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31.01.2025
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Rubrique "Liberté au sein dela Cité". Suite du billet N°4725.
Extrait de Philosophie pour tous, Tome VII, A.MENDIRI, Amazon.
Prochain billet demain samedi 23 mars.
Les caractéristiques naturelles de l'homme qu'elles soient en sa défaveur comme ses faibles capacités physiques ou à son avantage comme la possession d'un cerveau éminemment complexe et d'une vraie main, nécessitent toutes deux un milieu favorable soit pour se protéger des dangers de la nature et de la violence de ses congénères, soit pour actualiser et développer ses possibilités spécifiques que sont la pensée et le langage nécessaire à son expression, à savoir une société organisée.
Or, par essence, une véritable société n'est pas une somme d'individus mais un ensemble organisé et réglé par des règles conventionnelles, c'est-à-dire créées par l'homme, puisque la nature est muette en la matière concernant son espèce, et de telles règles, tacites, coutumières ou juridiques semblent contrarier sa liberté naturelle que la possession d'une conscience d'une part, l'absence d'instincts ou de savoir naturel d'autre part, l'autorisent à revendiquer.
Pourtant seule la vie sociale lui permet de développer ses capacités individuelles mais également celles de son espèce, puisque ces dernières exigent la division des tâches dans le cadre d'une organisation impliquant des exigences collectives. Deux questions alors se posent: la liberté authentique d'un individu est-elle compatible avec l'idée de loi et ces lois ne créent-elles pas des limites arbitraires au libre épanouissement des capacités de chacun des membres de la société?
Nous avions remarqué à ce propos qu'il convenait de ne pas confondre liberté authentique et indépendance. La liberté authentique consiste à faire ce que nous voulons vraiment, c'est-à-dire notre bien et par la même occasion le bien de la collectivité alors que la simple indépendance renvoie à une situation où nous pouvons agir sans en référer à une tutelle personnelle ou collective. De plus, rien ne permet d'affirmer que la loi bride nécessairement les compétences des meilleurs. Nous y reviendrons.
Cette conviction de Calliclès, personnage fictif de Platon chargé de faire état d'analyses qu'il réprouve par ailleurs, se heurte à un système de pensée élaboré au XIX° siècle par Marx et dont le fil directeur prend l'exact contre-pied de Calliclès en proclamant que le droit et donc les lois sont toujours au service non pas des plus faibles mais au contraire des plus forts.
Quelle est l'argumentation de Marx soutenant cette thèse? Les lois sont créées par un État. Un État est un ensemble d'institutions ayant une tête, à savoir des gouvernants et une ou plusieurs assemblées qui les assistent et des institutions visant à faire appliquer leurs décisions à savoir une administration, une justice réglant les conflits en principe par rapport au droit existant, une police maintenant l'ordre intérieur de la société et une armée chargée de défendre le territoire concerné par l'autorité étatique vis-à-vis de l'extérieur.
L'existence d'un État est une nécessité historique obéissant à des conditions économiques ou matérielles précises. En effet, selon Marx, depuis les origines de l'humanité, les différentes sociétés sont confrontées à une pénurie relative de biens. Cela signifie qu'il n'y a pas assez de biens produits afin de satisfaire les besoins de l'ensemble de la population. Depuis au moins le néolithique et la sédentarisation est apparue la propriété privée de la Terre, c'est-à-dire des biens de production, aux mains pour l'essentiel d'une élite sociale dans la mesure où toute société suppose une organisation et en conséquence une forme de hiérarchie sociale.
De ce fait, toute société connaît des luttes internes afin de s'approprier le plus de biens produits possibles afin de satisfaire les besoins des composantes de cette société. De telles luttes, inévitables, risquent de mettre en danger la société dans son ensemble et dans sa nécessaire organisation. Il faut donc qu'il y ait un arbitre afin de les limiter ou d'y mettre un terme et cet arbitre c'est l'État. Celui-ci, par définition, comme le soulignait Aristote et comme le soutiendra Weber au XX° siècle, dispose du monopole de la violence légitime. Tel est le point de vue développé par Engels dans "L'origine de la famille, de la propriété privée et de l'État": "pour que les antagonismes, les classes aux intérêts économiques opposés, ne se consument pas, elles et la société, en une lutte stérile, le besoin s'impose d'un pouvoir qui, placé en apparence au-dessus de la société, doit estomper le conflit,, le maintenir dans les limites de "l'ordre" et ce pouvoir, né de la société, mais qui se place au-dessus d'elle et lui devient de plus en plus étranger, c'est l'État".
L'arbitre en question n'est pas neutre. Il siffle toujours dans le même sens, autrement dit au service de la classe dominante, de la classe des propriétaires des moyens de production. Contrairement à ce que l'opinion commune est encline à supposer, ce type d'arbitrage n'est pas inspiré par des considérations morales mettant en exergue la "méchanceté" supposée de la nature humaine. Marx ne moralise pas et ne prend pas en compte des considérations philosophiques sur la nature humaine comme le font Hobbes ou Rousseau par exemple.
L'arbitrage de l'État en général se voit motivé là encore par des nécessités économiques ou matérielles. Quelles que soient les motivations des gouvernants ou des propriétaires des moyens de production, qu'ils soient inspirés par l'appât du profit ou que leurs désirs d'améliorer le sort des plus faibles soit réel, les exigences du système économique, en particulier la dure loi de la concurrence, les amène à maintenir les inégalités engendrées par ce système.
