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· 13 CROYANCES, RITES ET FÊTES DU JUDAÏSME
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· 1 COURS DE PHILOSOPHIE: LA PHILOSOPHIE SPONTANEE.
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· 289. INCONSCIENT PSYCHIQUE ET CONNAISSANCE DE SOI.
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Date de création : 26.02.2011
Dernière mise à jour :
31.01.2025
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Rubrique "Philosophie par les textes". Suite du billet N° 4446.
Extrait de Philosophie pour tous, Tome IV, A.MENDIRI, Amazon.
Prochain billet demain samedi 17 juin.
La notion de justice est éminemment complexe. Elle est tributaire de l’idée que nous nous faisons de l’homme. Si l’idée que nous nous faisons de l’homme relève d’options philosophiques, cela atteste qu’il n’y a pas de nature humaine, autrement dit de caractéristiques incontournables qui définiraient ce que doivent être les comportements humains. D’ailleurs, cette incertitude ne concerne pas que les seuls comportements. La religion, la philosophie, la science sont incapables de dire avec clarté en quoi consiste l’homme et donc à partir de quel moment il est possible de considérer qu’il y a incontestablement une vie humaine en formation. Nous faisons allusion ici au statut de l’œuf puis de l’embryon, sujets qui font l’objet de débats idéologiques, d’hypothèses diverses mais non d’un savoir certain et indiscutable. L’homme est toujours un mystère pour lui-même, tant quant à ses origines qu’aux manières d’être qui constitueraient son humanité.
Aussi, le lien que nous avons coutume d’établir entre les notions de justice et d’égalité est-il de nature philosophique, moral voire pour certains religieux. Il est vrai que tous les hommes, faute d’une nature nécessaire, possède une condition où nous trouvons aisément des points communs. Tous les hommes possèdent la conscience, qui les conduit à se révéler la présence du monde et leur propre présence au monde, la pensée qui leur permet d’opérer une distinction entre le monde perçu et un monde possible, la raison qui introduit cohérence et efficacité dans leur action et éventuellement leur fixe les fins qu’ils doivent poursuivre. Tous les hommes se posent des questions à propos du sens des choses et de leur destin mortel, se révèle la beauté et la laideur, tant sur les plans physiques que moral ou même intellectuel, témoignent de la capacité à prendre conscience de l’idée de valeur, à adopter des comportements gratuits, désintéressés mais également monstrueux et dangereux pour eux-mêmes et pour l’espèce.
Mais ces points communs à la condition humaine n’autorisent pas à ériger des valeurs communes qui se verraient constitutives de l’humanité. Car si tel était le cas, à défaut d’une nature qui s’imposerait à eux comme c’est le cas concernant toutes les autres espèces animales, existerait une nature qui s’offrirait à la liberté humaine comme ce qui devrait être sans contestation possible. La différence entre l’espèce humaine et les autres espèces serait relative à la possession de la liberté d’épouser ou non les caractéristiques de notre espèce et non à l’absence de telles caractéristiques.
Or, nous avons eu l’occasion de rappeler que les valeurs dont nous avons hérité de deux mille ans de christianisme, de la philosophie des Lumières, elle-même héritière du rationalisme de la Grèce antique et du christianisme, ne renvoyaient qu’à une certaine idée de l’homme, objet d’un engagement, d’une croyance et non d’un état de fait incontournable. Car les points communs à la condition humaine que nous venons de rappeler peuvent s’interpréter de multiples manières, peuvent faire l’objet d’une pluralité de jugements de valeur. Encore une fois, les valeurs, ce à quoi le sujet accorde de l’importance, ce qui donne sens et raison d’être à sa vie ne peuvent se déduire de manière universelle, univoque des situations ontologiques décrites du sujet conscient. Ce sujet peut préférer des plaisirs intenses mettant en cause la longévité de sa vie plutôt que des plaisirs raisonnables et étalés dans le temps. Ce sujet peut considérer que telle ou telle caractéristique physique, que tel ou tel talent confèrent une supériorité effective sur les membres de son espèce, optant ainsi pour ce qui est à l’opposé des valeurs de l’Occident chrétien et rationaliste, à savoir le racisme.
