dit des situations dramatiques au cours desquelles le sujet concerné se voit condamné à sacrifier une ou des valeurs, bref à « avoir les mains sales » comme dirait JP Sartre. Si lors d’un accouchement à l’issue incertaine, le médecin se voit condamné à sacrifier la mère ou l’enfant, que doit-il faire afin d’être raisonnable ? La raison peut-elle nous apporter une réponse valable pour tous les hommes de tous les temps ? Ne doit-elle pas faire appel à d’autres instances qu’elle-même, le désir, la sensibilité, l’utilité sociale, les opinions dominantes, telle ou telle croyance religieuse, échec qui met en évidence ses limites. Certes, pourra-t-on objecter, cela ne concerne que des situations exceptionnelles. Rien, pourtant, n’est moins sûr. Le conflit des valeurs est beaucoup plus fréquent qu’on veut bien le dire tant sur le plan de l’action individuelle que sur le plan politique par exemple. Si tel est le cas, la raison se heurte là à une limite importante et qui plus est, fréquente.
En quoi l’usage de la raison, tel que les grecs du grand siècle le conçoit, peut-il glisser vers une forme d’utilitarisme avec les dérives que cela comporte et que l’on peut juger inquiétantes ? Pour les philosophes rationalistes il est clair que le bon usage de la raison poursuit un seul but, servir son bien authentique ou son intérêt véritable qui, insistons sur ce point, se recoupent avec le bien de la Cité ou avec l’intérêt collectif. Cependant, ce bien véritable, tant individuel que collectif, n’est pas assis sur une valeur parfaitement désintéressée et ultime, à savoir la valeur suprême et sacrée de la personne humaine et de la dignité qui lui est attachée par nature, valeur introduite par le christianisme.
Certes, le rationalisme des XVII° et XVIII° siècles, avec Kant tout particulièrement, reprendra à son compte cette valeur indépassable de la personne humaine et de sa dignité. C’est ainsi que Kant proposera comme règle du devoir moral, l’impératif consistant à considérer sa propre personne et la personne d’autrui jamais comme un simple moyen mais toujours comme une fin en soi. Cela signifie que si la vie sociale m’oblige tout naturellement à faire d’autrui un moyen à mon service, par exemple un commerçant pour ses clients et inversement les clients pour le commerçant, jamais, si je veux être moral, je ne dois considérer ce commerçant ou ce client SEULEMENT comme un moyen. Je me dois de le considérer d’abord et essentiellement pour ce qu’il est, c’est-à-dire une personne humaine avec la valeur suprême que revêt cette personne. Ce respect absolu de la personne est désintéressé. C’est une fin en soi en ce sens que ce respect n’est pas un moyen en vue d’obtenir éventuellement quelque avantage en contrepartie de cette attitude qui d’ailleurs se révèle dans sa vérité au sein de ma vie intérieure, dans le secret des intentions et non dans les actes visibles et objectifs qui peuvent masquer éventuellement des intérêts cachés.
Manifestement, de telles analyses sont inspirées par le message chrétien et d’ailleurs son auteur, Kant, était de confession luthérienne. Certes, il est possible et même, à nos yeux, souhaitable, de souscrire sans réserve à de telles analyses. En revanche, nous leur contestons le droit de pouvoir s’appuyer sur la seule raison. Comment la raison pourrait-elle, rationnellement, établir que la personne humaine est la valeur indépassable, ultime, voire sacrée ? A l’évidence, ce postulat puise ses fondements à d’autres sources que la sienne. La raison ne se suffit pas. Elle ne fait que donner un habillage rationnel à des convictions qui n’ont rien de rationnel et qui proviennent de source biblique.
Mais si nous revenons à la conception classique, celle héritée des grecs, force est de constater que ce rationalisme privé des ajouts chrétiens, peut dériver vers l’utilitarisme. Qu’entendons-nous par- là ?
Puisque l’homme recherche son bien et que ce bien authentique doit être également au service de l’intérêt collectif ou de la Cité, il est parfois, sinon souvent, considéré comme raisonnable de choisir ce qui est jugé utile tout à la fois à l’individu et à la collectivité. D’ailleurs, la société grecque en fournit un exemple tout à fait marquant. C’est ainsi que la plupart des intellectuels grecs, Aristote le premier, légitimait l’esclavage. Rappelons que l’esclavage consiste pour un être humain à devenir la propriété de son maître au même titre qu’une chose quelconque. Mais Aristote justifiait ce statut social en soutenant que certains hommes étaient naturellement faits pour commander et d’autres pour exécuter. Ajoutons que chacun des hommes concernés joue un rôle social utile pour le corps social et pour lui-même puisque cette fonction correspond à ses qualités naturelles. L’observation de la vie quotidienne des hommes semble accréditer un tel constat. Mais que ce soit des dispositions naturelles fait question. Il est possible d’avancer avec au moins autant de raisons que ces attitudes sont d’origine éducative. Quoi qu’il en soit, peu importe. Car une telle légitimation est assise sur des arguments empiriques, interprétés de manière un peu rapide comme étant d’origine naturelle et n’est rendue possible qu’en ignorant l’égale dignité de tous les hommes. Or, accepter de ramener un homme au statut des choses revient à ignorer ou à bafouer une telle valeur.
Ainsi nous voyons que pour ceux qui ne perçoivent pas l’intérêt et l’apport du christianisme, un tel exemple est éloquent. D’autant que nous pourrions multiplier les exemples empruntés à la vie contemporaine et qui sont d’autant plus parlant que l’affaissement de la conscience chrétienne en cette fin du XX° siècle et ce début du XXI° siècle au sein des pays dits développés redonne vie à des aspirations purement utilitaristes, voire ouvertement hédonistes, c’est-à-dire fondées sur la légitimation du plaisir personnel, le triomphe de l’individualisme favorisant une telle évolution.
Nous nous appuierons, afin d’étayer nos analyses, sur deux types de considérations. D’abord en soulignant les réactions spontanées de larges secteurs de l’opinion publique, en contradiction en cela, reconnaissons-le, avec la lettre et l’esprit du droit international, européen et national, ensuite en examinant certaines évolutions du droit en tant que tel.
Concernant le premier aspect du problème ainsi posé, nous prendrons trois cas sensibles. L’opinion publique occidentale, au moins une minorité importante d’entre elle voire une majorité plus ou moins large en fonction des circonstances, est ouvertement favorable à la peine de mort. Elle l’est d’abord au nom de l’efficacité de l’exemplarité, c’est-à-dire de l’utilité, et ce en dépit des faits démentant ou ayant démenti avec constance cette croyance et elle l’est ensuite par principe et au nom d’ailleurs de bons sentiments inspirés apparemment par le bon sens. En somme, le principe du talion, « œil pour œil, dent pour dent » est toujours prégnant. L’idée selon laquelle la société, à travers ses institutions, notamment judiciaires, n’a pas le droit de se comporter avec les truands comme les truands avec leurs victimes, ne l’atteint pas. Et ce, parce que l’idée que toutes les personnes humaines, y compris celle du truand, possèdent une égale dignité dont il faut tenir compte dans la nécessaire sanction à prendre sur le plan individuel et la nécessaire protection du corps social ensuite, ne fait pas partie des valeurs communément intériorisées.