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· 13 CROYANCES, RITES ET FÊTES DU JUDAÏSME
· NATURE HUMAINE ET CONDITION HUMAINE.
· 1 LES FONDEMENTS D'UNE DEMOCRATIE
· 10 LA FONCTION DU MYTHE
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· 12 MOÏSE, FONDATEUR DU JUDAÏSME
· 1 COURS DE PHILOSOPHIE: LA PHILOSOPHIE SPONTANEE.
· 286. LES MANIFESTATIONS DE L'INCONSCIENT PSYCHIQUE.
· 289. INCONSCIENT PSYCHIQUE ET CONNAISSANCE DE SOI.
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rubrique "Philosophie par les textes". Suite du billet N°4400.
Extrait de Philosophie pour tous, Tome IV, A.MENDIRI, Amazon.
Prochain billet demain samedi 22 avril.
Le travail, contrairement à une idée assez répandue dans l’opinion commune, est une activité spécifiquement humaine. Certes, toutes les espèces animales doivent déployer une activité afin de se nourrir, voire, plus épisodiquement, en vue de se reproduire. Cette activité exige des efforts physiques, mobilisent des stratégies spécifiques inspirées par ce savoir inné qu’on appelle instinct et cette activité naturelle s’effectue par la médiation d’organes ou de stimuli d’ordre organique. Dans le cadre de cette activité, il y a souvent ce qui apparaît aux yeux des profanes comme étant des créations naturelles. La toile hexagonale de l’épeire diadème, cette araignée bien connue de nos jardins, le barrage du castor, le nid des oiseaux, la fourmilière ou la ruche des abeilles en sont quelques exemples emblématiques. Toutes ces réalisations sont l’œuvre de l’instinct et élaborées grâce aux organes naturels.
Au vu de ces rappels, la spécificité de l’activité humaine saute aux yeux. Il n’y a en premier lieu aucune réalisation instinctive, identique chez tous les groupes humains. Et pour cause, puisque l’homme est dépourvu de tout instinct entendu comme un savoir inné, propre à une espèce donnée. De plus, s’il est vrai que l’homme utilise un organe naturel, à savoir la main, afin d’agir sur son environnement, si la main peut être considérée légitimement comme un véritable outil naturel, s’il est vrai enfin que seul l’homme possède une véritable main si on entend par là le fait que le pouce puisse rejoindre les autres doigts (ce qui n’est pas le cas chez le singe), il faut aussitôt ajouter que la main n’est que l’organe d’exécution de son cerveau et donc de la pensée et non d’un instinct quelconque. Comme le rappelle à juste titre Marx, l’homme imagine l’action qu’il va mener avant même de l’effectuer. Il s’agit là de la première différence de nature entre son activité et celle du monde animal.
En second lieu, la main comme premier outil est la plupart du temps utilisée afin de tenir et de manipuler des outils artificiels, c’est-à-dire des moyens d’action sur le monde fabriqués avec des objectifs précis et adaptés aux actions à mener. Ces outils, l’action terminée, sont précieusement conservés en vue d’un nouvel usage éventuel et non négligemment abandonnés comme la branche effeuillée du singe lorsqu’il en a fini avec sa quête de termites. L’outil artificiel est le prolongement de la main. Il résulte de l’invention de la pensée et a pour objectif de ne plus se contenter de la seule main afin d’agir sur le monde. L’outil témoigne que l’homme n’est pas qu’un être naturel mais qu’il est également un être culturel et par les changements qu’il opère dans le temps sur son environnement grâce à son action, qu’il est un être historique. L’homme ne se contente pas de s’adapter à la nature, ce qui est une nécessité première, mais au-delà de cette adaptation, il adapte la nature, par l’intermédiaire de sa pensée et de l’outil qui exécute ses ordres, à ses besoins. Nous sommes donc loin de la simple activité naturelle, adaptative et instinctive, de l’animal. Si on accorde un mot spécifique à chacune des réalités spécifiques et si on appelle travail cette activité pensée et transformatrice du réel, alors seul l’homme travaille. Philosopher, c’est d’abord savoir ce que l’on dit quand on parle.
