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Rubrique "Philosophie par les textes". Suite du billet N°4365.
Extrait de Philosophie pour tous, Tome III, A.MENDIRI, Amazon.
Prochain billet demain samedi 18 mars.
Nous dégagerons ce jour les réflexions philosophiques que nous suggère cet extrait de « Cahiers pour une morale » de JP. Sartre :
« Me voilà tuberculeux par exemple. Ici apparaît la malédiction… Cette maladie, qui m’infecte, m’affaiblit, me change, limite brusquement mes possibilités et mes horizons. J’étais acteur ou sportif ; avec mes deux pneumos, je ne puis plus l’être. Ainsi négativement je suis déchargé de toute responsabilité touchant ces possibilités que le cours du monde vient de m’ôter. C’est ce que le langage populaire nomme être diminué. Et ce mot semble recouvrir une image correcte : j’étais un bouquet de possibilités, on ôte quelques fleurs, le bouquet reste dans le vase, diminué, réduit à quelques éléments.
Mais en réalité il n’en est rien : cette image est mécanique. La situation nouvelle quoique venue du dehors doit être vécue, c’est-à-dire assumée, dans un dépassement. Il est vrai de dire qu’on m’ôte ces possibilités mais il est aussi vrai de dire que j’y renonce ou que je m’y cramponne ou que je ne veux pas voir qu’elles me sont ôtées ou que je me soumets à un régime systématique pour les reconquérir. En un mot ces possibilités sont non pas supprimées mais remplacées par un choix d’attitudes possibles envers la disparition de ces possibilités.
Et d’autre part surgissent avec mon état nouveau des possibilités nouvelles : possibilités à l’égard de ma maladie (être un bon ou un mauvais malade), possibilités vis-à-vis de ma condition (gagner tout de même ma vie, etc..), un malade ne possède ni plus ni moins de possibilités, qu’un bien portant ; il a son éventail de possibles comme l’autre et il a à décider sur sa situation, c’est-à-dire à assumer sa condition de malade pour la dépasser (vers la guérison ou vers une vie humaine de malade avec de nouveaux horizons).
Autrement dit, la maladie est une condition à l’intérieur de laquelle l’homme est de nouveau libre et sans excuses. Il a à prendre la responsabilité de sa maladie. Sa maladie est une excuse pour ne pas réaliser ses possibilités de non-malade mais elle n’en est pas une pour ses possibilités de malade qui sont aussi nombreuses…
Ainsi suis-je sans repos : toujours transformé, miné, laminé, ruiné du dehors et toujours libre, toujours obligé de reprendre à mon compte, de prendre la responsabilité de ce dont je ne suis pas responsable. Totalement déterminé et totalement libre. Obligé d’assumer ce déterminisme pour poser au-delà les buts de ma liberté, de faire de ce déterminisme un engagement de plus ».
La conception de la liberté chez Sartre est souvent incomprise et à vrai dire largement méconnue. Partons de deux affirmations célèbres de cet auteur qui suscitent des réactions outrées ou mieux sceptiques : « Nous sommes condamnés à la liberté » d’une part ; « Les français n’ont jamais été aussi libres que sous l’occupation allemande » d’autre part.
La première formule pourrait peut-être laisser supposer que Sartre se fait le chantre du libre-arbitre sans limite, c’est-à-dire le fait que je peux décider arbitrairement d’accomplir un acte par le moyen de la seule décision de ma volonté. La seconde formule peut scandaliser ceux qui ont une conception très large, très générale de la notion de liberté et qui tendent à assimiler toutes les formes de liberté, que ce soit la liberté politique c’est-à-dire celle d’exercer un certain nombre de droits ou bien la liberté intérieure, celle consistant à juger des situations et des êtres et à prendre des décisions en conséquence.
