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02.03.2025
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Rubrique "Idée de transmission".
Extrait de Philosophie pour tous, Tome VIII (en cours de rédaction), A.MENDIRI
Prochain billet demain vendredi 02 février.
Il convient de préciser ce que signifie exactement le terme de transmission. Deux activités culturelles participent à la transmission : la tradition et l’éducation, les liens entre ces deux facteurs étant bien entendu directs, la tradition se transmettant par l’éducation. Sur un plan étymologique, la tradition signifie « faire passe à un autre, remettre ». Et l’éducation traduit la double idée de « nourrir et élever ».
Bien entendu, ces deux notions de tradition et d’éducation n’ont de sens que pour l’espèce humaine. Il nous faut donc les examiner d’un point de vue anthropologique, autrement dit par rapport à ce que l’on sait de la spécificité de la nature humaine, l’anthropologie constituant l’ensemble des activités culturelles, scientifiques ou philosophiques qui s’interrogent sur cette nature.
L’homme, contrairement à l’animal, ne possède pas d’instincts ou d’un savoir naturel et inné. Pour bien saisir et accepter cette affirmation, il faut bien distinguer instincts et besoins. Bien entendu, l’homme à l’image d’un quelconque animal, possède des besoins d’ordre physiologiques : besoin de se nourrir, besoin de se protéger vis-à-vis des dangers susceptibles de le menacer, besoin de se reposer, besoin de se reproduire afin de perpétuer l’espèce. Mais les manières spécifiques de remplir ces divers besoins relèvent de la culture avec l’infinie diversité que cela suppose et non de la nature avec l’uniformité et la rigidité qui l’accompagnent.
Dès lors s’il existe incontestablement chez l’homme une hérédité biologique ou corporelle, il n’en va pas de même concernant les comportements et l’idée d’hérédité culturelle se voit dépourvue de sens. C’est ce que soutient Jean Rostand dans « Pensées d’un biologiste » : « Le biologique ignore le culturel. De tout ce que l’homme a appris, éprouvé, ressenti au long des siècles, rien ne s’est déposé dans son organisme…Chaque génération doit refaire tout l’apprentissage…De jeunes fourmis isolées de la fourmilière refont d’emblée une fourmilière parfaite. Mais de jeunes humains séparés de l’humanité ne pourraient reprendre qu’à la base l’édification de la cité humaine. La civilisation fourmi est inscrite dans les réflexes de l’insecte…La civilisation de l’homme est dans les bibliothèques, dans les musées, et dans les codes ; elle exprime les chromosomes humains, elle ne s’y imprime pas.
En conséquence une longue éducation est nécessaire pour l’homme afin de d’exploiter les potentialités de son espèce. C’est ainsi qu’il n’y a pas de langue naturelle pour l’espèce humaine. Il doit donc acquérir une langue culturelle, sans laquelle la pensée, autrement dit la capacité de distinguer entre ce qui est perçu et ce qui est simplement possible, ne pourrait s’actualiser. De même, l’absence d’instincts, et donc de comportements innés et de régulations naturelles, impose à l’éducateur la transmission de manières d’être compatibles avec l’intégration au sein d’une vie sociale. Bref, l’homme ne devient homme qu ‘au contact des hommes.
Mais si l’homme est dépourvu d’instincts, il n’en possède pas moins des pulsions, ces forces intérieures impérieuses qui poussent l’individu à rechercher des satisfactions quels que soient les moyens utilisés. De ce point de vue, on conçoit aisément en quoi une éducation réfléchie et rigoureuse s’impose. C’est ce problème que Freud illustre avec force dans « Malaise dans la civilisation » : « L’homme n’est point cet être débonnaire, au cœur assoiffé d’amour, dont on dit qu’il se défend quand on l’attaque, mais un être, au contraire, qui doit porter au compte de ses données pulsionnelles une bonne somme d’agressivité. Pour lui, par conséquent, le prochain n’est pas seulement un auxiliaire et un objet sexuel possibles, mais aussi un objet de tentation. L’homme est, en effet, tenté de satisfaire son besoin d’agression aux dépens de son prochain, d’exploiter son travail sans dédommagements, de l’utiliser sexuellement sans son consentement, de s’approprier ses biens, de l’humilier, de lui infliger des souffrances, de le martyriser et de le tuer (...). Cette tendance à l’agression, que nous pouvons déceler en nous-mêmes et dont nous supposons à bon droit l’existence chez autrui, constitue le facteur principal de perturbation dans nos rapports avec notre prochain ; c’est elle qui impose à la civilisation tant d’efforts. Par suite de cette hostilité primaire qui dresse les hommes les uns contre les autres, la société civilisée est constamment menacée de ruine. L’intérêt du travail solidaire ne suffirait pas à la maintenir : les passions pulsionnelles sont plus fortes que les intérêts rationnels. La civilisation doit tout mettre en œuvre pour limiter l’agressivité humaine et pour en réduire les manifestations à l’aide de réactions psychiques d’ordre éthique. De là, cette mobilisation de méthodes incitant les hommes à des identifications et à des relations d’amour inhibées quant au but ; de là cette restriction de la vie sexuelle ; de là aussi cet idéal imposé d’aimer son prochain comme soi-même, idéal dont la justification véritable est précisément que rien n’est plus contraire à la nature humaine primitive ».