Au-delà du simple outil, l’homme crée des machines. Ce qui différencie la machine du simple outil, c’est que c’est la machine qui produit la force motrice de l’action et non plus la main de l’homme. A certains égards, la machine éloigne l’homme de la nature puisque celui-ci n’est plus en contact direct avec elle, en lui économisant l’effort physique. Cependant, cet éloignement, comme le souligne Hegel, présente ses revers. Hormis pour l’inventeur de la machine, la pensée créatrice a tendance à s’effacer au profit d’une simple activité de contrôle et de maintenance des machines en question, ce qui peut conduire à des effets pervers. D’abord, une telle facilité conduit à l’émiettement des tâches et à leur aspect répétitif et dépourvu d’intérêt. Ensuite, cela peut déshabituer l’homme au contact direct avec la nature, stériliser sa pensée créatrice et adaptative, et in fine le rendre esclave de la machine, tant en ce qui concerne les objectifs à atteindre que les moyens en vue de les atteindre, notamment le rythme imposé par la machine ou plus précisément le rythme prévu par les inventeurs des dites machines. L’homme finit par devenir l’esclave de son esclave, à savoir la machine, illustrant ainsi la célèbre dialectique du maître et de l’esclave de Hegel, qui proclamait que le maître possédant un esclave et habitué en conséquence à ne rien faire finit par ne plus savoir rien faire et donc à être totalement dépendant de son esclave. Cette analyse illustre pour partie la civilisation de haute technicité qui est la nôtre au XXI° siècle.
Mais il importe de rappeler que le travail ne fait pas que décrire l’activité propre à l’homme, si on entend par là une activité qui lui serait extérieure et qui le maintiendrait dans l’état où il se trouvait avant d’avoir engagé cette activité. L’activité animale ne transforme pas ou ne façonne pas l’animal. Elle ne fait que témoigner de sa nature et de ses limites étroitement circonscrites. En revanche, le travail est une activité qui développe les facultés humaines, en particulier la pensée et qui permet de réaliser ses projets, de créer de nouveaux besoins, de construire un monde nouveau ou plus exactement une culture ou une société nouvelle. Le travail façonne l’homme d’une époque et d’un milieu. Mieux, il est possible de considérer, comme le fait Pascal (XVII° siècle), la suite des générations et de leurs réalisations successives comme un seul homme qui accroît sa puissance sur le monde et qui exploite progressivement les possibilités de son espèce, dont il est difficile de savoir si elle possède de véritables limites. Bref l’homme n’est pas enfermé dans une nature ou des nécessités immuables mais est l’auteur, peu à peu, de sa condition présente et de de ce qu’il est ici et maintenant et provisoirement. L’homme collectif, comme l’homme individuel, ne naissent pas homme, ils le deviennent et ils sont maîtres des modèles d’homme qu’ils se donnent en la matière. Telle est une autre différence considérable avec les autres espèces naturelles.
Le travail ne concerne donc pas que l’activité humaine dans la description formelle qu’on peut en faire. Il touche à son identité même et à ses raisons de vivre, au sens qu’il donne à son existence, à la relation qu’il entretient avec le temps et donc à l’horizon inévitable, sur un plan empirique, qu’est la mort. En somme le travail revêt non seulement une dimension anthropologique (qu’est-ce que l’Homme ?), mais également une dimension politique (la vie au sein de la société) et morale (le respect éventuel au sein de cette activité de sa dignité d’homme et au-delà la prise en compte de l’intérêt des générations futures comme le demande Jonas, ce philosophe américain du XX° siècle) et enfin le travail renvoie à une dimension métaphysique, si on entend par là les questions qui touchent notamment au sens même de l’existence.
Comme on le voit, la notion de travail n’est pas une notion pouvant se satisfaire d’analyses uniquement descriptives et plus ou moins convenues, mais elle touche aux questions essentielles concernant le statut de l’homme au sein de cette planète et concernant le sens de son devenir et de celui qu’il peut attribuer à sa vie et à son action. Ce sont à ces questions que nous nous attacherons à répondre très prochainement ou à tout le moins, tenterons de le faire.