Or, il ne s’agit ni de l’une ni de l’autre. Pour bien saisir la position de Sartre, il faut d’abord rappeler la conception rationaliste classique en la matière. Pour Platon, fondateur de cette tradition millénaire, je suis libre lorsque je fais non pas ce qui me plaît mais ce que je veux. Ce qui me plaît correspond à ce que m’inspirent les désirs immédiats ou les sentiments et les passions. Comme nous le savons, ces derniers sont souvent de mauvais conseillers qui m’aveuglent concernant ce qu’est authentiquement mon bien. Car ce que je veux, c’est précisément mon bien et seule la raison si elle « tient le gouvernail » est susceptible de m’éclairer sur ce bien véritable. Bref, je suis libre dès lors que j’obéis à ma raison, c’est-à-dire à moi-même et que je ne suis plus l’esclave de mes désirs et de mes passions, c’est-à-dire que je ne leur appartiens pas et que je reste maître de moi-même.
A partir de là, deux questions peuvent être soulevées : est-il vrai que les hommes préfèrent vraiment être libres en étant raisonnables, en réfléchissant aux conséquences de leurs actes à long terme, en sacrifiant leurs désirs immédiats ou bien sont-ils plutôt attirés par le confort de l’instant avec ce qu’il a d’aveugle, se refusant à soumettre leur action aux limitations de la réflexion critique, optant délibérément pour une vie peut-être courte mais intense plutôt que pour une vie plus longue mais ennuyeuse, au risque au passage de privilégier les intérêts de l’individu au détriment des intérêts de la collectivité ? C’est par exemple le cas du grand fumeur ou de l’alcoolique qui privilégie ses désirs à court terme et ceux de son égoïsme individuel au détriment des intérêts de son entourage et plus largement du corps social lorsque celui-ci prévoit d’assumer les frais des maladies occasionnées par de telles pratiques. Certes, la raison devrait lui rappeler combien son sort est lié à celui de la société, combien il en est tributaire à propos de ce qu’il est et des satisfactions ou des multiples facilités qu’il peut retirer de la vie, mais il peut ne pas s’en soucier en centrant toute son attention sur l’instant et les intérêts égoïstes de sa personne, estimant que là résident son vrai sentiment de liberté et ses raisons de vivre.
La seconde question qu’il est possible d’adresser à la conception rationaliste de la liberté est la suivante : que la raison m’éclaire sur mon bien véritable, qu’elle soit comme le disait Descartes « une lumière naturelle », pourquoi pas ; mais cette même raison possède-t-elle le pouvoir de décider en fonction de ses analyses ? Un savoir peut-il se transformer en un pouvoir ? Spinoza condamnait l’idée de libre-arbitre par cette formule célèbre : « Le sujet se croit libre car il est conscient de ses actes mais ignorant des causes qui les déterminent ». Certes, la position de Spinoza est plus subtile. Il ne fait que critiquer le libre-arbitre affirmé par Descartes. Mais à vrai dire celui-ci ne pouvait s’exercer qu’indirectement : la réflexion crée en moi une émotion susceptible de neutraliser une autre émotion, celle qui m’empêchait d’agir ou bien qui m’engageait sur un mauvais chemin. Par exemple j’ai peur de plonger pour sauver la vie de quelqu’un qui se noie ; mais la représentation de ma responsabilité morale crée en moi le sentiment d’amour-propre qui neutralisera ma peur et me conduira à obéir aux conclusions de ma réflexion.
Est-ce aussi évident ? Tout dépend du rapport de force entre les deux émotions en question dira Spinoza. Certes, mais Descartes rétorquerait que ce genre de maîtrise de soi s’acquiert par l’habitude, qui devient une seconde nature, et qui du coup prend le dessus. Mais Spinoza ne remet pas en cause les pouvoirs de la raison : le sujet désire son bien ; si la raison parvient à se représenter clairement ce bien, le sujet tout naturellement le désirera et sera attiré vers lui comme la limaille de fer est attirée par l’aimant. Nul besoin de supposer l’existence d’une volonté, du libre-arbitre, il faut seulement s’en remettre à la force du désir éclairé par l’intelligence. Soit. Mais nous avons vu que la représentation d’un bien « raisonnable » n’a pas forcément la force que lui attribue Spinoza. Telles sont les principaux traits de la conception classique de la liberté ainsi que les difficultés que cette conception rencontre.
Cependant, l’idée de liberté que défend Sartre n’a aucun rapport avec les présupposés de la conception classique. C’est ce que nous nous attacherons à montrer lors d’un prochain billet.