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Date de création : 26.02.2011
Dernière mise à jour :
31.01.2025
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Rubrique "Philosophie par les textes". Suite du billet N°4379.
Extrait de Philosophie pour tous, Tome IV, A.MENDIRI, Amazon.
Prochain billet demain samedi 01 avril
La pensée est cette faculté vraisemblablement rendue possible par la présence de la conscience, autrement dit cette capacité à prendre du recul par rapport aux contenus mentaux, quels qu’ils soient, que l’on évoque ici de simples images, des émotions, des souvenirs ou de manière plus élaborée des idées, c’est-à-dire des concepts provenant d’une capacité d’abstraction ou une capacité de séparer mentalement ce qui est indissociable au sein de la réalité telle que nous sommes à même de la percevoir. (Par exemple dissocier la couleur, l’odeur, la forme au sein d’une fleur).
D’une manière plus générale, la pensée est la faculté qui permet de modifier intérieurement et volontairement un contenu mental et donc de concevoir un monde possible par opposition au monde perçu. Dès lors la pensée nous conduit à élaborer des hypothèses métaphysiques et religieuses, notamment concernant l’au-delà de la mort, de créer des œuvres d’art, d’inventer des outils, de faire des hypothèses scientifiques, d’imaginer ce que devraient être les rapports sociaux, de distinguer parmi les actions humaines celles qui sont légitimes et celles qui sont condamnables, bref la pensée amène l’humanité à fonder ce que nous appelons des cultures. Or, la culture est un monde artificiel, qui nous arrache à notre nature animale originelle, qui fait de l’homme un être historique, c’est-à-dire un être qui devient l’auteur des changements qu’il connaît à travers le temps et non plus un simple être naturel.
L’importance du langage apparaît alors lorsque l’on constate que la pensée ne peut se développer ou sortir de la simple potentialité à laquelle la condamnerait sa dimension purement naturelle, c’est-à-dire les capacités offertes par son cerveau, que par la médiation du langage. La pensée ne déploie ses possibilités qu’au fur et à mesure que le jeune enfant maîtrise de mieux en mieux le langage. Jusqu’à la fin de la deuxième année, la pensée de l’enfant est une pensée concrète ou liée à ce qu’il perçoit, une pensée pour une large part rivée à l’instant. Ce n’est qu’à partir du moment où il peut dire « Je », vers la troisième année, qu’il commence vraiment à prendre conscience de sa personne et par voie de conséquence de celle d’autrui.
Ces constats conduisent à une première conclusion d’ordre anthropologique (l’anthropologie renvoyant à l’ensemble des sciences ou bien à la réflexion philosophique se donnant pour objet de savoir ce qu’est l’homme) : l’homme n’est ni un être naturel pur, réduit à ses composantes strictement biologiques, ni un être culturel pur mais la rencontre et la complémentarité entre ses capacités naturelles et ses créations culturelles. Ces deux aspects s’avèrent intimement liés et nul ne saurait reconnaître dans chacune des dimensions de l’humanité, ce qui revient spécifiquement à l’une ou l’autre de ces dimensions, au même titre qu’au sein d’un gâteau on ne saurait retrouver de manière séparée la farine, les œufs, le beurre, le lait etc.
En second lieu, demeure le mystère à ce jour de l’apprentissage du langage par la médiation d’une ou plusieurs langues chez le jeune enfant. En effet, apprendre le langage ne consiste pas uniquement ni même essentiellement à mémoriser des signes ainsi que leurs significations. Le jeune enfant qui parle ne se contente pas de puiser au sein de sa mémoire dans un stock de phrases toutes faites. Il crée une nouvelle phrase, en fonction des mots et des règles d’agencement des mots qu’il connaît. Bref, il témoigne de sa maîtrise de ce qu’on appelle la combinatoire du langage, autrement dit de la capacité, à partir d’un nombre de signes conventionnels réduits à créer une infinité potentielle de messages adaptés aux situations de communication rencontrées. Or, il ne peut faire appel pour un tel apprentissage à des facultés mentales qu’il ne possède pas encore et qui requiert précisément un langage élaboré. Il y a donc tout lieu de supposer que le cerveau humain possède la capacité de traiter inconsciemment le « bain de langue » au sein duquel évolue l’enfant, lui permettant ainsi d’actualiser et de maîtriser toujours mieux la combinatoire du langage.
