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Date de création : 26.02.2011
Dernière mise à jour :
31.01.2025
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Rubrique "Idée de transmission". Suite du billet N°4682.
Extrait de Philosophie pour tous, Tome VIII (en cours de rédaction), A.MENDIRI
Prochain billet demain vendredi 09 février.
L’homme ne devient homme qu’au contact des hommes. Dépourvu de savoir naturel, il ne possède aucun comportement inné qui serait lié à son espèce, aucun langage d’origine biologique et la pensée qui le distingue des autres espèces naturelles et qui assoit sa supériorité sur celles-ci ne pourrait s’actualiser sans l’intervention d’un milieu humain et d’une longue éducation. Bref, il convient de distinguer chez l’homme comme le dit Lucien Malson ce qui tient à l’hérédité biologique et ce qui tient à l’héritage culturel. Or comme le soutient Jean Rostand, « le biologique ignore le culturel… chaque génération doit refaire tout l’apprentissage ». C’est pourquoi chez l’homme « le concept d’hérédité psychologique ...si l’on entend par là une transmission interne d’idées, de sentiments et de vouloirs, et quels que soient les processus organiques qu’on imagine à leur source, perd toute signification concevable ». (L.Malson)
L’éducation doit avoir pour objectif essentiel de faire en sorte que chez l’homme ce soit « l’intelligence qui tienne le gouvernail » comme le préconise Platon, si l’on veut que celui-ci fasse ce qu’il veut véritablement à savoir son bien et par ricochet celui également du corps social et non pas uniquement ce qu’il lui plaît, c’est-à-dire ce que lui inspirent ses désirs et ses passions, l’amenant à une forme d’inhumanité coupable et dangereuse.
Mais il nous faut approfondir l’idée de spécificité de la nature humaine en soulignant par là le caractère vital et absolument nécessaire d’un milieu humain afin qu’un homme accède à toutes les potentialités de son espèce. Le cas des enfants sauvages au début du XX° siècle et tel que L. Malson les a évoqués nous servira de point d’appui en la matière. Rappelons tout d’abord que les enfants sauvages renvoient à des enfants abandonnés à leur naissance et n’ayant pas été en contact avec un milieu humain lors de leurs premières années. Néanmoins, remarquons queles informations extrêmement fragmentaires sur leur vie antérieure (âge de l'abandon, durée de celui-ci, capacités acquises au moment de l'abandon, réalité de l'adoption par des animaux…) font que les « enfants sauvages » ne constituent pas véritablement des cas permettant de discuter scientifiquement ces questions.
Toujours est-il qu’il faut rapporter ces présumés cas aux connaissances biologiques que nous possédons. Rappelons tout d’abord que l’homme est considéré comme étant un prématuré naturel. C’est ce qu’on désigne par le terme de « néoténie ». Cela signifie qu’un enfant, à la naissance , possède la quasi totalité de ses neurones, soit une centaine de milliards mais extrêmement peu de connexions neuroniques, hormis celles qui se sont constituées lors de la vie prénatale mais de manière limitée.
Celles -ci se mettent en place lors des deux premières années post-natales sous l’influence d’un enzyme, c’est-à-dire d’un catalyseur biologique favorisant la myélinisation des connexions neuroniques et permettant le passage du flux nerveux et ce en prenant en compte les stimulations du milieu humain et de l’éducation. Or cet enzyme n’est actif que lors de ces deux ans au cours desquels l’essentiel des connexions s’établissent. Or, pour qu’il soit actif, faut-il encore que des conditions de vie et d’alimentation demeurent satisfaisantes. Ce qui n’est évidemment pas le cas concernant l’enfant « sauvage ». En conséquence celui-ci ne récupère jamais les potentialités de son espèce, à savoir langage et pensée, s’il a été récupéré trop tardivement.
Néanmoins si le milieu joue un rôle capital, il ne faudrait pas en conclure que l’homme est « une cire vierge » comme le souligne F. Jacob dans « Sexualité et diversité humaine ». Car il se trouve que l’interdépendance entre les facteurs naturels et les facteurs culturels a souvent été sous-estimée voire niée pour des raisons idéologiques. Ce fut le cas lors du scandale Lyssenko qui, dans l’ex-Union soviétique, prétendait avoir établi expérimentalement l’hérédité des caractères acquis uniquement en vue de conclure que le milieu constituait le seul facteur qui façonnait l’être humain. A contrario, le biologiste Cyril Burt chargé lors de l’après-guerre par le gouvernement britannique d’étudier les rôles respectifs de l’hérédité biologique et du milieu, falsifia peu à peu les résultats numériques des expériences menées sur 12 jumeaux vrais élevés séparément de par les circonstances et tout ceci pour conclure que l’hérédité entrait pour 80 % dans les caractéristiques psychologiques et cognitives d’un individu.
Or, comme nous allons le voir, non seulement ces résultats étaient falsifiés mais ils n’avaient aucune signification sur le plan de la rigueur scientifique, puisque facteurs biologiques et facteurs culturels se voient intimement liés sans que l’on puisse les distinguer et les repérer au sein d’un individu humain quelconque, au même titre que pour un gâteau de pâtisserie il est impossible de discerner dans le produit final ses différents ingrédients, œufs, farine, sucre, lait etc.
