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31.01.2025
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Rubrique "Cours: langage et technique". Suite du billet N°4440.
Extrait de Manuel de Philosophie, A.MENDIRI, Amazon.
Prochain billet demain dimanche 11 juin.
Nous avons déjà évoqué quelques-unes des différences de nature entre la communication animale et le langage humain. A vrai dire l’expression « langage humain » est redondante car seul l’homme possède un véritable langage si on entend par là la capacité de combiner des signes témoignant de la créativité d’une pensée. Hegel prenait le soin de distinguer signe et signal. L’animal ne connaît que le signal, c’est-à-dire un « signe » indissociable alors que le signe humain s’avère articulé afin précisément de permettre d’infinies combinaisons et donc d’exprimer les infinies potentialités de la pensée. Par ailleurs, ces signaux sont uniquement relatifs à des besoins vitaux et à ce titre leur champ de compétence reste extrêmement limité.
Pourtant, les éthologues, l’éthologie étant la science des mœurs animales, ont toujours tenté et aujourd’hui encore d’apprendre à des animaux et plus particulièrement à des singes le langage de l’homme. C’est le cas du couple Gardner aux États-Unis. Tous deux éthologues, ils ont profité de la naissance d’un de leursenfantspour élever simultanément et dans les mêmes conditions cet enfant et une jeune guenon chimpanzé dénommée Washoe. Cependant, les cordes vocales du singe n’étant pas assez développées pour imiter les sons humains, ils ont été contraints de lui apprendre le langage des signes des sourds-muets américains, ce dernier se voyant lui-même adapté puisque les singes ont certes un pouce dit opposable, le pouce pouvant rejoindre la paume de la main mais non les autres doigts comme chez l’homme
Les performances de Washoe furent remarquables. Cette dernière a été capable de mémoriser plus de 200 mots ou expressions correspondant à ce langage. Fait encore plus remarquable, elle a transmis elle-même ces connaissances à sa progéniture. En effet, si le chimpanzé possède un moyen de communication inné comportant une trentaine de signaux, ces derniers ne s’actualisent qu’au contact de chimpanzés, au sein de leur société naturelle. Washoe et sa progéniture n’ayant connu que la vie artificielle du contact avec les êtres humains n’ont donc pas développé ce moyen naturel de communication intra spécifique. Ainsi, non seulement Washoe utilisait des « mots » humains afin d’exprimer ses besoins, mais elle est même parvenue, connaissant les mots « oiseau » et « eau » à « créer » des associations empiriques de signaux de type « oiseau-eau » pour désigner un canard.
Quelles sont les conclusions qu’il est possible de tirer de ces expériences spectaculaires ? Diderot le mécréant lançait par dérision aux singes d’un parc zoologique : « Parle et je te baptise ». C’était, derrière ce bon mot, un moyen de souligner la différence capitale entre le langage de l’homme et les moyens de communication des autres espèces animales. Doit-on dire alors que ce type d’expérience remet en cause cette conception classique concernant les différences qui caractérisent ces deux types de communication ?
Il n’en est rien et ce, pour les raisons suivantes : en premier lieu, Washoe utilise certes, de manière adaptée et non pas comme le perroquet de manière mécanique, inadaptée, absurde, les éléments de langage transmis. Mais il les utilise de manière animale, c’est-à-dire à titre de signaux et non de manière humaine. En somme, le singe n’accède pas au langage articulé. Il ne saisit pas, par exemple, que dans l’expression « Washoe veut une banane », le verbe vouloir ou même le mot « veut » peuvent être utilisés au sein d’un autre message. Bien entendu il saisit encore moins le niveau d’articulation le plus abstrait, à savoir que chaque signal émis se compose d’éléments conventionnels réutilisables dans un ordre différent afin de composer d’autres signaux. Bref, il en reste précisément au signal, élément de communication indissociable sans jamais concevoir le signe qui par nature est articulé.
Certes, il crée quelques associations nouvelles et pertinentes de signaux. Mais il s’agit là d’associations correspondant au monde perçu et donc de nature strictement empiriques, et non à un monde relevant de l’imagination ou du simple possible. En somme, dans toutes les performances remarquables du singe, sont mises en évidence à la fois ses capacités très étendues d’apprentissage mais dans le même temps l’absence de cette faculté rendant compte du langage articulé et des possibilités de concevoir un monde possible par opposition au monde perçu, à savoir la pensée. Ajoutons, si besoin en était, que le singe ne peut acquérir que des signaux relatifs aux seuls besoins vitaux, excluant par là même tout ce qui relève des concepts moraux, métaphysiques ou esthétiques.
Ces conclusions rejoignent à la perfection ce que Descartes, dès le XVII° siècle avait pu consigner à ce sujet dans le »Discours de la méthode » :
« Or, (…) on peut (…) connaître la différence qui est entre les hommes et les bêtes. Car c’est une chose bien remarquable, qu’il n’y a point d’hommes si hébétés et si stupides, sans en excepter même les insensés, qu’ils ne soient capables d’arranger ensemble diverses paroles, et d’en composer un discours par lequel ils fassent entendre leurs pensées ; et qu’au contraire il n’y a point d’autre animal tant parfait et tant heureusement né qu’il puisse être, qui fasse le semblable. Ce qui n’arrive pas de ce qu’ils ont faute d’organes, car on voit que les pies et les perroquets peuvent proférer des paroles ainsi que nous, et toutefois ne peuvent parler ainsi que nous, c’est-à-dire, en témoignant qu’ils pensent ce qu’ils disent ; au lieu que les hommes qui, étant nés sourds et muets, sont privés des organes qui servent aux autres pour parler, autant ou plus que les bêtes, ont coutume d’inventer d’eux-mêmes quelques signes, par lesquels ils se font entendre à ceux qui, étant ordinairement avec eux, ont loisir d’apprendre leur langue. Et ceci ne témoigne pas seulement que les bêtes ont moins de raison que les hommes, mais qu’elles n’en ont point du tout. Car on voit qu’il n’en faut que fort peu pour savoir parler ; et d’autant qu’on remarque que l’inégalité entre les animaux d’une même espèce, aussi bien qu’entre les hommes, et que les uns sont plus aisés à dresser que les autres, il n’est pas croyable qu’un singe ou un perroquet, qui serait des plus parfaits de son espèce, n’égalât en cela un enfant des plus stupides, ou du moins un enfant qui aurait le cerveau troublé, si leur âme n’était d’une nature du tout différente de la nôtre. Et on ne doit pas confondre les paroles avec les mouvements naturels, qui témoignent des passions, et peuvent être imités par des machines aussi bien que par les animaux ; ni penser, comme quelques anciens, que les bêtes parlent, bien que nous n’entendions pas leur langage ; car s’il était vrai, puisqu’elles ont plusieurs organes qui se rapportent aux nôtres, elles pourraient aussi bien se faire entendre à nous qu’à leurs semblables ».
Ainsi, les analyses et les propos qui précèdent mettent-ils en pleine lumière l’originalité du langage comparé à tous les autres moyens de communication existant dans le monde animal. Le langage n’est jamais qu’une propriété de la pensée. Il en exprime une des caractéristiques essentielles. Ou plus exactement, il est ce moyen technique qui permet à la pensée de se manifester et d’engendrer par là même les infinies possibilités qu’elle enferme en son sein.