Ainsi, la maîtrise du langage témoigne non seulement de ce qui fait la spécificité de l’homme, à savoir la possession de la pensée et de la conscience, mais également de ses facultés créatrices, sans compter la dimension de gratuité qui caractérise la condition humaine et qui est totalement inconnue du monde animal. Cette dimension de gratuité revêt certes des aspects capitaux de la culture humaine, comme la création d’œuvres d’art ou bien le besoin de connaître pour le seul plaisir de connaître comme c’est le cas concernant la recherche scientifique fondamentale, mais également au niveau des simples échanges humains. La communication entre les hommes ne se réduit pas à des échanges d’information utiles et vitaux mais peut également prendre la forme d’échanges gratuits, c’est-à-dire d’échanges motivés par le simple plaisir d’échanger, de se rappeler mutuellement des moments heureux par exemple.
Cette dernière observation nous conduit à aborder les liens entre le langage et la communication entre les hommes. Très souvent, les langues ordinaires sont accusées de ne pouvoir communiquer ce que nous avons de plus singulier, en particulier nos sentiments. Une langue est en effet composée de mots généraux, partageables par les membres d’une même société sans quoi il n’y aurait pas précisément possibilité d’une communication, d’une mise en commun de nos activités et de nos intentions. Une langue serait donc un outil essentiellement d’ordre social et qui sacrifierait par définition ou nécessité ce qui est individuel et qui serait condamné à demeurer ineffable, si on entend par là toutes les significations qui ne sauraient s’enfermer dans des mots. De ce fait, le langage ne serait pas à même de briser la solitude métaphysique de l’homme, condamné à rester le seul témoin humain de sa vie intérieure, le seul à connaître le sens, la force, la portée de ses émotions par exemple.
Ce procès instruit contre le langage est à la fois vrai et faux. Il est vrai en ce sens que nombre d’hommes ne disposent pas des moyens lui permettant de surmonter les difficultés inhérentes à l’usage ordinaire du langage. Les linguistes expliquent qu’il convient de distinguer la compétence linguistique, consistant à maîtriser la combinatoire du langage, apprentissage qui est tributaire des capacités de notre cerveau, et que tous les enfants acquièrent, sauf pathologie, entre 0 et 5 ans, de la performance linguistique, d’origine essentiellement culturelle, qui concerne l’étendue du vocabulaire possédé et de la facilité d’utilisation des règles syntaxiques. La performance linguistique est tributaire de notre milieu, de notre éducation, de nos expériences de vie.
Ceux qui ont la chance d’accéder à une performance linguistique de haut niveau peuvent beaucoup mieux communiquer leur univers intérieur, car ils trouvent les mots pour le faire ou plus précisément ils sont capables d’effectuer ce travail sur les mots, de créer un univers langagier où ils saisissent mieux eux-mêmes ce qu’ils ont ressenti, ce qui n’était dans leur univers intérieur que des émotions assez brouillonnes, mais rattachées au fil de leur histoire singulière. A certains égards seul l’homme, par la médiation du langage, a le privilège de donner naissance à un monde intérieur qui atteint le stade supérieur du concept, c’est-à-dire de la pensée. Car le concept et la pensée qui le produit, sont une lumière qui donne sens à cet univers et à ce vécu. Grâce à la pensée et au langage qui l’exprime, l’homme accède à un monde fermé à l’animal. Là encore le langage témoigne avec éloquence de la spécificité humaine.
Mais là ne peut pas s’arrêter notre analyse. Il nous faudra examiner d’autres dimensions du langage susceptibles de marquer encore plus fortement l’originalité ontologique de l’homme. Tel sera l’objet du prochain billet consacré à ce thème.