F. Jacob analyse ainsi cette opposition stérile entre les tenants de la « cire vierge » comme Lyssenko et les tenants de la fatalité génétique comme Cyril Burt : « Dans une série de débats, sur l’école, sur la psychiatrie, sur la condition des sexes, on voit ainsi s’affronter deux positions extrêmes, deux attitudes opposées défendues par ceux qu’on pourrait appeler les partisans de la « cire vierge » et les partisans de la « fatalité génétique ». Pour les tenants de la cire vierge, les aptitudes mentales de l’être humain n’ont simplement rien à voir avec la biologie de l’hérédité. Tout y est affaire de culture, de société, d’apprentissage, de conditionnements…Ainsi disparaît toute diversité, toute différence d’ordre héréditaire dans les aptitudes et les talents des individus. Seules comptent les différences sociales et les différences d’éducation. La biologie et ses contraintes s’arrêtent devant le cerveau humain ! Sous cette forme extrême, cette attitude est simplement insoutenable. L’apprentissage n’est rien d’autre que la mise en œuvre d’un programme d’acquérir certaines formes de connaissance ».
Le célèbre biologiste poursuit en indiquant les strates successives et indissociables constituant un être humain : « Les données de la neurobiologie montrent que les circuits de notre système nerveux qui sous-tendent nos capacités et nos aptitudes sont, pour une part au moins, biologiquement déterminés dès la naissance.Comme les corps inertes, les êtres vivants obéissent aux lois de la physique et de la chimie. Simplement, ils obéissent, en plus, à d’autres lois ; ils doivent satisfaire à d’autres contraintes, de nutrition, de reproduction, de variation, etc., qui n’ont aucun sens dans le monde inanimé. Chez l’être humain, aux facteurs biologiques viennent se superposer des facteurs psychiques, linguistiques, culturels, sociaux, économiques, etc. C’est dire que si l’étude de l’homme ne peut se réduire à la biologie, elle ne peut pas non plus s’en passer, pas plus que la biologie de la physique.Tout aussi insoutenable apparaît donc l’attitude opposée, celle de la fatalité génétique, qui, en attribuant à l’hérédité la quasi-totalité de nos aptitudes mentales, dénie pratiquement toute influence du milieu, toute possibilité sérieuse d’amélioration par l’entraînement ou l’apprentissage ».
L’auteur conclut alors : « Ce qui paraît le plus vraisemblable, c’est que, pour toute une série d’aptitudes mentales, le programme génétique met en place ce qu’on pourrait appeler des « structures d’accueil » qui permettent à l’enfant de réagir à son milieu, de repérer des régularités, de les mémoriser... Avec l’apprentissage s’affinent et s’élaborent peu à peu ces structures nerveuses. C’est alors par une interaction constante du biologique et du culturel pendant le développement de l’enfant que peuvent mûrir et s’organiser les structures nerveuses qui sous-tendent les performances mentales. Dans un tel schéma, il est clair qu’attribuer une fraction des structures finales à l’hérédité et le reste au milieu n’a pas de sens. Pas plus que de demander si le goût de Roméo pour Juliette est d’origine génétique ou culturelle ».
De telles analyses avalisent la conception que Pascal se faisait de l’homme dans son « Traité sur le vide ». Il commence par proposer un descriptif de la condition animale afin de mieux la comparer à celle de l’homme : « Les ruches des abeilles étaient aussi bien mesurées il y a mille ans qu’aujourd’hui, et chacune d’elles forme cet hexagone aussi exactement la première fois que la dernière. Il en est de même de tout ce que les animaux produisent par ce mouvement occulte. La nature les instruit à mesure que la nécessité les presse ; mais cette science fragile se perd avec les besoins qu’ils en ont ; comme ils la reçoivent sans étude, ils n’ont pas le bonheur de la conserver ; et toutes les fois qu’elle leur est donnée, elle leur est nouvelle, puisque, la nature n’ayant pour objet que de maintenir les animaux dans un ordre de perfection bornée, elle leur inspire cette science nécessaire, toujours égale, de peur qu’ils ne tombent dans le dépérissement, et ne permet pas qu’ils y ajoutent, de peur qu’ils ne passent les limites qu’elle leur a prescrites ».
En revanche, l’homme est condamné à un progrès perpétuel dans l’ordre de la connaissance : « Il n’en est pas de même pour l’homme, qui n’est produit que pour l’infinité. Il est dans l’ignorance au premier âge de sa vie ; mais il s’instruit sans cesse dans son progrès : car il tire avantage non seulement de sa propre expérience, mais encore de celle de ses prédécesseurs, parce qu’il garde toujours dans sa mémoire les connaissances qu’il s’est une fois acquises, et que celles des anciens lui sont toujours présentes dans les livres qu’ils en ont laissés. Et comme il conserve ces connaissances, il peut aussi les augmenter facilement ; de sorte que les hommes sont aujourd’hui en quelque sorte dans le même état où se trouveraient ces anciens philosophes, s’ils pouvaient avoir vieilli jusqu’à présent, en ajoutant aux connaissances qu’ils avaient celles que leurs études auraient pu leur acquérir à la faveur de tant de siècles ».
Cela amène B. Pascal à considérer tout homme d’une époque donnée comme « un nain sur des épaules de géants », formule que Newton reprendra à son compte : « De là vient, que par une prérogative particulière, non seulement chacun des hommes s’avance de jour en jour dans les sciences, mais que tous les hommes ensemble y font un continuel progrès à mesure que l’univers vieillit, parce que la même chose arrive dans la succession des hommes que dans les âges différents d’un particulier. De sorte que toute la suite des hommes, pendant le cours de tant de siècles, doit être considérée comme un même homme qui subsiste toujours et qui apprend continuellement ».