Ce tableau apparemment très pessimiste concernant la nature humaine rejoint à certains égards la conception que Platon développe à propos de ce qui est véritablement humain et par opposition à ce qui demeure inhumain. La métaphore de Platon décrivant l’homme est la suivante : le ventre est le siège des désirs ; le cœur celui des sentiments et des passions ; la tête celui de l’intelligence ou de la raison ou de ce que le philosophe grec désigne par le terme de « nous ». Ce descriptif n’appelle guère de contestation. Mais Platon ajoute qu’il est nécessaire d’observer entre ces trois instances une hiérarchie stricte : les désirs doivent être soumis aux sentiments et les sentiments à l’Intelligence. « L’intelligence doit tenir le gouvernail ».
Mais en vue de quel objectif ? Il ne s’agit pas d’une attitude dictée par des considérations purement morales. Cette hiérarchie entre ces trois instances vise le bien de l’homme. Car tout homme désire être heureux et donc faire son bien. Si l’intelligence commande, l’être humain évite tout excès , tout « hubris », et leurs dérives coupables et dangereuses pour l’individu et le corps social dont il a un besoin vital. Il devient raisonnable.
En revanche si l’intelligence ou la raison se mettent au service des désirs ou des passions afin de proposer les meilleurs moyens pour parvenir aux fins de ces derniers, la rationalité du comportement peut se donner comme objectifs les pires errements du désir ou de passions incontrôlés et sombrer dans l’inhumain pur et simple. Pour adopter un comportement visant son bien et celui de la société à laquelle on appartient et être véritablement humain, nos actions doivent obéir à cet ordre naturel entre désirs, sentiments et intelligence.
L’anthropologie scientifique contemporaine, l’activité qui étudie les caractéristiques spécifiques de l’espèce humaine confirme l’ensemble des analyses qui précèdent. Lucien Malson dans « Les enfants sauvages », met en évidence la différence entre l’homme et l’animal concernant la notion de nature :« Le comportement, chez l’homme, ne doit pas à l’hérédité spécifique ce qu’il lui doit chez l’animal. Le système de besoins et de fonctions biologiques…apparente l’homme à tout être animé sans le caractériser, sans le désigner comme membre de l’ «espèce humaine ». En revanche cette absence de déterminations particulières est parfaitement synonyme d’une présence de possibles indéfinis. A la vie close, dominée et réglée par une « nature donnée », se substitue ici l’existence ouverte, créatrice et ordonnatrice d’une « nature acquise ». Ainsi, sous l’action de circonstances culturelles, une pluralité de types sociaux et non un seul type spécifique pourront-ils apparaître, diversifiant l’humanité selon le temps et l’espace. Ce que l’analyse même des similitudes retient de commun chez les hommes c’est une structure de possibilités…qui ne peut passer à l’être sans un contexte social, quel qu’il soit. Avant la rencontre d’autrui…l’homme n’est rien que des virtualités ».
L’auteur introduit alors la distinction entre l’hérédité et l’héritage, en remarquant que même l’hérédité biologique se voit tributaire des conditions du milieu : « Le problème de la nature humaine, c’est en somme celui de l’hérédité psychologique, car si l’hérédité biologique est un fait aussi clair que le jour, rien n’est plus contestable que la transmission par le germe de « propriétés » définies, décelables, dans l’ordre de la connaissance et de l’affectivité- donc de l’action – ordre où l’humanité, justement se laisse reconnaître. Le naturel, en l’homme, c’est ce qui tient à l’hérédité, le culturel c’est ce qui tient à l’héritage…Il n’est pas facile, déjà, de fixer les frontières du naturel et du culturel dans le domaine purement organique. La taille, le poids de l’enfant, par exemple, sont sous la dépendance de potentialités héréditaires, mais aussi de conditions d’existence plus ou moins favorables qu’offrent le niveau et le mode de civilisation. Que la nourriture, la lumière, la chaleur – mais aussi l’affection – viennent à manquer et le schéma idéal de développement se trouve gravement perturbé. Dans le domaine psychologique les difficultés d’un clivage rigoureux entre le naturel et le culturel deviennent de pures et simples impossibilités. La vie biologique a des conditions physiques extérieures qui l’autorisent à être et à se manifester, la vie psychologique de l’homme des conditions sociales qui lui permettent de surgir et de se perpétuer. Chez l’animal (du reste, de moins en moins nettement au fur et à mesure que l’observation glisse des espèces inférieures aux espèces supérieures) on voit le comportement lié aux automatismes corporels : l’hérédité des instincts n’est au fond qu’une autre désignation de l’hérédité physiologique. Chez l’homme, le concept d’hérédité psychologique, au contraire, si l’on entend par là une transmission interne d’idées, de sentiments et de vouloirs, et quels que soient les processus organiques qu’on imagine à leur source, perd toute signification concevable ».
Il nous faudra cependant approfondir cette idée de nature humaine à la lumière des considérations que nous venons d’évoquer.