Certes, les pressions exercées par les dominés stimulent l'apparition d'innovations techniques susceptibles d'accroître les biens produits de telle sorte qu'ils satisfassent partiellement les attente des dominés tout en maintenant les privilèges des dominants, autrement dit les inégalités antérieures. Dans ce cadre là, il va de soi que les lois organisant la vie sociale, son ordre intérieur, la production des biens, la résolution des conflits internes sont l'expression des intérêts de la classe dominante, c'est-à-dire, non pas des plus faibles comme le soutenait Calliclès, mais des plus forts.
Une telle interprétation de l'origine et du rôle de l'État explique la distinction célèbre que Marx effectue entre la liberté formelle et la liberté réelle. Les libertés formelles correspondent selon Marx à celles proclamées par la révolution française de 1789. A ses yeux, cette révolution constitue en fait une révolution bourgeoise, une révolution visant à mettre un terme à l"absolutisme et à l'arbitraire de l'ancien régime. Seulement la bourgeoisie renvoie à une classe de possédants, à une classe détenant les leviers du développement économique. Or, quelles que soient leurs éventuelles intentions généreuses, les exigences du système économique les condamnent à maintenir voire à aggraver la condition des classes les plus démunies.
En d'autres termes, les libertés énoncées dans la fameuse Déclaration de 1789 donnent des droits uniquement à la nouvelle classe dominante issue de la révolution qui dispose des moyens matériels ou des revenus pour pouvoir en jouir effectivement. En revanche pour les classes ne disposant pas de ces moyens matériels, ces nouvelles libertés restent purement théoriques ou formelles.
Marx, dans "Le Capital" précise ce qu'il entend par la liberté réelle: "Tout comme l'homme primitif, l'homme civilisé est forcé de se mesurer avec la nature pour satisfaire ses besoins...cet empire de la nécessité naturelle s'élargit parce que les besoins se multiplient; mais en même temps, se développe le processus productif pour les satisfaire; Dans ce domaine, la liberté ne peut consister qu'en ceci: les producteurs associés...règlent de manière rationnelle leurs échanges organiques avec la nature en les soumettant à leur contrôle commun au lieu d'être dominés par la puissance aveugle de ces échanges; et ils les accomplissent en dépensant le moins d'énergie possible...La réduction de la journée de travail est la condition fondamentale de cette libération".
Maisle seul objectif de libérer l'ensemble de la population de "ces chaînes" est une véritable révolution mettant fin au système économique d'exploitation des dominés et à l'État qui en est le protecteur, parfois à son corps défendant. C'est ce que théorise Engels, le compagnon de route de Marx, dans cet extrait de "Anti-Dühring":
"Le prolétariat (à savoir ceux qui ne disposent que de leur force de travail) s'empare du pouvoir d'État et transforme les moyens de production d'abord en propriété d'État. Mais par là, il se supprime lui-même en tant que prolétariat... La société antérieure, évoluant dans des oppositions de classes, avait besoin de l'État... pour maintenir par la force la classe exploitée dans les conditions d'oppression données par le mode de production existant (esclavage, servage, salariat). L'État était le représentant officiel de toute la société... mais cela, il ne l'était que dans la mesure où il était l'État de la classe qui, pour son temps, représentait elle-même toute la société: dans l'Antiquité, État des citoyens propriétaires d'esclaves; au Moyen-Âge, de la noblesse féodale; à notre époque, de la bourgeoisie".
Engels tire ensuite les conséquences de la prise de pouvoir par le prolétariat: "Quand il finit par devenir effectivement le représentant de toute la société, il se rend lui-même superflu". En effet il n'y a plus la nécessité d'un arbitre entre les dominants et les dominés afin de maintenir la cohésion de la société. Mais à vrai dire, l'État ne disparaît pas brusquement. Car la société d'abondance n'est pas atteinte et la pénurie relative des biens, même si elle est appelée à se résorber progressivement, doit être gérée. En conséquence, "l'intervention d'un pouvoir d'État dans (les) rapports sociaux devient superflue dans un domaine après l'autre, et entre ...naturellement en sommeil" qu'au fil du temps nécessaire à l'instauration d'une véritable société d'abondance où les biens sont distribués en fonction des besoins et non en fonction du travail accompli ou du mérite.
C'est alors que "Le gouvernement des personnes (fera) place à l'administration des choses" Une telle perspective répond à l'aspiration du courant anarchiste dont le représentant le plus illustre est Bakounine. A ceci près, qui est fondamental, que celui-ci refuse cette disparition seulement progressive de l'État : "Nous ne concevons pas... qu'on puisse parler de la liberté du prolétariat... dans l'État et par l'État. État veut dire domination, et toute domination suppose l'assujettissement des masses et par conséquent leur exploitation au profit d'une minorité gouvernante quelconque".
Bakounine ajoute alors que la révolution, "lorsqu'elle se trouve concentrée entre les mains de quelques individus gouvernants... devient inévitablement et immédiatement la réaction". Ce qu'il appelle les "marxiens" "professent des idées toutes contraires. Ils sont les adorateurs du pouvoir de l'État, et nécessairement aussi les prophètes de la discipline politique et sociale, les champions de l'ordre établi de haut en bas au nom... de la souveraineté des masses, auxquelles on réserve le bonheur et l'honneur d'obéir à des chefs".
Ainsi, selon les anarchistes, le processus révolutionnaire tel que le conçoivent les disciples de Marx et Engels n'aboutit pas à l'instauration pour les "masses" d'une liberté réelle mais conserve, sous d'autres formes que sous l'autorité de la bourgeoisie des libertés seulement théoriques et formelles.