Ainsi le lien entre l’idée de justice et l’idée d’égale dignité de tous les hommes est-il un engagement philosophique certes très noble mais en même temps qui revêt toute la fragilité liée à une croyance et non à un savoir. Mais il y a plus. Car au sein même de cette option philosophique ou religieuse, l’idée d’égalité comporte plusieurs aspects qui font l’objet de débats.
C’est ainsi que l’idée d’égalité ou d’universalité de l’homme en tant qu’être rationnel initiée par la philosophie grecque de l’Antiquité n’a pas amené ses plus brillants représentants à condamner l’esclavage, qui, rappelons-le, transforme une personne humaine en un objet appartenant à un autre homme. Aristote va même justifier le statut d’esclave au motif qu’il existerait des hommes naturellement destinés à commander et d’autres à obéir. Le message chrétien lui-même n’a pas conduit à une telle condamnation chez certains apôtres comme St Paul, tout au moins sur un plan politique et juridique, car sur un plan théologique le même Paul de Tarse proclame « qu’il n’y a plus ni homme ni femmes, ni esclaves ni hommes libres, ni juifs ni païens » mais simplement « des enfants de Dieu ».
Toujours est-il que cette idée d’égalité a fait son chemin et s’est vu parachevée par l’article premier de la « Déclaration des droits de l’homme et du citoyen » de 1789 : « Tous les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droits ». L’égalité de droit ou l’égalité devant la loi conduisait au refus de toute discrimination au nom du sexe, du milieu social, de l’ethnie, d’engagements philosophiques et religieux ou d’autres critères de ce type.
Néanmoins l’égalité de droit s’est vite révélée comme insuffisante afin d’assurer l’idée de justice fondée sur l’arrière-fond moral de la dignité des personnes. Une personne humaine qui a faim, qui a froid, qui est malade et ne peut se soigner, qui est inculte faute d’avoir reçu une éducation, qui est sans abri faute de ressources voit sa dignité humaine foulée aux pieds. C’est en ce sens qu’à la suite notamment de Marx au XIX° siècle, une sévère critique de l’égalité de droit fut menée, non d’ailleurs de l’égalité de droit en elle-même mais de l’égalité de droit réduite à elle-même.
C’est à ce titre que le XX° siècle a vu se développer, suite à des luttes sociales la plupart du temps, des droits sociaux et collectifs garantissant un minimum de vie décente à tous les membres d’une société démocratique et produisant suffisamment de richesses pour pouvoir assurer ces nouveaux droits. Pensons à l’invention de la sécurité sociale protégeant la famille, permettant de recevoir les soins indispensables, garantissant une vieillesse autonome financièrement parlant, dispensant une éducation pour tous etc. Comme nous le savons également, beaucoup de chemin reste à parcourir. Mais la direction prise constitue un progrès historique considérable.
Notons à ce propos que l’idée de dignité humaine soulève encore de nombreux problèmes encore non résolus ni même parfois abordés. C’est le cas de la mise à l’écart des personnes âgées dépendantes, des conditions de fin de vie, du statut, du rôle, des conditions de vie dans les prisons etc. Bref, l’idée de dignité humaine est grosse d’évolutions sans doute heureuses pour les prochaines décennies ou pour des temps plus éloignés.
Bien entendu, cette idée de dignité humaine ne peut conduire à l’idée d’une égalité parfaite sur un plan social. Car ce serait là sombrer dans l’égalitarisme qui serait à nos yeux une nouvelle source d’injustice. Certes, toutes les fonctions sociales sont éminemment utiles et complémentaires donc indispensables. Mais force est de constater que les niveaux de responsabilité exercés par ces différentes fonctions sociales sont inégaux. Dès lors, les traiter de manière égale serait injuste. Mais faut-il encore que la prise en compte de ces différences de responsabilité n’atteigne pas des écarts indécents et disproportionnés. Certes, aucune mesure strictement rationnelle ne peut hiérarchiser les responsabilités en question. Mais il s’agit d’éviter toute démesure, de rester au sein de dispositions raisonnables, que l’intelligence de situation devrait pouvoir établir. Là encore, comme dirait Platon, « l’intelligence doit tenir le gouvernail ». Comme on le voit, les liens entre dignité, justice, égalité sont fort délicats à mettre en œuvre. Il convient sans cesse de remettre le métier sur l’ouvrage.